Œuvres de Saint François De Sales

 

TOME VIII. SERMONS — VOLUME II

 

 

 

Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour un usage personnel ou l'enseignement seulement. Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu. Pas être utilisés à des fins commerciales de toute nature!

Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales

 

Index OCR

 

Index OCR. 2

Première série. Sermons reproduits d'après les autographes. 5

LXVI. Sommaire d'un sermon pour le mercredi après le premier Dimanche de Carême. 5

LXVII. Fragment d'un sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême. 7

LXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême. 8

LXIX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième Dimanche de Carême. 10

LXX. Plan d'un sermon sur la sainte Communion. 12

LXXI. Plan d'un sermon pour le Dimanche de la Passion. 14

LXXII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Ascension. 17

LXXIII. Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent. 20

LXXIV. Plan d'un sermon pour la fête de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge. 21

LXXV. Fragment d'un sermon pour la fête de saint Jean l'Evangéliste. 23

LXXVI. Plan d'un sermon pour l'octave des saints Innocents. 24

LXXVII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie. 27

LXXVIII. Sermon pour le mercredi des Cendres. 30

LXXIX. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent. 38

LXXX. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent. 40

LXXXI. Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de l'Avent. 42

LXXXII. Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent. 45

LXXXIII. Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de l'Avent. 47

LXXXIV. Sermon pour le mercredi des Cendres. 49

LXXXV. Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph. 55

LXXXVI. Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième Dimanche de Carême. 57

LXXXVII. Plan d'un sermon pour le vendredi après le quatrième Dimanche de Carême. 61

LXXXVIII. Sommaire d'un sermon sur la sainte Croix. 63

LXXXIX. Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge. 65

XC. Plan d'un sermon pour le dix-neuvième Dimanche après la Pentecôte. 68

XCI. Fragment d'un sermon pour la fête de la Purification. 70

XCII. Plan d'un sermon pour le quatrième Dimanche après Pâques. 72

XCIII. Plan d'un sermon pour la fête de la Pentecôte. 74

XCIV. Exorde d'un sermon pour le troisième Dimanche de l'Avent. 76

XCV. Plan d'un sermon pour la veille de Noël 77

XCVI. Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph. 81

XCVII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge. 83

XCVIII. Plan d'un sermon pour la fête de la Nativité de la Sainte Vierge. 86

XCIX. Plan d'un sermon pour le vingt-et-unième Dimanche après la Pentecôte. 90

C. Plan d'un sermon pour le vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte. 92

CI. Sommaire d'un panégyrique de saint Charles Borromée. 94

CII. Plan d'un sermon pour la veille de Noël 96

CIII. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie. 99

CIV. Fragment d'un sermon pour le vendredi après le deuxième Dimanche de Carême. 101

CV. Fragment d'un sermon pour le troisième Dimanche de Carême. 103

CVI. Plan d'un sermon pour le vendredi après le Dimanche de la Passion. 105

CVII. Fragment d'un sermon à l'occasion de prières publiques. 107

CVIII. Sommaire d'un sermon sur la Pénitence. 108

CIX. Sommaire d'un sermon pour la fête de la Purication. 110

CX. Paraphrase du Psaume CXXIV.. 112

CXI. Fragment d'une homélie sur l'histoire de Jacob. 116

CXII. Seconde homélie sur le même sujet. 119

CXIII. Fragment d'une autre homélie sur le même sujet. 125

CXIV. Sermon préliminaire sur le Benedictus pour le premier dimanche de l'Avent. 126

CXV. Sommaire d'un sermon sur le premier verset du Benedictus, pour le deuxième Dimanche de l'Avent  131

CXVI. Sermon sur le deuxième verset du Benedictus. 132

CXVII. Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du Benedictus. 139

CXVIII. Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du Benedictus. 141

CXIX. Plan d'un sermon sur le cinquième verset du Benedictus. 143

CXX. Recueil de notes pour le Carême de Grenoble. 146

CXXI. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de Carême. 151

CXXII. Plan d'un sermon pour le lundi après le premier Dimanche de Carême. 155

CXXIII. Plan d'un sermon pour le mardi après le premier Dimanche de Carême. 158

CXXIV. Plan d'un sermon pour le mercredi après le premier Dimanche de Carême. 160

CXXV. Plan d'un sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de Carême. 163

CXXVI. Plan d'un sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême. 166

CXXVII. Plan d'un sermon pour le deuxième Dimanche de Carême. 169

CXXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême. 171

CXXIX. Plan d'un sermon pour le mardi après le deuxième Dimanche de Carême. 174

CXXX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième Dimanche de Carême. 178

CXXXI. Plan d'un sermon pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême. 181

CXXXII. Plan d'un sermon pour le vendredi après le deuxième Dimanche de Carême. 184

CXXXIII. Plan d'un sermon pour le troisième Dimanche de Carême. 187

CXXXIV. Plan d'un sermon pour le lundi après le troisième Dimanche de Carême. 190

CXXXV. Plan d'un sermon pour le mardi après le troisième Dimanche de Carême. 192

CXXXVI. Plan d'un sermon pour le mercredi après le troisième Dimanche de Carême. 195

CXXXVII. Plan d'un sermon pour le jeudi après le troisième Dimanche de Carême. 198

CXXXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième Dimanche de Carême. 201

CXXXIX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le quatrième Dimanche de Carême. 203

CXL. Plan d'un sermon pour le jeudi après le quatrième Dimanche de Carême. 206

CXLI. Sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de Carême. 208

CXLII. Sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême. 213

CXLIII. Sommaire d'un sermon pour le deuxième Dimanche de Carême. 217

CXLIV. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême. 219

CXLV. Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste. 221

CXLVI. Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste. 225

CXLVII. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge. 229

CXLVIII. Recueil de notes pour l'Avent. 230

CXLIX. Sommaire d'un sermon pour le troisième Dimanche de l'Avent. 232

CL. Plan d'un panégyrique de sainte Geneviève. 234

CLI. Notes d'un sermon pour la fête du Saint Sauveur. 236

CLII. Sommaire d'un sermon pour le Dimanche de la Septuagésime. 238

CLIII. Notes d'un sermon pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême. 241

CLIV. Sermon pour la fête de saint Joseph. 243

CLV. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge. 246

CLVI. Sermon pour la fête de saint Philippe et de saint Jacques, et pour le cinquième Dimanche après Pâques  247

CLVII. Recueil de notes sur divers sujets. 250

CLVIII. Sermon pour la fête de l'Exaltation de la sainte Croix. 252

CLIX. Fragment d'un sermon pour la fête de l'Ascension. 255

CLX. Sermon pour le Dimanche de Quasimodo, sur les cinq Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ. 256

 

 

Première série. Sermons reproduits d'après les autographes

 

 

LXVI. Sommaire d'un sermon pour le mercredi après le premier Dimanche de Carême

 

10 mars 1604

 

(INÉDIT)

 

Magister, volumus a te signum videre.

Generatio prava et adultera, etc.

[MATT., XII, 38, 39, XVI, 4.]

 

            Nunquam solidiori cibo usi sunt Israelitæ quam dum manna uterentur; et tamen murmurant, et alium expetunt: mille miraculis fulgebat, et tamen adhuc expetunt.

            Videtur Christus reprehendere istos quod signa petant? [1] Tantum, quomodo? An non merito a Christo signa petunt et expetunt?

Ut res intelligatur, notate Deum verbis suis fidem conciliare solitum miraculis, et maxime ubi aliquid novi pronunciat. Videte in Moyse. Sic Christus tam necessaria illi fuisse miracula, ut Si opera non fecissem quœ nemo alius fecit, peccatum non haberent; Jo. 15; Is. 53. Deinde, miracula sunt Ecclesiœ clos: Signa eos qui crediderint. Ut autem hœc intelligantur, sanctitatem Ecclesiae divido: Oinnis gloria filiœ regis ab intus, in fimbriis aureis, etc.; verum odor vestimentorum, etc. Sic Isaac, odore filii, etc. Vide Manuscriptum. [2]      Quare ergo improperat? Quia hipocritae erant. Magister, volumus videre. Sic c. 4. Jo.: Nisi signa, etc. Sic Thomas: Nisi videro. Credendum Ecclesiæ, et nimia sollicitudo ex pertinacia est. Articulus est sapientise. Generatio prava, atque perversa, adultera. Videntes non vident: excæcatio, ut Pharao, ut Saül, ut Judas. Odio habuerunt me gratis. Esclaire ou chelidoyne aux ictericz. Praeoccupés. Unde: Generatio prava et adultera. Oculi tui columbarum. Nous cherchons l'eau en la mer. Seneca et sa chambriere. Multi dicunt: Quis ostendit nobis bona?

            Verum difficillima est interpretatio. Et signum non dabitur ei nisi signum Jonae Prophaetae. Ia, multorum: id est, Christi resurrectio, etc. Verum multæ hic sunt difficultates; quia non eis magis resurrectio quam ascensio, aut mortuorum, etc. 2a. Nisi signum Jonae Prophaetae: id est, nisi signum condemnationis, quia viri Ninivitœ surgent; Hilarius et Maldonatus. 3a. Id est, nullum: minae, ruinae; adhuc quadraginta dies, etc. Adhuc quadraginta anni. Pauson. Augustus: O quam vellem! [3]

 

 

 

            Maître, nous voulons voir un miracle de vous. Une génération méchante et adultère, etc.

            Les Israélites n'usèrent jamais d'aliment plus solide que lorsqu'ils se nourrissaient de la manne; ils murmurent cependant et en demandent Un autre: Jésus s'était illustré par mille miracles, et cependant ils en exigent encore.

            Le Christ ne semble-t-il pas leur reprocher de demander des miracles? Et [1] comment cela? N'ont-ils pas raison de demander, de réclamer des miracles du Christ?

            Afin de comprendre ce point, notez que Dieu a coutume de faire des miracles pour accréditer ses paroles, surtout lorsqu'il annonce quelque chose de nouveau. Voyez Moïse. Il en est de même du Christ, qui déclare ses miracles si nécessaires que si je n'avais pas fait, [dit-il,] parmi eux des œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient point de peché. Ensuite, les miracles sont une prérogative de l'Eglise: Des prodiges [accompagneront] ceux qui auront cru. Pour faire saisir cette vérité, je considère la sainteté de l'Eglise sous deux aspects: Toute la gloire de la fille du roi est au dedans, avec des franges d'or, etc.; mais le parfum des vêtements, etc. De même Isaac, au parfum de son fils, etc. Voir le Manuscrit. [2]

            Pourquoi donc Jésus les blàme-t-il? Parce qu'ils étaient hypocrites. Maitre, nous voulons voir. Ainsi, en saint Jean, chap. IV: Si [vous ne voyez] des miracles, etc. Ainsi Thomas: Si je ne vois. Il faut croire à l'Eglise, et une trop grande inquiétude provient d'opiniâtreté. C'est une maxime de la sagesse. Une génération méchante, perverse, adultère. Voyant, ils ne voient pas: aveuglement, comme Pharaon, comme Saül, comme Judas. Ils m'ont haï sans sujet... De là: Une génération méchante et adultère. Tes yeux sont ceux des colombes... Beaucoup disent: Qui nous montre le bien?

            Mais l'interprétation est très difficile, Et il ne lui sera donné d'autre signe que celui du Prophète Jonas. 1re interprétation, celle d'un grand nombre: c'est-à-dire la résurrection du Christ, etc. Mais il y a là de nombreuses difficultés; car la résurrection [du Christ] n'était pas plus un signe pour eux que Son ascension ou [la résurrection] des morts, etc. 2me. Si ce n'est le signe du Prophète Jonas, c'est-à-dire, si ce n'est le signe de la condamnation, car les hommes de Ninive se lèveront. 3me. C'est-à-dire, aucun: menaces, ruines; encore quarante jours, etc. Encore quarante ans. Pauson. Auguste: Oh que je voudrais! [3]

LXVII. Fragment d'un sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême

 

12 mars 1604

 

(INÉDIT)

 

DE PISCINA ET AEGROTO

 

            Qui sunt languentes, cæci, claudi, aridi? Cæci: non vident infideles; claudi, vel irascibili vel concupiscibili; aridi: tepidi, vel originale peccatum. Omnia peccata Baptismo lavantur.

            Quinque porticus: quinque libros Pentateuchi, vel quinque sensus. Vel quia Judei et Gentiles cæci, claudi in altero pede, aridi. [4]

            Et qui prior descendebat, sanus fiebat a quacumque infirmitate. In remissionem peccatorum. Unde Christiani pisces, et Christus ιχθύς, piscis. Faciam vos fieri piscatores hominum.

            Ibi sumus filii Dei. Perles. Jam homo ille triginta et octo. Inveteratum morbum, potentiam morbi, etc.

            Hunc cum vidisset. Respice in me, et miserere mei. Praevenisti eum in benedictionibus. Non sumus sufficientes. Confessio: Et cognovisset quia jam multum tempus haberet. Unde plerique, Christum eum interrogasse de sua aegritudine, imo de causa, unde dicit: Noli amplius peccare. Propositum. Vis sanus fieri? Examen. Tolle grabatum tuum, etc. Ninivitæ. Pauson. [5]

 

 

 

LA PISCINE ET LE MALADE

 

            Quels sont les malades, les aveugles, les boiteux, les infirmes dont les membres sont desséchés? Aveugles: les infidèles ne voient pas; boiteux, dans l'appétit irascible ou dans l'appétit concupiscible; desséchés: les tièdes, ou encore ceux qui demeurent dans le péché originel. Le Baptême lave tous les péchés.

            Les cinq portiques: les cinq livres du Pentateuque ou les cinq sens. Ou bien parce que les Juifs et les Gentils sont aveugles, boiteux d'un pied, desséchés spirituellement. [4]

            Et celui qui descendait le premier était guéri de toute infirmité. Pour la rémission des péchés. Aussi les Chrétiens sont-ils appelés poissons, et le Christ ιχθύς, poisson. Je vous ferai devenir pecheurs d'hommes.

            Là, nous sommes enfants de Dieu... Cet homme souffre depuis trente-huit ans. Mal invétéré, puissance de la maladie, etc.

            Lorsque [Jésus] l'eut vu. Regardez-moi et ayef pitié de moi. Vous l'avez prévenu de benédictions. Nous ne sommes pas capables. Confession: Et qu'il connut qu'il était malade depuis longtemps. Plusieurs donc pensent que le Christ l'avait interrogé sur sa maladie et même sur les causes de son mal, voilà pourquoi Jésus dit: Ne pèche plus désormais. Bon propos. Veux-tu être guéri? Examen. Prends ton grabat, etc. Ninivites. Pauson. [5]

LXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême

 

15 mars 1604

 

Quœretis me et non invenietis; et in peccato vestro moriemini.

[JOAN., VII, 34, VIII, 21.]

 

            Severe menace, horrible propos! Sed quomodo potest a tam benigno Patre proficisci?

            Sensum litteralem hunc esse credo: verum Messiam negligitis, me in aliis quœretis, etc. Verum quia etiam intelligitur de eorum morte in peccato, videamus:

 

            1o. Quale malum mori in peccato.

Ezech. 18: Nunquid voluntatis meœ est mors impii, et non ut convertatur et vivat? Convertimini, et agite pœnitentiam ab omnibus iniquitatibus vestris, et non erit in ruinam iniquitas. Quare moriemini, domus Israël? Quia nolo mortem morientis, dicit Dominus Deus; convertimini et vivite. [6]

            Non continebit in ira sua misericordias suas; [Ps.] 76. In ira sua; ut in die judicii. Nunquid obliviscetur misereri Deus? Et remunerat ultra condignum: Miserationes ejus super omnia opera ejus; [Ps.] 144. Misericordiam et judicium. Tamen œterna erit pœna.

            1a ratio: Quia Deus offensus est. Dereliquisti Dominum Deum tuum. Dereliquerunt me fontem aquœ vivœ. Tibi soli peccavi, etc., ut justificeris, etc. 2a: Quia peccator in eo statu se ponit in quo ex natura actus debet esse in æternum. Ibi ergo maneat. 3a: Quia peccator habet voluntatem æternam peccandi; nam si sciens se moriturum peccat, quid faceret si sciret se non moriturum? Dimisit eos secundum desideria cordis eorum, etc.

 

            [2o.] Quæ faciant nos mori in peccatis.

            [1a causa est] falsitas pœnitentiæ. Similis est falsa verse; cigue et persil. Ut autem hanc evitetis, dabo duo signa. Sit integra: Convertimini ad me in toto corde; In toto corde meo exquisivi te; Clamavi in toto corde. Contra hanc conditionem, etc.: 1. Michol, 1 Reg. 19. 2. Item, qui retinent. Sophoniæ: [7] Qui jurant in Deo et jurant in Melchon. Dagon et Arca. Aquila aquatica. Continuatio, non recidiva; durat: Juravi et statui; Benedicam in omni tempore. Peccatum meum contra me est semper; Amplius lava me. Mulier Loth.

            2a causa est falsus timor de pœnitentise asperitate; falsus, nam peccator gaudet et dolet, ut simia nucem. Apes mel excellentes ex thimo. En morior, quid mihi proderunt primogenita? Secundum multitudinem dolorum meorum in corde meo, consolationes tuae lœtificaverunt animam. Dulcis et rectus Dominus. Quam bonus Israel. Quam dulcia faucibus meis! [8]

 

 

 

            Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas; et vous mourrez dans votre péché.

            Sévère menace, horrible propos! Mais comment peut-il venir d'un si bon Père?

            Je crois que le sens littéral est celui-ci: vous laissez de côté le vrai Messie, vous me chercherez dans d'autres, etc. Mais comme on entend aussi ce passage de leur mort dans le péché, voyons:

            1. Quel mal de mourir dans le péché.

Est-ce que je veux la mort de l'impie, et non qu'il se convertisse et qu'il vive? Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l'iniquité ne causera pas votre ruine. Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu; convertissez-vous et vivez. [6]

            Dans sa colère, il ne contiendra pas ses miséricordes. Dans sa colère; comme au jour du jugement. Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié? Et il récompense au delà du mérite : Ses commisérations surpassent toutes ses œuvres. La miséricorde et le jugement. Cependant la peine sera éternelle.

            1re raison : Parce que c'est Dieu qui a été offensé. Tu as abandonné le Seigneur ton Dieu, Ils m'ont abandonné, moi, source d'eau vive. J'ai péché contre vous seul, etc., afin que vous soyez reconnu juste, etc. 2me: Parce que le pécheur se constitue en un état dans lequel par la nature même de son acte il doit éternellement demeurer. Qu'il y reste donc. 3me: Parce que le pécheur a une volonté éternelle de pécher; car s'il pèche sachant qu'il est mortel, que ne ferait-il pas s'il se savait immortel ? Il les a abandonnés aux désirs de leur cœur, etc.

            [2.] Ce qui nous fait mourir dans le péché.

            [La première cause est] que la pénitence est fausse. La fausse ressemble à la vraie... Pour vous faire éviter la fausse, je vous donnerai deux signes de la vraie. Qu'elle soit entière: Convertissez-vous a moi de tout votre cœur; Je vous ai cherché de tout mon cœur; J'ai crié de tout mon cœur. Contre cette condition, etc.: 1. Michol. 2. De même, ceux qui retiennent. Qui [7] jurent par Dieu et jurent par Melchom. Dagon et l'Arche. Aigle aquatique. Qu'elle soit continue, sans rechute; elle dure: J'ai juré et établi; Je bénirai en tout temps. Mon péché est toujours devant moi. Purifier-moi encore plus. La femme de Loth.

            La deuxième cause est une fausse crainte des rigueurs de la pénitence; fausse, car le pécheur se réjouit et s'attriste, comme le singe qui mange une noix. Les abeilles tirent du thym le meilleur miel. Voici que je meurs, à quoi me servira mon droit d'aînesse? A proportion de la multitude des douleurs de mon cœur, vos consolations ont réjoui mon âme. Le Seigneur est doux et juste. Que Dieu est bon à Israël! Que vos paroles sont douces à mon palais! [8]

LXIX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième Dimanche de Carême

 

17 mars 1604

 

(INÉDIT)

 

Sedere autem ad dexteram meam, etc.

[Matt., XX, 23.]

 

            Mira ambitionis rusticitas! Loquitur de Passione Dominus, ista accurrit. Musica in luctu importuna narratio.

            Incipiendum a fine. Non est meum dare vobis, ut hominis, nam id Dei est; Aug. Nunc nam veni invitare ad pugnam; Ambros. Vobis, cognatis, petentibus qui nondum meruistis (Remigius; «superbis»), sed quibus paratum, id est, bene meritis. Nam videtur alludere ad id quod dicturus erat: Possidete paratum vobis regnum; esurivi enim, etc. Psal. 61: Tu reddes unicuique secundum opera sua. Mat. 16: Filius hominis venturus est in gloria Patris, et tune reddet unicuique. Ro. 2: Thesaurisas tibi iram in [9] die irae, et... justi... qui reddet, etc. Apoc. ult.: Ecce venio cito, et merces mea mecum est, reddere unicuique. 2. Cor. 4: Leve hoc et momentaneum tribulationis nostrae, supra modum in sublimitate aeternum gloriae pondus operatur in nobis.

            Luc. 17: Cum feceritis haec omnia, dicite: Servi inutiles sumus. Amb.: Ex natura. Nostro nam quicquid habemus ex Deo est; utilitas ergo ex Deo. Purpura. Et qui loquebatur mecum, habebat mensuram arundineam auream; mensura hominis, quae est mensura Angeli; [Apoc.,] 21. Beda: Deo, non nobis, quoniam bonorum nostrorum non eget. Augs.: Quia per se mancipia sumus, meremur quia ita vult Deus. Chrisost.: Dicite; at ego non dicam, sed euge, serve bone et fidelis. Beda: Minus meruimus quam accipiemus; ultra condignum. Bern., divinement, 1. de Praecepto et Dispens., c. 19:

                         « Non feci furtum. Non pasces in cruce corvos.

            Bersab., Adonias, Abisag. [10]

            Simia humilitatis ambitio. Taurus, avis minima, bovem imitatur. Dæmocrates Accius poeta, statuam. Anthistenes cynicus. Crocodilus. Arbores folia invertentes. Cameleon. Agrippina. [11]

 

 

 

            Mais d'être assis à ma droite, etc.

            Etrange rusticité de l'ambition! Le Seigneur parle de sa Passion, cette mère accourt. Un récit inopportun est comme une musique pendant le deuil.

            Il faut commencer par la fin. Ce n'est pas à moi, comme homme, de vous l'accorder, car ceci relève de Dieu; saint Augustin. Pour le moment, en effet, je suis venu appeler au combat; saint Ambroise. A vous, parents, qui demandez et n'avez pas encore mérité (Remi, «orgueilleux»), mais à ceux pour qui il a été préparé, c'est-à-dire, qui ont bien mérité. En effet, il semble faire allusion à ce qu'il allait dire: Possèdez le royaume qui vous a été préparé; car j'ai eu faim, etc. Vous rendrez à chacun selon ses œuvres. Le Fils de l'homme viendra dans la gloire de son Père, et alors il rendra à chacun. [9] Tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère, et... du juste... qui rendra, etc. Voil'a que je viens bientôt, et ma récompense est avec moi, pour rendre à chacun. Notre tribulation présente, légère et momentanée, opère en nous sans mesure dans la sublimité un poids éternel de gloire.

            Quand vous aurez fait tout cela, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles. Saint Ambroise: Par la nature. Car tout ce que nous avons vient de notre Dieu; c'est donc par Dieu que nous sommes utiles. La pourpre. Et celui qui me parlait avait un roseau d'or pour mesurer; mesure d'homme, qui est la mesure de l'Ange. Saint Bède: Pour Dieu, non pour nous, parce qu'il n'a pas besoin de nos biens. Saint Augustin: Parce que nous sommes esclaves par nature, nous ne méritons que par la volonté de Dieu. Saint Chrysostôme: Dites; pour moi, je ne le dirai pas, mais courage, bon et fidèle serviteur. Saint Bède : Nous avons moins mérité que nous ne recevrons; au delà de notre mérite. Saint Bernard, divinement, liv. du Précepte et de la Dispense, chap. XIX:

                        «Je n'ai pas fait de larcin. Tu ne seras pas, sur le gibet, la pâture des corbeaux.»

            Bersabée, Adonias, Abisag. [10]

            L'ambition est le singe de l'humilité. Le taurus, très petit oiseau, veut ressembler au bœuf. Démocrate. Le poète Accius et sa statue. Le cynique Antisthène. Le crocodile. Les arbres qui renversent leurs feuilles. Le caméléon. Agrippine. [11]

 

LXX. Plan d'un sermon sur la sainte Communion

 

1604

 

(INÉDIT)

 

            Præparation. L'intention: obeir, s'unir a Dieu et au prochain.

            Le desir: [pour] obeir, pour l'amour, pour lhonneur, pour le besoin.

            Attention au mistere, a ce quil represente, a ses effectz.

            Exercice: amour, valeur, prieres.

……………………………………………………………………………………………………..

            Naaman: Si dixisset tibi rem grandem; c. 5. 4 Reg.

            Pour s'unir a Dieu. In me manet et ego in eo. Nulla major unio quam cibi. Erunt duo in carne una. Unde beatitudo cænæ et manducationi comparatur. Job: Quis det de carnibus ejus ut saturemur? Sponsa: [12] Fasciculus mirrhae Dilectus meus mihi, inter ubera mea commorabitur. Quam hoc belle dicere possumus! Pauper habebat tantum unam oviculam; emerat, nutriverat: de ejus pane manducans et bibens de calice, dormiens in sinu suo. Similitudo cerae; Cyril. Fermentum; Cyrill. Cyp.: malagma.

            Cura proximo. Omnes unum corpus sumus, qui de uno pane participamus et de uno calice participants. Hic de ovicula David; 2. Reg. 12. Ut flores uni arbori adhærentes, ut gemmae uni coronae. Hinc omnes sumus consanguinei, quia uno corpore et uno sanguine vegetamur ad vitam æternam.

……………………………………………………………………………………………………..

            Baltazar, vasa sacra; Dan. 5.

            Ad Passionem: Quotiescumque feceritis, mortem Domini annunciabitis donec veniat. Cecidit in deserto raanna, et idem manna servatum est in vase aureo; Heb. 9. Cum eo erat virga Aaron (crux) et tabulae, etc. Hinc Helias sub junipero. Hinc Ex. 12 praecipitur: Si dicant vobis; Agnus paschalis. Miscui mirrham cum lacte meo. [13]

            Ad Cælum: Laetatus sum in iis quae dicta sunt mihi: Vivet in aeternum. Qui se nobis dat in manna abscondite, etc., cætera dabit postea in aperto. Jonathas comedens mel apertos habuit oculos. Cognoverunt eum in fractione panis.

……………………………………………………………………………………………………..

            Pone me ut signaculum, etc. Dilectus meus mihi, etc. Maintenant mon mari m'aimera; Lia, Gen. 29.

            Valeur. Elephas viso sanguine sumit animos. Et Heliæ: Grandis tibi restat via. Panis cor hominis confirmet. Non timebo mala quoniam tu mecum eas. Si tu viens avec moi, j’iray; Barac a Debora, Jud. 4.

            Prieres: Molossiens; Plut., in Themist. Respice in faciem Christi tui. Moly, dodecatheon, in aqua epota, omnibus medetur morbis; difficulter eruitur; [Plin., Hist. nat.,] 1. 25. c. 4. [14]

 

 

 

            Naaman: Quand même il t'aurait dit une chose difficile.

            Il demeure en moi et moi en lui. Nulle union plus grande que celle de la nourriture. Ils seront deux en une seule chair. C'est pourquoi la béatitude est comparée à un souper et à une manducation. Qui nous donnera de nous [12] rassasier de sa chair? L'Epouse: Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe, il demeurera entre mes mamelles. Avec quel à propos pouvons-nous dire ceci! Un pauvre avait seulement une petite brebis; il l'avait achetée, nourrie: elle mangeait de son pain et buvait de sa coupe, dormait sur son sein. Similitude delà cire; saint Cyrille. Levain; saint Cyrille. Saint Cyprien: épithème.

            Avec le prochain. Nous sommes tous un seul corps, nous qui participons à un seul pain et à un seul calice. Introduire ici cette histoire de la petite brebis de David. Comme les fleurs adhérentes au même arbre, comme les pierreries d'une même couronne. C'est pour cela que nous sommes tous frères, parce que par le même corps et le même sang nous sommes nourris pour la vie éternelle.

……………………………………………………………………………………………………..

            Balthasar, vases sacrés.

            A la Passion: Toutes les fois que vous le ferez, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne. La manne tomba dans le désert, et la même manne fut gardée dans un vase d'or. Avec elle il y avait la verge d'Aaron (la croix) et les tables, etc. Pour cela, Elle [se trouve] sous le genièvre. Pour cela, il est ordonné dans l'Exode, XII: S'ils vous demandent, etc; Agneau pascal. J'ai mêlé la myrrhe avec mon lait. [13]

            Au Ciel: Je me suis réjoui des paroles qui m'ont été dites: II vivra eternellement. Celui qui se donne à nous dans la manne d'une maniere cachée, nous donnera ensuite le reste à découvert. Jonathas mangeant le miel, eut les yeux ouverts. Ils le reconnurent à la fraction du pain.

……………………………………………………………………………………………………..

            Pose-moi comme un sceau, etc. Mon Bien-Aime est a moi, etc.

            L'elephant voyant le sang reprend ses esprits. Et Elie; II te reste un long chemin. Que le pain fortifie le cœur de l'homme. Je ne craindrai point les maux parce que vous allez avec moi.

            Regardez en la face de votre Christ. Le moly, dodécathéon, bu dans l'eau, guérit toutes les maladies; difficile à extirper. [14]

LXXI. Plan d'un sermon pour le Dimanche de la Passion

 

12 mars 1606

 

Quis ex vobis arguet me de peccato?

Si veritatem dico vobis, quare non

creditis mihi? Qui ex Deo est, verba

Dei audit; propterea vos non auditis

quia ex Deo non estis.

[JOAN., VIII, 46, 47.]

 

            Initio proponitur historia Josue, VI, de civitate Hiericho expugnata per sacerdotes portantes Arcam fcederis et buccinis concrepantes. Arcam fœderis portare est legem implere, juxta illud: Jugum enim meum suave et onus meum leve. Digito autem suo nolunt ea movere. Buccina est Mot Dei. Nunc Christus expugnaturus Hierico, lunaticam hanc civitatem mundi, ostendit se veluti alterum Josue portasse Arcam foederis et legem implesse, Quis ex vobis arguet me de peccato? [15] ac etiam prædicasse et buccina Mot Dei prædicasse: Si veritatem dico vobis, quare non creditis mihi? Nihil obstat quo minus credatis, nam et veritatem dico et nihil in vita mea contrarium reperietis. In musica erratur quando magister, etsi recte cantet, tamen male mensuram manu indicat. At ego, ait Dominus, recte canto et melius pulso: Quare ergo non credunt cum veritatem dico?

            Imo, Domine, quia veritatem dicis non potest suscipi doctrina tua. Prophetae tui viderunt tibi falsa et stulta, nec aperiebant iniquitatem tuam ut te ad poenitentiam provocarent; Thren. 2. Id tamen æquum. Et tu, fili hominis, sume tibi laterem, et pones eum coram te, et describes in eo civitatem Hierusalem; et ordinabis adversus eam obsidionem, et aedificabis munitiones, et comportabis aggerem, et dabis contra eam castra, et pones arietes in gyro. Later est cor hominis, nam terra est; Hierusalem est decor et dignitas animæ et imaginis Dei, fidei et donorum Dei; cognitio Christi, esse Christianum. Et ordinabis obsidionem; id fit dum ostenditur homini quot vitiis, peccatis et criminibus obsideatur. Sed quid tandem [16] effectum? Obduruerunt. Sic hic obduruerunt et lapides sustulerunt. Insignis historia, 2. Par. 24, de Zacharia, filio Joyadae sacerdotis, occiso a Joas et populo. Historiam vide de veritate victrice, 3. Esd. 3 et 4; Zorobabel: «Vincit» et vincet «veritas.»

            Postquam amovit omnem excusationem, rationem reddit cur non audiant. Qui ex Deo est, verba Dei audit. Signum prsedestinationis et quod sumus filii Dei est audire ejus verba. Pueri ludentes (sic) si pater unius tussi tantum sonet levi, filius intelligit, cæteris non advertentibus. Act. 2: Et quomodo nos audivimus unusquisque linguam nostram in qua nati sumus? Unusquisque linguam suam audit: audit mundanus linguam mundi, superbiam; audit carnalis linguam carnis, concupiscentiam; audit diabolicus linguam diaboli, rixas. Oves matres ab agnis balantes audiuntur, et perdices perdices.

            Sed dicetis: Nos audimus. At et hic isti maledicti audiebant; audire non dicitur qui non obedit. Estote factores verbi, et non auditores tantum, fallentes vosmetipsos, etc.; Jacobi 1°. Venite, descendamus et confundamus linguam eorum, ut non audiat unusquisque vocem proximi sui; Gen. 11; ut non [17] audiat, id est, intelligat. Quomodo cognoscitis aliquem esse surdum? quando scilicet non movetur verbis. Rebeccæ prope fontem dantur ab Eliezer inaures pondo syclorum duo, et armillæ pondo siclorum decem; Gen. 24.

            Præcipua autem causa cur non audiant sunt odia, malevolentiæ, ut hic videmus. Impedit ira animum. Furor illis sicut aspidis surdae. Continuerunt aures suas, et impetum fecerunt unanimiter in eum.

            Responderunt Judaei et dixerunt: Nonne bene dicimus nos quia Samaritanus es tu, et daemonium habes? Isti sunt sermones diaboli, nimirum blasphemiae, sermones inferni. Respondit Jesus: Ego (de Samaritano nihil dicit quia constabat) daemonium non habeo, sed honorifico Patrem meum, et vos inhonorastis me. Ego non quaero gloriam meam; est qui quaerat et judicet. Amen amen dico vobis: Si quis sermonem meum servaverit, mortem non videbit in aeternum. Servare ut Virgo, ut David custodire. Dixerunt ergo Judaei: Nunc cognovimus quia daemonium habes; Abraham mortuus est, et Prophetae mortui sunt, quem teipsum facis? Respondit [18] Jesus: Si ego glorifico meipsum, gloria mea nihil est; est Pater meus, etc.

            Deut. 4: Cum quœsieris Dominum invenies, si tamen quœsieris in toto corde et tota tribulatione animae tuae. Joel: Scindite corda. Sacrificium Deo spiritus contribulatus, cor contritum, etc. Et in cubilibus vestris compungimini. Peccatum meum contra me est semper. Convertatur vir a via sua mala. Averte faciem tuam a peccatis meis. 2. Reg. 24: Percussit autem cor David eum, et dixit: Peccavi valde in hoc facto; vertatur, obsecro, manus tua contra me. Verterunt ad me tergum, et non faciem. Egressus est a facie Domini. Denigrata est super carbones. [19]

 

 

 

            Qui d'entre voits me convaincra de pichi? Si je vous dis la viriti, pourquoi ne me croyez-vous point? Celui qui est (le Dieu, icoute les paroles dc Dieu; et si vous ne les icontez point, c'est parce quc vous n'êtes point de Dieu.

            Exposer au debut l'histoire de Josue, VI, au sujet de Jericho enlevee par les pretres qui portaient l'Arche d'alliance, au son des trompettes. Porter l'Arche d'alliance, c'est accomplir la loi, d'apres ce texte: Car mon joug est doux et mon fardeau léger. Mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. La trompette est la parole de Dieu. Et maintenant le Christ, qui vient s'emparer de Jericho, la ville de la lune, la cite du monde, s'annonce comme un autre Josue qui a porte l'Arche d'alliance et accompli la loi, Qui d'entre vous me [15]

convaincra de péché? et aussi qui a prêché et fait retentir comme une trompette la parole de Dieu: Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous point? Rien ne vous empeche de croire, puisque je vous dis la vérité et que vous ne trouverez rien dans ma vie qui n'y soit conforme. Il y a faute en musique, quand le maître, bon chanteur d'ailleurs, bat mal la mesure. Mais moi, dit le Seigneur, je chante juste et bats mieux encore: Pourquoi donc ne croient-ils pas quand je dis la vérité?

            Eh! Seigneur, c'est parce que vous dites la vérité qu'on ne peut accepter votre doctrine. Tes prophètes ont eu pour toi des visions fausses et insensées, et ils ne découvraient pas ton iniquité pour te provoquer à la pénitence. Pourtant, ils auraient dû le faire. Et toi, fils de l'homme, prends une brique, mets-la devant toi et tu y décriras la cité de Jérusalem; et tu disposeras contre elle un siège, et tu bâtiras des fortifications, tu formeras un rempart, tu établiras contre elle des camps, et tu mettras des béliers autour. La brique, c'est le cœur de l'homme, car il est terre; Jérusalem, c'est l'ornement et la dignité de l'âme et de l'image de Dieu, de la foi et des dons de Dieu; connaître le Christ, être Chrétien. Et tu disposeras un siège; ce qui a lieu lorsqu'on montre à l'homme par combien de vices, de péchés, de crimes il est assiégé. Mais quel en a été l'effet? Ils s'endurcirent. Ils s'endurcirent de même ici et prirent des pierres. [16] Remarquable histoire de Zacharie, fils du prêtre Joïada, tué par Joas et le peuple. Voir l'histoire de la vérité victorieuse, III Esdr., III et IV; Zorobabel; «La vérité triomphe» et triomphera.

            Après avoir écarté toute excuse, le Christ donne la raison pour laquelle ils ne veulent pas écouter. Celui qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu. Entendre la parole de Dieu est un signe de prédestination et de filiation divine. Quand les enfants jouent, si seulement le père de l'un d'entre eux tousse légèrement, lors même que tous les autres n'y prendraient pas garde, son fils l'entend. Et comment avons-nous entendu chacun notre langue dans laquelle nous sommes nés? Chacun entend sa langue: le mondain entend la langue du monde, l'orgueil; le charnel entend la langue de la chair, la concupiscence; le fils du diable entend la langue du diable, les querelles. Les agneaux entendent leurs mères bélant, et les perdrix entendent les perdrix.

            Mais vous direz: Nous avons entendu. Ces maudits aussi entendaient à ce moment; on dit que celui qui n'obéit pas n'entend pas. Pratiquez la parole et ne l'écoutez pas seulement, vous trompant vous-mêmes, etc. Venez, descendons et confondons leur langue, afin que l'un n'entende pas la parole de l'autre; afin [17] qu'il n'entende pas, c'est-à-dire, qu'il ne comprenne pas. Comment connaissez-vous que quelqu'un est sourd, sinon quand les paroles ne l'atteignent pas? Près de la fontaine, Eliézer donne à Rébecca des pendants d'oreilles du poids de deux sicles, et des bracelets du poids de dix sicles.

            Mais la cause principale pour laquelle ils n'entendent pas est la haine, la malveillance dont nous les voyons animés. La colère embarrasse l'esprit. Leur fureur est semblable a celle d'un aspic sourd. Ils se bouchèrent les oreilles et se précipitèrent tous ensemble sur lui.

            Les Juifs répondirent et lui dirent: Ne disons-nous pas avec raison que vous êtes un Samaritain et qu'un démon est en vous? Ces paroles-ci sont bien les propos du diable, c'est-à-dire, des blasphèmes, des paroles infernales. Jésus répondit: Je n'ai pas de démon en moi (il ne parle pas de Samaritain; il est évident qu'il ne l'était pas), mais j'honore mon Père, et vous, vous me déshonorez. Je ne cherche point ma gloire; il est quelqu'un qui la cherchera et qui jugera. En vérité, en vérité, je vous le dis: Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. L'observer comme la Sainte Vierge, la garder comme David. Les Juifs dirent donc; Maintenant nous connaissons qu'il y a un démon en [18] vous; Abraham est mort, et les Prophètes aussi, qui prétendez-vous être? Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien; c'est mon Père, etc.

            Lorsque tu chercheras le Seigneur, tu le trouveras, si toutefois tu le cherches de tout ton cœur et dans toute l'affliction de ton âme. Déchirez vos cœurs. Le sacrifice que Dieu désire est un esprit affligé, un cœur contrit, etc. Excitez-vous à la componction dans vos lits. Mon péché est toujours devant moi. Que l'homme se détourne de sa mauvaise voie. Détournez votre face de mes péchés. Mais le cœur de David fut frappé de remords et il dit: J'ai beaucoup péché en cette action; que votre main, je vous en prie, se tourne contre moi. Ils ont tourne vers moi le dos et non la face. Il se retira de devant la face du Seigneur. [Leur face] est devenue plus noire que le charbon. [19]

LXXII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Ascension

 

24 mai 1607

 

Et Dominus quidem Jesus, postquam

locutus est eis, assumptus est in

Caelum, et sedet a dextris Dei.

[MARC., ult., 19.]

 

            Quand Helie fut ravi, Helisee luy demanda son esprit au double; cui Hælias: Rem grandem postulasti, verumtamen si videris me ascendentem ita fiet; si non videris, non fiet. Sic sane, auditores, si Christum ascendentem viderimus, in nobis fiet cumulatissimus donorum ejus thesaurus. Eia ergo, oculis mentis intueamur ascendentem; ac ne oculi caligent, s'esblouissent, petamus a Deo gratiam ut se permittat videri, per eam per quam nobis visibilis factus est. [20]

            Jam olim, cum Christus suam carnem, se ipsum, panem vivum et celestem, suis daturum discipulis promitteret, durum illud discipulis visum est. Quare et dixerunt: Quomodo potest? et: Durus est hic sermo. Et ainsy murmuroyent-ilz; Christus autem sciens, etc.: Hoc vos scandalizat? Si ergo videritis Filium hominis ascendentem ubi erat prius? Prævidit nimirum futurum ut ex Christi Ascensione plerique Sacramentum Eucharistiæ destruere conarentur, ut faciunt omnes hujus temporis Sacramentarii. Ego ergo ante omnia eorum spinas evellam, mox flosculos plantabo.

            Solent hæretici extrema semper appetere. In omnibus Ecclesia, inquit Tertullianus, ut et Christus, in medio latronum semper crucifixa est. Yerbi gratia, si de Scriptura agatur, Swenckfeldius, Quintinus, Chopinus nullum Mot volunt, sed omnia inspiratione; alii plerique omnes nihil Ecclesiæ, inspirante Spiritu Sancto, credunt. Si de Trinitate, Servetus cum Samosateno nullam distinctionem personalem, Valentinus Gentilis, trinitatem essentiæ. Si de Christo, Nestorius duas personas esse vult, Eutiches unam naturam. Si de honore Virginis, Collyridiani adorandam sacrificio, [21] Copronymus nullo honore dignam. Si de pœnitentia, Novatus nullam sufficere, Pelagiani omnem. Ac ut ad rem veniamus, nostro tempore, circa misterium Eucharistiæ, Ubiquidistæ ubique, alii nullibi in hoc mundo sed tantum extra mundum in Cælo reperiri. Illi non ascendisse, isti non remansisse.

            At Ecclesia Catholica transiens per medium illorum ibat, neque ubique neo nullibi in mundo, sed in Sacramento Eucharistise, ubi Christus voluit. Quare? Quia utrumque dixit qui utrumque potuit; neque dixit et noluit. Solent fere semper hseretici hujus temporis, ubi duo in Scriptura repererint quæ non intelligunt quomodo simul stare possint, unum altero expellere, quamvis contraria non sint. Verbi gratia: fides justificat, ergo opera non justificant, cum utrumque dicat clarissime Scriptura; Ecclesia et fides et opera, ex Jacobo. Mot Dei scriptum tenendum, ergo Traditiones abjiciendæ; Ecclesia: Tenete Traditiones quas accepistis, sive per sermonem, sive per Epistolam nostram; 2. Thess. 2. v. 14. Confitendum Deo, ergo non Christi [22] ministris; at Ecclesia, et Deo et ministris. Et sic propemodum semper, ut hic: articulus est fidei «ascendit ad cælos,» ergo non est in Eucharistia; at Ecclesia: et est hic et est in Eucharistia. Tota ratio facti est omnipotentia facientis.

            Solet humana ratio sæpissime impingere in hunc scopulum. Abraham, cum audiret senex se filium hæredem habiturum, interpretatus est de Eliezer. Gen. enim, 13. v. 16, Deus promisit semen; Gen. 15, 2, 3, interpretatur Abraham de Eliezer. Gen. 17. v. 16 et 17, Dieu annonce un enfant de Sara, Abraham rit: Putasne centenario? etc.; utinam Ismael vivat. Gen. XVIII, idem Sara. Major est Deus corde nostro. Abraham postea credit contra spem, immolando Isaac, de cujus prole tanta illi promissio facta fuerat.

            Jam vero quia Christum Ascensionem suam testatam fecisse nemini dubium; ejus in Eucharistia presentiam breviter probemus ex Scriptura. Promittit, dat, docet. Docet Paulo, I Cor. XI: Ego enim accepi, etc., in qua nocte tradebatur, etc., accepit panem. Sed fecit corpus suum, quod prius panis fuit; ut aquam in vinum, pulverem terræ in corpus hominis et carnem, os Adami in Evam. Manhu? quid est hoc? Iste est [23] panis quem dedit Dominus ad vescendum. Crediderunt Israelitæ, nec dixerunt: Non habet effigiem panis, sed coriandri, aut brumse et verglas; sed omnes collegerunt. At Christus nunc ait: Hoc est corpus meum; quid hæsitas? Corpus Christi est sine dubio. Noctu cadebat man, ne viderent Israelitæ quomodo fit, sed factam crederent: factum crede, modum faciendi ne inquire.

            Porro et Chrisost., ante annos 13. ad miraculum ipsum refert; 1. 3. De Sacerdotio. «O miraculum,» inquit,«o Dei benignitatem! Qui cum Patre sursum sedet, in illo ipso temporis articulo omnium manibus pertractatur, ac seipsum tradit omnibus volentibus eum excipere et amplecti.» Et hom. 2. ad Antioch.: «Elias meloten discipulo reliquit, Filius Dei ascendens suam carnem dimisit; sed Helias quidem exutus, Christus autem et nobis reliquit et ipsam habens» abscondit.

            At tandem non solum Ascensio [non] obest articulo de Eucharistia, sed prodest; nam videte quaeso quale corpus, non amplius carnale sed spiritale, penetrat cælos; 1. Cor. XV, v. 44. [24]

            Or sus, c'est chose extremement douce que de bien croire et l'un et l'autre. Mais puisque c'en est la feste, meditons un peu le second, l'Ascension. Il estoit certes bien raysonnable que ce Sauveur exalte en croix fut exalte en gloire. C'est icy le dernier et le complement des misteres de la Redemption. Osculetur me osculo oris sui; Fuge, Dilecte, assimilare capreae hinnuloque cervorum super montes aromatum. Sed quare nos non trahit? Magnes trahit ferrum, nisi obstet adamas intermedius, pinguedo et allium. Ad Philip. I. V. 23: Coarctor enim a duobus, etc. [25]

 

 

 

            Et le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut élevé dans le Ciel, et il est assis à la droite de Dieu.

            Quand Elie fut ravi, Elisée lui demanda son esprit au double; Elie répondit: Tu as demandé une grande chose, cependant, si tu me vois monter, cela se fera; si tu ne me vois pas monter, cela ne se fera pas. Il en sera de même assurément, auditeurs: si nous voyons l'Ascension du Christ, le trésor le plus abondant de ses dons nous sera communiqué. Courage donc! Des yeux de l'âme, contemplons son Ascension; et, de crainte que nos yeux soient éblouis, demandons à Dieu la grâce qui nous permettra de le voir, par l'entremise de Celle dont il s'est servi pour se rendre visible aux hommes. [20]

            Autrefois déjà, le Christ avait promis à ses disciples qu'il leur donnerait sa propre chair, lui-même, le pain vivant et céleste, et ceux-ci avaient trouvé cette parole dure. Ils dirent donc: Comment peut-il? et: Cette parole est dure... Or, le Christ sachant, etc.: Cela vous scandalise? Et si vous voyiez le Fils de l'homme montant où il était auparavant? Il prévoyait sans doute qu'un grand nombre tireraient de l'Ascension du Christ un argument pour s'efforcer d'anéantir le Sacrement de l'Eucharistie. C'est ce que font tous les Sacramentaires de notre époque. Avant tout, j'arracherai donc leurs épines, pour planter ensuite quelques fleurs.

            Les hérétiques ont l'habitude de rechercher toujours les extrêmes. En tout et toujours, l'Eglise, dit Tertullien, est comme le Christ, crucifiée entre deux larrons. Par exemple, s'agit-il de l'Ecriture, Swenckfeld, Quintinus, Chopin, ne veulent pas de parole, tout vient par inspiration; et presque tous les autres refusent absolument de croire à l'Eglise, inspirée par l'Esprit-Saint. S'agit-il de la Trinité, Servet et Paul de Samosate n'admettent aucune distinction de personnes, Valentin Gentilis affirme une triple essence. Dans le Christ, Nestorius veut voir deux personnes, Eutychès, une seule nature. Pour l'honneur dû à la Sainte Vierge, les Collyridiens la veulent adorer par des sacrifices, Copronyme ne la uge digne d'aucun culte. S'agit-il [21] de la pénitence, Novat enseigne qu'aucune n'est suffisante, Pélage, que la plus légère suffit. Et pour en venir à notre sujet, de notre temps, relativement au mystère de l'Eucharistie, les Ubiquitaires déclarent que Jésus est partout, d'autres, qu'il n'est nulle part en ce monde, mais seulement hors de ce monde, au Ciel; ceux-là nient qu'il soit monté, ceux-ci qu'il soit demeuré.

            Mais l'Eglise Catholique, passant au milieu d'eux, s'en allait, et dit: Le Christ n'est ni partout, ni nulle part en ce monde, mais il est où il a voulu, dans le Sacrement de l'Eucharistie. Pourquoi? Parce que Celui qui pouvait faire l'un et l'autre a affirmé l'un et l'autre; et il n'a pas promis et refusé. Presque toujours les hérétiques contemporains, lorsqu'ils trouvent deux vérités de l'Ecriture dont ils ne peuvent comprendre l'existence simultanée, ont coutume d'en détruire l'une par l'autre, bien qu'elles ne soient pas contraires. Ainsi: la foi justifie, donc les œuvres ne justifient pas; et pourtant l'Ecriture enseigne très clairement ces deux points. L'Eglise, d'après saint Jacques, admet la foi et les œuvres. Il faut s'en tenir à la parole de Dieu écrite, donc rejeter les Traditions; l'Eglise dit: Gardez les Traditions que vous avez reçues, soit par nos discours, soit par notre Epître. Il faut se confesser à Dieu, donc pas aux ministres du Christ ; mais l'Eglise dit: à Dieu et à ses [22] ministres. Et il en est ainsi presque toujours, comme dans ce cas: c'est un article de foi que Jésus «est monté aux cieux,» il n'est donc pas dans l'Eucharistie; mais l'Eglise dit: oui, il est là-haut, et il est dans l'Eucharistie. Toute la raison de l'acte est dans la toute-puissance de Celui qui agit.

            La raison humaine butte très souvent à cet écueil. Abraham, déjà vieux, apprend qu'il aura un héritier, il l'interprète d'Eliézer. Car, Gen., XIII, 16, Dieu lui promet une postérité; Gen., XV, 2, 3, Abraham l'interprète d'Eliézer. Gen., XVII, 16, 17, Dieu annonce un enfant de Sara, Abraham rit: Pensez-vous qu'à un centenaire? etc.; plaise à Dieu qu'Ismael vive! Gen., XVIII, Sara de même. Dieu est plus grand que notre cœur. Abraham, dans la suite, croit contre l'espérance en immolant Isaac, pour la postérité duquel de si belles promesses lui avaient été faites.

            Mais le Christ a prouvé son Ascension par témoins, nul n'en doute. Prouvons en peu de mots, par l'Ecriture, sa présence dans l'Eucharistie. Il la promet, la donne, l'enseigne. Il l'enseigne à saint Paul: Car j'ai reçu moi-même, etc., la nuit où il fut livré, etc., il prit le pain. Mais il fit son corps de ce qui auparavant était pain; comme l'eau changée en vin, la poussière de la terre en corps humain et en chair, l'os d'Adam en Eve. Manhu? qu'est ceci? C'est le [23] pain que le Seigneur a donné a manger. Les Israélites crurent, ils ne dirent pas: Cela ressemble non pas au pain, mats à la coriandre, à la gelée blanche, au verglas; non, tous en recueillirent. Or, le Christ dit maintenant: Ceci est mon corps; pourquoi hésites-tu? Assurément, c'est le corps du Christ. La manne tombait la nuit, pour que les Israélites ne vissent pas son mode de production, mais qu'une fois produite ils y crussent: crois au fait sans rechercher comment il s'est produit.

            Or, il y a treize cents ans que saint Chrysostôme s'en rapportait à ce miracle ; Du Sacerdoce, liv. III. «O miracle,» s'écriait-il, «ô bonté de Dieu! Celui qui siège là-haut avec le Père, en ce moment même, se livre à toutes les mains, se donne lui-même à tous ceux qui veulent le recevoir et l'embrasser.» Et hom. II aux Antiochiens: «Elie laisse à son disciple son manteau; le Fils de Dieu, montant au Ciel, nous laisse sa chair; mais Elie s'était dépouillé, le Christ, lui, nous laisse sa chair sans la quitter lui-même,» bien qu'il la cache.

            Mais enfin il y a plus. Loin de contredire l'Eucharistie, l'Ascension lui sert d'appui. Voyez en effet, je vous prie, ce corps, non plus charnel, mais spirituel, qui pénètre les cieux. [24]

            Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche. Fuyez, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches, sur les montagnes des aromates. Mais pourquoi ne nous entraine-t-il pas? L'aimant attire le fer, pourvu que n'y mettent obstacle ni un diamant interposé, ni une substance graisseuse, ni l'ail. Car je me sens pressé des deux côtés, etc. [25]

LXXIII. Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent

 

30 novembre 1608

 

(INÉDIT)

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Et stellis, id est, affectionibus: heu, invertentur omnia; affectus pravi cadent, amor temporalium, etc. Et in terris pressura gentium; in carne pressura sensuum. Prœ altitudine sonitus maris; maris, id est, mortis, mare enim dolorum est. Arescentibus hominibus, interiore et exteriore, prœ timore eorum quœ supervenient universo orbi, id est, homini integro. Tunc vos, qui Christum primo venientem excepistis, levate capita vestra. [26]

            Oratio fiat recapitulando. Erigo me ad te, nam tu es qui rigas aqua montes, ut saturentur ligna campi et cedri Libani; illic passeres nidificabunt. Herodii domus dux est eorum, id est, herodius primum nidificabit, alios ad nidificandum ducendo et inducendo. Montes excelsi cervis, ad pascendum cum arcentur a venatore. Petra refugium erinaceis, sive marinis sive terrestribus, licet diversimode. [27]

 

 

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Et dans les étoiles, c'est-à-dire dans les affections: ô Dieu! tout changera; les affections dépravées tomberont, ainsi que l'amour des biens passagers, etc. Et sur la terre la détresse des nations: dans la chair, détresse des sens. A cause du mugissement retentissant de la mer; de la mer, c'est-à-dire de la mort, car la mort est une mer de douleurs. Les hommes séchant, l'homme intérieur et l'homme extérieur, de frayeur, épouvantés qu'ils seront par ce qui surviendra dans tout l'univers, c'est-à-dire, dans l'homme tout entier. Alors, vous, qui avez reçu Jésus-Christ dans son premier avènement, levez la tête. [26]

            Récapituler sous forme de prière. Je m'élève vers vous, car c'est vous qui arrosez d'eau les montagnes, afin que les arbres de la campagne et les cèdres du Liban soient rassasiés; les passereaux y feront leurs nids. La demeure du liéron est leur chef, c'est-à-dire, le héron est le premier à faire son nid, afin de conduire et d'induire les autres à faire les leurs. Les montagnes élevées fournissent des pâturages aux cerfs quand ils sont repoussés par le veneur. I.e rocher sert de refuge aux hérissons, soit maritimes, soit terrestres, mais de diverses manières. [27]

LXXIV. Plan d'un sermon pour la fête de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge

 

8 décembre 1608

 

(INÉDIT)

 

AD FESTUM CONCEPTIONIS BEATISSIMÆ VIRGINIS ET ANNIVERSARIUM MEÆ CONSECRATIONIS, 1608

 

Dilectus meus mihi et ego illi; qui

pascitur inter lilia, donec aspiret

dies et inclinentur umbrœ.

[CANT., II, 16, 17.] [28]

 

            Le grand amour que Nostre Seigneur porte a Nostre Dame et par lequel il se rend tout sien, est cause que Nostre Dame reciproquement est toute sienne, et par consequent qu'elle n'a peu contracter aucun peché. Sa divine Majesté nous veuille rendre tout siens. Vous voyes que je vay faire un discours tout d'amour, mais que je ne puis faire si le Saint Esprit, amour celeste, ne m'inspire, et que Celle qui par luy a receu plus d'amour que nulle creature ne m'en impetre la grace. [28]

            Omnes Patres iis verbis immensum mutuum amorem Sponsi et Sponsæ demonstrari tradunt. Neque in hoc est difficultas; amor quidem Sponsi ad Sponsam: Dilectus meus mihi; Sponsæ ad Sponsum: et ego illi. Quia autem Christus est Sponsus, quamquam nihil sit dubium de ejus amore, consolationis ergo videamus signa amoris Christi erga Matrem.

            Primum signum amoris est unio affectiva sive voluntatis; unde Christus: Si quis diligit me, sermonem meum servabit; Qui dicit se diligere Deum et mandata ejus non servat, mendax est; Erat illis cor unum et anima una; Anima Jonatœ conglutinata est cum anima David. Unde Aug., 4. Confess., c. 6, laudat dicentem de amico «dimidium animæ meæ,» quia amicus affective est alter ego. Sed non possum continere quin dicam duo: et historiam illam de amicitia Augustini, et retractationem quam fecit illorum verborum quæ sunt in fine cap. 6: «Ille autem qui dixit dimidium,» etc. Horatius est, de Virgilio navigante:

                        «Et serves animæ dimidium meæ.»

Jam vero quam Christus univerit se Matri: Et erat [29] subditus illis, ut semper voluntatem ejus fecerit sicut gratissimæ sponsæ, et illa vicissim conjunctissima Christo: Pone me ut signaculum supra cor tuum. Et illud: Ego dormio et cor meum vigilat, de corde Virginis Christo. Et illud: Tuam ipsius animam doloris gladius pertransibit. Hugo de anima Christi, quae anima est Mariæ, interpretatur; unde ad Crucem stat vincta canalibus, sicut lilium inter spinas.

            Secundum signum amoris, ad Philip. I: Eo quod habeam vos in corde meo, est adhæsio intima. Agglutinata est anima Jonathœ; Adhœsit anima mea post te; Mihi autem adhœrere Deo bonum est. Talis fuit amor Noemi et Ruth. Jam maxima adhæsio Christi ad Virginem ubique, et rursus Virginis ad Christum, unde: Dilectus meus mihi; Quaeram quem diligit anima mea; Quis nos separabit a charitate Christi? Christo confixus sum cruci.

            Tertium signum, exstasis sive raptus. Dionysius Areopagita, [1.] 4. de Divinis Nominibus, ait Christum exstasim passum cum venit ad uterum Virginis: Ego ex ore Altissimi prodivi, primogenita ante omnem creaturam. At Virgo vicissim extra se fuit: Mihi [30] vivere Christus est et mori lucrum; Vivo ego, jam non ego. Hugonis sententia huc refertur.

            Quartum est zelus, qui duplex: concupiscentiæ, ut prætendentium dignitates, quia ad bonum limitatum, et hic est invidia; amicitiæ, et avertit mala ab amico. Hic zelus fuit in Virgine maximus. Pro domo Dei: Quis scandalizatur et ego non uror? Zelus Christi de Virgine: Pone me ut signaculum supra cor tuum; Hortus conclusus; Capite nobis vulpes parvulas quae demoliuntur vineas, nam vinea mea floruit; Dilectus meus mihi. [31]

 

 

 

POUR LA FÊTE DE LA CONCEPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE ET L'ANNIVERSAIRE DE MA CONSÉCRATION, 1608

 

            Mon Bien-Aimé est à moi et moi je suis à lui; il se repaît parmi les lis, jusqu'à ce que le jour paraisse et que les ombres s'inclinent. [28]

            Tous les Pères trouvent dans ces paroles une preuve de l'immense et mutuel amour de l'Epoux et de l'Epouse. Nulle difficulté sur ce point. En effet, amour de l'Epoux pour l'Epouse: Mon Bien-Aime est à moi; et de l'Epouse pour l'Epoux: Et moi je suis à lui. Comme le Christ est l'Epoux, bien que nous ne puissions douter de son amour, cependant, pour notre consolation, voyons les témoignages d'amour de Jésus envers sa Mère.

            Le premier signe de l'amour est une union affective, soit de volonté; c'est pourquoi le Christ dit: Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole. Celui qui dit qu'il aime Dieu et ne garde pas ses commandements est un menteur. Ils n'étaient qu'un cœur et qu'une âme. L'âme de Jonathas s'était collée a l'âme de David. Voilà pourquoi saint Augustin, liv. IV de ses Confessions, chap. VI, loue celui qui nommait son ami «la moitié de mon âme,» car par l'union mutuelle qui naît de l'affection, un ami est un autre soi-même. Mais je ne puis m'empècher de citer deux faits: cette histoire de l'amitié de saint Augustin et la rétractation qu'il fit de ces mots qui se trouvent à la fin du chap. VI: «Mais celui qui a appelé la moitié,» etc. C'est Horace parlant de Virgile qui voyageait sur mer:

                        «Et que tu gardes la moitié de mon âme.»

Or, combien Jésus était uni à sa Mère: Et il leur était soumis, faisant toujours [29] sa volonté comme celle d'une épouse très aimée. Elle, à son tour, était très intimement liée au Christ: Pose-moi comme un sceau sur ton cœur. Et cet autre texte; Je dors et mon cœur veille, s'entend du cœur de la Vierge pour le Christ. Et celui-ci: Un glaive de douleur transpercera ton âme, Hugues l'interprète de l'âme du Christ qui est l'âme de Marie; aussi, près de la Croix, elle se tient debout liée dans des canaux, comme le lis entre les épines.

            Deuxième signe d'amour; aux Philippiens, I: Parce que je vous ai dans mon cœur; c'est l'union intime. L'âme de Jonathas se colla étroitement. Mon âme s'est attachée a vous. Pour moi, il m'est bon d'adhérer à Dieu. Tel fut l'amour de Noémi et de Ruth. Partant, l'union du Christ à la Vierge fut très grande partout, de même aussi celle de la Vierge au Christ : Mon Bien-Aimé est à moi. Je chercherai celui que chérit mon âme. Qui nous séparera de la charité du Christ? Je suis cloué a la croix avec le Christ.

            Troisième signe, l'extase ou le ravissement. Denis l'Aréopagite, liv. IV des Noms Divins, dit que le Christ subit une extase en entrant dans le sein de la Vierge: C'est moi qui suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature. A son tour, la Vierge fut hors d'elle-même ; [30] Pour moi, vivre, c'est le Christ, et mourir m'est un gain; Je vis, non plus moi. La parole de Hugues se rapporte ici.

            Le quatrième est le zèle. Il est double: celui de concupiscence, comme le zèle de qui prétend aux dignités; parce que ce bien est limité, ce zèle s'appelle envie. Celui d'amitié est le zèle qui protège l'ami contre les maux. Ce zèle atteignit son plus haut degré en Marie. Pour la maison de Dieu: Qui est scandalisé sans que je brûle? Zèle du Christ pour la Vierge: Pose-moi comme un sceau sur ton cœur. Jardin fermé. Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes, car ma vigne a fleuri. Mon Bien-Aimé est à moi. [31]

LXXV. Fragment d'un sermon pour la fête de saint Jean l'Evangéliste

 

27 decembre 1608

 

(INÉDIT)

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Porro sententia contraria est Hyppolyti et D. Amb. in Lucam. Quatuor argumentis probatur.

            [1.] Mat. 16: Sunt de hic stantibus qui non gustabunt mortem donec videant Filium hominis in regno suo; et ibi loquebatur de regni cælesti.

            2. Calicem quidem meum bibetis.

            3. Apoc. X: Angelus qui stabat super mare et super terram: Opportet te iterum prophetare gentibus et populis et linguis et regibus multis.

            4. Hoc loco: [Sic eum volo manere donec veniam, quid ad te?]

            Verum si mortuus est, qua morte? Morte amoris. [32]

 

 

 

……………………………………………………………………………………………………..

            J'ajoute que l'opinion contraire est soutenue par saint Hyppolite, et par saint Ambroise [dans son Commentaire] sur saint Luc, et qu'elle se prouve par quatre arguments.

            [1.] Il y en a de ceux qui sont ici présents qui ne goûteront pas la mort jusqu'à ce qu'ils voient le Fils de l'homme dans son royaume; et là il parlait du royaume céleste.

            2. Vous boirez en effet mon calice.

            3. L'Ange qui se tenait debout sur la mer et sur la terre: Il faut encore que tu prophétises a un grand nombre de nations, de peuples, d'hommes de diverses langues et de rois.

            4. Par ce texte: [Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe?]

            Mais si vraiment il est mort, de quelle mort? De la mort d'amour. [32]

LXXVI. Plan d'un sermon pour l'octave des saints Innocents

 

4 janvier 1609

 

(INÉDIT)

 

AD DOMINICAM 1. JANUARII, QUÆ ERAT OCTAVA INNOCENTIUM

1609, NECII

 

            Quemadmodum in tabulis et picturis in quibus sunt multæ personæ en petit volume, semper aliquid superest videndum et notandum, umbræ, pourfilz, raccourcissemens, entorses; sic in Evangelio Innocentium, in quibus sunt tot personæ parvæ, et præsertim parvulus ille Puer qui quæritur et non invenitur. Quare idem retractare animus est, addito tamen reditu ex Ægipto. [33]

            Ecce Angelus Domini apparuit in somnis Joseph, dicens. Quis Angelus? Non sane Christi si commodi genitivum faciamus, sed Christi si possessive; non enim indiguit custode Angelo, sed ministro: ergo Gabriel fuit.

            Dicam pauca de Angelorum custodia. Habent omnes homines, habent diocæses, habent urbes, habent ecclesiæ et monasteria. D.Hyeronimi luculentum est testimonium, epistola ad Sabinianum, sigillatim de Angelo custode præsepis et cubiculi Virginis. Hoc notavit D. Dionys., De Cœlesti Hierarchia, c. 4.

            Accipe Puerum et Matrem ejus, et fuge in Ægiptum usquedum dicam tibi. Recens natus Christus (sic) qui vult custodire debet fugere Hærodem. Quis est iste Herodes qui quærit Puerum ut perdat eum? Satan est, qui dum videt Christum adhuc puerum vult eum perdere, immissis suis satellitibus variis. Ecce in hoc festo Nativitatis Christum suscepistis. Luxuriosus ille confessus est et Christum suscepit, et ecce Hærodes immittit cogitationem turpem vel blanditias; ecce Angelus: Fuge, fuge. Alius confessus est se blasphemasse, [34] et suscepit Puerum; immittit Hærodes: Lude, etc. Videte, dum Christus adhuc tener est; cavete, sitis astuti.

                        «Nescio quis teneros oculus mihi fascinat agnos.»

Cum vero mortuus vobis fuerit mundus, tunc poteritis paulo liberius uti. Cum vos mundo et mundus vobis crucifixus fuerit, Deus immortalis. De elephantero timente vestigia hominis. Et cum etiam tibi crucifixus mundus videbitur, time; nam sæpe fingit se crucifixum, ut polipus apud Granatensem. Sed dices, ubi fugiam? Fuge non loca sed occasiones.

            Accipe Puerum et Matrem ejus. Puer Jesus, Salvator, Maria, mare amarum. Vis tibi Christum conservare? conserva pœnitentiam. Eum lacta; sis paululum sollicitior initio. Futurum est enim ut Hærodes quærat Puerum ad perdendum eum. Aliqui quærunt Jesum sicut Sponsa: Inveni quem diligit anima mea, tenui, nec dimittam. Quis nos separabit? Mihi autem adhærere Deo bonum est. Alii quærunt ad perdendum. Quærit lupus, quærit pastor. Sic Judas quærit Jesum.Ut quid claudicatis in utramque partem?

            Tamen Deus vult nos ab hominibus doceri, non ab [35] Angelis regulariter; ipsi tamen juvant ac fovent inspirationibus, illuminationibus. Vide Jo. Lor., 43. Historiam Prati spiritualis.

 

            In Ægipto fuit circa sex annos, plus minusve. Nihil eorum dixit Evangelista quæ ibi gessit Christus. Fabrum contemplamini, et ego quidem existimo quod quemadmodum Joseph parvulus somniabat, qui tam egregius postea fuit somniorum interpres, et David pascebat gregem patris qui tam belle pavit Israelem, ita Christus faciebat cruces, unde postea tam egregius fuit crucifixus et crucifixor.

            Interim moritur Herodes. Quid fecisti ut regnares? Occidisti pueros. Heu miser! Peccatum tuum manet, regnum tuum non manet: ita plerique hominum. Ut pueri in equis ligneis ambulantes, appellant equos, hinniunt eorum nomine, currunt, saltant, et pascuntur illa pueritia, sic regnum appellant timeri, cum tamen regnare sit amari; exaltant se et credunt divitias eos exaltare, cum deprimant.

            Et Angelus iterum redit: Revertere in terram Israel. Non dicit ubi, sed pedetentim ite. Omnes volunt scire quid ipsis futurum sit. David: Dies diei [36] eructat Mot, et nox nocti indicat scientiam; ut reddam vota mea de die in diem. Beatus Franciscus odio habuit formicas, quæ congregant sibi tantum et mittunt in terram; non apes, quæ mellificant pro tempore hiberno, sed non mittunt in terram nec sibi. Beata Catharina Senensis: «Cogita de me et ego cogitabo de te.»

            Revertitur in Nazareth, in parva casa, quæ omnimodam paupertatem redolet. Deus bone! et nos volumus omnia prospera, omnia læta. [37]

 

 

 

POUR LE PREMIER DIMANCHE DE JANVIER QUI SE TROUVAIT ÊTRE L'OCTAVE DES SAINTS INNOCENTS. 1609, ANNECY

 

            Dans les tableaux et peintures qui représentent un grand nombre de personnages en petit volume, il reste toujours quelque chose à voir et à noter, ombres, profils, raccourcissements, entorses; il en est de même pour l'Evangile des saints Innocents, qui représente tant de petits personnages, et surtout ce petit Enfant qu'on cherche sans le trouver. Aussi voulons-nous traiter de nouveau ce sujet, en y joignant toutefois le retour d'Egypte. [33]

            Voila que l'Ange du Seigneur apparut à Joseph pendant son sommeil et dit. Quel est cet Ange? Ce ne fut pas certes celui clu Christ si nous l'entendons du génitif d'intérêt, mais ce fut bien celui du Christ s'il s'agit du génitif de possession; car il lui fallait un Ange, non comme gardien mais comme Berviteur. Cet Ange fut donc Gabriel.

            Je dirai quelques mots des Anges gardiens. Tous les hommes en ont, les diocèses, les villes, les églises, les monastères ont le leur. Saint Jérôme, dans son épître à Sabinien, en donne un éclatant témoignage, particulièrement au sujet de l'Ange préposé à la garde de la crèche et de la chambre de la Sainte Vierge. Saint Denis a signalé ce point dans son livre De la Hiérarchie céleste, chap. IV.

            Prends l'Enfant et sa Mère et fuis eu Egypte, et restes-y jusqu'à ce que je te parle. Jésus est né récemment dans une âme; si elle veut le garder, elle doit fuir Hérode. Quel est cet Hérode qui cherche l'Enfant pour le perdre? C'est Satan; quand il voit Jésus encore enfant, il veut le perdre et envoie ses divers satellites. En cette fête de Noël, vous avez reçu Jésus-Christ. Tel luxurieux s'est confessé et a reçu le Christ, et voici qu'Hérode lui envoie une pensée honteuse ou des séductions; et voilà que l'Ange accourt et dit: Fuis, fuis. Un autre s'est accusé d'avoir blasphémé, et il a reçu l'Enfant; Hérode lui fait [34] dire! Joue, etc. Veillez pendant que le Christ est encore faible; prenez garde, soyez prudents.

                        «Je ne sais quel œil fascine mes tendres agneaux. »

Quand le monde sera mort en vous, vous pourrez être un peu plus libres. Quand vous serez crucifiés au monde et que le monde sera crucifié en vous, Dieu sera immortel en votre âme. Exemple de l'éléphant qui craint la trace de l'homme. Et lors même que le monde paraîtrait crucifié en toi, crains; car souvent il feint d'être crucifié, comme le polype dont parle Grenade. Mais tu dis: Où fuirai-je? Il faut fuir non les lieux, mais les occasions.

            Prends l'Enfant et sa Mère. L'Enfant Jésus, Sauveur, Marie, mer amère. Veux-tu conserver en toi le Christ, conserve l'esprit de pénitence. Allaite cet Enfant; sois plus vigilant dans les commencements. Car il arrivera qu'Hérode cherchera l'Enfant pour le perdre. Les uns cherchent Jésus comme l'Epouse: J'ai trouvé Celui que chérit mon âme, je le tiens et je ne le laisserai point aller. Qui nous séparera? Pour moi, il m'est bon d'adhérer a Dieu. D'autres le cherchent pour le perdre. Le loup cherche, le berger cherche. Ainsi Judas cherche Jésus. Pourquoi boitez-vous de part et d'autre?

            Toutefois, Dieu veut que nous soyons ordinairement instruits par les hommes [35] et non par les Anges. Quant à ceux-ci, ils nous aident, nous stimulent par leurs inspirations, leurs lumières. Voir Jean Lorini, XLIII. Histoire tirée du Pré spirituel.

            Jésus demeura en Egypte environ six ans, plus ou moins. L'Evangéliste ne dit rien de ce qu'il y fit. Contemplez-le comme artisan, car, voici mon opinion. Joseph qui plus tard devait si bien interpréter les songes, en faisait dans son enfance; David, avant d'être l'admirable pasteur d'Israël, paissait les troupeaux de son père: ainsi, le Christ fabriquait des croix, lui qui, plus tard, devait être si excellemment crucifié et crucifiant.

            Cependant, Hérode meurt. Qu'as-tu fait pour régner? Tu as mis à mort des enfants. Eh! misérable, ton péché demeure et ton règne ne demeure pas: ainsi en est-il pour un grand nombre d'hommes. Les enfants caracolent sur des chevaux de bois, ils les appellent chevaux, hennissent pour eux, courent, sautent, et se délectent dans ce puéril divertissement; de même, les hommes disent qu'ils regnent quand ils se font craindre; régner pourtant c'est être aimé. Ils s'élèvent et croient que les richesses exaltent; les richesses les dépriment.

            L'Ange apparaît de nouveau: Retourne dans la terre d'Israël. Il ne dit pas où; mais allez tranquillement. Tous veulent savoir ce qui leur arrivera. [36] David dit: Le jour parle au jour, et la nuit instruit la nuit; afin que je rende mes vœux chaque jour. Saint François haïssait les fourmis qui amassent uniquement pour elles et enfouissent leur butin en terre; il aimait au contraire les abeilles, qui font du miel pour l'hiver, mais qui ne le mettent pas en terre et qui ne travaillent pas pour elles seules. Sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy, et je penseray pour toy.»

            Jésus revient à Nazareth, dans une petite maison où tout respire la pauvreté. Bon Dieu! et nous, nous voulons que tout prospère, que tout nous sourie! [37]

LXXVII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie

 

6 janvier 1609

 

(INÉDIT)

 

AD FESTUM EPIPHANIÆ, 1609

 

            Magna festivitas, in qua Ecclesia Gentilium recepta est a Christo et Christum recepit. Si Abraham convivium fecit in die quando ablactatus est Isaac, hodie magnum festum quando ablactati sunt Gentiles ab idololatria, et venerunt ad Christum et ad Domum panis. Id ut consideremus, nolumus aliam stellam quam Mariam.

            Hodie dies est donorum, nec unquam Christo donum tam magnificum factum est. Et quia etiam muneribus placatur Deus, et instinctu naturali placamus, teste Abele,

                        «Munera, crede mihi, placant hominesque deosque» (unde Ex. 23: Non apparebis coram me vacuus; [38] Deuteron. 16: Non apparebit quisquam coram me vacuus), propterea opere prsetium fuerit nosse quomodo dona facienda sunt Deo. Id autem ex muneribus Magorum cognoscemus; nam primum in unoquoque genere est mensura cæterorum. Hæc autem attendenda sunt. Quis? causa efficiens. Quid? causa materialis. Cui? causa objectiva. Quare? causa finalis. Quomodo? causa formalis.

            Quis? Donum enim ab iniquo profectum, ipsum propemodum iniquum est. Sic Cain, et Abel: Respexit ad Abel et ad munera ejus. Propterea labrum aneum in quo lavabant sacerdotes; unde tanta cura sacerdotibus antiquis ut mundi essent. Quicquid id est,

            «Timeo Danaos et dona ferentes.»

Qui sunt isti? Magi, non magici sed sapientes reges; qui non credendo credebant. Pii; qui stellas observabant propter prophetiam Balaam. Suam devotionem testantur quod regnis relictis veniant, et intrepide regem Herodem adeant, confite anturque ingenuesuam religionem. Tum vero sapientes erant; sapiens autem non est nisi bonus. Afferte Domino, filii Dei, afferte Domino filios [39] arietum. Gregorius Nazianzenus, I orat. in Julianum, duos nepotes Constantii Imperatoris Gallum et Julianum volentes asdificare templum supra sepulcrum Beati Mamantis Martyris, comparat sacrificantibus Caino et Abeli. Nam pars quam fabricandam susceperat Gallus, vere pius, feliciter processit, pars Juliani terræmotu disquiebatur (sic), quasi terra revomeret.

            Quid? Aurum, thus et mirrham. Ratio cur hanc materiam obtulerint apud doctores varia. Strabus, auctor Glos. Ord., quia dabant quæ ex sua Arabia habebant. Deus omnibus est contentus: Abel dat pecora, et qui nisi (sic) pilos caprarum habebat dare poterat. Honora Dominum de tua substantia; Proverb. 3. Sunt qui honorant Deum de eo quod non habent. Fili mi, quare non es devotus? Ero devotus in senectute. Deus bone! quis scit utrum senescas? Alius: Si essem Capucinus, honorarem Deum; honora Deum de tua substantia. Si essem dives, darem, etc.; honora Deum de tua paupertate. Si essem sanus; honora Deum de tua patientia. Si essem doctor, etc.; honora Deum de tua simplicitate. Quid habes, illud da; tantum valet quantum habes. Alii dant non sua, ut fures. [40]

            Bernardus: quia pauperi, in stabulo et tenero. Sane danda sunt accommodata. Vides Christum famelicum, tu das illi preces; vides Christum infamatum, das illi pecuniam; vides Christum afflictum, quid tibi est? Antigonus, Cynico petenti talentum, mox denarium. Poterat et talentum tanquam rex, et denarium tanquam Cinico. Augs: Aurum, regi; thus, Deo; mirrham, mortali. Greg.: Auro sapientiam, thus (sic) orationem, mirrha mortificationem. Meditatio, oratio, praxis.

            Cui? Christo Domino. Bernardus: veraciter, frequenter, perseveranter. Magna fides.

            Quare? Et venimus adorare Dominum.

            Quomodo? Procidentes adoraverunt eum.

            Æschines Socrati; Seneca, 1. de Benef., c. 7: «Socrati cum multa multi discipulorum offerrent, Æschines, pauper auditor: Nihil, inquit, dignum te invenio, et hoc ipso me pauperem agnosco. Itaque dono tibi quod unum habeo, meipsum; hoc munus, rogo, boni consule, cogitesque alios, cum tibi multa dederint, plus sibi reservasse. Cui Socrates: Quidni tu munus magnum dedisti nisi te [41] parvipendas? Curabo ergo ut te tibi meliorem aliquando reddam.»

            Exodi, 35: oleum, lignum, pili (sic) caprarum, œs, argentum, aurum, inaures, monilia, lapides prætiosos, populus voluntarie offert; pelles ovium, etc., dederunt. [Ibid.,] 36, plus dederunt quam opus esset, et Moyses prohibuit, et fabri nimium distrahebantur excipiendis muneribus. O hoc temporte, nunquam satis. Condendis laudibus tabernaculi Beatæ Virginis non est timendum ne Ecclesia plus accipiat; ita Collyridianos repressit. [42]

 

 

 

POUR LA FÊTE DE L'ÉPIPHANIE, 1609

 

            Grande fête que celle où l'Eglise des Gentils est acceptée par le Christ et reçoit le Christ. Si Abraham fit un festin le jour où Isaac fut sevré, c'est aujourd'hui une grande fête parce que les Gentils sont sevrés de l'idolâtrie et viennent au Christ et à la Maison de pain. Pour contempler ce mystère nous ne voulons d'autre étoile que Marie.

            C'est aujourd'hui le jour des dons. Jamais le Christ n'a reçu de don plus magnifique. Les présents apaisent Dieu, et nous l'apaisons ainsi par instinct naturel, témoin Abel.

                        «Par les dons, croyez-m'en, hommes et dieux s'apaisent.» (Aussi lit-on dans l'Exode, XXIII: Tu ne paraîtras pas devant moi les mains [38] vides; Deut., XVI: Personne ne paraîtra devant moi les mains vides.) C'est pourquoi il nous est nécessaire de connaître la manière d'offrir à Dieu nos présents. Nous l'apprendrons par l'exemple des Mages; car le premier acte en chaque genre sert de type aux autres. Examinons donc ces circonstances: Qui? la cause efficiente. Quoi? cause matérielle. A qui? cause objective. Pourquoi? cause finale. Comment? cause formelle.

            Qui? Car le don fait par une main inique est, pour ainsi dire, inique. Voyez Caïn et Abel: [Le Seigneur] regarda Abel et ses présents. De là, ce bassin d'airain où se lavaient les prêtres; de là, ce soin que les prêtres de l'ancienne Loi avaient pour la propreté. Quoi qu'il en soit,

            «Je crains les Grecs, même dans leurs présents.»

Qui sont ceux-ci? Des Mages, non des magiciens, mais des rois sages; sans avoir la foi, ils croyaient. Des rois pieux, qui observaient les étoiles en vue de la prophétie de Balaam. Leur dévotion est démontrée en ce qu'ils quittent leurs royaumes, accourent et se présentent avec intrépidité au roi Hérode, et lui confessent ingénument leur foi. Puis, ils étaient sages; mais l'homme sage n'est pas sans être bon. Apportez au Seigneur, enfants de Dieu, apportez au Seigneur des petits de béliers. Les deux neveux de l'Empereur Constance, [39] Gallus et Julien, voulaient édifier un temple sur le sépulcre du bienheureux Marnas, Martyr. Saint Grégoire de Nazianze, dans sa 1re oraison sur Julien, les compare à Caïn et à Abel offrant leurs sacrifices. Gallus avait une vraie piété; la partie qu'il devait construire s'éleva sans obstacle. Celle de Julien, au contraire, était sans cesse secouée par des tremblements de terre, comme si la terre eût voulu la rejeter de son sein.

            Quoi? L'or, l'encens et la myrrhe. Les docteurs sont divisés quand ils expliquent la raison de tels présents. Strabus, auteur de la Glose ordinaire, dit qu'ils donnèrent ce que leur pays d'Arabie leur fournissait. Dieu se contente de tout: Abel donne de ses troupeaux, et celui qui n'avait que des poils de chèvre pouvait les offrir. Honore le Seigneur de ton bien. Il y en a qui font hommage à Dieu de ce qu'ils n'ont pas. Mon fils, pourquoi n'es-tu pas dévot? Je serai dévot dans ma vieillesse. Bon Dieu! qui sait si tu vieilliras? Un autre dit: Si j'étais Capucin je ferais des sacrifices à Dieu; honore Dieu du bien que tu as. Si j'étais riche, je donnerais, etc.; honore Dieu par ta pauvreté. Si j'étais en santé; honore Dieu par ta patience. Si j'étais docteur, etc.; honore Dieu par ta simplicité. Donne ce que tu as; la valeur de ton présent se mesure sur ce que tu as à donner. D'autres, comme les voleurs, donnent ce qui ne leur appartient pas. [40]

            Saint Bernard dit qu'ils firent ces présents parce que Jésus était pauvre, logé dans une étable, frêle et délicat. Assurément, les dons doivent être proportionnés aux besoins du donataire. Tu vois Jésus affamé, tu lui donnes des prières; tu le vois méprisé, tu lui donnes de l'argent; tu le vois affligé, quelle peine en éprouves-tu? Le Cynique demandait un talent à Antigone; celui-ci lui offre aussitôt un denier. Il aurait pu lui donner un talent comme étant lui-même roi, ou un denier comme donnant à un Cynique. Saint Augustin [dit que les Mages donnèrent] de l'or, comme à un roi; de l'encens, comme à un Dieu; de la myrrhe, comme à un mortel. D'après saint Grégoire, l'or représente la sagesse, l'encens la prière, la myrrhe la mortification. Méditation, prière, bonnes œuvres.

            A qui? Au Christ Notre-Seigneur. Saint Bernard: avec vérité, constance, persévérance. Grande foi.

            Pourquoi? Et nous sommes venus adorer le Seigneur.

            Comment? Se prosternant, ils l'adorèrent.

            Eschine et Socrate; Sénèque, liv. des Bienfaits, chap. VII: «Un grand nombre de disciples offraient à Socrate de riches présents. Eschine, pauvre auditeur, lui dit: Pour moi, je ne trouve rien qui soit digne de toi, et c'est en cela que je me reconnais pauvre. C'est pourquoi je veux te donner le seul bien que je possède, moi-même; je te prie d'agréer ce don et de croire que les autres, quoiqu'ils donnent beaucoup, se réservent encore davantage. Socrate répondit: Ton présent n'est petit que dans ta propre estime. [41] J'aurai donc soin de te restituer un jour à toi-même meilleur que tu n'étais.»

            Exode, XXXV: Le peuple offre spontanément de l'huile, du bois, des poils de chèvre, de l'airain, de l'argent, de l'or, des pendants d'oreille, des bijoux, des pierres précieuses; on fît don de peaux de brebis, etc. On donna plus qu'il ne fallait. Moïse dut comprimer cet élan, les ouvriers eux-mêmes étaient trop distraits de leur travail par la réception de ces présents. O temps heureux ou l'on croyait jamais donner assez! Pour exalter la gloire du temple de la Bienheureuse Vierge, ne craignez pas que l'Eglise reçoive trop; aussi a-t-elle réprimé les Collyridiens. [42]

 

LXXVIII. Sermon pour le mercredi des Cendres

 

4 mars 1609

 

(INÉDIT)

 

FERIA 4 CINERUM, 1609, ANNESSII

 

Thesaurizate vobis thesauros in Cœlo.

[MATT., VI, 20.]

Memento homo quia pulvis es, et in pulverem reverteris.

[Gen., III, 19.]

 

            En jam hiems transiit, imber abiit et recessit; hiems ille carnifer et carnifex animarum, qui omnem pulcritudinem spiritualem terræ et animarum exsiccaverat, cordiumque motum hebetaverat, ac madidum et infaustum imbrem sordidarum delectationum genuerat. Abeat tempus illud carnale et recedat; pereant dies illi, nec computentur in annis, et oblivione æterna deleantur. Veni, veni, tempus acceptabile; venite, venite, [43] dies salutis: momenta vestra convertantur in horas, horæ in dies, dies in hebdomadas, hebdomadæ in menses, menses in annos, anni in secula, et secula in perpetuas aetemitates. Quod si ranæ coaxantes in paludibus de pluvia illa et tempore illo caliginoso gaudebant, at philomela cælestis et turtur de sicco jejunii et claro pœnitentiae tempore invicem gratulantur, nosque suo canto lætificant, admixtis suavissimis pœnitentiæ et spei vocibus. Philomelam audiamus Christum cantantem: Thesaurizate vobis, etc. Audiamus vocem Ecclesiæ, turturis in terra nostra: «Memento homo» quia cinis es, et in cinerem reverteris. Hæc sunt præludia totius Quadragesimæ, hi sunt duo termini itineris pœnitentium: a quo, a cinere, ad quem, ad Cælum; a quo, a miseria, ad quem, ad thesauros. De ambobus nobis futurus est hic primus sermo; de mediis reliqui. [44]

            Et ecce me, Domine: Confiteor tibi, Pater, Domine cæli et terræ, quia pulvis sum et cinis, et tamen thesauros verbi tui thesaurisare volo; non mihi tantum sed et pueris meis dilectissimis. «Quid faciam, miser?» In me sunt omnes thesauri miseriæ et abjectionis absconditi, imo et manifesti; in te autem omnes thesauri sapientiæ et scientiæ absconditi, quin et nunc manifesti. Sed mei miserise thesauri sunt in terra repositi, tui sunt in Cælo, et quantum distat cælum a terra sic cogitationes tuæ longe sunt a cogitationibus meis. Quomodo ergo accedet homo, id est, miseria mea, ad cor altum, id est, ad divitias et thesauros tuos? Quomodo a pulvere et cinere ad Cælum pergam? Eia ergo Advocata mea, scala Cæli, mons Dei, chorda per quam Deus venit ad miseriam meam, fac ut per te miseria mea accedat ad Deum. Dic mihi, charissima Mater et dulcissima Domina mea, nonne in Verbo Dei, in Filio Dei, erant resplendentes illi thesauri sapientiæ et scientice antequam in utero tuo conciperetur? At tu, colendissima Domina, istos thesauros carne tua operuisti et abscondidisti; in eo enim sunt absconditi. Quis ergo abscondidit? Non (sic) tu, o Virgo? Sed dic mihi, piissima Mater, [45] cui abscondunt thesauros matres nisi filiis? Ergo tu nobis abscondisti. Quod ergo abscondisti jam pande, cum Filius tuus, quasi intumescens et nimia thesaurorum suorum abundantia exuberans, clamet : Thesaurisate vobis thesauros in Cælo.

            Domine, in Cælo non sunt thesauri nisi sapientiæ, scientiæ et bonitati; tu autem omnes habes, in te enim sunt omnes: quomodo ergo dicis: Thesaurisate? Tu ipse da nobis thesauros et thesaurisabimus, et quia Mater tua veluti thesauraria thesauros abscondit, jube ut aperiat. O bona Mater, aperi nobis quod operuisti; sed iterum, ubi thesaurizaverimus, absconde thesauros in nobis, quemadmodum abscondisti in Filio. Humilitate carnis mortalis operuisti thesauros Filii; in nobis operiantur, memoria mortis et finis. O Domina humilissima, doce nos humilitatem. O Domine, memento Deus quia pulvis sumus et in pulverem revertimur. Contra pulverem quem projicit ventus mortis a facie terræ ostendis potentiam, et stipulam siccam persequeris? Ignosce, ignosce, Domine, nobis, et pœnitentiam agemus. Da nobis quadraginta dies, et nisi pœnitentiam faciamus, subverte nos. Ita Domine, in zelo dilectionis [46] tuæ dicam: Ut præcor ignoscas iis qui pœnitentiam facere volunt, sic concedo ne illis ignoscas qui irrident te, Domine, et misericordia tua abutuntur.

            Itaque, Fratres, morimur; et magis ac magis appropinquat Regnum cælorum, et per pœnitentiam parantur thesauri indeficientes. Ergo convertimini ad Dominum et pœnitentiam agite; quia ecce impœnitentibus appropinquat pœna infernorum et pœnitentibus Regnum cælorum. At tu, Deus, benedic omnibus nobis, qui es Pater et Filius et Spiritus Sanctus.

 

            Duplici et contrario habitu ad Holophernem trucidandum paravit se Judith castissima, dilectissimi Fratres; nam primo, induit se cilicio et operuit se cinere, deinde, induit se vestimentis optimis et ornavit se omnibus monilibus suis. Holophernem, id est, diabolum, cum omnibus militibus suis, mundum, carnem, illecebras, debellaturi, Fratres, duo item nobis facienda sunt: 1o. cilicio et cinere nos operire, corpus subigere, carnem mortificare: «Memento homo;» Convertimini ad me in jejunio, fletu et planctu; 2o. animam ornare omnibus monilibus: Thesaurizate vobis thesauros. [47] Sed quia potior anima, et corporis exercitatio ad animse gratiam refertur, prius de thesaurizando agendum.

            Thesaurus est «vetus depositio pecuniæ cujus non extat memoria, ita ut dominum non habeat.» Lex unica, Codicis lib. 10. [tit. XV,] De Thesauris. Alii, ut Leo Imperator apud Hilaretum: «condita ab ignotis dominis tempore vetustiori mobilia.» Augustinus, apud D. Thom., idem censet, præterquam quod non de tempore vetustiori agit; sed ait thesaurum esse vel pæcuniæ quæ ærugini vel vestium quæ tineæ vel gemmarum quæ latronum incommodis patent. In Scriptura Sacra videtur vox thesaurisandi tria significare conjunctim: 1°. congregationem (amas), 2°. rerum prætiosarum, 30. rerum abditarum. Ut Deut. 28: Aperiet tibi Dominus thesaurum suum optimum, cœlum, ut tribuat tibi pluviam in tempore suo. Quia illic congregantur aquæ pluviales quæ prætiosæ sunt tempore suo, et absconduntur in nubibus. Nu. 20: Aperi eis Domine thesaurum tuum, fontem aquæ vivæ. Ponens in thesauris abissos; [Pss.] 32, 134: Qui producit ventos de thesauris suis. Quin etiam pænarum exquisitarum congregatio thesaurus appellatur: Thezaurisas tibi iram in die iræ. Deut. 32: Fel [48] draconum vinum eorum, et venenum aspidum insanabile. Nonne hœc condita sunt apud me, et signata in thesauris meis?

            Jam quid hic signat Dominus? Clarum est eum loqui de jejunio, oratione et eleemosina, de quibus toto illo c. 6, quorum opera veros thesauros appellat si recte fiant. Sed ut merito hæc opera thesauri appellentur, hæc tria concurrere debent. 1°. Debent congregari multa; nam nemo unum aurum thesaurum appellet, et hoc ostendit dicens: Thesaurizate vobis thesauros; nam quamvis sit hebraismus, tamen iste hebraismus denotat quantitatem et magnitudinem: expectans expectare, flendo flere, clamando clamare, id est, multum; sic thesaurisare thesauros, id est, thesauros ingentes facere. Sancta hæc est avaritia filiorum Dei quia nunquam satiantur bonis operibus; unde in Scriptura pii vocantur pauperes et mendici, quia etsi abundent bonis operibus tamen semper mendicant: Desiderium pauperum; Edent pauperes et saturabuntur. Beati pauperes spiritu (Grece est mendici, apud Sa, quem vide, et Maldon.: πτωχοί). Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam, id est, Sancti, qui semper appetunt. Corpus et [49] anima contraria sunt; sic omnia propemodum quæ ad illa spectant. Avaritia corporalis omnium malorum radix, avaritia spiritualis, omnium bonorum. Qui me gustant adhuc esuriunt, qui bibunt adhuc sitiunt. Sunt quidam Christiani qui satiantur uno vel minimo bono opere; ubi dixerint unum Pater, ubi dederint micam panis, ubi condonaverint unam injuriolam; isti nunquam thezaurizabunt.

            Qui autem vult congregare, debet minima etiam curare, nova et vetera, super pauca esse fidelis, nihil spernere; manum suam mittere ad fortia, ad negotiationem, et apprehendere fusum. Videbitis apes insidere rosis et liliis et maximis floribus; sed non minus congregant ex thimo et rosmarino et aliis minutissimis floribus, imo utilius, ob multitudinem, et quia mel in illis vasis angustis felicius conservatur et minus evaporatur. Quomodo ergo facietis? Hac Quadragesima audite Mot, comedite Mot in Eucharistia, jejunate, eleemosinas facite, pauperes visitate: hæc sunt magna. Quæ sunt parva? Retrahite vos a deliciis conversationum inutilium, ornamentorum superfluorum; vincite minimos affectus; aspirate frequenter minutioribus [50] sed frequentissimis orationibus jaculatoriis; dicite bona verba; humiliamini, etc.

            2°. Debent congregari prætiosa; nam qui vilia metalla congregaret non tam thesaurum quam acervum congereret. Mot Domini est: «Estote probati trapezitee,» nummularii, apud Cassianum, Coll. I. c. 20, qui mire amplificat. Et hoc ostendit Dominus cum ait: Cum jejunatis, nolite fieri sicut hipocritœ, tristes, ut videantur ab hominibus. Jejunium hoc jejunium est, sed falsum, ignobile et vanum: 1°. quia hipocrita (sic) est, 20. quia ut videatur ab hominibus. Hoc jejunium simulacrum famis est et nihil amplius. Amen dico vobis, receperunt mercedem suam, id est, vanitatem. Ut quid diligitis vanitatem? Vana opera habent pro mercede vanitatem.

            Petes: Quale ergo jejunium faciam? 1°. Tu autem, qui hipocrita non es, unge caput tuum et faciem tuam lava. Hieron.: Ex more gentis Judeorum loquitur; illi enim festivis diebus et inter epulas ungebant capita et lavabant facies. Festivos vos monstrate; prenes vostre visage des bonnes festes. Chrisostomus: Caput Christus, quem ungimus misericordia in pauperes, etc.; faciem lava, id est, conscientiam. [51] Aug.: Caput, id est, mentem, partem animæ superiorem, unge lætitia spirituali, et faciem, id est, animam inferiorem quæ per sensus operatur, lava. Unde Bernardus: «Si sola gula peccavit, sola jejunet; si autem et cætera membra peccarunt, cur non etiam jejunabunt?» Vide locum in verbo Jejunium, ser. 38. [2o.] Lavamini, mundi estote, aujerte malum cogitationum vestrarum; Isaiæ, 1. Lava a malitia cor tuum, Hierusalem. Sic ostende mihi faciem tuam, sonet vox tua in auribus meis; sic facies tua pulchra et decora, vox etiam dulcis. Noli mihi cantare antequam te viderim in facie. Respexit ad Abel et ad munera. Vellem ergo vos omnes gaudere de hoc tempore jejunii quadragesimalis, et statim confiteri, ut opera vestra aurea sint et digna ad thesauros faciendos ex eis.

            3o. Intentio formanda, nam rectificat opus, et si, quod plerique existimant, ut inter alios Suaresius, non sit necessaria formalis et actualis, at certe certius et tutius est eam habere actualem et oculos in Deum intendere: Ad te levavi oculos meos, qui habitas in cœlis; ecce sicut oculi servorum in manibus dominorum suorum, etc. In manibus sunt, quia quidquid manus [52] domini indicat, id facere manus servi tentat; oculus autem admonet faciendum: Vulnerasti me in uno oculorum tuorum. Unde sequitur: Ne videaris hominibus jejunans, sed Patri tuo qui videt in abscondito; et Pater tuus qui videt in abscondito reddet tibi. Reddet tibi quod in ejus gratiam facis, non idem sed mercedem. Halonesus insula quae a latronibus occupata erat, antiquitus Atheniensium fuerat. Philippus Macedo eam receperat; Athenienses ab eo petebant ut illam redderet. Ille se daturum non redditurum respondit; Athenienses vero se non accepturos sed recepturos. Reddere sane debitum denotat; nimirum se debitorem Deus mercedis constituit. Unde, Heb. 6: Non est injustus Deus ut obliviscatur operis vestri.

            4°. Ut rectius condantur, cinere operienda sunt et humilitate. Mineralia sub terra arida sunt et sterili. «Memento homo.» Assume dictum Augustini, primo loco, versa pagina, de pellicano. Dic similitudinem sanguisugae. In plateis sicut cinamomum et balsamum odorem dedi. Balsamum optimum infima loca petit, oleum olivae suprema. Charitas generat bona opera, [53] humilitas conservat. Apes mel faciunt, et ut mel conservent faciunt ceram. Thezaurisate in cœlo. Adhortatio. En jam hyems transiit, ut initio.

            Pour garder les artres et tignes de gaster les draps il faut mettre sur les draps de 1'aluyne, herbe amere comme 1'absinthe, si elle n'est espece d'absinthe. Item, la despouille d'un serpent mis en une garderobbe empesche les artres et autre vermine. La despouille du premier serpent c'est la mort, car il nous la donna. Item, la despouille du serpent c'est la pœnitence.

            D. Aug., ad Psal. 101: Pellicano solitudinis. «Dicuntur istæ aves tanquam colaphis rostrorum occidere parvulos suos, deinde per triduum eos lugere; postremo matrem seipsam vulnerare et sanguine suos aspergere, quo superfusi reviviscant. Christus habet erga nos paternam authoritatem et maternum affectum, ut gallina quæ congregat ex authoritate fovet ex affectu. Sic Paulus pater fuit: Nam etsi multa millia pedagogorum [54] habeatis, sed non multos patres, etc.; et mater fuit: Filioli, quos iterum parturio.» Sed quomodo Christus vivificet sanguine suo clarum est, quomodo occidat rostro suo non ita. Sed occidit, qui Paulum tanquam mortuum ad terram dejecit, vivificat qui eum ad prædicandum misit. Peccatores omnes Christus rostro occidit dum eos mortificat et deducit ad inferos, ostendendo eos obnoxios morti æternæ, nam contritio mors animæ peccatricis est. Sed quos reos mortis facit, eos suo sanguinis merito vivificat, et reducit ad novam vitam. Sic nunc Ecclesia vos occidit: «Memento homo quia pulvis es,» etc.; deinde vivificat: Thesaurisate, etc.

            In Psal. 147: Qui dat nivem sicut lanam. Nix est aqua quæ coagulata cadit, id est, homines qui frigidi et propemodum congelati ad terrena cadunt. Fiunt autem ut lana quando convertuntur, ita ut ad conficiendum Christi vestem misticam prseparantur per pœnitentiam. Nebulam autem sicut cinerem spargit. Nebula est Dei cognitio obscura, quam spargit sicut cinerem, id est, sicut ad mensuram cognitionis nostri; cognitio Dei [55] nebula, cognitio nostri cinis conspersus. Hæc propemodum Augustinus.

            Ad Psal. 34: Ego autem cum mihi molesti essent induebar cilicio. Christus cilicio induebatur in Passione, quia carnem mortalem, imo ipsam mortalitatem veluti pilos hædorum induebat; quæ mortalitas similitudo carnis peccati est, imo et aliquo modo peccatum dici posset, nam mors effectus peccati. Ut dicimus lingua Greca; non linguam sed effectum linguas, id est, Mot Grecum; sic, agnovi manum, id est, opus manus alicujus. Unde dicitur ut de peccato damnaret peccatum, id est, de mortalitate, per mortalitatem, et cætera. Sub illo cilicio latebat vita immortalis et divinitas. Humiliabat in jejunio animam suam, quia nemo convertebatur aut pauci. In Passione ejus enim fames erat salus animarum et ejus sitis.

 

            Vide, I. 5. c. 4. ad vers. [6,] Psal. 44, Pinedam, fol. 282. Sagittæ tuæ acutæ, populi sub te cadent, in corda inimicorum regis. Sed addo Christum verbis suis cor vulnerare ut ad se adducat et sanet; nam ut venator qui capreas Cretenses vulnerat, porrecto dictamo [56] sanat. Vulnerat compunctione, sanat absolutione; infligit vulnus doloris, medetur dictamo amoris. Si venator vellet ad se attrahere cervos Cretenses, ipse se in aliquo loco dictamo abundante constitueret et inde sagittas emitteret, ut cervi vulnerati ad eum dictamo coronatum sanationis gratia venirent. Sic Christus inter Passionis suæ merita clamat, et clamando vulnerat ut ad merita recurramus. Ipse idem sagittarius et dictamon. Proverb., 12. 7: Verte impios et non erunt: si quæ sursum habet peccator deorsum et quae deorsum sursum vertas, id est, carnem subjicias quæ imperabat, spiritum eleves qui jacebat, si ita vertas, non erit amplius peccator; ferebatur grabato et nunc fert grabatum. Interim nota sagittas in corda dirigi debere.

 

            Ut opera nostra sint meritoria intercedit pactum. Est tamen aliquod fundamentum in ipsis, quia est aliquis valor, sed non sequivalens citra pactum. Posuisti in capite coronam de lapide prætioso. Lapides prætiosi habent valorem ex hominum placito, quamvis sit in eis etiam aliquid debite fundatum. Ut sapphirus quo utuntur prælati ad castitatem provocat, cælum representat; [57] annulus aureus est, id est, caritas; lapis, id est, opus ipsum a caritate vel elicitum vel imperatum, simile (sic) est cælo, id est, illi correspondet Cælum, id est, merces in Cælo. Leve hoc et momentaneum tribulationis nostræ. Mirum tam parvos lapillos tam magno prætio emi, ut margarita Cleopatræ; sed ita inter homines convenit, et valorem habent virtualem multorum millium argenti. [58]

 

 

 

MERCREDI DES CENDRES, 1609, ANNECY

 

            Thésaurisez des trésors dans le Ciel. Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière.

            Voici que déjà l'hiver est passé, la pluie a cessé et s'est retirée ; cet hiver qui porte à la chair et décharné les âmes, qui avait terni toute cette beauté spirituelle de la terre et des âmes, qui avait alangui les cœurs, qui avait produit cette malheureuse averse de plaisirs indignes. Eh! qu'il s'en aille ce temps de la chair, qu'il disparaisse; périssent ces jours et qu'ils ne comptent plus dans l'année, qu'ils soient effacés dans un éternel oubli. Oh I viens, viens, temps favorable; venez, venez, jours de salut: que vos instants se [43] convertissent en heures, vos heures en jours, vos jours en semaines, vos semaines en mois, vos mois en années, vos années en siècles et vos siècles en perpétuelles éternités. Les grenouilles, dans les marais, pouvaient coasser de bonheur en ce temps de pluies et de brouillards, mais voici que la céleste philomèle et la tourterelle se félicitent réciproquement de ce temps sec du jeûne et de ces jours sereins de la pénitence; leur chant nous réjouit par l'harmonie si suave de ses accents de pénitence et d'espoir. Ecoutons chanter le Christ, notre philomèle: Thésaurisez, etc. Entendons la voix de l'Eglise, cette tourterelle qui chante sur notre terre: «Souviens-toi, ô homme,» que tu es cendre et que tu retourneras en cendre. Voici les préludes de tout le Carême, voici les deux termes de la pénitence: celui duquel nous partons, la cendre; celui auquel nous tendons, le Ciel: de la misère, aux trésors. Dans ce premier sermon nous traiterons de ces deux termes; dans les autres, des moyens. [44]

            Et me voici, Seigneur. Je vous confesse, ô mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, que je suis poussière et cendre, et pourtant, je veux amasser les trésors de votre parole, non seulement pour moi, mais aussi pour mes enfants bien-aimés. «Malheureux! que ferai-je?» En moi tous les trésors de la misère et de l'abjection sont recélés ou plutôt manifestés; en vous, au contraire, sont cachés et maintenant même se manifestent tous les trésors de la sagesse et de la science. Mais mes trésors de misère sont enfouis dans cette terre; vos trésors à vous sont au Ciel, et autant le ciel est distant de la terre, autant vos pensées sont éloignées de mes pensées. Comment donc l'homme, c'est-à-dire ma misère, approchera-t-il de votre cœur sublime, c'est-à-dire de vos richesses et de vos trésors? Comment irai-je de la poussière et de la cendre jusqu'au Ciel ? Ah! mon Avocate, échelle du Ciel, montagne de Dieu, lien par lequel la grandeur de Dieu s'unit à ma misère, faites donc que par vous ma misère s'approche de Dieu. Dites-moi, ô très chère Mère et ma très douce Souveraine, ces trésors resplendissants de la sagesse et de la science n'étaient-ils pas dans le Verbe, dans le Fils de Dieu, avant qu'il fût conçu dans votre sein? Mais vous, très vénérable Souveraine, ces trésors vous les avez voilés et comme cachés dans votre chair, car c'est en ce Verbe qu'ils sont cachés. Qui donc les y a recélés? N'est-ce pas vous, ô Vierge? Mais dites-moi, ô Mère très aimante, [45] pour qui les mères cachent-elles des trésors, si ce n'est pour leurs enfants? C'est donc pour nous que vous les avez cachés. Eh bien! ce trésor secret, ouvrez-le nous, car voici que votre fils grossi, pour ainsi dire, et débordant de la trop grande abondance de ses trésors, s'écrie: Thésaurisez des trésors dans le Ciel.

            Seigneur, il n'existe au Ciel que des trésors de sagesse, de science et de bonté; mais vous les possédez tous, ils sont tous en vous; pourquoi donc dites-vous: Thésaurisez? Livrez-nous vous-même vos trésors, et nous thésauriserons; et puisque votre Mère, comme trésorière, cache des trésors, ordonnez-lui de nous les ouvrir. O bonne Mère, ouvrez-nous ce que vous avez caché, mais de nouveau dès que nous aurons thésaurisé, cachez ces trésors en nous, comme vous les avez cachés en votre Fils. Vous les avez cachés en votre Fils sous l'humble enveloppe d'une chair mortelle, cachez-les en nous sous le souvenir de la mort et de notre fin. O Souveraine très humble, enseignez-nous l'humilité. O Seigneur Dieu, souvenez-vous que nous sommes poussière et que nous retournons en poussière. Vous montrez votre puissance contre une poussière que le vent de la mort emporte de la face de la terre, et vous poursuivez une paille sèche? Pardonnez, pardonnez-nous, Seigneur, et nous ferons pénitence. Donnez-nous quarante jours, et si nous ne faisons pénitence, exterminez-nous. [46] Oui, Seigneur, inspiré par le zèle de votre amour, je vous en supplie, pardonnez à ceux qui veulent faire pénitence, et vous pourrez punir, Seigneur, ceux qui se rient de vous et abusent de votre miséricorde.

            Oui, mes Frères, nous mourons; de plus en plus, le Royaume des cieux approche, et par la pénitence nous sont préparés d'indéfectibles trésors. Convertissez-vous donc au Seigneur et faites pénitence; car voici bientôt, pour les impénitents, les supplices de l'enfer, et, pour les pénitents, le Royaume des cieux. Quant à vous, ô Dieu, qui êtes Père et Fils et Saint-Esprit, bénissez-nous tous.

            Mes bien-aimés Frères, pour tuer Holopheme, la très chaste Judith se prépara deux habits différents. Elle se revêtit d'abord d'un cilice et se couvrit de cendre; elle mit ensuite ses plus beaux vêtements et s'orna de tous ses joyaux. Pour terrasser Holopherne, c'est-à-dire le démon avec tous ses suppôts, le monde, la chair, leurs séductions, nous avons aussi, mes Frères, un double devoir; il faut: 1. nous couvrir du cilice et de la cendre, dompter notre corps et mortifier notre chair: «Souviens-toi, ô homme.» Convertissez-vous à moi dans le jeune, les pleurs et les gémissements; 2. orner notre âme de tous ses atours: Thésaurisez des trésors. Mais comme l'âme est supérieure au corps et [47] que le traitement de celui-ci n'est qu'en vue de la grâce qui en revient à l'âme, parlons d'abord des trésors qu'il faut amasser.

            On appelle trésor «un ancien dépôt d'argent, complètement oublié, et qui, partant, n'a pas de propriétaire.» Code, liv. X, [titre XV,] Des Trésors, loi unique. Quelques-uns, comme l'Empereur Léon cité par Hilaret, le définissent: «des objets meubles, cachés par des maîtres inconnus, à une époque très éloignée.» Saint Augustin, d'après saint Thomas, en donne une définition analogue, si ce n'est qu'il ne parle pas du temps éloigné. D'après lui, des pièces de monnaie livrées à la rouille, des vêtements, à la teigne, des pierres précieuses, aux déprédations des voleurs: voilà le trésor. Dans la Sainte Ecriture, le mot thésauriser semble impliquer trois idées; il signifie: 1. faire un amas, 2. de choses précieuses, 3. de choses cachées. Ainsi: Le Seigneur t'ouvrira son meilleur trésor, le ciel, afin qu'il te donne la pluie en son temps. Au ciel, en effet, s'amassent les eaux pluviales, si précieuses en leur temps, et qui sont cachées dans les nues. Ouvrez-leur, Seigneur, votre trésor, une fontaine d'eau vive. Il renferme dans des trésors les abîmes. C'est lui qui produit les vents de ses trésors. Il y a plus. Un assemblage de peines terribles est aussi appelé trésor. Tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colére. Leur [48] vin est un fiel de dragon et un venin d'aspic incurable. Tout cela n'est-il pas renfermé en moi et scellé dans mes trésors?

            Maintenant, que veut signifier le Seigneur par les paroles de notre texte? II est clair qu'il parle du jeûne, de la prière et de l'aumône, dont il est question dans tout ce chap. vi. Il appelle ces oeuvres vrai trésor, pourvu qu'elles se fassent avec une intention droite. Mais pour que ces œuvres méritent le nom de trésor, trois conditions doivent concourir, 1. Il faut qu'elles soient nombreuses; nul n'appelle trésor une seule pièce d'or; c'est ce que Notre-Seigneur montre en disant: Thésaurisez des trésors, car, quoiqu'il y ait là un hébraïsme, cet hébraïsme marque bien la quantité, la grandeur. Comme attendre en attendant, pleurer en pleurant, crier en criant indique un renforcement de l'idée, de même, thésauriser des trésors veut dire amasser de grands trésors. C'est une sainte avarice des enfants de Dieu que de ne jamais se rassasier de bonnes œuvres. De là, dans l'Ecriture les âmes pieuses sont appelées pauvres et mendiantes, car bien qu'elles abondent en bonnes œuvres, néanmoins elles mendient toujours: Le désir des pauvres. Les pauvres mangeront et seront rassasiés. Bienheureux les pauvres d'esprit (en grec c'est mendiants, d'après Sa, qu'il faut voir, et Maldonat). Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, c'est-à-dire les Saints, qui sont toujours affamés. [49] Le corps et l'âme sont contraires l'un à l'autre, et il en est de même, à peu près, de tout ce qui se rapporte à l'un et à l'autre. L'avarice corporelle est la racine de tous les maux, l'avarice spirituelle, la source de tous les biens. Ceux qui me goûtent ont encore faim, ceux qui me boivent ont encore soif. Il se trouve des Chrétiens dont la faim spirituelle est rassasiée par la moindre bonne œuvre, dire un Pater, donner une miette de pain, pardonner une légère injure; ceux-là ne thésauriseront jamais.

            Quant à celui qui veut amasser, il doit se préoccuper des plus petites choses, des nouvelles et des anciennes, être fidèle en peu de choses, ne rien mépriser; mettre sa main aux choses fortes, au négoce, et en même temps, tenir le fuseau. Vous verrez bien les abeilles se poser sur les roses, les lis et les plus grandes fleurs; mais elles ne récoltent pas moins sur le thym, le romarin et les autres moindres fleurettes, et leur travail y est plus fructueux, à cause de la multitude de ces fleurs, et parce que le miel, dans ces petits vases, se conserve mieux et s'évapore moins. Que ferez-vous donc? Pendant ce Carême, entendez la parole de Dieu, nourrissez-vous du Verbe dans l'Eucharistie, jeûnez, faites l'aumône, visitez les pauvres: voilà vos grandes œuvres. Quelles sont les petites? Retirez-vous du plaisir des conversations inutiles, des ornements superflus; triomphez des moindres affections; soupirez fréquemment [50] de courtes mais très fréquentes oraisons jaculatoires; dites de bonnes paroles; humiliez-vous, etc.

            2. Pour constituer un trésor il faut amasser des choses précieuses; car celui qui amasserait de vils métaux composerait moins un trésor qu'un monceau quelconque. Le mot du Seigneur est: «Soyez bons changeurs,» bons banquiers, d'après Cassien, Conférence I, chap. XX, qui développe admirablement ce point. Et le Seigneur nous montre cela quand il dit: Lorsque vous jeûner ne soyez pas tristes comme les hypocrites, afin d'être vus des hommes. Ce jeûne est vraiment un jeûne, mais faux, ignoble, inutile: 1. parce qu'il est hypocrite; 2. parce qu'on le fait afin d'être vu des hommes. Ce jeûne simule la faim, rien de plus. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense, c'est-à-dire la [satisfaction de leur] vanité. Jusqu'à quand aimerez-vous la vanité? Les œuvres vaines ont pour récompense la vanité.

            Tu demanderas: Mais quel jeûne ferai-je? 1. Pour toi qui n'es pas hypocrite, oins ta tête et lave ton visage. Saint Jérôme dit: Jésus parle selon la coutume juive; aux jours de fête, en effet, et au milieu des festins, les Juifs oignaient leur tête et se lavaient le visage. Montrez-vous joyeux; prenez votre visage des bonnes fêtes, Saint Chrysostôme: Le Christ est la tête que [51] nous oignons par notre pitié pour les pauvres, etc.; lave ton visage, c'est-à-dire ta conscience. Saint Augustin: La tête, c'est-à-dire l'âme; oins de joie spirituelle la partie supérieure de ton âme, et lave ton visage, c'est-à-dire la partie inférieure de l'âme, celle qui agit par les sens. Aussi saint Bernard ajoute-t-il: «La bouche a-t-elle seule péché, qu'elle jeûne seule; mais les membres ont aussi péché, pourquoi ne jeûneraient-ils pas? » Voir le passage sur le mot Jeûne, serm. XXXVIII. [2.] Lavez-vous, soyez purs, ôtez le mal de vos pensées. Purifie ton cœur de sa malice, o Jérusalem. Alors montre-moi ta face, que ta voix retentisse à mes oreilles; alors, ta face sera belle et gracieuse, et ta voix douce. Ne m'entonne aucun cantique avant que j'aie vu ton visage. Dieu regarda Abel et ses présents. Mon désir est donc que vous soyez tous joyeux de ce temps de jeûne quadragésimal, et que vous vous confessiez dès le début, afin que vos œuvres soient d'or et capables de vous former des trésors.

            3. Diriger son intention, car de l'intention dépend la bonté de l'action. Et si, comme plusieurs le pensent, entre autres Suarez, l'intention formelle et actuelle n'est pas nécessaire, du moins est-il mieux et plus assuré de l'avoir telle et de fixer les yeux sur Dieu. J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux; comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [52] Les yeux sont fixés sur les mains parce que tout ce que la main du maître indique, la main de l'esclave l'entreprend; et l'œil avertit de ce qui est à faire. Tu m'as blessé par un de tes yeux. D'où il s'ensuit: Afin que les hommes ne voient pas que tu jeûnes, mais seulement ton Père qui voit dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Il te rendra ce que tu fais en sa grâce, non cette œuvre même, mais sa récompense. Halonèse, île infestée de brigands, appartenait primitivement aux Athéniens. Philippe de Macédoine en fit la conquête; les Athéniens demandèrent qu'elle leur fût rendue. Je la donnerai, je ne la rendrai pas, répondit Philippe; et les Athéniens reprirent: Nous ne la recevrons pas comme don, nous la recouvrerons. Rendre, en effet, implique une dette; Dieu se constitue donc débiteur de la récompense. Aussi est-il dit, aux Hébreux, VI: Dieu n'est pas injuste pour oublier vos œuvres.

            4. Pour mieux cacher vos trésors, couvrez-les des cendres de l'humilité. Les minerais sont cachés sous la terre aride et stérile. «Souviens-toi, ô homme.» Rappeler le mot de saint Augustin sur le pélican, au commencement du verso de cette page, et la comparaison de la sangsue. J'ai répandu sur les places publiques un parfum comme le baume et le cinamome. Le meilleur baume va au fond du vase, l'huile d'olive surnage au-dessus: la charité produit les bonnes œuvres, l'humilité les conserve. Les abeilles font le [53] miel, et pour le conserver produisent la cire. Thésaurisez dans le Ciel. Exhortation. Voici que déjà l'hiver est passé, comme au début.

[Reprendre au texte, lig. 4.]

            Saint Augustin, sur le Psaume ci: [Semblable] au pélican de la solitude. «On dit que ces oiseaux tuent leurs petits en leur donnant comme des soufflets avec le bec, ensuite, ils les pleurent trois jours, enfin, la mère se fait une blessure et les arrose de sang; cette rosée les ranime. Le Christ envers nous a une autorité paternelle et une maternelle affection, comme la poule qui, par autorité, rassemble ses poussins, et par affection les réchauffe. Ainsi [54] saint Paul fut père: Car eussiez-vous plusieurs milliers de précepteurs, vous n'avez cependant pas plusieurs pères, etc.; il fut mère: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement.» Or, comment le Christ nous vivifie de son sang, nous le comprenons; comment de sa bouche il nous donne la mort, la chose est moins claire. Mais oui, il donne la mort Celui qui précipita Paul à terre et le laissa pour mort; Celui-là vivifie qui l'envoya prêcher au monde. Le Christ, de sa bouche, immole les pécheurs lorsqu'il les mortifie et les conduit aux enfers, en les montrant condamnés à la mort éternelle; la contrition, en effet, est comme la mort de l'âme pécheresse. Mais ceux qu'il montre dignes de mort, il les vivifie par les mérites de son sang et les ramène à une nouvelle vie. Ainsi l'Eglise vous immole-t-elle aujourd'hui: «Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière,» etc.; ensuite, elle vous vivifie: Thésaurisez, etc.

            Sur le Psaume CXLVII: C'est lui qui donne de la neige comme de la laine. La neige est une eau qui tombe congelée, symbole de ces cœurs froids et comme glacés qui tombent dans les biens de la terre. Leur conversion les rend comme laine, de sorte que par la pénitence ils entrent dans la texture de la robe mystique du Christ. Et qui répand le brouillard comme de la cendre. Le brouillard est la connaissance confuse de Dieu, qu'il répand comme la cendre, c'est-à-dire, selon la connaissance que nous avons de nous-mêmes. La [55] connaissance de Dieu est le brouillard, la connaissance de nous-mêmes, la cendre répandue. C'est à peu près l'explication de saint Augustin.

            Sur le Psaume XXXIV: Mais pour moi, pendant qu'ils me tourmentaient, je revêtais le cilice. Dans sa Passion, le Christ était revêtu d'un cilice, c'est-à-dire d'une chair mortelle, ou plutôt, cette mortalité même était pour lui comme une tunique en poils de chèvres. La mortalité est la ressemblance de la chair de péché; bien plus, on peut même l'appeler péché, car la mort est l'effet du péché. Ainsi nous disons la langue grecque, pour désigner non pas l'organe, la langue, mais son action, c'est-à-dire, la parole grecque; ou, j'ai reconnu la main, pour dire, l'œuvre d'une telle main. Il est donc dit que le Christ condamnerait le péché par le péché, c'est-à-dire l'œuvre du péché qui est la mortalité, par la mort elle-même, etc. Sous ce cilice il cachait la vie immortelle et la divinité. Il humiliait son âme dans le jeûne, quand il voyait que personne ou presque personne ne se convertissait. C'était en effet du salut des âmes qu'il avait faim et soif durant sa Passion.

            Voir liv. V, chap. IV, au verset [6] du Psaume XLIV, Pinéda, folio 282: Vos flèches sont acérées, les peuples tomberont a vos pieds, elles pénétreront dans le cœur des ennemis du roi. J'ajoute que le Christ blesse les cœurs par sa parole afin de les ramener à lui et de les guérir; tel ce chasseur qui après avoir [56] blessé les cerfs de Créte leur offre un dictame qui les guerit. Il blesse par la contrition, il guerit par 1'absolution; il ouvre la blessure de la douleur, il la cicatrise par le baume de l'amour. Si un chasseur voulait attirer A lui les cerfs de Créte, il se fixerait dans un lieu où abonderait le dictame; de cette embuscade il tirerait ses fléches, et les cerfs blesses accourraient au baume dont il est environne pour y trouver leur guérison. Ainsi le Christ, tout couvert des merites de sa Passion, nous appelle, et, en nous appelant, il nous blesse pour que nous recourions à ses merites. Lui-meme est à la fois l'archer et le dictame. Renversez les impies et ils ne seront plus: tournez sens dessus dessous le pécheur, c'est-à-dire, soumettez la chair qui commandait, elevez l'esprit qui gisait a terre; ainsi retourné il ne sera plus pécheur; son grabat le portait, il porte maintenant son grabat. Noter en passant que les fléches doivent viser au cceur.

            Pour que nos ceuvres soient meritoires, il faut qu'un pacte intervienne. Elles ont cependant en elles-memes un principe de merite, car elles ont quelque valeur intrinséque; mais sans pacte, cette valeur serait insuffisante. Vous avez posé sur sa tete une couronne de pierres precieuses. La valeur des pierres precieuses dépend de 1'appréciation des hommes. Sans doute, elles ont en elles un principe de valeur: le saphir dont usent les prélats, par exemple, [57] porte à la chasteté et représente le ciel ; l'or de l'anneau est le symbole de la charité ; la pierre signifie l'œuvre même produite ou commandée par la charité. Elle ressemble au ciel, c'est-à-dire qu'à cette œuvre correspond le Ciel; c'est-à-dire qu'elle sera récompensée dans le Ciel. Notre tribulation présente, légère et momentanée. Il est étonnant que de si petites pierres soient vendues si cher, comme la perle de Cléopâtre; mais c'est une convention parmi les hommes qui attribue à ces pierreries une valeur relative de plusieurs milliers de pièces d'argent. [58]

LXXIX. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent

 

29 novembre 1609

 

(INÉDIT)

 

AD EAMDEM, ANNESSII, 1609

 

            Gen. 24, Rebecca, videns Isaac venientem in occursum sibi: Quis est, inquit, ille homo qui venit per agrum in occursum nobis? Dixitque Eliezer: Ipse est dominus meus. Illa descendit et operuit pallio. Venientem Christum (sic) in occursum Ecclesiæ, ipsa descendit per humilitatem et operit se pallio pœnitentiæ; sic enim Christo occurrere par est. Id autem ut faciant filii ejus: Fratres, hora est, etc. Enthymema est Beati Pauli: Propior est nostra salus quam cum [59] credidimus; nox præcessit, dies autem appropinquavit; ergo hora est nos a somno surgere. Hanc consequentiam exaggerat: Sicut in die honeste ambulemus, etc.; abjiciamus opera tenebrarum et induamur arma lucis, etc.

            Quæ salus? nam eadem est ac dies quæ appropinquavit; eadem vero est dies quæ contraria est nocti quæ præcessit. Mire Patres:

            1. Athan., Basil., Chrisost.: Nox præcessit; processit nox seculi; dies autem futuræ vitæ appropinquavit, προχύπτω (sic). Sic Paulus: Hæc autem scripta sunt ad correptionem nostram, in quos fines seculorum devenerunt. I Jo. 2: Filioli, novissima hora est. Psal. 10: Inquinatæ sunt viæ ejus in omni tempore; auferuntur judicia tua a facie ejus. Confige timore tuo carnes meas, a judiciis enim tuis timui. Hieronymus, in Reg. Monach.: Sive comedam, etc. Hora est.

            2. Anselm. et Orig.: Vita præsens nox; dies, tempus post mortem cujusque. Non respicit judicium generale sed particulare. Apostolus, ad Corinthios: Tempus breve est, etc. Quid conferat memoria judicii particularis, vide apud Canis., De Morte. Joannes Eleemosinarius solebat de morte frequenter [disserere], ut [60] immutaret venientes ad se; et referebat quid Simeon Stilites dicebat sibi revelatum de diabolis infestantibus [moribundos], etc. Hora est. Salus quoad animam dicitur dies.

            [3.] Greg.: Nox, tempus Mosaicum, aurora, Evangelicum, dies, resurrectio; medium tempus umbra sine re, in Cælo res sine umbra, etc. Hora est; surge qui dormis, Eph. 5 Salus Evangelii.

            [4.] Cyp., Amb., Aug.: Nox ante Christum, dies Christi, salus Christus. En venit, ipsemet Dux noster. Hora est.

            Abjiciamus opera tenebrarum. Tenebræ: excæcatio, infidelitas, ignorantia. Abjiciamus. Jam abjecimus, iterum abjiciamus. Dixi: Conjitebor, etc., et tu remisisti impietatem peccati mei. Quoniam iniquitatem meam ego cognosco, et peccatum meum contra me est semper. [61]

 

 

 

POUR LE MÊME JOUR, ANNECY, 1609

 

            Rébecca voyant Isaac qui venait au-devant d'elle: Quel est cet homme, dit-elle, qui vient a travers le champ, a notre rencontre? Eliézer répondit: C'est mon seigneur. Elle descendit et se couvrit de son manteau. Lorsque le Christ vient au-devant de l'Eglise, celle-ci descend par l'humilité et se couvre du manteau de la pénitence; c'est ainsi, en effet, que l'on doit aller au-devant du Christ. Et afin que ses enfants observent cette règle: Mes Frères [dit-elle,] l'heure est venue, etc. C'est l'enthymème de saint Paul: Notre salut est maintenant plus proche que lorsque nous avons cru; la nuit passe et le jour [59] approche; donc l'heure est venue de nous lever de notre sommeil. Et l'Apôtre développe cette conséquence: Marchons dignement comme durant le jour, etc.; rejetons les œuvres de ténèbres, et revêtons-nous des armes de lumière, etc.

            Quel est ce salut? Le jour qui approche; or ce jour est l'opposé de la nuit qui passe. Les Pères l'ont admirablement expliqué:

            1. Saint Athanase, saint Basile, saint Chrysostôme: La nuit passe; la nuit de ce siècle s'avance; et le jour de la vie future approche (se pencher). Ainsi saint Paul: Or ces choses ont été écrites pour notre instruction, pour nous qui nous trouvons à la fin des temps... Mes petits enfants,cette heure est la dernière... Ses voies sont souillées en tout temps; vos jugements sont otés de devant sa face. Percez ma chair de votre crainte; j'ai craint a la vue de vos jugements. Saint Jérôme, dans les Règles des Moines: Soit que je mange, etc. L'heure est venue.

            2. Anselme et Origène: La nuit est la vie présente; le jour, le temps qui suit la mort de chacun, non pas après le jugement général, mais après le particulier. L'Apôtre dit aux Corinthiens: Le temps est court, etc. Pour les avantages que procure la pensée du jugement particulier, voir dans Canisius: De la Mort. Saint Jean l'Aumônier avait la coutume de discourir [60] fréquemment sur la mort, pour convertir ceux qui venaient à lui, et rapportait les paroles de saint Siméon Stylite au sujet d'une révélation que celui-ci avait eue sur les assauts que les démons livrent aux mourants, etc. L'heure est venue. Le salut, pour l'âme, est appelé jour.

            [3.] Saint Grégoire: La nuit est le temps de la Loi mosaïque; l'aurore, celui de la Loi évangélique; le jour, la résurrection; le temps intermédiaire nous offre l'ombre sans la réalité, au Ciel nous aurons la réalité sans ombre, etc. L'heure est venue; lève-toi, toi qui dors. Le salut de l'Evangile.

            [4.] Saint Cyprien, saint Ambroise, saint Augustin: La nuit, avant le Christ; le jour, celui du Christ; le salut, le Christ. Voilà que notre Chef vient lui-même. L'heure est venue.

            Rejetons les œuvres de ténèbres. Ténèbres: aveuglement, infidélité, ignorance. Rejetons. Nous les avons déjà rejetées, rejetons-les de nouveau. J'ai dit: Je confesserai, etc., et vous m'avez remis l'impiété de mon péché. Parce que je connais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi. [61]

LXXX. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent

 

28 novembre 1610

 

(INÉDIT)

 

AD DOMINICAM I. ADVENTUS. 1610

 

            Si filii Jacob scivissent Joseph futurum proregem . Ægipti et eos judicaturum cum venit ad eos in Dothaim, eum sane amenissime excepissent. Et ecce venit ad nos quærens nos, Christus; ut ergo eum bene excipiamus, movet nos Ecclesia: Erunt signa, etc. Quam utilis sit timor Dei; quam justus sit timor judicii.

 

            Timor Dei. Proverb. 12: Deum time etmandata ejus observa, hoc est enim omnis homo. Initium sapientiae timor Domini. Beatus vir qui timet Dominum; in mandatis. Beati omnes qui timent Dominum, qui ambulant. Qui timent Dominum speraverunt in Domino; adjutor. Is. 11: Requiescet super eum, etc., et replebit eum Spiritus timoris Domini. [62] Hieronymus petit quare de solo timore dictum sit replebit eum Dominus. Quia, inquit, timor omnibus necessarius est, et debebat fonte pleno esse in eo qui omnibus eum communicare debebat; nam timor præparat animam caritati, et, ut inquit Augustinus, timor est servus caritatis qui illi cubile præparat. Hinc Beata Virgo: Et misericordia ejus a progenie in progenies timentibus eum.

            Sed ut rem tam necessariam intelligatis, scitote duplicem esse timorem, humanum et divinum; humanum autem duplicem, civilem seu moralem, et mundanum. Morali timemus judices, qui non sine causa, inquit Paulus, gladium portant. Mundanus: Pilati, Hærodis, Divi Petri; e contrario, Martires, et Susanna, et Joseph. Nolite timere eos qui occidunt corpus. Divinus, quadruplex: servorum, des esclaves. Confige timore tuo cames meas, a judiciis enim tuis timui. Augustinus, explicans ea verba: Ad alligandos reges eorum in compedibus et nobiles eorum in manicis ferreis, distinguit inter eos qui clavis aureis, id est, charitatis. In funiculis Adam traham eos, in vinculis caritatis; Os. 11. [63]

 

 

 

POUR LE PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT. 1610

 

            Si les fils de Jacob avaient su qu'un jour Joseph serait vice-roi d'Egypte et leur juge, ils l'auraient assurément reçu avec la plus grande affabilité lorsqu'il vint les visiter en Dothaïn. Or, voici que le Christ vient à notre recherche et l'Eglise nous invite à bien le recevoir: Il y aura des signes, etc. Combien est utile la crainte de Dieu; combien juste la crainte du jugement.

            La crainte de Dieu. Crains Dieu et observe ses commandements, car c'est la tout l'homme. La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur; dans [ses] commandements, etc. Bienheureux tous ceux qui craignent le Seigneur, qui marchent, etc. Ceux qui craignent le Seigneur ont espéré dans le Seigneur; [il est leur] secours. [L'Esprit du Seigneur] reposera, sur lui, etc., et l'Esprit de la crainte du [62] Seigneur le remplira. Saint Jérôme demande pour quelle cause il est dit de la crainte seule que le Seigneur l'en remplira, et il répond: Parce que la crainte est nécessaire à tous, et que sa pleine source devait être en Celui qui devait la dispenser à tous. La crainte, en effet, dispose l'âme à la charité; elle est, comme dit saint Augustin, la servante de la charité, à qui elle prépare la chambre. Aussi, la Bienheureuse Vierge dit-elle: Et sa miséricorde s'étend de génération en génération sur ceux qui le craignent.

            Mais pour mieux comprendre une chose si nécessaire, sachez qu'il y a deux sortes de craintes, l'une humaine, l'autre divine. La crainte humaine se divise en civile ou morale et en mondaine. La morale nous fait craindre les juges, qui, comme le dit saint Paul, ne portent pas le glaive sans raison. La mondaine est celle de Pilate, d'Hérode, de saint Pierre; les Martyrs, Suzanne, Joseph avaient une crainte tout opposée. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps. La crainte divine est quadruple: celle des esclaves. Percez ma chair de votre crainte; j'ai craint à la vue de vos jugements. Saint Augustin expliquant ces mots: Pour mettre aux pieds de leurs rois des chaînes, et a leurs princes des menottes de fer, distingue parmi eux ceux qui sont liés avec des nœuds d'or, c'est-à-dire avec les liens de la charité. Je les attirerai par les liens d'Adam, par les liens de la charité. [63]

LXXXI. Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de l'Avent

 

5 décembre 1610

 

(INÉDIT)

 

……………………………………………………………………………………………………...

            Quid existis in desertum videre? Audierant esse prædicatorem in deserto; accesserant. Heu! in medio populi sunt concionatores, et piget venire. Quid faciebat Baptista in deserto? Baptisabat umbratice et sanabantur populi; annunciabat pœnitentiam et remissionem peccatorum, prædicabat venturum. Nos remittimus peccata, praedicamus venisse, ipsummet Christum non tantum digito ostendimus ut Agnum, sed manibus porrigimus ut sacrificium consummatum et cibum, et nemo venit. Surget gens illa.

            Arundinem vento agitatam? Vento agitatur «quisquis ex favore attollitur et detractione dejicitur,» ait [64] Greg. Hoc maxime concionatoribus competit. Quem dicunt homines? Hoc omnes petimus. Ah, quæso, quare ventus est vita tua? Chrisost., pulcherrime: «Aliqui sunt iracundi natura, alii per infirmitatem longam, ilz deviennent chagrins; ita alii natura sunt mobiles, alii lasciviæ serviendo mobiles fiunt.» Ut pleraque omnia injecta in aquam tepidam mollescunt, ita anima si lasciviæ dedita sit, etc. Peccatum peccavit Hierusalem, propterea instabilis. Sic Salomon mulieribus addictus, instable. Augs., De Doct. Christiana, apud D. Thom.: «Quisquis rebus utitur restrictius quam mores bonorum inter quos versatur se habent, aut intemperans aut superstitiosus est; si excedat, aut aliquid significat (more histrionum scilicet, qui vestibus regum utuntur cum ipsi sunt miselli), aut flagitiosus est.»

            Cætera de Evangelio patent. Plus quam Propheta, quia non solum prædixit sed ostendit; angelus munere, non natura.

 

            En ergo, ne vos amplius retineam, mitto vos ad Christum. Ite, dilectissimi auditores, ite, popule meus, [65] ad Christum, et dicite illi meo nomine: Tu es qui venturus es, an alium expectamus? Videtis eum venientem, utero Matris inclusum, ipse tamen est qui venturus est judicare vivos et mortuos, nec alium expectare debemus. Ergo, si caeci estis, aperite oculos et videte. Ne contemnatis Pusillum istum, nam Angeli ejus sunt coram Patre ad faciendam vindictam. Audite eum voces pœnitentiæ inclamantem, ambulate in viis ejus, resurgite. Sic fiet ut in die judicii, quem-admodum hodie dixit de Joanne: Quid existis in mundum videre? Quibus providere et servire? Arundines? mollibus? prophetas? Etiam plus quam prophetas, quia prseviderunt ventura et sibi providerunt. Sunt angeli missi ante faciem meam, quam videbunt gaudentes in secula seculorum.

 

            Amb., loco supra citato, affert primo suam expositionem misticam ut solvat nodum, dicens Joannem in carcere esse Sinagogam in tenebris ignorantiæ, habens (sic) velamen præ oculis; unde mittit ad Christum a quo lumen accipit. Sic in Missa diaconus et subdiaconus hoc tempore ante complicatas gerunt planetas seu casulas, quia representant misteria non fuisse explicata ante [66] adventum, et veteres diminutum habuisse sacerdotium. Dum tamen officio funguntur exuunt illas vestes, quia velamen auferendum fuit Joanni, et illis ex Sinagoga qui proxime Christi adventum annunciarunt.

            1re opinio, Tertul., dat ansam dicendi quod Joannes non solum fuisset privatus spiritu prophetiæ sed spiritu fidei. Quomodo autem fidem amisisset, quæ nunquam est primum peccatum?

            2e opinio, Ambr., mistica, dat ansam dicendi quod supra, hac columna, dixi.

            3e, Bedæ, Hieron., Greg., dat ansam dicendi de impœnitentia infernali.

            4e, eorum quos refert Amb., dat ansam loquendi de amore præpostero carnali, etiam hominum qui nolunt filios fieri sacerdotes, religiosos, homines dare operam rebus devotionis.

            5e, ut supra dixi.

 

            3. Que nous prenons et qui nous prennent. [67]

 

 

 

……………………………………………………………………………………………………...

            Qu'étes-vous allés voir an désert? Ils avaient appris qu'on prêchait au désert, ils s'y étaient rendus. Hélas! il y a des prédicateurs au milieu du peuple, et on ne prend pas la peine de venir les entendre. Que faisait Jean-Baptiste au désert? Il baptisait en figure et les peuples étaient purifiés; il prêchait la pénitence et la rémission des péchés, il annonçait Celui qui devait venir. Nous, nous remettons les péchés, nous déclarons que ce même Christ est venu, nous ne le montrons pas seulement du doigt comme l'Agneau du sacrifice, mais nos mains le présentent comme victime consommée et comme nourriture, et personne ne vient! Cette nation se lèvera.

            Un roseau agité par le vent. Ceux-là sont agités du vent « qui sont élevés [64] par la faveur ou précipités par la disgrâce,» dit saint Grégoire. Cela est vrai surtout des prédicateurs. Que disent les hommes? Voilà ce que nous demandons tous. Ah! de grâce, pourquoi ta vie est-elle du vent? Saint Chrysostôme dit très bien: «Il en est qui sont irascibles par tempérament, d'autres par suite d'une longue infirmité deviennent chagrins; de même, quelques-uns sont changeants par nature, d'autres le deviennent en suivant leurs mauvais penchants.» Presque tout ce que vous jetez dans l'eau tiède s'amollit, ainsi l'âme qui s'abandonne à la mollesse, etc. Jérusalem a excessivement péché, c'est pourquoi elle a perdu sa stabilité. Ainsi Salomon s'abandonne aux femmes et devient instable. Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User des choses de cette vie avec plus de rigueur que les honnêtes gens qui vous entourent dénote la crainte de l'intempérance ou la tendance au scrupule; en user avec excès est preuve de prétention (comme ces histrions qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent d'habits royaux) ou de corruption.»

            Les autres passages de l'Evangile sont clairs. Plus qu'un Prophète, parce que Jean n'a pas seulement prédit, il a encore montré; ange par son office, non par nature.

            Mais pour ne pas vous retenir davantage, je vous envoie à Jésus-Christ. Allez, bien-aimés auditeurs, allez, mon peuple, au Christ, et demandez-lui en [65] mon nom: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Vous le voyez venir enfermé dans le sein de sa Mère, et c'est lui-même cependant qui viendra juger les vivants et les morts; nous ne devons pas en attendre un autre. Donc, si vous êtes aveugles, ouvrez les yeux et voyez. Gardez-vous de mépriser ce petit Enfant, car ses Anges sont devant le Père pour exécuter ses vengeances. Entendez ses cris d'appel à la pénitence, marchez dans ses voies, relevez-vous. Ainsi au jour du jugement, il redira comme il dit aujourd'hui de saint Jean: Qu'êtes-vous allés voir dans le monde? Pour qui furent vos prévoyances et vos soins? Pour des roseaux, pour des hommes mollement vêtus, pour des prophètes? Oui, plus que des prophètes, car ils annoncèrent l'avenir et s'y préparèrent. Ce sont des anges envoyés devant ma face; ils la verront un jour pleins de joie, dans les siècles des siècles.

            Saint Ambroise, dans le passage cité, produit d'abord un sens mystique pour résoudre cette difficulté. Il dit que Jean dans sa prison, c'est la Synagogue dans les ténèbres de l'ignorance et les yeux voilés; aussi envoie-t-il un message au Christ pour en recevoir la lumière. En ce temps-ci, le diacre et le sous-diacre portent à la Messe des planètes ou chasubles dont la partie antérieure est repliée, pour signifier qu'avant la venue [du Messie] les mystères [66] n'avaient pas encore été révélés et que les anciens n'avaient qu'un sacerdoce incomplet; mais lorsqu'ils exercent leurs fonctions, ils dépouillent ce vêtement, parce que le voile fut ôté des yeux de Jean et des membres de la Synagogue, contemporains du Christ qui annoncèrent sa venue.

            1re opinion, celle de Tertullien qui porterait à croire que saint Jean fut privé non seulement de l'esprit prophétique, mais encore de l'esprit de foi. Or, comment aurait-il perdu la foi, quand cette perte n'est jamais le premier péché qu'on commet?

            2e opinion, celle de saint Ambroise, toute mystique, laisse à penser ce que je viens de dire plus haut, dans cette colonne.

            3e, celle de Bède, de saint Jérôme, de saint Grégoire, pourrait s'appliquer à l'impénitence des damnés.

            4e, celle des auteurs que cite saint Ambroise, peut s'entendre de l'amour désordonné et charnel de ces hommes qui empêchent leurs fils de se faire prêtres ou religieux, ou les autres de s'adonner aux pratiques de dévotion.

            5e, comme je l'ai dit plus haut. [67]

LXXXII. Fragment d'un sermon pour le premier Dimanche de l'Avent

 

27 novembre 1611

 

(INÉDIT)

 

            Natura varias temporis differentias instituit, et quibuslibet sive singulis varias affectiones tribuit; ut frigus hiemi, calorem æstati, teporem autumno et veri. Sic Ecclesia varia festa, etc.

            Quarto die creationis dixit Deus: Fiant luminaria in firmamento cæli, et dividant diem ac noctem, et sint in signa et tempora et dies et annos, ut luceant in firmamento cæli et illuminent terram. [68]

 

            Sed quare Christus tam sæpe de judicio et mundi fine loquitur? Ad timorem incutiendum. Sed quare vult nos timere? Ut amemus, quia initium sapientice est timor. Is. 26: A facie tua (70 apud Sa, a timore tuo, propter timorem tuum) concepimus et quasi peperimus spiritum, id est, amorem. A facie tua, id est, a facie iræ indignationis tuæ. Sic Concilium Tridentinum definivit contra Lutherum et a [69] timore incipere interdum nostram justificationem, id est, dispositionem nostræ justificationis.

            Sed quia rem hanc anno superiori incepimus tractare, jam pergamus. Duplex timor, humanus et divinus. Humanus iterum duplex: naturalis moralis, mundanus; divinus, quadruplex: servilis, mercenarius, filialis, sponsarum.

            Servorum, des esclaves, serfz, forsatz, quia timent pœnam. Verum iste duplex est, bonus et malus. Malus, cum voluntatem peccandi non excludit, imo includit desiderium. Ut qui dicit: Si Deus præciperet rem talem et præcepto non adhiberet pœnæ comminationem, etc., ego peccarem; verum quia, etc., est peccator affectu. Imo iste timor est peccatum; quia existimat pœnam esse magis timendam quam culpam et Deum, et amat suum commodum super omnia et super Deum. I Jo. 4: Charitas foras mittit timorem; neque differt iste timor a tristitia damnatorum. Bonus: 1°. ut quando, sine illa reflexione, precise timetur infernus. Sic Ninivitæ. Sic Christus, Apostoli. Quia licet inclinare cor propter retributiones, ergo etiam propter pœnam vitare peccata. [70] 2. Ut qui desiderans servire Deo et vitare offensam Dei, excitatur et movetur a timore, etc. Hic est actus spei, nam eadem virtus quæ inclinat ad prosequendum bonum inclinat etiam ad fugiendum malum. Exempla ut intelligamus, vide pag. 28.

………………………………………………………………………………………………… [71]

 

 

 

            La nature diversifie les saisons, et à chacune elle attribue un caractère spécial: le froid à l'hiver, la chaleur à l'été, une température modérée au printemps et à l'automne. Ainsi l'Eglise varie ses fêtes, etc.

            Le quatrième jour de la création Dieu dit: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour les temps, les jours et les années, afin qu'ils brillent dans le firmament du ciel et qu'ils éclairent la terre.

            Comm'en un'assemblee publique et solemnelle, apres que chacun s'est retire, tous les serviteurs qui portoyent les flambeaux les esteignent, et par tout l'hostel on va commandant qu'on ammortisse les torches, ainsy, lhors que le moncle finira et que les habitans seront mors, [68] Dieu fera esteindre les flambeaux du ciel: Sol obscurabitur et luna non dabit lumen suum. Il ne sera plus besoin de diviser le jour de la nuit, car au Ciel le jour sera eternel pour les Saintz, et pour les autres, la nuit eternelle; non plus les signes mais les effectz, non plus les jours mais les eternites. Le Ciel n'a plus besoin de ces astres, car les cors des Bienheureux tiendront leur place: Fulgebunt justi sicut sol, et sicut stellæ splendentes in perpetuas æternitates; ni la terre d'estre eclairee, car il ny aura plus d'yeux pour voir. C'est cela que dit l'Evangile: Erunt signa, etc., et in terris pressura gentium. O Dieu, que le commencement du monde est admirable, et comme Dieu prent la peyne de ranger toutes choses! Mays, o Dieu, que sa fin est espouventable, lhors que Dieu troublera et renversera tout! Comme quand un roy veut habiter un palais, on tend les tapisseries, on estale les meubles, ainsy quand Dieu mit l'homme au monde. Et comme quand le roy part, etc., tout renverse.

            Mais pourquoi Jésus-Christ parle-t-il si souvent du jugement et de la fin du monde? C'est pour nous remplir de crainte. Mais pourquoi veut-il que nous craignions? Afin que nous aimions, parce que la crainte est le commencement de la sagesse. Devant votre face (version des Septante, d'après Sa, dans votre crainte, parce que nous vous craignons) nous avons conçu et comme enfanté l'esprit, c'est-à-dire l'amour. Devant votre face, c'est-à-dire, devant votre colère et votre indignation. Ainsi le Concile de Trente a-t-il défini contre [69] Luther que notre justification même, c'est-à-dire notre disposition à être justifiés, commence quelquefois par la crainte.

            Nous avons commencé l'année dernière à traiter ce sujet, nous allons donc continuer. La crainte est double, la divine et l'humaine. La crainte humaine à son tour est double: naturelle ou morale et mondaine; la crainte de Dieu, quadruple: servile, mercenaire, filiale, crainte des épouses.

            Celle des serviteurs... qui agissent par crainte du châtiment; elle se subdivise encore en bonne et mauvaise. Elle est mauvaise lorsqu'elle n'exclut pas la volonté de pécher et qu'elle en contient même le désir. Ainsi, qui dirait: Si Dieu prescrivait telle chose et ne sanctionnait pas ce précepte par la menace d'un châtiment, etc., je pécherais; mais comme, etc., celui-là serait pécheur d'affection. Bien plus, cette crainte même serait péché, parce qu'il jugerait le châtiment plus à craindre que la faute et que Dieu, et qu'il estimerait son avantage au-dessus de tout et de Dieu même. La charité chasse la crainte. La crainte dont nous parlons ne diffère en rien du stérile regret des damnés. [La crainte des esclaves peut être] bonne: 1. quand, sans faire la réflexion indiquée plus haut, on redoute simplement l'enfer; ce fut la crainte des Ninivites. Cette crainte est inculquée par Jésus-Christ, les Apôtres. Il est permis de porter son cœur au bien en vue de la récompense, donc de l'éloigner du péché par crainte du châtiment, 2. Quand la crainte excite et entraîne au [70] désir de servir Dieu et d'éviter le péché, etc. Cette crainte est un acte d'espérance, car la même vertu qui pousse au bien détourne aussi du mal. Voir page 28 des exemples pour nous faire saisir.

………………………………………………………………………………………………… [71]

LXXXIII. Fragment d'un sermon pour le deuxième Dimanche de l'Avent

 

4 décembre 1611

 

(INÉDIT)

 

Tu es qui venturus es, an alium

expectamus ?

MATH., II, v. 3.

 

            Paucis verbis Joannes duos maximos Christi titulos explicat in hac legatione: Qui venturus es, et, quem expectamus. Iis expositis, pergemus totam Evangelii seriem explicare.

            1. Venturus est Christi solemne nomen et elogium. 1. Gen. 49: Non auferetur sceptrum de Juda et dux de femore ejus, donec veniat qui mittendus est, Siloh. Quod Mot significat varia pro varietate radicum, Filius ejus, pacificum, missum; Sept.: Donec veniat cui repositum est, scilicet sceptrum. (Veniat notandum.) Veniat mittendus, id est, venturus. Aggei, 2: Adhuc unum modicum, et veniet desideratus cunctis gentibus. Psal. 39: Expectans expectavi Dominum, [72] et intendit mihi; deinde: Sacrificium et oblationem noluisti, aures autem perfecisti mihi; holocaustum pro peccato non postulasti, tunc dixi: Ecce venio. Abacuc, 2: Adhuc visus procul, id est, visio, et apparebit in finem et non mentietur; si moram fecerit, expecta eum, quia veniens veniet et non tardabit.

            2. Quem expectamus. Et ipse erit expectatio gentium. In prædictione Dan: Dan judicabit populum suum sicut et alia tribus in Israel. Fiat Dan coluber in via, cerastes (coluber quadricornius) in semita, mordens ungulas equi ut cadat ascensor ejus retro. Vide Per. de interpretatione loci ex antiquis Patribus de Antichristo.

            Sed cur venturus, cur expectatio? 1. Venturus Pater, venturus Filius, venturus Spiritus Sanctus; at Christus specialiter, non tanquam operator tantum, sed tanquam opus, in nova substantia veniet in mundum. 2. Quia bonitas diffusiva est sui, unde illud: Beatius est magis dare quam accipere. Prima ratio fuit excellentia misterii. Cur expectatio? Quia illo egebamus, ob multa. Redde mihi lætitiam salutaris tui. O………………………………………………………….. [73]

 

 

 

            Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? En ce peu de mots, saint Jean exprime les deux plus beaux titres du Christ : qui doit venir et que nous attendons. Nous les développerons d'abord, et nous expliquerons ensuite l'Evangile dans toute sa teneur.

            1. Celui qui doit venir est un nom célèbre et un éloge du Christ, 1. Le sceptre ne sera pas ôté de Juda ni le chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne Celui qui doit être envoyé, Siloh. Ce mot a différentes significations, selon la diversité des racines: son fils, pacifique, envoyé; les Septante: jusqu'à ce que vienne Celui pour lequel il a été gardé, c'est-à-dire le sceptre. (Qu'il vienne est à noter.) Que Celui qui doit être envoyé vienne, c'est-à-dire, Celui qui doit venir. Encore un peu de temps, et le Désiré de toutes les nations viendra. En attendant j'ai attendu le Seigneur, et il m'a écouté; ensuite: Vous n'avez pas voulu de sacrifice [72] ni d'offrande, mais vous m'avez rendu parfaitement attentif à vos paroles; vous n'avez pas demandé d'holocauste pour le péché, alors j'ai dit: Me voici... La vue est encore éloignée, c'est-à-dire la vision, mais il apparaîtra à la fin et il ne trompera pas; s'il tarde, attends-le, car il viendra et il ne tardera pas.

            2. Celui que nous attendons. Et lui-même sera l'attente des nations. Dans la prédiction de Dan: Dan jugera son peuple aussi bien qu'une autre tribu en Israël. Que Dan devienne une couleuvre sur le chemin, un céraste (couleuvre à quatre cornes) dans le sentier, mordant la corne du pied du cheval, afin que le cavalier tombe à la renverse. Voyez Péréira pour l'interprétation de ce passage, d'après les anciens Pères qui l'entendent de l'Antechrist.

            Mais pourquoi ces mots: qui doit venir? Pourquoi cette attente? 1. Le Père aoit venir, le Fils doit venir, l'Esprit-Saint doit venir. Toutefois, le Christ doit spécialement venir, non seulement comme agissant, mais comme œuvre; il viendra dans le monde en une nouvelle substance. 2. Parce que la bonté est de soi communicative; de là cette maxime: Il est plus heureux de donner que de recevoir. La première raison de l'Incarnation a été l'excellence de ce mystère. Pourquoi cette attente? Parce que nous avions besoin du Sauveur, pour de nombreux motifs. Rendez-moi la joie de votre salut …………………………………………………… [73]

LXXXIV. Sermon pour le mercredi des Cendres

 

7 mars 1612

 

(INÉDIT)

 

 

Memento, homo, etc.

Thesaurizate vobis, etc.

[MATT., VI, 20.]

 

            Quand Gedeon entreprit la celebre bataille qui est descritte au Livre des Juges, chap. 7, il commanda aux troys cens soldatz d'eslite qu'il avoit pris pour compaignons d'une si dign'entreprise, de ne point employer d'autres armes que le son des trompettes et de la clarte des lampes ardantes qu'un chacun d'eux portoit en sa main. Armes, a la verite dire, peu sortables au dessein, si nous les regardons selon leur premiere trempe et le sens exterieur; mays armes en effect excellentes, par lesquelles toute l'armee des Madianites fut mise en desordre, en route, et en fin au fil de l'espee. Car le son des trompettes ayant donne une effroyable alarme aux oreilles, le feu qui paroissoit de toutes pars autour de l'ost et en pleyne minuit, donna un'apprehension comme de quelque spectre espouvantable, aux [troupes] de l'ennemi. Le son de la trompette reveilla [74] les Madianites, qui, regardans la part d'ou venoyt le son, virent de tous costes paroistre en un moment 300 lampes ardentes qui sortoyent d'entre les morceaux brises d'autant de potz casses. Le son des trompettes les effraya, par ce quil se fit au coeur de la nuit, lhors quilz estoyent au plus profond de leur sommeil; la lumiere des lampes les espouvanta, par ce qu'a l'improuveue ilz la virent paroistre entre les potz casses. Aussi, ces lampes ardentes qui sortoyent des potz casses estoyent un signe mistique que bien tost la gloire d'Israel et le triomphe de la victoire sortiroit d'entre les cors mortz et abbatuz des Madianites, dequoy la trompette les advertissoit.

            Or sus, mes chers auditeurs, si vous ne le sçaves pas, les Madianites representent les mondains, Gedeon est la figure de Jesuschrist, et les troys cens soldatz sont un portrait des prædicateurs. O Madianites, mondains, pecheurs desbauches, le Sauveur vous denonce la guerre, et nous sommes ses soldatz d'eslite. Vous dormes, non pas, au milieu de vos grossieres et terrestres affections? et voyci que ce divin Capitaine nous commande que nous sonnions haut et cler de nos trompettes, et que nous facions tout par tout retentir nos clerons: Vox dicentis mihi, clama; quasi tuba exalta vocem tuam. Et dixi: Quid clamabo? Oüy, Seigneur, je veux crier; mays que crieray-je? Clama, clama, ne cesses; Crie, crie, ne cesse point: Omnis caro fænum («Memento homo;» confringite lagenas), et omnis gloria ejus sicut flos agri; exsiccatum est fænum, etc., et cecidit flos (et in pulverem reverteris). Sed ex hac lagena confracta exit lampas: Ascende in montem excelsum, tu qui evangelizas Sion; dic [75] civitatibus Judæ: Ecce. Deus vester, ecce Dominus Deus in fortitudine veniet, ecce merces ejus cum eo. Thezaurisate. Tu autem cum jejunas, unge caput tuum et faciem tuam lava; et Pater tuus qui videt in abscondito reddet tibi.

            C'est le sujet general des prædicateurs, la mort et la vie; mais c'est le sujet particulier que je doys traitter en cette journee. Mes chers auditeurs, si j'apporte en cette chaire autre desir de gloire que le desir de la gloire de Dieu, si j'y viens pour autre passion que pour la Passion du Sauveur, si j'ay prætention d'autre issue que de celle de vostre salut, que ma langue se replie en derriere, et demeur'attachee a mon gosier, que ma bouche soit dessechee et comm'une fontaine tarie qui ne peut point respandre ses eaux. Mays, o Seigneur et Sauveur de nos ames, si mon ame vient icy animee du desir de sanctifier vostre nom sur ce peuple, si le courage de mon cceur tend a glorifier vostre grace, et si je suis passionne du desir de bien annoncer le fruit de vostre Passion a ces ames qui sont le sujet pour lequel vous la souffristes, he, doux Jesus, soyes moy propice, et puisque j'ay volonte de parler, donnes moy le moyen et m'inspires de quoy dire. Mes auditeurs, escoutes avec reverence les paroles que je vous porte; car c'est en qualite d'ambassadeur extraordinaire de Dieu que je vous parle. Mays prions affin que je parle des paroles celestes, et que vous oyes avec un'attention convenable, et employons les prieres de la tressainte Vierge. Ave.

 

            Opportet ista tantisper restringere, hoc modo. Hoc [76] loco constitutus, dilectissimi auditores, videor mihi audire vocem, veluti alter Isayas, dicentem mihi: Clama.

            Vel hoc modo. Quod Isaiæ aliquando accidit, id omnibus Christi servis prsedicatoribus usuvenit: [1°.] Vox dicentis mihi, inquit ille, vox quoque dicentis mihi: Clama. Nam et illi et mihi necessitas evangelizandi incumbit. At ille: Quid clamabo? Paratus sum clamare, sed quid? Clama: Omnis caro fænum. Et Ecclesia, Mater mea: Quid clamabo? «Memento homo.» 2°. Vox dicentis mihi: Ascende in montem excelsum, tu qui evangelizas; exalta in fortitudine vocem tuam. Sed quid clamabo? Dic civitatibus Judæ: Ecce Deus vester, et merces ejus cum eo, etc.

            Vel exordium erit hoc modo; Hier. 24: Ostendit mihi Dominus, et ecce duo calathi pleni ficis positi ante Templum Domini; et dixit Dominus ad me: Ouid tu vides, Hieremia? Et dixi: Ficus, etc. Sic et mihi, auditores, in officio hujus celeberrimæ diei, videbatur Dominus ostendere duos calathos, unum propheticum, alium evangelicum, et dicere videbatur mihi Dominus: Quid tu vides, Hieremia? Et duo ficus quibus pascantur populi. Quas ficus? Malas, malas [77] valde: «Memento homo quia pulvis esConvertimini ad me in toto corde vestro, in jejunio, et fletu et planctu. Ficus vero bonas, bonas valde: Tu autem cum jejunas, unge caput tuum; Pater tuus qui videt in abscondito reddet tibi; Thesaurizate vobis thesauros, etc. Ecce jam et bonas et malas ficus quas ostendit Dominus degustemus, in nomine Domini; præcemur autem Virginem ut et bonas nobis optimas, malas vero etiam bonas sua intercessione faciat.

 

            Vel sic: 4. Reg. 4, jussit Heliseus uni de pueris suis: Pone ollam grandem et coque pulmentum filiis prophetarum. Et egressus est unus, etc. En mihi videtur Christus sicut uni de pueris et indignis servis suis dixisse: Pone ollam grandem, præpare beaucoup de viandes spirituelles pour le peuple de Chamberi. Et je suis sorti au champ de l'Escriture qui est proposee en 1'Evangile d'aujourdhuy, et avois cueilly a la bonne foy des collochintes: «Memento homo;» Convertimini in jejunio, fletu et planctu, etc. Mays si vous en goustes de la sorte, o Dieu, dires vous, cette prædication est toute de mort: Mors in olla, vir Dei. C'est pourquoy, ecce Heliseus noster: Affer, inquit, mihi, farinam; produc Evangelium, quod nihil aliud est quam granum frumenti (id est, Christus ipse, [78] comminutum et in varias doctrinas declaratum); et misit in ollam, junxit Evangelium Prophetiæ, et dixit: Infunde turbæ. Gustate, charissime populus. Ecce amaritudo: «Memento homo;» In jejunio, fletu et planctu; sed ecce non amplius amara mors quae sequitur, thesauri possessio in Cælis. Colochintes est in jejunio, sed farinam infunde: Pater tuus cælestis reddit tibi. Colochintes est in terram reverteris; sed farinam immitte: Thezaurizate vobis, etc. En ergo, dilectissimi Fratres, ex colochintide et farina admixtum vobis hodierna die cibum præbeo, de quo dici potest quod, etsi ex amaris constat, tamen admixta farina præmii non est amplius quicquam amaritudinis in eo. Gustate igitur cum delectatione, etc.

 

            Indica mihi, quem diligit anima mea, ubi pascas, ubi cubes in meridie; id est, quænam sit anima quam amas, cum qua deliciæ tuæ, in qua delectaris, pascendo affectus tuos, illosque velut in lectulo collocando; ne, ignara in quo tibi hoc modo tibi placeam, ne vagari incipiam post affectus mundi mundanorum. Sodales Domini volunt esse quicumque hominis cor possidere contendunt; mundus demon, hic amicus qui vult se [79] præferri Dei mandatis, illa amica, etc. Vox est naturæ humanæ inquirentis suam beatitudinem.

            Respondet Sponsus; et prima rudimenta cognoscendi Deum in cognitione suiipsius ponit: Si ignoras te, o pulcherrima. Quasi dicat: Vis secura esse? ne declines post amatores multos; incipe a cognitione tui, et habe pro certo quod si ignoras te, o pulcherrima inter mulieres, abibis post vestigia gregum tuorum, id est, affectuum variorum, et pasces hædos, id est, motus pravos, juxta tabernacula aliorum, qui se sodales meos esse gloriantur, corrivaux, et pascunt animas, sed ventis.

            Duplex est interprætatio: prima est Honorii, et Ruperti, et recentiorum; et maxime Theodoreti: dicentium hæc verba debere capi in bonam partem, in hunc sensum: Si ignoras, o anima, ubi cubem in meridie, abipost vestigia gregum Patrum antiquorum, sectare doctrinam tritam et communem, et pasce hædos, cogitationes tuas, quæ sub naturali lumine sunt hædi et per supernaturale in oves mutandi, juxta tabernacula pastorum, Episcoporum in Concilio Conciliorum Sedis Apostolicæ præfectorum. Secunda, dicentium esse verba [80] reprehensoria; ut Ambrosius, Gregorius, Bernardus. Ego non reprehendentis, sed amice docentis quomodo incipere debeamus inquisitionem Dei. Si ignoras te, egredere, id est, egredieris. (Ut: Deus meus, pone illos ut rotam, id est, pones; Fiat habitatio eorum, id est, fiet; Appone iniquitatem super iniquitatem eorum, et non intrent, id est, non intrabunt, appones.) Sed jam duplex est nostri ignorantia; ut dupliciter apud philosophos illa sententia; «Nosce teipsum.» Nam Socrates, apud Platonem, in Alcibiade, cognitionem sui in cognitione excellentiæ animæ nostræ consistere ait; alii in cognitione vilitatis suae secundum corpus; pusillanimitas et superbia.

            Et quidem, quoad secundum; Deus ab initio nobis nomen Adæ imposuit: Masculum et fæminam creavit eos, et vocavit nomen eorum, Adam, id est, terrestres, luteos; ut ait Gregorius Niss., De Creat. hominis, c. 22. De limo terræ; ut in nomine nostro humum præferente, mortis admoneremur: «Memento homo.» Sed satis recordamur, ais. Heu me! satis cogitamus, sed non recogfitamus: Desolatione, etc. Dic mihi, [81] superbe, dic, avare, gulose, nominis quæsitor, etc. Fundamentum omnium tentationum fuit in memoria mortis extirpanda.

            Audite historiam satis vulgarem, sed non satis consideratam; nam ad eam Ecclesia nos provocat. Formato homine, tulit eum Deus et posuit eum in paradiso voluptatis. Præcepitque ei, dicens: De omni ligno paradisi comede, id est, comedere potes; de ligno autem scientiæ boni et mali ne comedas; in quacumque enim hora, etc. Adam mansit aliquamdiu solus sub præcepto; nam dedit nomina rebus et animantibus: sed non eum tentare tunc voluit serpens; expectavit donec haberet instrumentum tentationis suæ idoneum, fæminam. Jam ergo, creata fæmina, venit, dicens: Quare præcepit vobis Deus ut non comederetis de omni ligno paradisi? Videte astutiam: Cur præcepit? Quia Dominus est; ipse fecit nos, et non ipsi nos. Ut non comederetis de omni ligno, id est, de ullo; videte fraudem. Sic hoc tempore, suggerit: O! isti prædicatores nolunt vos ullum gaudium excipere, nolunt vos vesci, nolunt vos ridere, nolunt vos ullam curam rerum habere; volunt vos tota die esse in ecclesiis, volunt vos semper jejunare. Ah! Proditor [82] generis humani, non hoc dicimus, sed: De omni gaudio comede, sed de gaudio peccatorum ne comedas, etc. De fructu, ait, lignorum... præcepit nobis Deus ne comederemus et ne tangeremus illud, id est, lignum.

            Dupliciter consideratur illud ne tangeremus: nam forsan verum erat implicite contineri prohibitionem ne tangeremus, ob periculum, nam post tactum arboris ad tactum fructus, post tactum ad esum; vel ipsa mentiebatur, exaggerans et fingens laborem et rigorem in præcepto. Ne forte moriamur. Heu! hinc prima mali labes, dubitat de morte. Morte morieris, reduplicatio inculcans; at, ipsa oblita, emollit per dubitationem. Heu! heu! dubitas; aperis tantisper januam diabolo. Ecce irruit diabolus: Nequaquam moriemini. Ceux qui chassent au chevreul se joignent aux rochers, car silz voyent tant soit peu d'ouverture, ilz se fourrent; il faut ainsi adhærer aux commandemens, ne latum quidem unguem discedere. Dæmon est instar serpentis cujus figuram præferebat; ubi caput inserit totum corpus infert. Nescitis quod dæmones a sagis et magis non petunt plerumque res magnas, sed pilum barbæ vel [83] rasuram unguium? Si des, captus es. Parum petit initio, progressu temporis omnia aufert. Sic hæretici petunt sibi concedi unum iota: omiousion (sic); si des, captus es. Nolo malum cogites, sed audi ejus verba; nolo credas, sed audi quam dulciter cantat juvenis; nolo attendas ad obscena, sed vide, animi gratia, quam eleganter scribat.

            «Frigidus, o pueri, fugite hinc, latet anguis in herba.»

            Ergo Deus, ubi vidit hominem peccasse ex oblivione mortis, inculcat: In sudore vultus tui vesceris pane tuo, donec revertaris in terram de qua sumptus es; quia pulvis es et in pulverem. O homo, memento mori. Quid gloriaris, pulvis et cinis? Quam belle poenitens: Putredini dixi, pater meus, frater meus et soror mea, vermibus. Nos plerumque gloriamur in corpore, de anima nihil solliciti. Pulvis, pulvis, pulvis, quid gloriaris? On se mire avant que de sortir; nul ne fait l'examen de sa conscience. De vestitu corporis cogitamus, de vestitu animæ nihil.

            Atqui, si ignoras te, o pulcherrima inter creaturas; [84] sed hoc breviter. [1.] Quam nobilis est anima, quæ est Dei imago et similitudo. Ut Phidias, pingens Minervam, in medio scuti, [etc.]: Faciamus hominem ad imaginem (ad Mot, cum imagine et similitudine). 2. Formavit, et inspiravit spiraculum vitæ, vitarum mortalis et immortalis, temporalis et æternæ; trium vitarum, sensitivæ, vegetalis, rationalis; naturalis et gratuitæ. Ecce ergo, quandoquidem capaces estis vitæ æternæ, cum jejunatis, nolite fieri sicut hipocritæ, tristes. Quid tristes estis qui tantam mercedem expectatis? Quid, sicut hipocritæ, vos qui gloriam habere potestis æternam, quomodo temporalem sectamini? [85]

 

 

 

            Il faut un peu abréger cela, de cette façon. Me voyant appelé à occuper [76] cette chaire, bien-aimés auditeurs, il me semble entendre, comme un autre Isaïe, une voix qui me dit: Crie.

            Ou bien de cette manière. Ce qui arriva une fois à Isaïe, arrive habituellement à tous les prédicateurs, serviteurs du Christ: [1.] Voici la voix de quelqu'un qui me dit, affirme le Prophète. Et moi aussi: Voici la voix de quelqu'un qui me dit; Crie; car, et à lui et à moi, incombe le devoir d'évangéliser. Mais dit-il, que crierai-je? Je suis prêt à crier, mais quoi? Crie: Toute chair est de l'herbe. Et moi, je demande à l'Eglise ma Mère: Que crierai-je? «Souviens-toi, ô homme.» 2. Voici la voix de quelqu'un qui me dit: Monte sur une haute montagne, toi qui évangélises; élève avec force ta voix. Mais que crierai-je? Dis aux cités de Juda: Voici votre Dieu, et sa récompense est avec lui, etc.

            Ou bien l'exorde sera ainsi qu'il suit: Le Seigneur me fit voir, et voici deux paniers pleins de figues, placés devant le Temple du Seigneur, et le Seigneur me dit: Que vois-tu, Jérémie? Et je dis: Des figues, etc. De même, mes auditeurs, dans l'office de ce jour très solennel, je croyais voir le Seigneur me montrer deux paniers, celui des Prophéties et celui de l'Evangile; et il semblait me dire: Que vois-tu, Jérémie? Je vois les deux espèces de figues dont doivent se nourrir les peuples. Quelles figues? Les amères, très amères: [77] «Souviens-toi, ô homme, que tu es poussièreconvertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les pleurs et les gémissements. Les douces, très douces: Mais toi, lorsque tu jeûnes, oins ta tête; ton Père qui voit dans le secret te le rendra; thésaurisez des trésors, etc. Allons donc, et au nom du Seigneur, goûtons les figues douces et les figues amères qu'il nous montre, mais prions la Vierge de nous rendre, par son intercession, celles qui sont amères, douces, et les douces excellentes.

            Ou [commencer le sermon] de cette manière: Elisée donna cet ordre à l'un de ses serviteurs: Prends la grande marmite et fais cuire un mets pour les fils des prophètes. Et l'un d'eux sortit, etc. Or, il me semble que le Christ m'a dit comme à un de ses domestiques et indignes serviteurs: Prends la grande marmite. [Reprendre au texte, lig. 15.]

            La mort est dans la marmite, homme de Dieu. C'est pourquoi voici que notre Elisée dit: Apporte-moi de la farine; sers-nous l'Evangile, qui n'est autre qu'un grain de froment (c'est-à-dire le Christ lui-même broyé et [78] manifesté par divers enseignements); et il la mit dans la marmite, joignit l'Evangile à la Prophétie, et dit: Verses-en pour tout le monde. Goûtez-en, très cher peuple. Voici l'amertume: «Souviens-toi, ô homme;» dans le jeûne, les pleurs et les gémissements; mais voilà que la mort qui suit n'est plus amère: c'est la possession d'un trésor au Ciel. La coloquinte est dans le jeûne, mais verse de la farine: Ton Pire céleste te le rend. Tu retourneras en terre est de la coloquinte; mêles-y la farine: Thésaurisez, etc. Or donc, très chers Frères, je vous présente aujourd'hui un mets fait de farine et de coloquinte. Malgré l'amertume des condiments, cette composition, par l'adjonction de la farine de la récompense, n'offre plus rien d'amer. Goûtez-en donc avec bonheur, etc.

            Indiquez-moi, ô vous que chérit mon âme, où vous paissez, oit vous reposez au midi; c'est-à-dire, quelle est l'âme que vous aimez, qui fait vos délices, en qui vous vous délectez, en qui vous nourrissez vos affections que vous placez en elle comme dans un lit, de crainte que, ignorant la manière de vous plaire, je ne commence à m'égarer dans les affections mondaines des mondains. Veulent être rivaux du Seigneur tous ceux qui cherchent à gagner le cœur de l'homme; le monde, le démon, cet ami qui veut être préféré aux commandements de [79] Dieu, cette amie, etc. C'est la voix de la nature humaine à la recherche de sa béatitude.

            L'Epoux répond; il place les premiers éléments de la connaissance de Dieu dans la connaissance de soi-même: Si tu t'ignores, ô la plus belle. Comme s'il disait: Veux-tu être en sûreté, ne te détourne pas après de nombreux amants; commence par la connaissance de toi-même, et tiens pour certain que si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes, tu suivras les traces de tes troupeaux, c'est-à-dire de tes diverses affections, tu paîtras tes chevreaux, c'est-à-dire les affections mauvaises, près des tentes d'hommes étrangers qui se glorifient d'être mes rivaux, et paissent les âmes, mais de vent.

            Il y a deux interprétations: la première est celle d'Honorius, de Rupert et des modernes, et surtout de Théodoret. D'après eux, ces paroles devraient être interprétées en bonne part. Leur sens serait: Si tu ignores, ô âme, ou je repose au midi, suis les traces des troupeaux des anciens Pères, suis la doctrine reconnue et commune, et pais tes chevreaux, c'est-à-dire tes pensées, qui, sous la lumière naturelle, sont des chevreaux, mais qui deviendront des brebis à la lumière surnaturelle, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire des Evêques préposés aux fidèles par le Concile des Conciles, le Siège apostolique. La deuxième interprétation donne à ces paroles un sens de reproche. C'est [80] l'interprétation de saint Ambroise, de saint Grégoire, de saint Bernard. Pour moi, je ne vois pas ici un reproche, mais un conseil bienveillant qui nous apprend de quelle manière nous devons débuter dans la recherche de Dieu. Si tu l'ignores, sors, c'est-à-dire, tu sortiras. (Ainsi: Mon Dieu, rendez-les comme une roue, c'est-à-dire, vous les rendrez. Que leur habitation devienne diserte, c'est-à-dire, deviendra. Ajoutez iniquité sur iniquité, et qu'ils n'entrent point; c'est-à-dire, ils n'entreront point, vous ajouterez.) Or, nous vivons à l'égard de nous-même dans une double ignorance, ainsi que les philosophes ont donné une double signification à cet axiome: «Connais-toi toi-même.» Socrate, en effet, dans l'Alcibiade de Platon, dit que la connaissance de nous-même consiste dans la connaissance de l'excellence de notre âme; d'autres disent que c'est la connaissance de notre bassesse quant au corps; pusillanimité et orgueil.

            Pour expliquer le second sens, rappelons que Dieu dès l'origine nous a donné le nom d'Adam: Il les créa mâle et femelle, et leur donna le nom d'Adam, qui signifie terrestres, formés de boue, comme le dit saint Grégoire de Nysse, De la Création de l'homme, chap. XXII. Du limon de la terre; afin qu'à notre nom qui rappelle la terre, nous nous souvenions de la mort: o Souviens-toi, ô homme.» Mais nous nous en souvenons assez, dis-tu. Hélas! nous y pensons assez, mais nous n'y réfléchissons pas: D'une grande désolation, etc. Dis-moi, orgueilleux, dis-moi, avare, gourmand, quêteur de [81] renommée, etc. Le fondement de toutes les tentations fut de bannir l'idée de la mort.

            Ecoutez ce récit bien connu, mais trop peu médité ; l'Eglise nous invite à l'étudier. L'homme étant créé, Dieu le prit et le plaça dans le paradis de délices. Et il lui commanda, disant: Mange du fruit de tous les arbres du paradis, c'est-à-dire, tu peux manger; mais quant aux fruits de l'arbre de la science du bien et du mal, n'en mange pas; car, a quelque heure, etc. Durant le peu de temps qu'Adam demeura seul, il obéit; il donna des noms aux choses et aux animaux: le serpent ne voulait pas le tenter alors; il attendit pour cela d'avoir un puissant instrument de tentation, la femme. Donc, dès que la femme est créée, il vient et dit: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? Voyez la ruse: Pourquoi a-t-il commandé? Parce qu'il est le Seigneur; c'est lui qui nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes. De ne pas manger du fruit de tous les arbres, c'est-à-dire, de n'en manger aucun; voyez la tromperie. Ses suggestions d'aujourd'hui sont semblables: Oh ces prédicateurs! ils vous interdisent toute joie, toute nourriture, tout sourire, tout soin des biens temporels; ils vous veulent tout le jour à l'église, toujours dans le jeûne, [82] Ah! traître à l'humanité! nous ne disons pas cela, mais: Nourris-toi de toute joie, mais de la joie du péché n'en use pas, etc. La femme dit: [Nous mangeons] du fruit des arbres... Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, c'est-à-dire, à l'arbre.

            Ces mots: n'y point toucher, peuvent s'expliquer de deux manières: peut-être étaient-ils vraiment quoique implicitement contenus dans la défense, à cause du péril, car après avoir touché à l'arbre, on toucherait au fruit, et après avoir touché au fruit on en mangerait ensuite; ou bien, Eve mentait-elle en exagérant à dessein la pénible rigueur du précepte. De peur que nous ne mourions. O Dieu! c'est la première porte ouverte au mal: Eve doute de la mort. Dieu avait insisté par une double menace: Tu mourras de mort; Eve, oubliant cette menace, l'atténue par le doute. Hélas! hélas! tu doutes; tu entr'ouvres la porte au diable. Voici le diable qui s'y précipite: Vous ne mourrez point. Ceux qui chassent au chevreuil se joignent aux rochers, car s'ils voient tant soit peu d'ouverture ils se fourrent; il faut ainsi adhérer aux commandements et ne pas même s'en écarter de la largeur d'un ongle. Le démon est comme le serpent dont il avait pris la figure: où il passe la tête, il passe tout le corps. Ne savez-vous pas que le plus souvent les démons ne demandent pas de grandes choses aux devins et aux magiciens, mais un [83] poil de barbe, une rognure d'ongle? Si tu les donnes, tu es pris. D'abord, il demande peu; avec le temps, il emporte tout. Ainsi les hérétiques demandent qu'on leur accorde un seul iota: omoiousion; si tu le leur donnes, tu es pris. Je ne veux pas, [dit le tentateur,] que tu penses le mal, mais écoute ses paroles; ne t'y fie pas, mais écoute comme il chante bien ce jeune homme; ferme les yeux sur ces obscénités, je le veux, mais vois, pour le charme littéraire, comme il écrit élégamment.

            «Fuyez d'ici, jeunes gens, un froid serpent est caché sous l'herbe.»

            Or, Dieu voyant que l'homme avait péché par oubli de la mort, lui intime cette sentence: Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'il ce que tu retournes dans la terre d'où tu as été tiré; car tu es poussière et [tu retourneras] en poussière. O homme, souviens-toi de la mort. Pourquoi te glorifies-tu, poussière et cendre? Job pénitent avait raison de dire: J'ai dit à la pourriture, tu es mon père, et aux vers, mon frère et ma sœur. Ordinairement, nous tirons gloire de notre corps, et nous n'avons nulle sollicitude pour notre âme. Poussière, poussière, poussière, pourquoi te glorifies-tu? On se mire avant que de sortir; nul ne fait l'examen de sa conscience. Nous nous préoccupons du vêtement du corps, nullement de celui de l'âme.

            Pour revenir à notre sujet Si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les créatures; [84] mais cela brièvement, [1.] Qu'elle est noble l'âme, puisqu'elle est l'image et la ressemblance de Dieu ! Comme Phidias, représentant Minerve, au centre du bouclier, [etc.]: Faisons l'homme à notre image (littéralement, avec notre image et notre ressemblance). 2. Dieu le forma et lui inspira un souffle de vie, de la vie mortelle et de l'immortelle, de la temporelle et de l'éternelle; des trois vies sensitive, végétative, raisonnable; de la nature et de la grâce. Donc, étant capables de la vie éternelle, lorsque vous jeûnez, ne soyez pas tristes comme les hypocrites. Pourquoi êtes-vous tristes, vous qui attendez une telle récompense? Pourquoi, comme les hypocrites, poursuivez-vous une gloire éphémère, vous qui pouvez aspirer à une gloire éternelle? [85]

LXXXV. Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph

 

19 mars 1612

 

(INÉDIT)

 

DE SANCTO JOSEPH. 1612

 

            Præco coram Joseph, Gen. 41, ut omnes coram eo genuflecterent. Ego vero etiam coram hoc nostro Joseph præconem agere vellem; quem multo majorem alio Joseph fuisse nemini dubium, ex Bernardo.

 

            Hæc privilegia antiqui Joseph: 1°. Tu eris super domum meam et ad oris imperium universus populus obediet; uno tantum regni solio te præcedam. Fuit nimirum Sanctus Joseph vicarius et locumtenens Dei Patris, ejus familiam curans ac Filium Dei Matremque Dei regens. Quamvis autem iste populus fuit parvus numero, tamen fuit maximus merito. Joseph autem fuisse præpositum huic domui clare constat; nam Angelus semper ad eum missa affert de fugiendo et redeundo. [86] Et palam Lucas de Christo: Erat, inquit, subditus illis. Salvator mundi dictus Joseph, sed noster, salvator Salvatoris mundi.

            2. Tulit annulum de manu sua et dedit eum in manu ejus. Annulum signatorium, quasi secretorum omnium conscium ut negotia faceret, etc. Sic in Evangelio nostro secretum secretorum illi manifestat. Fuit velamen ante tabernaculum, ex hiacintho, purpura et cocco, opere plumario, ne quis illa mysteria torvis intueretur oculis. Dedit etiam annulum quia matrimonium fecit, dando illi filiam Putipharis sacerdotis. Matrimonium hoc plane celeste et divinum. Matrimonia quæ fiunt a Deo, semper sunt similium. Adamo: Faciamus adjutorium simile sibi; Abrahamo, Saram, quamvis non expresse; Isaac, Rebeccam; Jacob, Liam et Rachel; Tobie et Sara. Vide Tob. 3. v. 17, egregiam confessionem hujus filiæ. Mulieris bonæ beatus vir; Eccl. 26. Proverb. 19: Domus et divitiæ dantur a parentibus, a Domino autem proprie uxor prudens. 18 Proverb. [v.] 22: Qui invenit mulierem bonam, invenit bonum et hauriet jucunditatem a Domino. De Gorgonia, de Monica, de Nonna. Vide in [87] Exodum, fol. 249. Junge pyrum quærcui, non producet; si alterius speciei malæ (sic), producet, etc.

            3. Induit eum stola bissina; castitate virginitatis. Ouid faciemus sorori nostræ, in die quando alloquenda est? etc. Pascitur inter lilia. Scordium impedit corruptionem. Oculi Virginis sicut piscinæ in Hesebon, quæ sunt in porta. Oculi tui columbarum. Ut basiliscus inficit, sic oculi Virginis perficiunt. Virgo virginum.

            4. Collo torquem auream circumposuit: charitatem flammeam super pectus ejus. Epitheme.

            5. Ascendere fecit super currum suum secundum. Primus currus Christi, Virgo; hic illi servatus. Secundus, corpus Joseph: dedit illi omnem potestatem in corpus, etc. Hæc addenda sunt virginitati. [88]

 

 

 

SUR SAINT JOSEPH. 1612

 

            Le héraut devant Joseph, afin que tous fléchissent le genou devant lui. Et moi aussi devant notre Joseph, je voudrais m'attribuer l'office de héraut. Personne ne doute, d'après saint Bernard, qu'il ne soit beaucoup plus grand que le premier Joseph.

            Voici les privilèges de l'ancien Joseph: 1. Tu seras préposé à ma maison, et quand tu ouvriras la bouche pour commander, tout le peuple obéira; c'est par le trône royal seulement que j'aurai sur toi la préséance. Or, saint Joseph fut le vicaire et le lieutenant de Dieu le Père, chargé de sa famille et gouvernant le Fils de Dieu et la Mère de Dieu. Quoique ce peuple fût bien petit en nombre, nul ne l'égala pourtant en mérite. Que Joseph ait été préposé à cette maison, c'est de toute évidence; c'est à lui seul, en effet, que l'Ange [86] apporte le message de la fuite et du retour. Et saint Luc dit explicitement du Christ qu'il leur était soumis. L'ancien Joseph fut appelé sauveur du monde; le nôtre fut le sauveur du Sauveur du monde.

            2. Il ôta Vanneau de sa main et le mit à. la main de Joseph. L’anneau qui porte le sceau, comme à un homme initié à tous les secrets pour l'expédition des affaires, etc. Ainsi dans notre Evangile, l'Ange révèle à Joseph le secret des secrets. Le voile placé devant le tabernacle était d'hyacinthe, de pourpre et d'écarlate et orné d'ouvrages de broderie, afin de mettre les mystères à couvert de tout regard profane. Pharaon donna aussi un anneau à Joseph parce qu'il conclut un mariage en lui faisant épouser la fille du prêtre Putipharé. Ce mariage [de saint Joseph] était absolument céleste et divin. Les mariages selon Dieu unissent toujours des êtres semblables. Pour Adam: Faisons-lui une aide semblable a lui; à Abraham, Sara, bien qu'il ne soit pas dit explicitement; à Isaac, Rébecca; à Jacob, Lia et Rachel; Tobie et Sara. Voir dans le livre de Tobie, ch. III, v. 17, la belle déclaration de cette fille. Bienheureux le mari d'une femme vertueuse. La maison et les richesses sont données par les parents, mais c'est proprement le Seigneur qui donne une femme prudente. Celui qui a trouvé une femme vertueuse a trouvé le bien, et il puisera la joie dans le Seigneur. Sur Gorgonie, Monique, Nonna. Voir dans l'Exode, fol. 249. Greffe un poirier sur [87] un chêne, il ne produira pas; si tu le greffes sur un autre arbre de la même famille, il produira, etc.

            3. Il le revêtit d'une robe de fin lin : la chaste robe de la virginité. Que ferons-nous a notre sœur au jour où il lui faudra parler? etc. Il se repaît entre les lis. Le scordium empêche la corruption. Les yeux de la Vierge sont comme les piscines en Hésêbon, qui sont à la porte. Tes yeux sont ceux des colombes. Comme le basilic donne la mort, ainsi les yeux de la Vierge donnent la vie. Vierge des vierges.

            4. Il lui mit autour du cou un collier d'or: la charité ardente dans sa poitrine. Epithème.

            5. Il le fit monter sur son second chariot. Le premier chariot du Christ c'est la Vierge; celui-ci lui est réservé. Le second c'est le corps de Joseph: il lui a donné tout pouvoir sur son corps, etc. Ce privilège doit être ajouté à la virginité. [88]

LXXXVI. Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième Dimanche de Carême

 

2 avril 1612

 

(INÉDIT)

 

FERIA 2. POST DOMINICA LÆTARE CAMBERII, 1612

DE EVANGELIO HODIERNO, ET DE SAMARITANA, MIXTIM

 

            Job, cap. 26. V. 13, respondens Baldad Suhites, de Dei potentia et providentia, inter alia summopere laudat Deum, ex eo quod: Spiritus ejus ornavit cælos, et obstetricante manu ejus eductus est coluber tortuosus. Cujus sententiæ tres sunt celeberrimi sensus:

            Primus. Non majora tantum, qualia sunt cælorum ornamenta, id est, sphærarum dispositio, cursuum motuumque varietas, stellarum ac planetarum collocatio, etc., [89] sed etiam minima, ut generatio serpentis et colubri, quod omnium animalium quæ per se et non per accidens nascuntur infimum et minimi prætii est, curat. Et quidem ornat cælos spiritu, quia dixit semel et factum est semper, neque ulla ibi est alteratio vel vicissitudo generationis et productionis.

            Vidistisne quomodo vitrarii faciant vitros (sic)? Accipiunt materiam extremitate baculi perforati, deinde insufflant et fit vitrum, quo modo facto non corrumpitur. Hinc Cælum mare vitreum appellatur, Apoc. 4. v. 6, et clarius, c. 21. v. 18: Ipsa vero civitas aurum mundum, simile vitro mundo; v. 21: Et platea civitatis aurum mundum, tanquam vitrum perlucidum.

            Factum est cælum unico Dei verbo, et inspirante spiritu ornavit cælos, ex nihilo; sufflavit et fecit solem, lunam, Orionas, Mercurium, etc., cinxit zona zodiaci, etc. At cum terrestribus utitur velut manu, quia successive, succedentibus generationibus, corruptionibus et incrementis, omnia facit, ut mulier obstetrix, quæ infantem excipit pedetentim, educit, lavat, fovet, complicat, etc. Manus ergo providentiæ Dei obstetrix est totius mundi.

            Heu, miram providentiam erga serpentes! Fœniculo [90] purgant optalmiam, renovant pelle abjecta juventutem, serpillo, ut plerique existimant, curant vulnera. Et nobis deerit qui serpentibus non deest? Terram comedit serpens, et cibo non caret; Cælum comedit cor hominis, et Cælo carebit? Relinquit venenum cum bibit, et homo non relinquet venenum passionum cum recreatur cælestibus? Qui non deserit desertorem serpentem, quomodo relinquet hominem fideliter sequentem? Evangelium hesternum de providentia Dei.

            Secundus sensus est isagogicus, secundum versionem Septuaginta, apud Sa: Præcepto ejus interfectus est draco apostata. Eductus; scilicet e mundo, vel creatus e nihilo. Tortuosus, versutus, Hebraice, fugax. Et secundum hunc sensum ita explicari debet. 1°. Spiritus Domini ornavit cælos Angelorum turmis; verum cum unus, et per unum plures ex illis, id est, antiquus draco, rebelles essent, eos extra cælum præcepto suo duxit, ejecit et præcipitavit. [2.] Secundum autem versionem nostram, manus ejus potentissima veluti monstra ejecit dæmonia, et cum videret Hierusalem cælestem gravidam his monstris, ac veluti dolores parturientis habentem, manu sua obstetricis vices egit, et eduxit hoc [91] monstrum. Nam hic fit allusio ad partum, non propter fœtum sed propter dolorem; quasi dicat: Ornavit cælos Angelis, verum cum ex illis apostatæ fuerint aliqui, ibi facti sunt dolores ut parturientis. Unde ejectio dæmonum eductioni partus comparatur.

            Vel etiam planius, eductus ex nihilo: Ornavit cælos Angelis, et ipsemet cacodæmon ejus obstetricatione creatus est et eductus ex nihilo, ut sit repetitio emphatica; etiam ipse dsemon ejus creatura est, et fuit conditus ad ornamentum ut alii, quamvis sua malitia perierit. Vis autem est in verbo obstetricandi, quasi diceret: sedulo, sollicite, creavit; et rectum creavit, non distortum, quamvis nunc distortus et tortuosus sit.

            Ex hoc sensu fiat egregia comparatio Cæli et templi, templum enim imago est Cæli: hinc Majores imaginibus Cælitum templa ornaverunt, ut Deus cherubinis; ut imagines Cælitum essent in imagine Cæli. In templo, ut in Cælo, est curia Dei; et utrumque locus orationis, teste Apocalypsi, ubi aromata sunt orationes Sanctorum et viginti quatuor citharis aureis canunt orantes. Unde utrimque Deus ejecit ementes et vendentes: [92] demon emere volebat et furari independentiam, et se aliis veluti rex superbiæ venditabat; hinc spelunca latronum. Nam latrones erant, ut plurimum vendentes et ementes, nisi magnam sui cordis habeant curam et sint timorati. Negotiabatur Satan, ut Deo auferret authoritatem, cæteris obedientiam; induxerat in animum creaturis præesse, ovibus, bobus, columbis: ovibus, fidelibus subditis; bobus, prælatis laborantibus; columbis, religiosis volantibus per contemplationem; Angelis minoribus, majoribus et etiam Seraphinis. Omnes autem quotquot Deus invenit alligatos rebellioni ejecit. Invenit in diabolo avaritiam, qua rex Cæli voluit esse, et eum ejecit.

            Fecitque flagellum de funiculis; nam ob excellentiam suæ naturæ elatus est, et per istam excellentiam maxime cruciatur. Quare immobilis in sua malitia? Quia excellentissimæ est naturse. Quare maxime cruciatur? Quia habet ingenium capacissimum, et cognoscit magnam quam fecit jacturam perfectissime. Puer parum curat si pater hæreditate eum privet, at ubi pedetentim crescit, quo majore acumine intellectus viget eo majore tangitur dolore. Quo majus est desiderium dominandi, eo major [93] est dolor serviendi; at ille maxima urgebatur ambitione, quam ambitionem illi reliquit Deus, et eamet ambitione veluti flagello torquetur; nam remanet ambitio, imo superbia eorum ascendit semper, et quo magis ascendunt voluntate per ambitionem, eo magis descendunt re per abjectionem.

            Mihi maxime placet doctrina Epicteti: Quomodo puniemus ambitiosum? Sit ambitiosior. Meretur avarus puniri? Vade, ut puniaris sis magis semper avarus, sis magis luxuriosus ita ut quietem perdas, etc. Nam peccatores suismet peccatis punientur. Videte patres et matres; peccant ridendo cum filios suos malis verbis, pessimis vanitatis initiis, addictos vident: faciet Dominus funiculos et istimet filii tot doloribus afficient parentes, etc. «Nemo læditur nisi a seipso.» Paupertas non lædit Job, non lsedit D.Franciscum; te etiam non lædit, sed tua impatientia. Calumniæ non læserunt Apostolos et reliquos humiles; te etiam non lædunt, sed tua superbia et arrogantia qui te magis sentire facit injuriam tuam.

            Sed jam o expergiscimini, Fratres! Qui Angelis non pepercit propter unam malam cogitationem factam in [94] templo, quomodo vobis parcet, facientes cachinnos? Ego quidem vellem etiam dato sanguine, ut omnia peccata in æternum relinqueretis, verum ego specialiter adjuro vos, ut templis reverentiam habeatis; vos nobiles civitate, vos mulieres, etc. Camberium est exemplar totius Sabaudiæ. Nihil Deo gratius, nihil vobis utilius. Aurum Tholosanum, Quintus Cæpio. «Brennus, Delphis Apollinis templum, etc.; in se manus vertit» et seipsum occidit; Val., 1. I. c. 1. Vultis domos vestras honoratas, honorate domum Dei. I. Reg. 5, Philistæi capiunt Arcam armis et inducunt in templum Dagon, et percussit eos Deus in secretiori parte natium. Vos sæpe Dagon infertis in templum Domini; et idem peccatum est, sive inferre Dagon in templum Domini, sive Arcam Domini in templo Dagon. Omnia sane nobis prospera forent, etc. Dagon, frumentum, avaritiæ idolon.

            Exemplum Sanctæ Mariæ Ægiptiacæ non potentis intrare templum Hierosolymse in quo Crux asservabatur, quia perditissima meretrix, donec compuncta est aspectu imaginis Virginis. Sic Christus crucifixi imago objicitur oculis intrantium ut statim reverentiam iniciat; apud Lactantium. [95]

 

 

 

LUNDI APRES LE DIMANCHE LÆTARE. CHAMBERY, 1612

SUR L'EVANGILE DU JOUR ET, EN MEME TEMPS, SUR LA SAMARITAINE

 

            Job, répondant à Baldad le Suhite, parle de la puissance et de la providence divines, et entre autres choses il loue souverainement Dieu de ce que son esprit a orné les cieux, et que, de sa main créatrice, il a mis au jour Vartificieuse couleuvre. Trois sens célèbres ont été donnés à ces paroles:

            Voici le premier. La Providence ne s'occupe pas seulement des plus grandes choses, comme du décor des cieux, c'est-à-dire de la disposition des sphères célestes, de la variété de leur cours et de leurs mouvements, de la place et de l'ordre des étoiles et des planètes, etc.; mais aussi des moindres, comme [89] de la génération du serpent, de celle de la couleuvre, animal bien petit et le moindre de tous ceux qui se communiquent la vie sans génération spontanée. Et c'est, en effet, par son esprit qu'il orne les cieux, car il a parlé une fois et le monde est fait pour toujours; aucune altération, nul changement ne survient dans la génération ou la production.

            Avez-vous vu comment les verriers font les verres? Ils prennent à l'extrémité d'un bâton percé la matière préparée, soufflent ensuite dans ce tube, et le verre étant fait de la sorte n'est pas sujet à la dissolution. C'est ainsi que le Ciel est appelé mer de verre, et plus explicitement: Mais la cité elle-même était en or pur, semblable au verre très clair. Et la place de la cité est en or pur, comme le verre transparent.

            Par sa seule parole, Dieu créa le ciel, et, au souffle de son esprit, les cieux, tirés du néant, furent ornés; par son souffle, il créa le soleil, la lune, les étoiles, Orion, Mercure, etc., et les ceignit du zodiaque comme d'une ceinture, etc. Mais pour les choses terrestres, Dieu se sert comme d'une main pareille à celle qui donnant les premiers soins à un nouveau-né, le lave, le réchauffe, l'enveloppe, etc. Ainsi Dieu opère tout par des actes successifs: la génération, la corruption, l'accroissement. La main créatrice de la providence de Dieu amène donc au jour le monde entier.

            O Dieu! que cette providence est admirable à l'égard des serpents! Ils se [90] purifient les yeux avec du fenouil, renouvellent leur jeunesse en se dépouillant de leur vieille peau, guérissent leurs blessures, comme plusieurs le croient, avec du serpolet. Et Celui qui pourvoit aux serpents nous abandonnerait! Le serpent se nourrit de terre et ne manque pas de nourriture; le cœur de l'homme se nourrit du Ciel et le Ciel lui manquerait! Lorsque le serpent boit, il perd son venin, et l'homme restauré d'aliments célestes ne déposerait pas le venin des passions! Celui qui n'abandonne pas le serpent perfide qui fuit, pourrait-il abandonner l'homme qui le suit fidèlement? Evangile d'hier sur la Providence de Dieu.

            Le deuxième est le sens isagogique. D'après la version des Septante, dans Sa, c'est par l'ordre de Dieu que fut tué le dragon apostat. Mis au jour, c'est-à-dire tiré du néant, ou mis dehors, c'est-à-dire hors du monde. Tortueux, artificieux, en hébreu: fuyant. Et d'après ce sens on doit expliquer ainsi notre texte: 1. L'esprit du Seigneur a orné les cieux de phalanges angéliques; cependant, comme sous l'influence de l'un d'entre eux, de l'antique dragon, plusieurs étaient devenus rebelles, par l'ordre de Dieu ils furent expulsés, chassés et précipités du Ciel. [2.] Mais, d'après notre version, sa main toute-puissante rejeta les démons comme des monstres. Voyant la Jérusalem céleste, qui portait ces monstres en son sein, endurer comme les douleurs de l'enfantement, [91] Dieu, de sa main, mit dehors ce monstre. Ici, en effet, il est fait allusion à l'enfantement, à raison non de son fruit, mais de la douleur; c'est comme s'il était dit: Il a orné d'Anges les cieux, mais quelques-uns d'entre eux ayant apostasié, les cieux ont ressenti comme les douleurs de l'enfantement. Voilà pourquoi l'expulsion du démon est présentée sous la figure d'un enfantement.

            Ou plus simplement encore, il fut tiré du néant: Dieu a orné les cieux d'Anges, et par sa main toute-puissante le mauvais esprit lui-même fut créé et tiré du néant, ce qui est une répétition emphatique. Le démon lui-même est créature de Dieu; il fut formé comme les autres pour orner les cieux, bien que sa malice ait causé sa perte. La force de la pensée est tout entière dans la figure employée par l'Ecrivain sacré; c'est comme s'il était dit : Dieu le créa attentivement, avec soin; et il le créa esprit droit, non pervers, quoique maintenant il soit déformé et tortueux.

            De ce sens on peut tirer une excellente comparaison entre le Ciel et un temple. Un temple est l'image du Ciel: aussi nos ancêtres ornèrent-ils les temples des images des Saints, comme Dieu avait orné l'ancien temple de chérubins, afin que l'image des habitants du Ciel fût dans l'image du Ciel. Dans le temple comme dans le Ciel se trouve la cour de Dieu; l'un et l'autre sont un lieu de prière, témoin l'Apocalypse, d'après laquelle les aromates sont les prières des Saints, et les vingt-quatre [vieillards] prient par la mélodie de leurs harpes d'or. Du Ciel et du temple Dieu chasse les acheteurs et les [92] vendeurs. Là, le démon voulait acheter et dérober l'indépendance, et, prince de l'orgueil, se faire valoir au-dessus des autres; ici, c'est une caverne de voleurs. Les acheteurs et les vendeurs sont ordinairement voleurs, s'ils ne sont pas timorés et n'ont pas grand soin de veiller sur leur cœur. Satan trafiquait pour ravir à Dieu l'autorité, aux autres l'obéissance; il s'était mis dans l'esprit de gouverner les créatures, brebis, bœufs, colombes: les brebis, les fidèles soumis; les bœufs, les prélats chargés de soins; les colombes, les religieux portés sur les ailes de la contemplation, les Anges inférieurs, les supérieurs et même les Séraphins. Or, Dieu chassa tous et chacun de ceux qui s'engagèrent dans la révolte. En Satan, il rencontra l'avarice par suite de laquelle il voulait être roi du Ciel, et il le chassa.

            Et le Seigneur fit un fouet de cordes; car le démon s'était enorgueilli de l'excellence de sa nature, et cette excellence devint la plus grande cause de ses tourments. Pourquoi demeure-t-il dans sa malice? Parce que sa nature surpasse toutes les autres. Pourquoi ses tourments sont-ils sans pareils? Parce qu'il a une plus haute intelligence, et qu'il comprend à fond la grandeur de la perte qu'il a faite. L'enfant se met peu en peine d'être déshérité de son père, mais laissez-le grandir; plus sou esprit deviendra pénétrant, plus grande sera sa douleur. Plus le désir de dominer est puissant, plus douloureuse est la servitude. [93] Or, Satan se sentait pressé par l'ambition la plus forte: Dieu lui laissa cette ambition et s'en servit comme d'un fouet pour le tourmenter. L'ambition, en effet, demeure; bien plus, leur orgueil monte toujours, et plus leur volonté s'exalte par l'ambition, plus ils s'abaissent en réalité dans leur abjection.

            La doctrine d'Epictète me plaît extrêmement: Comment punirons-nous l'ambitieux? Qu'il soit plus ambitieux encore. L'avare mérite-t-il une punition? Va, pour te punir sois toujours plus avare; sois toujours plus luxurieux, au point de perdre tout repos, etc. Les pécheurs seront punis par leurs propres péchés. Voyez les pères et les mères; ils pèchent s'ils rient en voyant leurs enfants s'abandonner à de mauvais propos, aux pires débuts de la vanité; le Seigneur tressera des cordes, et ces mêmes enfants accableront leurs parents d'autant de douleurs, etc. «On n'est blessé que par soi-même.» La pauvreté ne blessa pas Job, ne blessa pas saint François; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton impatience. La calomnie ne blessa pas les Apôtres ni les autres amants de l'humilité; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton orgueil, ton arrogance qui te fait plus vivement sentir l'injure qui t'est faite.

            Que dis-je, mes Frères? Soyez dans l'épouvante! Celui qui n'épargna pas les Anges pour une seule mauvaise pensée conçue dans le temple, comment vous pardonnera-t-il, à vous qui y poussez des éclats de rire? Pour moi, je [94] voudrais donner jusqu'à mon sang pour que vous abandonnassiez tout péché, mais je vous conjure surtout de respecter les temples; vous, nobles de la cité, vous, femmes, etc. Chambéry est le modèle de toute la Savoie. Rien de plus agréable à Dieu, de plus utile pour vous. Or de Toulouse, Quintus Cépion. «Brennus, à Delphes, temple d'Apollon, etc.; il tourne vers lui sa main» et se tue (Valère Maxime, liv. I, chap. I). Vous voulez voir vos maisons honorées, honorez la maison de Dieu. Les Philistins s'emparent de l'Arche à mains armées et l'introduisent dans le temple de Dagon, et Dieu les frappa dans les parties secrètes. Vous introduisez souvent Dagon dans le temple du Seigneur; et c'est le même péché d'introduire Dagon dans le temple du Seigneur ou l'Arche du Seigneur dans le temple de Dagon. Tout assurément nous serait prospère, etc. Dagon, froment, idole de l'avarice.

            Exemple de sainte Marie Egyptienne. Comme elle était la pire des pécheresses publiques, elle ne put entrer dans le temple de Jérusalem où la Croix était conservée, jusqu'à ce qu'elle eût été touchée de componction à la vue d'une image de la Vierge. Aussi, le Christ, l'image du Crucifix, est-elle offerte aux regards de ceux qui entrent, pour leur inspirer aussitôt le respect; telle est la remarque faite par Lactance. [95]

LXXXVII. Plan d'un sermon pour le vendredi après le quatrième Dimanche de Carême

 

6 avril 1612

 

(INÉDIT)

 

Domine, ecce quem antas infirmatur.

[JOAN., XI, 3.]

1612

 

            Brevis oratio. Demosthenes, audiens loquaculum: Si multum saperes non multa loquereris. Angeli, quo superiores, eo universaliores species habent. Deus unico verbo omnia facit. Optimus modus orandi est orare paucis, sed non parum. Exodi 14: Quid clamas ad me? et tamen silebat. Psal. 9: Desiderium pauperum exaudivit Dominus; præparationem cordis eorum audivit auris tua. Si non es exauditus, vel id est quia pauper non es, vel quia præparationem cordis non habes. Psal. 26. v. 13: Tibi dixit cor meum, exquisivit te facies mea; faciem tuam, Domine, requiram. Sicut oculi servorum in manibus [96] dominorum suorum, etc. Ad te levavi oculos meos, qui habitas in cælis. Defecerunt oculi in eloquium tuum, dicentes: Quando consolaberis me? Solo aspectu loquimur.

            Multum ergo orandum, sed non multis. Patres afferunt exemplum de Anna: Factum est cum illa multiplicaret preces coram Domino, ut Heli observaret os ejus; 1. Reg. I, etc. Sic istæ mulieres paucis expandunt necessitates. Insignis est historia, 4. Reg. 19. v. 14, [15]: Rapsaces mittit, vel rex Assyriorum, litteras ad Ezechiam; ille ascendit in domum Domini et expandit eas coram Domino, et oravit; 185000 occisi Assyriorum. Tu fac similiter. Dedit nobis Spiritum Filii sui, clamantem in cordibus nostris: Abba, Pater; Gal. 4. Ro. 8: Ipse Spiritus postulat pro nobis gemitibus inenarrabilibus.

            Sed nota quia, diligebat autem Jesus Martham, et sororem ejus Mariam, et Lazarum. Unde: Lazarus amicus noster dormit, sed vado. Sane coecus noster dicebat nudiustertius: Scimus quia peccatores non exaudit Deus. Qua de sententia, tres sunt responsiones: 1. cæcum istum cæca opinione hoc dixisse; 2. intellexisse de impetratione miraculorum in testimonium [97] propriæ sanctitatis; 3a distinguit: sunt justi, sunt peccatores, sunt pœnitentes; pœnitentes exaudit. Atqui hic et pœnitens erat, et justa.

            Sed videte pulcherrimam orationem: Ecce quem amas infirmatur. Per duo Christum adjuramus: per miseriam nostram et per Dei amorem sive misericordiam. Sane Deus indiget nostra miseria: Miserere mei quoniam infirmus sum; et nostra miseria indiget Dei misericordia: Beatus vir cujus est auxilium abs te; ascensiones in corde suo disposuit. Mays, Beatius est dare magis quam accipere. Puer et nutrix. «Noverim te, noverim me.» «Quis es, et quid sum ego?» Miserere mei, miserere mei, quoniam in te confidit anima mea. Ambros., 3. de Sac. c. 2: lutum imponi super oculos cæci ut recordetur se pulverem esse; cæcitas enim mentis plerumque superbia est. Idem representat Lazarus nobis obvius. Hinc, Apoc. 3, illi Laodiceno dicitur: Collyrio inunge oculos tuos.

            Christus venit, et lachrimatus est cum lachrimantibus. Heu prætiosæ lacrimæ! Oculi tui sicut piscincti in Hesebon. Oculi sunt in porta sive fenestra, et per illos videmus interius in domo; unde et dixerunt: [98] Ecce quomodo diligebat eum; viderunt amorem. Ut qui videt stillantem rosarium (stillans rosaceum?), ignis est, dicimus. Sunt in porta, id est, in Christo porta filiæ multitudinis, id est, Ecclesiæ. Hesebon, cingulum doloris, zona doloris, cum Deus cinxit se dolore. In Hezebon sunt oculi plorantes, quoniam Deus dolorem asciscit et præcingit se considerationibus ad lacrimas excitandas.

            1°. Puer, videns mundum; 2°. videns Hierusalem perituram; 3°. nunc ob amorem; 4°. emittens spiritum, cum clamore valido et lachrimis. [99]

 

 

 

            Seigneur, voila que celui que vous aimez est malade.

 

            Courte prière. Démosthène entendant un homme loquace, lui dit: Si tu savais beaucoup tu parlerais peu. Plus les Anges sont élevés en gloire, plus leurs idées sont universelles. Dieu d'un seul mot crée tout. La meilleure manière de prier c'est de le faire en peu de mots, mais avec ardeur. Pourquoi cries-tu vers moi? Et pourtant Moïse se taisait. Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres; votre oreille a entendu la préparation de leur cœur. Si tu n'es pas exaucé, c'est ou que tu n'es pas pauvre, ou que tu n'as pas préparé ton cœur. Mon cœur vous a parlé, ma face vous a recherché; Seigneur, je rechercherai votre face. Comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [96] J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux. Mes yeux ont défailli dans l'attente de votre parole, disant: Quand me consolerez-vous? Nous parlons par le seul regard.

            Il faut donc beaucoup prier, mais en peu de mots. Les Pères citent l'exemple d'Anne: Il arriva que, comme elle multipliait ses prières devant le Seigneur, Héli observait le mouvement de ses lèvres, etc. Ainsi ces femmes, [Marthe et Marie,] exposent eu peu de mots leurs nécessités. Voici une histoire remarquable: Rabsacès, ou le roi des Assyriens, expédie des lettres à Ezéchias; celui-ci monta dans la maison du Seigneur, les ouvrit devant le Seigneur et il pria; 185000 Assyriens furent tués. Toi, fais de même. Dieu nous a donné l'Esprit de son Fils qui crie dans nos cœurs: Abba, Père! L'Esprit lui-même demande pour nous avec des gémissements inénarrables.

            Bien remarquer que Jésus aimait Marthe et sa sœur Marie, et Lazare. Aussi dit-il: Lazare notre ami dort, mais je vais. Avant-hier, il est vrai, notre aveugle disait: Nous savons que Dieu n'exauce pas les pêcheurs. On peut expliquer cette proposition de trois manières: 1. l'opinion qu'émettait cet aveugle était aveugle comme lui; 2. il entendait parler de l'obtention d'un miracle comme témoignage de la sainteté de celui qui le sollicite; la [97] réponse distingue entre les justes, les pécheurs et les pénitents: Dieu exauce les pénitents; or, ici nous avons une pénitente et une âme juste.

            Mais voyez cette admirable prière: Voilà que celui que vous aimez est malade. Nous supplions le Christ par deux motifs: par notre misère et par l'amour ou la miséricorde de Dieu. Dieu a vraiment besoin de notre misère: Ayez pitié de moi parce que je suis infirme; et notre misère a besoin de la miséricorde de Dieu; Bienheureux l'homme dont le secours vient de vous; il a disposé des ascensions dans son cœur. Mais, il est plus heureux de donner que de recevoir. L'enfant et la nourrice. «Que je vous connaisse et que je me connaisse.» «Qui êtes-vous, et qui suis-je?» Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, parce que mon âme s'est confiée en vous. Saint Ambroise, Des Sacrements, liv. III, chap. II: Jésus applique de la boue sur les yeux de l'aveugle, pour lui rappeler qu'il est poussière; car l'aveuglement de l'esprit provient ordinairement de l'orgueil. La mort de Lazare que nous considérons présentement symbolise la même vérité. De même, Apoc., III, il est dit à l'Ange de Laodicée: Applique du collyre sur tes yeux.

            Le Christ vint, et il pleura avec ceux qui pleuraient. Oh! précieuses larmes! Vos yeux sont comme les piscines en Hésébon. Les yeux sont semblables à la porte ou à la fenêtre par laquelle nous voyons dans l'intérieur de la [98] maison; aussi les Juifs dirent-ils: Voila comme il l'aimait; ils virent l'amour. Ainsi quand nous voyons distiller l'eau de rose de l'alambic, nous disons: Il y a là du feu. Qui sont à la porte, c'est-à-dire, dans le Christ, la porte de la fille du peuple, c'est-à-dire, de l'Eglise. Hésébon, cingule de douleur, ceinture de douleur, lorsque Dieu se ceignit de douleur. En Hésébon sont des yeux en pleurs, parce que Dieu prend sur lui la douleur et se livre à des considérations qui excitent les larmes.

            [Le Rédempteur pleure,] 1. étant enfant, à la vue du monde; 2. à la vue de Jérusalem qui va périr; maintenant, par amour; 3. en rendant l'esprit, avec un grand cri et avec des larmes. [99]

LXXXVIII. Sommaire d'un sermon sur la sainte Croix

 

20 avril 1612

 

(INÉDIT)

 

PRO OSTENSIONE SANCTISSIMÆ CRUCIS

 

            Postquam de pisce callionymo dixero, et de felle asservato in memoriam, Tob. 6: Heu, Christiani, hinc fidei asservatur memoriale et oculis quoque vestris fidei augustissimum sacramentum, oculis tot imagines. Et ego quidem vellem quod contigit Macrinæ; nam Vestiana eam ornans ut moris est virgines, «Ecce,» aiebat, «quale a collo Sanctæ monilis ornamentum dependet,» etc.; [Gretserus, De Cruce,] lib. 1. fol. 198. Tum [100] de Abrahamo, Gregorii Nisseni, [Ibid.,] 1. 2. fol. 274: Et quis, quæso, Crucifixi imaginem videat quin fleat? Ecce enim videmus in Christo pendente corpus undequaque lacerum, oculos lacrimis onustos, labia felle et absinthio plena, caput corona redimitum, stillantes hinc inde omnes corporis artus. Quis non compatiatur!

            O Jesu, tuo lumine

            Signatos, emptos sanguine,

            Purga, refove, perfice,

            Tibi conformes effice .

            Hinc, quicquid te nobis menti ingerit diligimus. Cujus est hæc imago et superscriptio? Estne tunica Domini nostri an non? O Domine, si teipsum intueremur, etc. Quare ergo rubrum est vestimentum tuum? Torcular, etc. In signum cui contradicetur.

            Pro Virgine juxta Crucem: Tuam ipsius animam. Post autem ultimum Mot, reginæ Saba comparanda est, quæ ultra non habebat spiritum, id est flatum, spiritum, vim intelligendi, præ admiratione; non habebat spiritum, sed totum in Filio habebat. Non sunt allata tam multa aromata; 3. Reg. 10.

            Gen. 28: Vidit scalam. Hieron., in Psal. 98, Augs, [101] serm. de Tempore, 79, aiunt figuram Crucis esse. Si fuerit Dominus Deus mecum et custodierit me in via per quam ambulo, erit mihi Dominus in Deum.

            Rationes Christi crucifixi: ut medicina morbo respondeat, ut humilitas, ut copiosa esset redemptio, ut omnibus esset nota.

            Charitas enim Christi urget nos, cestimantes hoc, quoniam si unus pro omnibus mortuus est, ergo et omnes mortui sunt. Et pro omnibus mortuus est Christus, ut et qui vivunt jam non sibi vivant, sed ei qui pro ipsis mortuus est; 2. Cor., 5. Virgo insulæ Sestos.

            Zach. 13, v. 6: Quid sunt plagæ istæ in medio manuum tuarum? Et dicet: His plagatus sum in domo eorum qui diligebant me. [102]

 

 

 

POUR L'EXPOSITION DE LA TRÈS SAINTE CROIX

 

            Après avoir parlé du poisson callionyme et du fiel conservé en souvenir: O Dieu! Chrétiens, ici est conservé le mémorial de la foi; le plus auguste sacrement de la foi est exposé à vos yeux. Que d'images s'offrent à vos regards! Je souhaiterais qu'il nous arrivât ce qui advint à sainte Macrine. Comme Vestiana parait sa dépouille mortelle des ornements que la coutume a réservés aux vierges: «Voilà quel joyau,» dit-elle, «est suspendu au collier qui entoure le cou de la Sainte,» etc. [Gretser, De la Croix,] liv. I, [100] folio 198. Citer alors ce que saint Grégoire de Nysse dit d'Abraham, [Ibid.,] liv. II, folio 274: Mais qui, je vous prie, pourrait sans pleurer voir l'image du Crucifié? Voici que nous voyons le corps du Christ suspendu, déchiré de toutes parts, ses yeux chargés de larmes, ses lèvres pleines de fiel et d'absinthe, sa tète ceinte d'une couronne, et le sang coulant en abondance de tous les membres de son corps. Qui ne compatirait!

            O Jésus, purifiez, réchauffez, perfectionnez, rendez conformes à vous ceux que vous avez marqués de votre lumière, rachetés par votre sang.

            Oui, tout ce qui vous implante en notre âme, nous l'aimons. De qui est cette image et cette inscription? Est-ce la tunique de Notre-Seigneur, ou non? O Seigneur, si nous vous voyions vous-même, etc. Pourquoi donc votre vêtement est-il rouge? Le pressoir, etc. Comme un signe auquel ou contredira.

            Pour la Vierge au pied de la Croix: Et ton âme. Et après la dernière parole, la comparer à la reine de Saba qui n'avait plus son esprit, c'est-à-dire la respiration, son esprit, la force de comprendre, tant elle était saisie d'admiration; elle n'avait pas son esprit, mais il était tout en son Fils. On n'apporta jamais autant de parfums.

            Il vit une échelle. Saint Jérôme, sur le Psaume XCVIII, saint Augustin, [101] Sermons du Temps, serai, LXXIX, disent que c'était la figure de la Croix. Si le Seigneur Dieu est avec moi et s'il me gardé dans la voie par laquelle je marche, le Seigneur sera mon Dieu.

            Raisons pour lesquelles Jésus a été crucifié: pour que le remède répondît au mal; pour que l'humilité, etc., pour que la rédemption fut abondante, pour qu'elle fût connue de tous.

            Car la charité du Christ nous presse, considérant ceci, que si un seul est mort pour tous, donc tous sont morts. Et le Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort pour eux. La vierge de l'île de Sestos.

            Que sont ces plaies au milieu de vos mains? Et il dira: J'ai reçu ces plaies dans la maison de ceux qui m'aimaient. [102]

LXXXIX. Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge

 

15 août 1612

 

(INÉDIT)

 

Quæ est ista quæ ascendit per desertum, sicut virgula fumi ex aromatibus

mirrhæ et thuris et omnis

pulveris pigmentarii?

[CANT., III, 6.]

 

            Ecce mirantur omnes ascendentem Virginem. Et quemadmodum mirati sunt Sponsum (Egredimini, filiæ Sion, et videte regem Salomonem cum diademate, et apud Is.: Quis est iste qui venit de Edom, tinctis vestibus de Bosra? iste formosus in stola sua), sic nunc mirantur Sponsam. Sic Psal.: Mirrha et gutta et casia a vestimentis tuis; tum: Astitit regina a dextris tuis. Et nos quoque miremur et imitemur. [103]

            Tribus virtutibus universa Christiana doctrina absolvitur: mortificatione, oratione et actione. Hortus prius vomere scinditur, deinde seminatur, tertio rore vel pluvia irrigatur: anima mortificatione excolitur, virtutibus seminatur et oratione rigatur. Mortificatio ad carnem præcipue; oratio ad spiritum; exercitium virtutum ad totum hominem. Nisi granum frumenti mortuum fuerit. Si spiritu facta carnis mortificaveritis, vivetis. Mortificate membra vestra, super terram. Jam vero, ecce mirantur homines in Ecclesia triumphante mortificationem Virginis, quæ est veluti virgula fumi ex aromatibus mirrhæ, en mortificatio, et thuris, en oratio, et omnis pulveris pigmentarii.

            1m Mot: Ascendit. Sola in hoc mundo ascendit; nam alii omnes modo ascendunt modo descendunt: Ascendunt usque ad cælos et descendunt usque ad abissos, quia modo bene operantur, modo peccant mortaliter. Alii si non descendunt certe moram trahunt, ut Joannes Baptista, et Apostoli, etiam post Pentecosten. Unde, ille: Infelix ego homo, quis me liberabit a [104] corpore mortis hujus? At Beata Virgo semper ascendit; nunquam quievit, similis animalibus illis Ezechielis quorum unumquodque ante faciem suam gradiebatur, nec revertebatur cum ambularet. Elle avoit son cœur dilaté en sorte que viam mandatorum Domini currebat.

            2. Per desertum. Omnia illi erant deserta ubi Christus non apparebat. Hei mihi, quia incolatus meus prolongatus est; habitavi cum habitantibus Cedar. Dans les desers, il y a bien des arbres mais sauvages, des bestes mais farouches; in hoc mundo sunt arbores et homines, sed agrestes. Recordamini, quasso, Annæ matris Thobiæ quomodo computabat dies quibus aberat filius; sic et ista Mater computabat dies donec videret Filium: Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum. Et propterea mortua est ex amore. [1.] Optimam vitam decebat optima mors; vixit amore, moritur amore. Renunciate dilecto meo quia amore langueo. [2.] Imitatrix fuit Christi et in vita et in morte. «Gloriosi principes terræ, quomodo in vita dilexerunt se, ita et in morte non sunt separati.» Sicut Saul et Jonathas. Ita gloriosus Filius et gloriosa Mater. 3. Plerisque Sanctorum concessum est: Mariæ Magdalenæ, Sanctæ [105] Catharinæ Senensi et Genuensi, Sancto Francisco, et nostro tempore Beato Philippo. Quidni Virgini? 4. Pretiosa mors sanctorum. Multi moriuntur ex charitate, propter fidem; alii ex charitate, propter charitatem; at prætiosissima quæ ex charitate, propter charitatem, et per charitatem. O Deus immortalis! Qualis vita hujus Virginis et qualis mors! Sed sensitne dolores? Sensit, sed dolores amoris. Dolor amabilis et amor dolorosus. Qui charitate dolet, dolere eadem charitate gaudet.

            3um Mot: Ex aromatibus mirræ. «Abstine,» ecce mortificatio concupiscibilis; «Sustine,» ecce mortificatio irascibilis. Propter te mortificamur tota die. Confitebor tibi in cithara. O qualem mortificationem: ex paupertate, ex virginitate, ex Christi Passione.

            4um Mot: Thuris. Dirigatur oratio mea sicut incensum in conspectu tuo. O quales preces! Rapta usque ad tertium Cælum.Tota fuit oratio et exhalatio.

            5um. Omnis pulveris pigmentarii. Praxis omnium virtutum: modestia, prudentia, fortitudo, justitia, religio, temperantia.

            6um Mot: Fumi. Nam præsupponit ignem, charitatem, sine qua nihil erat actum. [106]

            [1.] Jam in Cælo ascendit absolute, quia ascendit supra de lege ordinaria. Nemo potest. Nihil altius. Exaltata. 2. Per desertum Angelorum: 99 oves in deserto; nam transcendit omnia. 3. Ex aromatibus mirræ. Ibi mirrha prima; non mortificatio, sed mortificationis meritum. Leve hoc et momentaneum; Secundum multitudinem. Et hæc merita nobis prosunt per communionem. 4. Thuris. Ibi ardentissime orat: «Sentiunt omnes tuum juvamen.» 5. Et omnis pulveris pigmentarii; id est, habet gloriam omnibus virtutibus respondentem. Sed est 6. Fumus. Charitas immensa quæ illi est gloria essentialis; ibi fumus est sine obscuritate, nubes lucida. [107]

 

 

 

            Quelle est celle-ci qui monte du désert, comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens et de toutes les poudres du parfumeur?

 

            Voilà que tous admirent la Vierge qui monte. Et comme ils ont admiré l'Epoux (Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon avec le diadème, et en Isaïe: Quel est celui-ci qui vient d'Edom, de Bosra, avec les vêtements teints? il est beau dans sa robe), de même admirent-ils maintenant l'Epouse. Ainsi dans le Psaume: La myrrhe, l'aloès et la cannelle s'exhalent de vos vêtements; puis: La reine s'est tenue debout a votre droite. Nous aussi, admirons et imitons. [103]

            Toute la doctrine chrétienne se résume en ces trois exercices: la mortification, la prière et l'action. Un jardin est d'abord labouré avec le soc, puis ensemencé, et en troisième lieu, fertilisé par la rosée ou la pluie. L'âme est cultivée par la mortification, ensemencée des vertus et arrosée par la prière. La mortification concerne surtout la chair; la prière, l'esprit; la pratique des vertus, tout l'homme. Si le grain de froment ne meurt. Si par l'esprit vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez. Mortifiez vos membres qui sont sur la terre. Eh bien! voici que l'humanité admire dans l'Eglise triomphante la mortification de cette Vierge, qui est comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe d'abord, et c'est la mortification, d'encens, et c'est la prière, et enfin de toutes les poudres du parfumeur.

            1re parole: Elle monte. Seule dans ce monde Marie monte. Les autres, sans exception, tantôt montent, tantôt descendent. Ils montent jusqu'aux cieux et descendent jusqu'aux abîmes, parce que tantôt ils font le bien, tantôt ils pèchent mortellement. Quelques-uns ne descendent pas, il est vrai, mais du moins ralentissent-ils leur marche, comme saint Jean-Baptiste, et les Apôtres, même après la Pentecôte. Aussi saint Paul s'écrie-t-il : Malheureux [104] homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? Mais la Bienheureuse Vierge monte toujours; elle ne s'arrêta jamais, semblable à ces animaux d'Ezéchiel, dont chacun marchait devant sa face, et ne se retournait point lorsqu'il marchait. Elle avait son cœur dilaté en sorte qu'elle courait dans la voie des commandements du Seigneur.

            2e parole: Du désert. Tout lieu où le Christ ne paraissait pas lui était un désert. Malheur a moi parce que mon exil a été prolongé! J'ai habité avec les habitants de Cédar. Dans les déserts, il y a bien des arbres, mais sauvages; des bêtes, mais farouches; en ce monde, il y a des hommes et des arbres, mais ils sont sauvages. Rappelez-vous, je vous prie, comme Anne, mère de Tobie, comptait les jours écoulés depuis le départ de son fils; ainsi cette Mère comptait ceux qui devaient s'écouler jusqu'au retour du sien: Comme le cerf soupire après les sources des eaux. C'est pourquoi elle mourut d'amour, [1.] La meilleure vie appelait la meilleure mort; elle a vécu d'amour, elle meurt d'amour. Annoncez à mon Bien-Aimé que je languis d'amour. [2.] Elle fut l'imitatrice de Jésus dans sa vie et dans sa mort. «Glorieux princes de la terre, comme ils s'étaient aimés durant la vie, ainsi la mort ne les a point séparés.» Comme Saul et Jonathas. Ainsi le glorieux Fils et sa glorieuse Mère. 3. Ce privilège fut octroyé à plusieurs Saints: à Marie-Madeleine, aux saintes [105] Catherine de Sienne et de Gènes, à saint François, et, de notre temps, au bienheureux Philippe. Pourquoi pas à la Sainte Vierge? 4. La mort des saints est précieuse. Plusieurs meurent pour la foi, par amour; d'autres par amour, pour l'amour; mais la mort la plus précieuse est celle qui vient de l'amour, pour l'amour et par amour. O Dieu immortel! quelle vie que celle de cette Vierge et quelle mort! Mais éprouva-t-elle des douleurs? Oui, des douleurs d'amour. Douleur aimable et amour douloureux. Qui souffre d'amour, par le même amour se réjouit de sa souffrance.

            3e parole: De parfums de myrrhe. «Abstiens-toi,» c'est la mortification de la partie concupiscible; «soutiens,» c'est la mortification de la partie irascible. A cause de vous, nous sommes mis à mort tout le jour. Je vous louerai sur la harpe. Oh quelle mortification est celle qui provenait de sa pauvreté, de sa virginité, de la Passion du Christ!

            4e parole: D'encens. Que ma prière monte comme l'encens en votre présence. Oh! quelles prières! Ravie jusqu'au troisième Ciel. Marie exhalait toute son âme en prière et soupirs.

            5e parole: De toutes les poudres du parfumeur. La pratique de toutes les vertus: modestie, prudence, force, justice, religion, tempérance.

            6e parole: De fumée. Car elle présuppose le feu, la charité sans laquelle rien n'avait été fait. [106]

            [1.] Maintenant dans le Ciel elle monte librement, parce que par la loi naturelle elle tend en haut. Personne ne peut, [etc.] Rien de plus élevé. Exaltée. 2. Du désert des Anges: les quatre-vingt-dix-neuf brebis dans le désert, car elle s'élève au-dessus de tout. 3. De parfums de myrrhe. Il s'agit ici de la myrrhe la plus exquise; non celle de la mortification, mais celle du mérite de la mortification. [Notre tribulation] présente, légère et momentanée. Selon la multitude, etc. Et ces mérites nous sont appliqués en vertu de la communion [des Saints]. 4. De l'encens. Elle fait au Ciel les prières les plus ardentes: «Tous ressentent votre secours.» 5. Et de toutes les poudres du parfumeur; c'est-à-dire, elle jouit d'une gloire proportionnée à toutes ses vertus. 6. Enfin elle est une fumée. Sa charité immense qui constitue sa gloire essentielle; au Ciel, la fumée n'est pas obscure, c'est une nuée lumineuse. [107]

XC. Plan d'un sermon pour le dix-neuvième Dimanche après la Pentecôte

 

21 octobre 1612

 

(INÉDIT)

 

AD DOMINICAM XIX POST PENTECOSTEN. 1612

 

Amice, quomodo huc intrasti? etc.

[MATT., XXII, 12.]

 

            Parabolis utitur Dominus quo vehementius infigat doctrinam; ut acu utuntur ac seta ut filum inducant. Hæc autem parabola mira est. Nos primam partem breviter explicabimus; secundam paulo pressius, ut minitante hieme vobis vestem faciamus.

 

            Salus hominum nuptiæ sunt Filii Dei. Voluit autem salutem omnium Deus, et invitavit maxime Judeos, et noluerunt venire; misit apostolos, et noluerunt sed [108] occiderunt. Videns Judeos non venturos, invitavit bonos et malos, Judeorum reliquias et ethnicos. Et impletæ sunt nuptiæ: facta est Ecclesia Catholica. Ecce ergo plerique sunt in Ecclesia, in loco salutis; sed nunquid omnes salvabuntur? Heu! veniet dies illa magna et tremenda judicii, in qua intrabit Rex ad videndos convivantes. Inventum est unus. Auget hoc factum. Si plures inventi essent, mirum non esset si expellerentur, sed uno tantum invento expellitur, et mittitur in tenebras exteriores. Multi sunt vocati, pauci vero electi.

            Omnes vocati; maxime qui sunt in Ecclesia, nam vocatione efficaci vocati sunt. Cur non electi? Quia vestem nuptialem non habent. Sed quaenam est ista vestis nuptialis? Indubie charitas, ut omnes, apud Maldonatum et D. Thomam, fatentur. Ista vestis operit multitudinem peccatorum. I. Pet. 4: Ante omnia in vobismetipsis, etc. Sic in Epistola Eph. 4: Renovamini spiritu mentis vestræ: id est, Spiritu Sancto qui est in mente vestra; vel spiritu qui est mens vestra, quia interdum non possumus renovare animæ partem inferiorem, in qua rebellio urget. Et induimini novum [109] hominem; id est, Christum. Induit novum hominem qui moribus invenitur ut Christus. Qui secundum Deum creatus est, id est, ad perfectissimam imaginem Dei; sanctitate veritatis, id est, sanctitate vera.

            Adam nudus, fecit sibi perizoma ex foliis ficus. B. Amb., in lib. de Paradiso: excusatio in peccatis. At Deus fecit vestes pelliceas, mortificationis, aliqui, pœnitentiæ; dic charitatis et meritorum Christi, ut mortui Agni veste ac lana operiamur. Job, 29: Justitia indutus sum, et vestivi me quasi vestimento. D. Gregorius: Vestimentum undique operit. Vieg., [pag.] 70. Apoc. 3: Angelo Laodiciæ: Suadeo tibi emere a me aurum ignitum, probatum, ut locuples fias et vestimentis albis vestiaris, ut non appareat confusio nuditatis tuæ.

            Jam vero triplex est charitatis vestis. 1a Joseph polymita, qua induit eum pater suus: gratia sufficiens, infantum baptizatorum; unde damus illis chrismale: «Accipe vestem candidam.» Pulcra visu; fide enim scimus eos cum charitate omnes virtutes accipere. 2a Jacob, qui vestibus Esau valde bonis vestitus est: communis omnium Sanctorum. 3a Hester, quæ caudam [110] habebat, et est Sanctorum communicantium. Talaris est ut cæterorum; nam quid proderit vestem habere et non talarem, quando insidiatur maxime calcaneo nostro diabolus, serpens? Sed non modo talarem, sed etiam plus quam talarem, ita ut ad posteros quoque perveniat, ut Hesteris vestimentum. Sic Beatus Hilarion primam vestem servavit, nam ante 15 annum jam incepit servire Deo. Fuit talaris, ut cooperiat talum ejus cui insidiabatur dæmon: «Egredere anima mea, quid times?» Fuit odorata, unde multi ejus exemplo ad monasticam vitam perducti. Sic Beati Crispinus et Crispinianus Martires. [111]

 

 

POUR LE XIXE DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE. 1612

 

            Mon ami, comment es-tu entré ici? etc.

 

            Le Seigneur use de paraboles pour graver plus profondément sa doctrine; comme on se sert d'aiguille et de soies pour introduire le fil. Mais cette parabole-ci est admirable. Nous expliquerons brièvement la première partie; quant à la seconde, nous en presserons davantage l'exposition et nous vous en ferons un vêtement pour l'hiver qui vous menace.

            Le salut des hommes, telles sont les noces du Fils de Dieu. Dieu a voulu le salut de tous, il invita surtout les Juifs et ils ne voulurent pas venir; il leur envoya des apôtres, ils ne voulurent pas les recevoir et même les mirent à [108] mort. Voyant que les Juifs refusaient, il invita les bons et les méchants, le reste des Juifs et les païens. Et la salle des noces fut remplie: l'Eglise Catholique était fondée. Voilà donc qu'un grand nombre sont dans l'Eglise, dans l'asile du salut; mais tous seront-ils sauvés? Hélas! viendra ce grand et terrible jour du jugement où le Roi entrera pour examiner ses convives. Il s'en trouva un. Ce fait augmente la terreur. Si on en eût trouvé plusieurs, quoi d'étonnant qu'on les eût chassés? mais on en trouve seulement un et il est expulsé, et il est jeté dans les ténèbres extérieures. Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus.

            Tous sont appelés, ceux surtout qui sont dans l'Eglise, car ils ont reçu la grâce efficace de la vocation. Pourquoi donc tous ne sont-ils pas élus? Parce qu'ils n'ont pas le vêtement nuptial. Mais quel est ce vêtement nuptial? C'est évidemment la charité, tous en conviennent, d'après Maldonat et saint Thomas. Ce vêtement couvre la multitude des péchés. Avant tout, ayez les uns pour les autres, etc. De même dans l'Epitre aux Ephésiens: Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme; c'est-à-dire dans l'Esprit-Saint qui est en votre âme, ou bien dans l'esprit qui est votre âme; parfois, en effet, nous ne pouvons renouveler la partie inférieure de notre âme dans laquelle s'élève la révolte. Et revêtez-vous de l'homme nouveau, c'est-à-dire du Christ. Celui-là [109] revêt l'homme nouveau, qui, dans ses mœurs, est trouvé conforme au Christ. Qui a été créé selon Dieu, c'est-à-dire à la plus parfaite image de Dieu ; dans la sainteté de la vérité, c'est-à-dire dans la vraie sainteté.

            Adam nu se fit une ceinture de feuilles de figuier. Selon le bienheureux Ambroise, dans son livre Du Paradis, c'est une excuse dans le péché. Mais Dieu lui fit des vêtements de peau, ce que quelques-uns entendent de la mortification et de la pénitence, et que nous entendons de la charité et des mérites du Christ, afin que nous fussions couverts du vêtement fait de la laine de l'Agneau immolé. Je me suis environné de la justice, et m'en suis servi comme d'un vêtement. Saint Grégoire: Le vêtement couvre tout le corps. Viegas, [page] 70. Dans l'Apocalypse, à l'Ange de Laodicée: Je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé au feu, afin de t'enrichir et de te revêtir d'habits blancs, pour que la confusion de ta nudité ne paraisse.

            Or, la charité a trois vêtements: 1. Un de couleurs variées, celui dont Joseph fut revêtu par son père. C'est la grâce suffisante des enfants baptisés; aussi leur donnons-nous le chrémeau: «Reçois ce vêtement blanc.» Il est beau à voir, car nous savons par la foi qu'avec la charité, ces enfants reçoivent toutes les vertus. 2. Celui-de Jacob, qui revêtit les plus beaux vêtements d'Esaü. Celui-ci est commun à tous les Saints. Celui d'Esther, à queue, et qui [110] appartient aux Saints en tant que [par leurs exemples] ils communiquent leurs vertus [à ceux qui viennent après eux.] Il descend jusqu'aux pieds, comme les deux autres; car à quoi bon porter une robe qui ne descendrait pas jusqu'au talon, quand c'est surtout à notre talon que le démon, vrai serpent, tend ses embûches? Mais cette robe fait plus que de couvrir les pieds, elle se prolonge encore vers ceux qui suivent, comme celle d'Esther. Ainsi le bienheureux Hilarion conserva toujours sa première robe, car il commença à servir Dieu dès l'âge de quinze ans. C'était une robe longue qui descendait jusqu'à terre pour préserver son talon, [la fin de sa vie,] auquel le démon tendait des embûches: «Sors, mon âme, que crains-tu?» Elle était parfumée, c'est-à-dire que les exemples du Saint en attirèrent un grand nombre à la vie monastique. Tels les bienheureux Crépin et Crépinien, Martyrs. [111]

XCI. Fragment d'un sermon pour la fête de la Purification

 

2 février 1613

 

(INÉDIT)

 

AD FESTUM SACRATISSIMÆ PURIFICATIONIS. 1613

 

            Mira naturæ ars qua veluti per antiperistasin contraria contrariis elucescunt. Mira in hoc Evangelio Beatæ Virginis humilitas, mira et dignitas. Venit veluti vulgaris mulier purificanda, venit tanquam mater oblatura munus omnium gratissimum Altissimo, et in Symeone timor versus est in lætitiam summam.

            Superbia diaboli et hominis mira fuit, ut nimirum essent sicut dii. Esaias, 14: Conscendam in cælum, super astra Dei ponam solium meum, ero similis Altissimo. De homine pulchre Augustinus, I. 14 de Civitate, c. 13, citans Proverb. 16: Ante ruinam exaltatur cor et ante gloriam humiliatur. Initium [112] omnis peccati superbia; Ecclesiastici, 10. Tob. 4, ad filium: Superbiam nunquam in tuo sensu aut in tuo verbo dominari permittas, in illa enim initium sumpsit omnis perditio. Ro. 5: Sicut per inobedientiam unius hominis peccatores constituti sunt multi, ita per obedientiam unius hominis justi constituuntur multi.

            Verum etiam Patrum pulcherrimæ sententiæ expendendæ sunt circa peccatum primi hominis primæ mulieris, et inde concio inchoanda. Anthithesim esse inter Mariam et Evam omnis antiquitas credidit; videamus ergo quomodo peccavit Eva. Dic historiam. Creati erant Adam et Eva in gratia, et summa fœlicitate potiebantur; et ecce diabolus, serpens antiquus, voluit eos exturbare. Aggressusque mulierem tanquam infirmiorem: Cur præcepit, inquit, vobis Deus ut non comederetis ex omni ligno paradisi? De omni, id est, præcepit ut de nullo, est communis opinio; vel non comederetis ex omni, id est, non de omnibus et singulis, sed excepit lignum scientiæ boni et mali? Egregie Rupertus, 1. 2 de Trinit., c. 4: Diabolus se «rem ut erat nescire simulans,» dixit de omni. Sic hæretici: Cur præcipit [113] Ecclesia ut de omni Scriptura non legatis? cur prohibet nubere? cur vesci cibis creatis a Deo? etc. Cui respondit mulier: De fructu lignorum quæ sunt in paradiso vescimur; de fructu vero ligni quod est in medio paradisi, præcepit nobis Deus ne comederemus et ne tangeremus illud, ne forte moriamur. Dixit autem serpens ad mulierem: Nequaquam moriemini; scit enim Deus quod in quacumque die comederitis ex eo, aperientur oculi vestri, et eritis sicut dii, scientes bonum et malum. Ambros.: Displicent [verba] præcepti, lib. de Adam et Eva, unde exaggerat. Si vir vel pater dicat: Nolo cum hoc colloquaris; heus! ait, non vult me cum ullo colloqui. Aggravant præceptum ut gravent præcipientem: ne tangerent. Idem est Chrisostomi, hom. 16. in Genesim. Quod Eva cum diabolo colloqui cæperit, nunquam colloquendam est cum hoste reipublicæ, aut cum hæretico, aut cum impudicis. Cap. II. ad Cor. 2: Timeo ne sicut serpens seduxit Evam astutia sua, ita corrumpantur sensus vestri, et excidatis a simplicitate quæ est in Christo.

……………………………………………………………………………………………….. [114]

 

 

 

POUR LA FÊTE DE LA PURIFICATION. 1613

 

            Admirable est cet art de la nature qui, par une sorte d'opposition, fait ressortir les contraires par les contraires. Merveilleuse est dans cet Evangile l'humilité de la Bienheureuse Vierge; merveilleuse aussi est sa dignité. Elle vient comme une femme vulgaire pour être purifiée; elle vient comme mère pour offrir au Très-Haut le don qui pouvait lui être le plus agréable. Aussi dans le cœur de Siméon, la crainte fait place à une suprême joie.

            Etonnant fut l'orgueil du démon et de l'homme, quand ils se persuadèrent qu'ils deviendraient comme des dieux. Je monterai au ciel, je placerai mon trône sur les astres de Dieu, je serai semblable au Très-Haut. Saint Augustin, liv. XIII de la Cité [de Dieu], chap. XIV, citant les Proverbes, dit très bien de l'homme: Le cœur s'exalte avant la ruine et il s'humilie avant la gloire. [112] L'orgueil est le commencement de tout péché. Tobie à son fils: Ne laisse jamais l'orgueil dominer dans ton esprit ou dans ta parole, car c'est par lui que toute perdition a pris commencement. De même que par la désobéissance d'un seul homme beaucoup ont été constitués pêcheurs, de même aussi par l'obéissance d'un seul homme beaucoup sont justifiés.

            Les Pères donnent, relativement au péché du premier homme et de la première femme, de très beaux enseignements que nous devons considérer. En conséquence, je puis commencer mon discours par les contrastes que toute l'antiquité a remarqués entre Marie et Eve. Voyons donc comment Eve a péché. Dire l'histoire. Adam et Eve avaient été créés en grâce et jouissaient d'une félicité parfaite; et voilà que le démon, l'antique serpent, voulut les ruiner. S'attaquant donc à la femme, comme étant la plus faible: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé, dit-il, de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? De tous, c'est-à-dire, pourquoi vous a-t-il commandé de n'en manger aucun; c'est l'opinion commune. Ou bien, de ne pas manger de tous, c'est-à-dire non pas de tous et de chacun; mais en a-t-il excepté les fruits de l'arbre de la science du bien et du mal? Rupert dit excellemment, liv. II de la Trinité, chap. IV: Le diable, «feignant d'ignorer la vérité,» dit de tous. Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions. Et le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; car Dieu sait qu'en quelque jour que ce soit que vous en mangiez, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal. Le commandement déplaît à la femme, dit saint Ambroise, dans son livre d'Adam et Eve, c'est pourquoi elle en exagère la rigueur. Si le mari ou le père dit: Je ne veux pas que tu parles à un tel; hélas, dit-on, il veut que je ne parle à personne. On exagère ainsi le précepte, afin de taxer de sévérité outrée ceux qui le donnent: qu'ils ne touchent pas. Saint Chrysostôme s'exprime de la même manière dans sa XVIe homélie sur la Genèse. Du péril auquel s'exposa Eve en entrant en conversation avec le serpent, il faut tirer la conséquence qu'on ne doit jamais s'entretenir avec un ennemi de l'Etat, ou avec un hérétique, ou avec des hommes aux moeurs corrompues. Je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent et que vous dégénériez de la simplicité qui est dans le Christ.

……………………………………………………………………………………………….. [114]

 

XCII. Plan d'un sermon pour le quatrième Dimanche après Pâques

 

5 mai 1613

 

(INÉDIT)

 

DOMINICA 4 POST PASCHA, APUD S. PAULUM

 

Vado ad eum qui misit me, et nemo

ex vobis interrogat me: Quo vadis?

Jo. 16. v. 5.

 

            Ægris ob morbum sine appetitu viventibus, solemus etiam invitis cibum dare; sic hodie Apostolis mœstitia affectis, et ideo non petentibus a Domino: Quo vadis? [115] ipsemet cibum ingerit, et iter suum, causasque ac utilitates sui itineris, declarat. Interdum interrogare nolumus, ne sciamus quod scire nobis triste est. Dicit ergo se ire ad Patrem ut Spiritum Sanctum mittat, Spiritum Sanctum autem, cum venerit, argumentis demonstraturum, ac potius magno interiori lumine, mundum reum esse peccati, justitiae et judicii. Quæ quomodo intelligi debeant eodem aspirante Spiritu dicemus, sed antea, ut in nobis superveniat, Beatam Virginem salutemus.

 

            Difficilia quæ pulcra. Lex antiqua in monte data est, et nova quoque, abrege, anacephaleosis, in Cruce; inter clavos et spinas, ut Leges inter tonitrua et lampades. Hoc omnes hactenus senserunt, et miror ignorantissimos rerum theologicarum aliter sentire. Hieronymus, in Prologo Galeato: «Sola Scripturarum ars est quam sibi passim omnes vendicant.» Difficilem esse Dominus indicat in fine Evangelii nostri: Multa alia habeo vobis dicere, sed non potestis portare modo. Gebenn. in margine: «Ces choses-la sont comprinses en la doctrine des Apostres, hors laquelle il ne nous faut rien chercher.» Finesse. Hors la doctrine ou escritte ou non escritte. [116]

            At in Epistolis et scriptis Apostolicis etiam multa difficilia; ut Petri 2. c. 3, de Epistolis Pauli et rebus in eis propositis: In quibus, ait, quædam sunt difficilia intellectu, quæ indocti et instabiles depravant ad suam ipsorum perditionem, sicut et cæteras Scripturas. Et Christus: Scrutamini Scripturas. Et Paulus non omnia scripsit; Pleb. 5, de Melchisedech: de quo, inquit, grandis (hoc est, multus) nobis est sermo, ininterpretabilis ad dicendum, quia imbecilles facti estis ad audiendum. I. Cor. 3. v. 1 et 2: Tanquam parvulis in Christo, lac potum dedi vobis, non escam, nondum enim poteratis; sed nec adhuc potestis, adhuc enim carnales estis. Cætera cum venero disponam; I. Cor. XI. De illo grandi sermone et de ista dispositione, ubi quæso mentio? Non potestis portare modo. Unde Psalm.: Revela oculos meos, et considerabo mirabilia de lege tua; [Ps.] 118. O Sanctus Carolus!

            Non omnia scripta necessaria sunt ad fidem, quamvis sint de fide; ut Tobiæ canem caudam habuisse, c. XI. V. 9, aut Paulum habuisse penulam, 2. ad Timot. 4, quam reliquerat Troade apud Carpum. Nec omnia [117] necessaria scripta sunt aperte, maxime numerus Librorum et sensus, et «descendit ad inferos.»

            Nos similes sumus formicis. Quædam ascendunt spicas et dimittunt, aliæ spoliant grana spicis et thecis aliæ inferunt. Sic Apostoli Mot Dei miserunt, doctores exuunt difficultatibus, prædicatores trahunt et inferunt cordibus.

            Nemo ex vobis internogat me: Quo vadis? quia nemo vult scire Crucem, aut privari consolatione. [118]

 

 

 

QUATRIEME DIMANCHE APRÈS PAQUES, A SAINT-PAUL

 

            Je vais à Celui qui m'a envoyé, et nul d'entre vous ne me demande: Ou allez-vous?

 

            Souvent nous obligeons les personnes à qui la maladie ôte tout appétit à prendre de la nourriture. Quelque chose d'analogue se passe aujourd'hui: les Apôtres sont accablés de tristesse, et partant ne demandent pas au Seigneur: Où allez-vous? mais lui, les contraint à se nourrir et leur annonce son [115] départ, les causes et les avantages de ce départ. Parfois nous ne voulons pas interroger, pour ne pas apprendre une nouvelle qu'il nous serait pénible de connaître. Jésus déclare donc qu'il retourne à son Père pour envoyer l'Esprit-Saint, et que l'Esprit-Saint étant venu, par des preuves, ou plutôt par une grande lumière intérieure, il convaincra le monde du péché, de la justice et du jugement. Comment comprendre ces paroles, nous l'allons dire sous l'inspiration du même Esprit; mais auparavant, pour qu'il descende sur nous, saluons la Bienheureuse Vierge.

            Les choses belles sont difficiles à saisir. La Loi ancienne a été donnée sur la montagne, la nouvelle également; abrégé (anacéphaléosis) sur la Croix; entre les clous et les épines, comme la Loi mosaïque [avait été promulguée] parmi les tonnerres et les éclairs. Jusqu'ici tous l'avaient entendu ainsi, et je m'étonne que ceux-là même qui ignorent le plus les questions théologiques prétendent l'expliquer autrement. Saint Jérôme, dans son Prologue casqué, dit: «La science de l'Ecriture est la seule dont, en tous lieux, chacun se fait fort.» Le Seigneur à la fin de notre Evangile la déclare difficile: J'ai beaucoup d'autres choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant. Les pasteurs de Genève disent, en marge: [Reprendre au texte, lig. 19.] [116]

            Les Epîtres et les écrits des Apôtres renferment aussi bien des points difficiles; et saint Pierre parlant des Epîtres de saint Paul et des enseignements qui y sont proposés: Dans lesquelles, dit-il, il y a quelques passages difficiles a entendre, que des hommes ignorants et légers détournent pour leur propre perte a de mauvais sens, ainsi que les autres Ecritures. Et le Christ: Vous scrutez les Ecritures. Et saint Paul n'a pas tout écrit. Dans l'Epître aux Hébreux, au sujet de Melchisédech: de qui, dit-il, nous avons de grandes choses à dire (c'est-à-dire en grand nombre), et difficiles à expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre. Comme de petits enfants dans le Christ, je vous ai nourris de lait et non d'aliments solides, parce que vous n'en étiez pas capables, et à présent même vous ne l'êtes pas encore, parce que vous êtes encore charnels. Quant aux autres choses, lorsque je serai venu je les réglerai. De ces grandes choses et de ce règlement, où, je vous prie, en est-il fait mention? Vous ne pouvez les porter maintenant. Pour le même sujet, il est dit dans le Psaume: Dessillez mes yeux et je considérerai les merveilles de votre loi. O saint Charles!

            Toute l'Ecriture n'est pas nécessaire pour la foi, bien qu'elle soit toute de foi. Il n'est pas nécessaire, par exemple, de savoir que le chien de Tobie avait une queue, ou que saint Paul avait un manteau qu'il laissa à Troade, chez [117] Carpus. De même, tout ce qu'il est nécessaire de croire n'est pas explicitement écrit, en particulier le nombre et le vrai sens des Livres canoniques, et les mots: «est descendu aux enfers.»

            Nous ressemblons aux fourmis. Les unes montent sur l'épi et l'abattent, les autres dépouillent le grain de son enveloppe et d'autres le transportent au grenier. Ainsi les Apôtres nous ont transmis la parole de Dieu, les docteurs la dégagent de toute ambiguité et les prédicateurs l'emportent pour la déposer dans les coeurs.

            Nul d'entre vous ne me demande: Où allez-vous? parce que nul ne veut savoir la science de la Croix ou se priver de consolation. [118]

XCIII. Plan d'un sermon pour la fête de la Pentecôte

 

26 mai 1613

 

(INÉDIT)

 

AD FESTUM PENTECOSTES, 26 MAII 1613

CUM REDIREM MEDIOLANO

 

            Aves cum parvulos in nido non habent, excurrunt per arbores in eisque morantur, et mirifice huc illucque canunt; at cum nidum habent pullosque in eo, vix cantant alibi quam in arbore in qua nidos pullosque habent. Si enim aliquando excurrunt, cito redeunt, et memores relictorum pullorum vix alibi cantant. Il fault dire vray, mirus est amor filiorum, et quidem spiritualium major quam carnalium. Un pere qui a des enfans, va, vient, court, mais son cceur ne bouge, il est tous-jours avec son tresor: Gaudium meum, corona mea vos estis. [119] Or sus, je ne veux point vous expliquer maintenant davantage mon sentiment ni ma consolation de me revoir aupres de vous, mon cher peuple; il me suffit que j'y sois, et que me voyci en cette si celebre feste pour vous en expliquer le mistere briefvement. Mays, nemo potest dicere, Dominus Jesus, nisi in Spiritu Sancto, nemo Spiritus Sanctus nisi in Spiritu. Veni, en faveur de vostre chere Espouse Nostre Dame. Ave.

 

            Canticum Canticorum epitalamium est Ecclesiæ et Christi. Orditur autem Salomon instinctu Spiritus Sancti ab unione: Osculetur me (quid est osculetur, nisi veniat et mecum jungatur per Incarnationem, in qua quæ ex ore Altissimi prodit Sapientia unitur carni nostræ? Unde: Veni, Domine, et noli tardare; Veniat Dilectus meus in hortum suum; Descendat sicut pluvia in vellus, etc.), et finit Ascensione: Fuge, inquit, Dilecte mi, et assimilare capreæ hinnuloque cervorum super montes aromatum. Quæ verba Beatus Bernardus et communior [sententia] explicant de Ascensione Domini: Veni, fuge; unum Mot est in principio, aliud in fine; Bernardus, ser. 9. in Qui habitat. «Non enim ut Petrus,» ait Bernardus, «vult in monte terreno habitaculum,» sed in Cælo; «aut cum Maria, [120] eum deinceps vult tangere in terra, sed plane clamat: Fuge

            Sed assimilare capreæ. Caprea summos montes petit, ut clarius omnia despiciat suspiciatque vicinius solem. Fuge, sed assimilare capreæ, quæ ea quæ deorsum sunt respicit (mitte nobis alium Paraclitum), hinnuloque cervorum, qui etsi scandat, tamen in ima, ubi matrem reliquit, respicit omni momento; sic naturam humanam Christus respicit, et ei munus Spiritus Sancti mittit. Recita historiam Joseph. Antequam Benjamin iret in regnum fratris Joseph, mittebat quidem cibaria aliqua; verum ubi vidit Benjamin, misit plaustra, stolas, omniaque quæ necessaria erant. Sic Pater cælestis ante Ascensionem misit per Angelos Legem et cætera necessaria, at viso Benjamin misit omnia munera. Viderant Apostoli ascendentem, at timidi erant donec venit Spiritus Sanctus; tunc revixit spiritus eorum, etc.

            Sed quomodo Spiritus Sanctus venit? Non mutans locum sed actum. Descendam. Descenditque cum illo in foveam. Veni, Domine, et noli tardare. Vere locus iste sanctus est, etc. [121]

            Quid autem novi fecit in Apostolis? prius quidem acceperant Spiritum Sanctum: Accipite Spiritum Sanctum. Acceperant jurisdictionem, sed non possessionem, actum secundum; vela pandunt ventis.

            Sed velletis recipere Spiritum Sanctum? Sedentes; humiliter, vasa vacua non pauca; unanimiter, amor proximi; in oratione. [122]

 

 

 

 

 

POUR LA FETE DE LA PENTECÔTE, 26 MAI 1613

A MON RETOUR DE MILAN

 

            Lorsque les oiseaux n'ont pas de petits dans leur nid, ils voltigent d'arbre en arbre, s'y arrêtent et chantent merveilleusement tantôt ici, tantôt là; mais ont-ils nid et couvée, c'est à peine s'ils chantent ailleurs que sur l'arbre où reposent ce nid et cette couvée. Si parfois ils s'en éloignent, c'est pour revenir aussitôt, le souvenir des petits qu'ils ont quittés leur permettant à peine de chanter ailleurs. Il faut dire vrai, l'amour [du père] pour les enfant» est admirable, encore plus pour les fils selon la grâce que pour les fils selon la nature. Vous êtes ma joie et ma couronne. [119]

            Nul ne peut dire Seigneur Jésus, si ce n'est par l'Esprit-Saint; nul ne peut dire Esprit-Saint, si ce n'est par l'Esprit. Venez...

            Le Cantique des Cantiques est l'épithalame de l'Eglise et du Christ. Sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, Salomon débute par un souhait d'union: Qu'il me baise (qu'est-ce à dire: qu'il me baise, sinon qu'il vienne et s'unisse à moi par l'Incarnation, ce mystère où la Sagesse sortant de la bouche du Très-Haut, s'unit à notre chair? De là ces mots: Venez, Seigneur, et ne tardez plus. Que mon Bien-Aimé vienne en son jardin. Qu'il descende comme la pluie sur la toison, etc.), et il finit par l'Ascension: Fuyez, dit-il, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches sur les montagnes des aromates. Le bienheureux Bernard, d'accord en cela avec la plupart des commentateurs, applique ces paroles à l'Ascension du Seigneur: Venez, fuyez; un mot se trouve au début, l'autre à la fin. (Saint Bernard, sermon IX sur le Psaume Qui habitat.) «L'âme,» dit saint Bernard, «ne veut pas comme saint Pierre habiter un tabernacle bâti sur une montagne terrestre;» elle veut [120] le Ciel. «Elle ne veut pas comme Marie-Madeleine toucher Notre-Seigueur sur la terre; au contraire, elle s'écrie: Fuyez.»

            Soyez semblable au chevreuil. Le chevreuil gagne le sommet des monts pour voir plus distinctement à ses pieds toutes choses et contempler de plus près le soleil. Fuyez, mais soyez semblable au chevreuil, qui regarde ce qu'il laisse derrière lui (envoyez-nous un autre Paraclet), et au faon de biche, lequel, bien qu'il monte en sautant, regarde cependant à chaque instant le fond de la vallée où il a laissé sa mère. Ainsi le Christ regarde en arrière la nature humaine, et lui envoie le don de l'Esprit-Saint. Raconter l'histoire de Joseph. Avant que Benjamin fût venu dans le royaume de son frère Joseph, celui-ci envoyait bien aux siens quelques provisions alimentaires; mais dès qu'il eut vu Benjamin, il envoya des chariots, des robes et tout ce qui était nécessaire. Ainsi le Père céleste, avant l'Ascension, envoya par ses Anges la Loi et tout ce qui était nécessaire, mais après avoir vu Benjamin il envoya tous les dons. Les Apôtres l'avaient vu monter au Ciel, mais ils demeurèrent timides jusqu'à la venue de l'Esprit-Saint; alors leur esprit se ranima, etc.

            Mais comment vint l'Esprit-Saint? En changeant non pas de lieu, mais d'opération. Je descendrai. Et elle descendit avec lui dans la fosse. Venez, Seigneur, et ne tardez plus. Vraiment ce lieu est saint, etc. [121]

            Qu'opéra-t-il de nouveau dans les Apôtres, car ceux-ci avaient déjà reçu l'Esprit-Saint: Recevez le Saint-Esprit. Ils avaient déjà reçu la juridiction, mais ils n'avaient pas été établis dans la possession actuelle; ils ouvrent la voile aux vents.

            Vous voudriez recevoir l'Esprit-Saint? Soyez assis; humblement, vases vides, nombreux; unanimement, amour du prochain; dans la prière. [122]

XCIV. Exorde d'un sermon pour le troisième Dimanche de l'Avent

 

15 décembre 1613

 

(INÉDIT)

 

AD DOMINICAM 3 ADVENTUS. ANNESSII, 1613

 

            Pro exordio dicatur Evangelium; cum autem perveneris ad locum: Non sum dignus corrigiam calceamenti solvere, affer interpretationem Cyrilli et Hylarii, folio sequenti, pagina versa, positam: Corrigiam calceamenti solvere est Evangelium Lege contentum enucleare. Et ego dico, ad istorum Patrum imitationem, corrigiam calceamenti solvere est sensum Scripturæ reserare. Ergo non sum dignus, nescio loqui; at tu, Mater Verbi, per quam nobis Mot apparuit, solve, vel solvere me fac, per tuas preces. Ave Maria.

……………………………………………………………………………………………….. [123]

 

 

 

POUR LE TROISIÈME DIMANCHE DE L'AVENT. ANNECY, 1613

 

            Comme exorde, faire le récit de l'Evangile; puis, arrivé au passage: Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure, donner l'interprétation de saint Cyrille et de saint Hilaire, insérée au verso de la page suivante: Délier la courroie de la chaussure, c'est éclaircir le sens de l'Evangile contenu dans la Loi. Et moi, à l'imitation de ces Pères, je dis: Délier la courroie de la chaussure, c'est ouvrir le sens de l'Ecriture. Je ne suis donc pas digne, je ne sais parler; mais vous, Mère du Verbe, par laquelle le Verbe nous est apparu, par vos prières, ouvrez ce sens, ou faites-le moi ouvrir. Ave Maria.

……………………………………………………………………………………………….. [123]

 

XCV. Plan d'un sermon pour la veille de Noël

 

24 décembre 1613

 

(INÉDIT)

 

1613. IN VIGILIA NATIVITATIS AD SORORES VISITATIONIS

 

            Ecclesia omnia movet ut magnitudinem festi futuri prædicet; ut constat ex officio Adventus. Sed inter alia, in Missae introitu, utitur verbis paululum inflexis quibus Moyses nuntiavit mannæ pluviam Israelitis; Ex. 16. «Hodie,» inquit, «scietis quia veniet Dominus, et mane videbitis gloriam ejus.» Dic historiam usque ad verba Moysi (et nota obiter murmur filiorum Israel, qui libenter egressi sunt de Ægipto, ut plerique religiosi ex mundo, sed ubi tantisper sunt in deserto, id est, deseruntur, murmurant et recordantur carnium mundi): Vespere scietis quia Dominus eduxit vos de [124] terra Ægipti, et mane videbitis gloriam Domini. Ouibus verbis Ecclesia significat Christum similem esse mannæ; et ita est: 1°. quoad generationem, 2°. quoad saporem. Unde duo dicam: explicabo breviter misterium Incarnationis; secundo, quomodo gustare debeamus omnes hoc misterium, maxime autem vos Sorores.

 

            Quoad primum, tria tantum observo. 1°. Num. II, manna invisibiliter, nocte, descendebat de cælo. Sic Christus hodie nascetur nocte, invisibiliter, modo humanis mentibus incomprehensibili; totus e Cælo, etiam corpus, nam etsi materia ex Virgine sumpta est, tamen virtute Altissimi obumbrante et Spiritu Sancto superveniente formata est, et modo cælesti nascitur, eo modo quo lux de cælo, quo etiam Mot a Patre. Istudque misterium ut manna lumini solis liquefit, ignis obduratur: qui lumine cælesti vult penetrari, liquidus est, qui naturali curiositate, obdurescit.

            2°. Manna duplicem substantiam habere videbatur: panis oleati, qui e terra, et mellis, quod e cælo. Rorate cæli desuper et nubes pluant Justum; aperiatur terra et germinet Salvatorem. Et divinitate [125] et humanitate componitur, ita ut sit unus Christus, unum manna.

            3°. Manna venit in cibum hominum, ita Christus; unde, in Bethleem, Domo panis. Cibus est in Eucharistia, et cibus etiam mysticus cordis omnium hominum. Hinc Agnus, hinc mel.

 

            Verum ut ad secundum punctum veniamus: ista Christi nativitas, vel Christus puellulus, omnibus sapit qui velint: sapit pastoribus quia Pastor, sapit regibus quia Rex, sapit Symeoni quia Sacerdos, sapit Annæ prophetissæ quia Propheta, sapit sane omnibus. Verum maxime sapit devotis, religiosis, oblatis, quia ipse devotissimus, religiosus, oblatus. Unde tres potissimum religiosorum omnium Patres huic misterio devotissimi: Augustinus: «Hinc lactor ab ubere;» Bernardus, qui hanc Nativitatem vidit; Franciscus, ut omnes norunt.

            Videamus qualis sit iste religiosus Parvulus. 1°. De castitate nulla dubitatio: Pascitur inter lilia. Et vero, quamvis votum non fecerit, tamen oblationes fecit. [126]

            2°. De paupertate. En videte, quæso, quam pauper. Paupertas hospitii, paupertas vestium, paupertas cibi:

                        « Parvoque lacte pastus est, per quem nec ales esurit;»

nihil habet prorsus suum. Paupertas abjectissima. Urge diligentissime hanc meditationem: en nudus super terram natus est, ut ait Beata Brigitta.

            3°. De obedientia. En ipse habet usum rationis et sapientiam infinitam; tamen permittit se fasciis obstringi, circumligari, ponique ubicumque vult Mater Paterve. Posset ire ipse, manet in presepio.

            4. Silentium mirum; nam alii infantes non loquuntur quia nesciunt, iste quia non est tempus loquendi sed silentii.

            5. Abjectionis amor. Est inter animalia, et ipse suavissime excipit eorum flatum et etiam stupiditatem. Cæterum sunt animalia quæ amat; quia unum jugale est, aliud onerosum; unum laboriosum, aliud oneratum. Unde: Venite ad me qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos.

            6. Videte dulcedinem hujus Pueri: fortior Samsone, [127] tamen circumligari vult; manet suavissime cum insuavissimis animalibus; mihique videre videor benignis oculis Matrem charissimam, Patremque ac pastores aspicientem, bascia (sic) et suavia Matri dantem, juxta illud: Osculetur me, et lac capientem.

            7. Videte ejus mortificationem: quam frigide excipitur, in fceno jacet, etc., in antro, etc.

            8. Plangit: Similem omnibus vocem emisi plorans. Cur pueri plorent, naturalis ratio est quia primo sentiunt frigus, lumen, et inusitatum aerem post teporem et somnum in utero materno; mystica, quia veniunt morituri et multa passuri. Unde observatum est a plerisque, masculos a, fœminas he primas voces edere, quæ litteræ sunt initiales Adami et Evæ, per quos tot miseriis afficimur. Cæterum, apud Aristotelem, infantes ante 40 diem non rident; nisi portentose, ut Zoroaster, «infœlix homo qui nascens risit.» Sic religiosi incipiunt a purgatione per pœnitentiam; 40 autem numerus completæ pœnitentiæ est, quo exacto rident, id est, consolantur.

            Porro, in Canticis, Sponsus ait: Favus distillans labia tua. Ergo Sponsa apicula est quæ mel ore facit, [128] et ita est. Apes autem Oblatæ sunt. Egrediuntur et regrediuntur in domo Visitationis; nihil habent proprium. Sunt virgines, neque pariunt, sed advehunt fœtum e Cælo, ut nos per inspirationes multiplicamur. Obediunt, nam et canit una ut veniant; mane surgunt ad sonitum campanæ, omnes eadem hora; habent præfectas. En, ergo, carissimæ apes estis; sed habetisne regem? Ecce parvulum Dominum, verum apum Regem; illum circumstate, illum considerate, illum imitamini, et estote probatissimae Oblatæ. Videte Matrem, apiculum (sic), videte Patrem. Novum hunc Regem sequimini. Ipse sit manna vestrum, ipse mel vestrum, ipse Rex qui regat corda et corpora vestra donec inducat vos in alveria Cæli, in quibus aliud mel longe suavius efficiatis, etc.

            Posset fieri pulcherrima imago totius habitus religiosi in Parvulo; nam infantes vestiti sunt, ut monachi, caputio, etc., pedibus nudis, etc. [129]

 

 

 

1613. LA VEILLE DE NOEL, AUX SŒURS DE LA VISITATION

 

            L'Eglise met tout en œuvre pour annoncer la grandeur de la fête prochaine, comme on le voit par l'office de l'Avent, et surtout par l'introït de la Messe de ce jour. On y lit à peu près les paroles dont se servit Moïse pour annoncer aux Israélites la pluie de la manne: «Aujourd'hui,» dit-il, «vous saurez que le Seigneur viendra, et, au matin, vous verrez sa gloire.» Rappeler l'historique du fait jusqu'aux paroles de Moïse. (Signaler, en passant, les murmures des enfants d'Israël: librement sortis de l'Egypte, comme sortent du monde la plupart des religieux, ils sont à peine au désert, c'est-à-dire dans l'abandon, qu'ils murmurent et se ressouviennent des plaisirs du monde.) Ce soir vous saurez que le Seigneur vous a conduits hors de la terre d'Egypte, et, au [124] matin, vous verrez la gloire du Seigneur. L'Eglise, par ces paroles, nous donne à entendre que le Christ est semblable à la manne; et il en est ainsi au double point de vue, 1. de la génération, 2. de la saveur. Je traiterai donc ces deux points: j'exposerai brièvement le mystère de l'Incarnation; en second lieu, je dirai comment nous devons tous, mais vous surtout, mes Sœurs, goûter ce mystère.

            Quant au premier point, je remarque seulement trois choses, 1. La manne descendait du ciel d'une manière invisible, pendant la nuit. Ainsi le Christ naîtra aujourd'hui, pendant la nuit, d'une manière incompréhensible aux esprits humains; il descendra du Ciel tout entier, y compris son corps, car, s'il en a pris la substance dans le sein de la Vierge, c'est par la vertu du Très-Haut couvrant Marie de son ombre, et par l'intervention du Saint-Esprit que cette substance a été formée et qu'elle paraît au jour d'une manière toute céleste, comme la lumière vient du ciel et le Verbe émane du Père. La manne se liquéfiait aux rayons du soleil et se durcissait au feu. Il en est de même de ce mystère: il devient transparent pour qui veut l'approfondir à la lumière céleste, mais il est impénétrable à qui veut l'étudier avec une curiosité toute naturelle.

            2. La manne paraissait être composée d'une double substance: de pain fait a l'huile, produit de la terre, et de miel, produit du ciel. Cieux, versez votre rosée d'en-haut et que les nuées pleuvent le Juste; que la terre s'ouvre et qu'elle [125] germe le Sauveur. Composé de divinité et d'humanité, le Christ est un, comme une est la manne.

            3. La manne devait servir de nourriture aux hommes; ainsi en est-il du Christ, c'est pourquoi il naît à Bethléem, la Maison de pain. Il est nourriture dans l'Eucharistie, il est de plus l'aliment mystique des cœurs de tous les hommes. Aussi il est appelé Agneau, il est appelé miel.

            Mais venons-en au second point. La naissance de Jésus-Christ, ou plutôt le tout petit Jésus a une saveur spéciale pour tous ceux qui le veulent goûter: pour les pasteurs, parce qu'il est Pasteur; pour les rois, parce qu'il est Roi; pour Siméon, parce qu'il est Prêtre; pour Anne la prophétesse, parce qu'il est Prophète; pour tous enfin, mais surtout pour les âmes dévotes, pour les religieux et pour les oblats, parce que lui-même est excellemment dévot, religieux et oblat. Aussi, parmi les Pères les plus pieux, trois surtout professèrent envers ce mystère un culte spécial: saint Augustin: «Ce mystère est le sein qui m'allaite;» saint Bernard, qui dans une vision contempla cette naissance; saint François, comme chacun le sait.

            Voyons dans cet Enfant les qualités du religieux. 1. Sa chasteté est évidente: Il se repaît parmi les lis ; et bien qu'il n'ait pas émis de vœu, il a néanmoins fait ses oblations. [126]

            2. Sa pauvreté. Mais voyez, je vous prie, comme il est pauvre! Pauvreté d'asile, pauvreté de langes, pauvreté de nourriture:

                         « Celui qui donne aux oiseaux leur pâture, est nourri d'un peu de lait;»

il ne possède absolument rien. Pauvreté la plus abjecte. Presser avec beaucoup d'insistance cette considération: le voilà nu sur la terre à sa naissance, comme le raconte sainte Brigitte.

            3. Son obéissance. Il a l'usage de la raison et une sagesse infinie; il se laisse pourtant emmaillotter, entourer de bandes, poser partout où le veulent sa Mère ou son Père. Il pourrait marcher seul, et cependant il reste dans la crêche.

            4. Son silence est admirable; car les autres enfants se taisent parce qu'ils ne savent pas parler; lui, parce que ce n'est pas le temps de parler mais de se taire.

            5. Son amour de l'abjection. Placé entre des animaux, il accueille avec douceur leur haleine et même leur stupidité. Du reste, ce sont des animaux qu'il aime, parcs que l'un porte le joug, l'autre le fardeau; l'un est laborieux, l'autre chargé; et Jésus dira: Venez à moi vous tous qui travaillez et êtes chargés, et je vous soulagerai.

            6. Voyez la douceur de cet Enfant: plus fort que Samson, il veut pourtant [127] être emmaillotté; il se montre aimable au milieu d'animaux qui le sont si peu. Il me semble le voir fixer son doux regard sur sa très chère Mère, son Père, les bergers; donner à sa Mère de suaves baisers, selon qu'il est écrit: Qu'il me baise, et puis, se nourrir de son lait.

            7. Voyez sa mortification: il fait bien froid à sa naissance; il repose sur la paille, etc., dans une grotte, etc.

            8. Il pleure: J'ai élevé la voix en pleurant, comme tous les autres. La cause des pleurs des enfants, c'est premièrement une raison naturelle: ils sentent pour la première fois le froid, la lumière, un air nouveau après l'air tiède et le sommeil dans le sein maternel. La raison mystique est qu'ils naissent pour mourir et pour souffrir beaucoup; aussi plusieurs ont observé que le premier vagissement des garçons est a, celui des filles , premières lettres des noms d'Adam et d'Eve, auteurs de tant de misères qui nous accablent. Aussi bien, d'après Aristote, les enfants ne rient-ils avant le quarantième jour que par prodige, comme il est arrivé pour Zoroastre, «le malheureux qui rit en naissant.» De même les religieux commencent à se purifier par la pénitence; or, quarante est le nombre de la pénitence parfaite; cette durée atteinte, ils rient, c'est-à-dire sont consolés.

            Il y a plus. Dans les Cantiques, l'Epoux dit: Tes lèvres sont un rayon qui distille le miel. L'Epouse est donc une petite abeille qui de sa bouche fait le [128] miel, et il en est ainsi. Les Oblates sont des abeilles. Elles sortent de la maison de la Visitation et y rentrent; elles n'ont rien en propre. Elles sont vierges, n'enfantent point, mais tirent leur fruit du Ciel, comme nos vertus sont multipliées par notre correspondance aux inspirations divines. Elles obéissent, car à l'appel de l'une d'entre elles, toutes accourent; le matin, toutes à la même heure, se lèvent au son de la cloche ; elles ont des supérieures. Ainsi donc vous êtes des abeilles bien-aimées; mais, n'avez-vous pas un roi? Voici votre petit Souverain, vrai Roi des abeilles; entourez-le, considérez-le, imitez-le et soyez des Oblates de probation parfaite. Contemplez la Mère, contemplez le petit Roi des abeilles, contemplez le Père. Suivez ce nouveau Roi. Qu'il soit votre manne, votre miel, ce Roi, et qu'il régisse vos cœurs et vos corps jusqu'à ce rucher des cieux, où vous ferez un miel bien plus savoureux, etc.

            Cet Enfant pourrait nous offrir une très belle image de tout le vêtement religieux; les enfants, en effet, sont revêtus comme les moines, du capuchon, etc., ils ont les pieds nus, etc. [129]

XCVI. Plan d'un sermon pour la fête de saint Joseph

 

19 mars 1614

 

(INÉDIT)

 

1614. AD FESTUM SANCTI JOSEPH

 

Dilectus Deo et hominibus, cujus

memoria in benedictione est.

[ECCLI., XI.V, 1.]

 

            Ecce inter multa Beati Joseph memoria occurrit; vestra enim devotio et mea. Sed antequam ordiamur, prions la plus aymable, la plus aymee et la plus aymante Espouse, affin que nous puissions parler du plus aymable, du plus ayme et du plus aymant Espoux.

 

            Tria nomina dantur Sancto Joseph in Evangelio; nam vocatur, Vir Mariæ, Pater Christi a Beata Virgine: Pater tuus et ego dolentes quærebamus te, [130] et Vir justus. Secundum oritur a primo, et tertium a primo et secundo nomine.

            De primo. Faciamus ei adjutorium simile sibi. Ut matrimonium honoraret, et Virginis pudicitiæ sive pudori consuleret, dum de maritata nascitur, et virginitatem sub foliis matrimonii absconderet vera alioqui uxor conjugata. Ut palma fœmina sub palmas umbra; ut ovum struthionis. Similis (sic) Plutarchi: Ut speculum gemmis ornatum si non faciem representet, etc. Sol et luna. Vide locum de uxore. Qui ministrant elephantis non lucidam vestem accipiunt; nam igne provocatur, ut taurus purpura. Tygrides tympana fugiunt. Mulier abstineat ab iis quæ maritum lacessere possunt.

            2. Pater Christi. Habeo, inquit, Balam servam meam; ingredere ad eam ut pariat super genua mea, et habeam ex illa filios. Christus ex sanguine Joseph. Hoc nunc os ex ossibus meis et caro de carne mea. I. Cor. 7: Mulier sui corporis potestatem non habet, sed vir; similiter autem et vir sui corporis [131] potestatem non habet, sed mulier. Ephes. 5: Qui suam uxorem diligit, seipsum diligit; nemo enim carnem suam odio habuit. Relinquet homo patrem suum et matrem suam et adhærebit uxori suæ, et erunt duo in carne una. Pater tuus et ego dolentes quærebamus. Filius naturali jure, non naturali via.

            [3.] Justus; id est, omni virtutum genere illustris, ut antiquus Joseph. Hinc vidit lunam et solem et stellas eum adorantes: universam multitudinem hominum (numero denario comprehensam) et angelicam naturam unius nomine, et Beatam Virginem et Dominum. Ut Joseph vestitus veste polymita. Justus ut palma florebit.

            Una virtus fuit summus Dei timor, quod videre est Mat. 1. Adultera et adulter Mosis lege morti adjudicabantur, Deut. 22, Levit. 20, non lapidationis. Et quidem sponsa quae virum decepisset, vel quæ sponsa in civitate ab alio quam a viro corrupta esset. At lapidabatur ex traditione, sic enim senes. Quare? Quia peccatum est in rempublicam, et Deus peccata carnis, etc. Gen. 12: Pharao cum omni curia castigatur, teste [132] Josepho, pestilentia, et c. 20. in Geraris, Abimelech. Thales Milesius juveni sciscitanti an abjuraturus esset adulterium: «Non est,» inquit, «perjurium adulterio pejus.» [133]

 

 

 

1614. POUR LA FETE DE SAINT JOSEPH

 

            Il fut chéri de Dieu et des hommes, et sa mémoire est en bénédiction.

 

            Voici que parmi bien des sujets se présente la mémoire du bienheureux Joseph, objet de dévotion pour vous et pour moi. Mais avant de commencer...

            Trois noms sont donnés à saint Joseph dans l'Evangile, car il est appelé Epoux de Marie, Père du Christ (c'est le nom que lui donne la Bienheureuse Vierge: Votre père et moi vous cherchions tout affligés), et homme [130] juste. Le deuxième nom vient du premier; le troisième, du premier et du deuxième.

            Premier nom. Faisons-lui une aide semblable à lui. Pour honorer le mariage et sauvegarder la modestie ou la pudeur de la Vierge en naissant d'une personne mariée, et pour que, tout en étant vraiment épouse, elle cachât sa virginité sous les feuilles du mariage. Elle était comme une palme femelle à l'ombre d'un palmier ; comme l'œuf de l'autruche. Comparaison de Plutarque: Comme un miroir orné de pierreries, s'il ne réfléchit le visage, etc. Soleil et lune. Voir le passage touchant l'épouse. Ceux qui soignent les éléphants ne mettent jamais d'habits de couleur éclatante, parce que ces animaux sont excités par le feu, comme le taureau par la pourpre. Les cymbales mettent les tigres en fuite. Que l'épouse s'abstienne de ce qui peut irriter l'époux.

            2. Père du Christ. J'ai, dit Rachel, ma servante Bala; prends-la, afin qu'elle enfante sur mes genoux, et que j'aie par elle des fils. Le Christ était de la même lignée que saint Joseph. Voila maintenant Vos de mes os et la chair de [131] ma chair. La femme n'a pas puissance sur son corps, c'est le mari; de même, le mari n'a pas puissance sur son corps, c'est la femme. Celui qui aime sa femme s'aime lui-meme; car personne n'a jamais haï sa chair. L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera, à sa femme, et ils seront deux dans une même chair. Voire père et moi vous cherchions tout affligés. Fils de droit naturel, non par voie naturelle.

            [3.] Juste, c'est-à-dire, orné de toutes sortes de vertus, comme l'ancien Joseph. Aussi vit-il la lune, le soleil et les étoiles l'adorer: l'immense multitude des hommes (comprise dans le nombre dix) et la nature angélique sous un seul nom, la très sainte Vierge et le Seigneur. Comme Joseph, il fut revêtu d'une robe de couleurs variées. Le juste fleurira comme le palmier.

            Sa vertu dominante fut une crainte souveraine de Dieu, comme on peut le voir en saint Matthieu, chap. I. L'homme et la femme adultères étaient, par la loi de Moïse, condamnés à mourir, non explicitement à être lapidés. Il en était ainsi pour l'épouse qui avait trompé son mari, ou celle qui, dans la ville, s'était laissée surprendre par un autre que par son mari. Mais c'est par tradition qu'on les lapidait, comme on fit les vieillards. Pourquoi? Parce que c'était un péché contre la chose publique; et Dieu punit les péchés de la chair, etc. Pharaon et toute sa cour sont punis par la peste, au témoignage de [132] Josèphe, et en Gérara, Abimélech. Un jeune homme accusé d'adultère, demanda à Thalès de Milet s'il lui était permis de se disculper au moyen d'un parjure: «Il n'y a pas,» répondit le philosophe, «de parjure pire que l'adultère.» [133]

XCVII. Plan d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge

 

15 août 1614

 

(INÉDIT)

 

ANNESSII, AD FESTUM ASSUMPTIONIS. 1614

 

Quæ est ista quæ ascendit de deserto,

deliciis affluens, innixa super Dilectiim suum?

[CANT., ult., 5.]

 

            Que de raysons d'allegresse entre les Juifs quand la belle et chaste Hester fut receue au palais, a la chambre, au lit et en la societé royale d'Assuerus; quell'asseurance pour leur nation, quel honneur, et quelz contentemens. Et tout cela fut monstré premierement en songe au bon Mardochee, car il vid parvus fons, qui crevit in fluvium, et in lucem solemque conversus est, et in aquas plurimas redundavit; Esth. X. v. 6.

            Ce fut un songe, mais, o mon cher peuple, ce n'est pas en songe, c'est en la sainte veille de ma consideration, [134] que contemplant l'histoire de la vie et de l'Assomption de la Vierge, video fontem parvum, Virginem humilem, qui crevit in fluvium (Fluminis impetus lætificat civitatem Dei; Aquæ multæ; Si quis sitit, veniat ad me et bibat), in fluvium passionum et afflictionum, et in lucem solemque conversus est, hodie in Assumptione: Quæ est ista quæ progreditur quasi aurora consurgens, pulcra ut luna, electa ut sol? Et quod mirabilius, lux ista et iste sol in aquas plurimas redundavit; quia ubi Virgo ascendit, plurimæ per ejus præces gratiæ nobis factæ sunt.

            Et hæc quidem hujus sermonis materia. Ex se et sui opinione fons parvus: Ecce ancilla Domini; Quia respexit humilitatem ancillæ suæ. Vidi fontem parvum. Crevit tamen in fluvium; quia gratiam gratiarum protulit «Maria, Mater gratiæ.» Mox in lucem et solem conversus est, hodie quando lucidissima in Cælo constituta: Fulgebunt justi sicut sol. Deinde versa est in aquas plurimas.

 

            Sed primo dicam de ejus transitu, sive dormitione, sive Assumptione. Antidicomarianitæ et Nestorius Beatam Virginem carne corruptam nihilque in ea peculiare [135] asserebant; Collyridiani autem eam ut deam immortalem faciebant. Ecclesia medio et regio itinere, nec immortalem fuisse sed mortuam, et tamen peculiare privilegium habuisse confitetur. Cynamologue entre les hæretiques, c'est la tressainte Vierge.

            Ergo mortua est, sed quo tempore non constat omnino ut nec certo de Christi morte. Probabile 63, probabilius 72, ob ea quæ dicit Dionysius, De Div. Nom., c. 3; nam ipse conversus est anno tantum 52 Domini, ut notat Baronius. Sed quo genere mortis? Amore sane mortuam esse nemo negaverit; nobilissima vita vixit et nobilissima morte mortua est. Adjuro vos per capreas cervosque camporum, si inveneritis Dilectum meum renunciate ei quia amore langueo. Sed sine dolore, ut Moyses, Deut. 34: Non caligavit oculus ejus, nec dentes ejus moti sunt. Hebraice: Non fugit vigor ejus; Septuaginta: Non sunt corrupta labia ejus; Chaldaica: Nec mutatus est splendor vultus ejus. Gebennenses ita etiam interpretantur. Vide Sa. Sic Paulus hæremita primus, Sanctus Homo Bonus, Beda, Basilius, Eusebia hospita.

            Corpus ejus in Cælo etiam: Non dabis Sanctum [136] tuum videre corruptionem. Halcions. David: Quid dabitur? Divitiis multis ditabit eum rex, et filiam suam dabit ei et domum patris ejus faciet absque tributo in Israel; I. Reg. 17. Et quidem statutum est hominibus semel mori. Nusquam reliquias. Cygoignes rendent la pareille. Aymant tire le fer, sil n'est point rouille, sil n'est point gras, sil ny a point de diamant entre deux, sil n'est frotte d'aux.

            Sic Joseph va au devant de son pere, le va prendre, envoye ses chariotz. O Dieu quelle gloire. Pharao: Pater tuus et fratres tui venerunt ad te. Terra Ægipti in conspectu tuo est, in optimo loco fac eos habitare; Gen. 47. Gen. 45. v. 15: Tollite patrem vestrum et venite ad me, et ego dabo vobis omnia bona Ægipti et medullam terræ comedatis. (Jacob videns filium: Jam lætus moriar, quia vidi faciem tuam et superstitem te relinquo.) Et osculatus est. Osculetur me osculo oris sui. Et il est vray. Dedit illis omnia bona Ægipti. Quæ devotio.

            Tunc, supra quam dici potest gaudens, fecit primo ut Jacob qui benedixit regi: Et benedicto rege, etc.; c. 47, v. 10; ut Hester, videns regem Assuerum. Nam [137] sentiens omnes Angelos cantantes Ave Maria (nam cum Gabriele facta est multitudo militiæ cælestis), ipsa: Ecce, inquit, ancilla Domini, et adoravit Regem Filium, ut Jacob (nam somnia Joseph hoc asseverant: Vidi solem adorare me). Nec hæc de Angelis fictio est, nam et Christus animam Lazari comitatam Angelis ait; quanto magis anima corpusque Virginis? Deinde cantavit suum Magnificat.

            Et ita constituta est ad intercedendum pro nobis, ut omnes omnino Sancti aiunt (non sane eo modo que Filius, qui intercedit seipso); et multa in ejus favorem conceduntur, ut testatur universa Ecclesia. Ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes. Si «Angeli gaudent,» cur non ista Regina Angelorum? Hinc tot templa.

            Sed videte, Christiani, quam fœlices simus dummodo vere devoti. Sed dicunt quidam: Ipsa est refugium peccatorum. Ita est; sed refugium est ad eam confugientium, non confugit autem peccator obstinatus et pervicax. Amabat Sara Ismaelem ut suum donec vidit ludentem, id est, irridentem, ait Sa, cum filio suo; tunc noluit eum amplius amare. Vous vous moques de Nostre [138] Seigneur, et de son nom et de ses volontes; et puis vous dites que vous estes devotz de la Mere. O Dieu, Agrippine! «Occidat dum imperet.» Nostre Dame voudroit mourir pour la gloire de son Filz. Vide insigne exemplum Anatolii, apud Evagrium, I. 5. c. XVII et XVIII, de imagine eum aversante.

            O, est Mater misericordiæ, id est, Salvatoris, a quo misericordia omnis promanat. Et ita est, sed audite eam: Et misericordia, inquit, ejus a progenie in progenies. Ita sane, sed vide quid sequatur: Timentibus eum. Historia pulcra de Musa puella, apud Gregorium. Vide Canis., fol. 103. [139]

 

 

 

ANNECY, POUR LA FETE DE L'ASSOMPTION. 1614

 

            Quelle est celle-ci qui monte du désert comblée de délices, appuyée sur son Bien-Aimé?

 

            Une petite source qui devint grande comme un fleuve, puis se changea en lumière et en soleil, et se répandit en eaux très abondantes. [134]

            Je vois une petite source, une humble Vierge, qui devint grande comme un fleuve (Le fleuve, par son impétuosité, réjouit la cité de Dieu. Les grandes eaux. Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive), comme un fleuve de souffrances et d'afflictions, puis se changea en lumière et en soleil au jour de son Assomption: Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, choisie comme le soleil? Et, chose plus admirable encore, cette lumière, ce soleil se répandit en eaux très abondantes; c'est-à-dire que depuis son Assomption, la Vierge, par ses prières, nous a obtenu de très nombreuses grâces.

            Et c'est précisément le sujet de ce sermon. Par elle-même et dans sa pensée, la Sainte Vierge était une petite source: Voici la servante du Seigneur. Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante. J'ai vu une petite source. Elle devint pourtant grande comme un fleuve, car «Marie, Mère de grâce,» produisit la grâce des grâces. Bientôt ce fleuve se changea en lumière et en soleil; ce fut en ce jour où toute resplendissante, elle fut introuisée dans le Ciel: Les justes brilleront comme le soleil. Puis elle laissa déborder des eaux très abondantes.

            Mais je parlerai d'abord de son trépas, c'est-à-dire de son sommeil ou Assomption. Les Antidicomarianites et Nestorius affirmaient que la chair de la Bienheureuse Vierge avait subi la décomposition du tombeau, et qu'elle [135] n'avait été l'objet d'aucun privilège; les Collydiriens au contraire, faisaient de Marie une déesse immortelle. L'Eglise tient le chemin royal du milieu; elle professe que Marie ne fut pas immortelle, mais qu'elle mourut, et pourtant qu'elle jouit d'un privilège spécial...

            Elle est donc morte; mais à quel âge? on ne le sait pas au juste; il en est ainsi de la mort du Christ. Probablement à 63 ans, plus probablement à 72, d'après ce que dit saint Denis, Des Noms Divins, chap. III; car saint Denis ne se convertit qu'en l'an 52 du Seigneur, comme le remarque Baronius. Mais de quel genre de mort mourut la Sainte Vierge? Personne ne saurait nier qu'elle ne mourût d'amour. Elle vécut de la plus noble vie, et mourut de la plus noble mort. Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs, si vous trouvez mon Bien-Aimé, annoncez-lui que je languis d'amour. Mais elle mourut sans douleur, comme Moïse: Son œil ne se voila pas et ses dents ne furent pas ébranlées. En hébreu: Sa force ne le quitta pas. D'après les Septante: Ses lèvres ne se décomposèrent pas. En chaldaïque: La splendeur de son visage ne fut point obscurcie. Les pasteurs de Genève l'interprètent de la même manière. Voir Sa. De même, saint Paul premier ermite, saint Hommebon, saint Bède, saint Basile, sainte Eusèbe l'étrangère.

            Son corps est aussi au Ciel: Vous ne permettrez point que votre Saint voie [136] la corruption... David: Que lui sera-t-il donné? Le roi Venrichira de grandes richesses, il lui donnera sa fille et il rendra la maison de son père exempte du tribut en Israël. Et il est vrai qu'il est statué que les hommes doivent mourir une fois. Nulle part on ne trouve de ses reliques. [Reprendre au texte, lig. 6.]

Pharaon: Ton père et tes frères sont venus a toi; la terre d'Egypte est devant toi, fais-les habiter dans la meilleure région. Amenez votre père et venez a moi, et je vous donnerai tous les biens de l'Egypte, afin que vous vous nourrissiez de la moëlle de la terre. (Jacob voyant son fils: Maintenant je mourrai joyeux, puisque j'ai vu ta face et que je te laisse vivant après moi.) Et il baisa, etc. Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche... Il leur donna tous les biens de l'Egypte. Quel dévoûment!

            Alors, se réjouissant au delà de tout ce qui se peut dire, [la Sainte Vierge] fit en premier lieu comme Jacob qui bénit le roi: Et ayant béni le roi, etc.; comme Esther voyant le roi Assuérus. Entendant tous les Anges chanter: [137] Je vous salue, Marie (car une multitude de la milice céleste se joignit a Gabriel), Voici, dit-elle, la servante du Seigneur, et elle adora le Roi son Fils comme Jacob (les songes de Joseph en font foi: J'ai vu le soleil m'adorer). Et ce cortège d'Anges n'est point une fiction, car le Christ dit lui-même que l'âme de Lazare fut escortée par les Anges; à combien plus forte raison l'âme et le corps de la Vierge! Ensuite elle chanta son Magnificat.

            C'est ainsi qu'elle fut établie pour intercéder en notre faveur; tous les Saints, sans exception, l'affirment (non pas assurément qu'elle demande de la même manière que son Fils qui intercède par lui-même); et beaucoup de grâces nous sont accordées par sa faveur, comme l'atteste l'Eglise entière. Et voici que désormais toutes les générations m'appelleront bienheureuse. Si «les Anges se réjouissent,» pourquoi cette Reine des Anges ne se réjouirait-elle pas? Voilà pourquoi tant d'églises en son honneur.

            Voyez donc, Chrétiens, combien nous sommes heureux si nous lui sommes vraiment dévots. Quelques-uns disent: Elle est le refuge des pécheurs. C'est la vérité; mais elle est refuge pour ceux qui se réfugient en elle; or le pécheur obstiné, opiniâtre, ne cherche pas ce refuge. Sara aima Ismaël comme son enfant, jusqu'au jour où elle le vit jouer avec son fils, c'est-à-dire, d'après Sa, se moquer de lui; dès lors, elle ne voulut plus l'aimer. [Reprendre au texte, lig. 22.] [138]

             «Qu'il me tue, pourvu qu'il règne!» Notre-Dame voudrait mourir pour la gloire de son Fils. Voir dans Evagrius, liv. V, chap. XVII, XVIII, le remarquable exemple d'Anatole à qui la statue [de la Sainte Vierge] tourna le dos.

            Oh, elle est Mère de la miséricorde, c'est-à-dire du Sauveur, dont émane toute miséricorde. C'est vrai; mais écoutez-la: Sa miséricorde, dit-elle, s'étend de génération en génération. Assurément, mais voyez ce qui suit: Sur ceux qui le craignent. Belle histoire de la jeune Musa, dans saint Grégoire. Voir Canisius, folio 103. [139]

XCVIII. Plan d'un sermon pour la fête de la Nativité de la Sainte Vierge

 

8 septembre 1614

 

(INÉDIT)

 

1614

 

Liber generationis Jesu Christi. Jacob

autem genuit Joseph, virum Mariæ,

de qua natus est Jesus, qui vocatur

Christus.

[MATT., 1, I, 16.]

 

            1. De miseria nativitatis hominum: Homo natus de muliere, brevi vivens tempore, etc.; c. 14, Job. Et ipse: Pereat, inquit, dies in qua natus sum, et nox in qua dictum est: Natus est homo; c. 3. v. 2. Maledixit, id est, malum diem et miserum esse dixit; Sa. Gregorius: Job peccatoris sustinere personam. Vide Lyranum. Exprimit miserias hujus vitæ ex hipothesi; ut Christus: Si possibile est, transeat a me calix iste. Eccls. 7: Melior est dies mortis die nativitatis. Solum planctum novit homo natura; ex Plinio. Primam similem omnibus vocem emisi plorans. Ante 40 diem [140] non solent ridere, et tunc solum incipiunt matrem cognoscere:

                        «Incipe, parve puer, risu cognoscere matrem.»

Augustinus ait pueros flendo prophetas esse suæ futuræ miseriæ.

            Pharao, Gen. 40, fecit convivium in die nativitatis, et Herodes; uterque crudelitate convivium maculans: nam ille magistrum pistorum suspendi jussit, gratia data magistro pincernarum; hic caput amputat Joannis Baptistæ. Hierem. 20: Hieremias maudit le jour de sa naissance, id est, il dit mal, il blasme le jour de sa naissance pour la multitude des maux quil devoit voir.

            Primus et solus omnium mortalium, statim natus risit Zoroaster, insignis magus et magiæ author, apud Plinium. Risusque ille fuit portentum, et presagium malitiæ hominis et infortunii; ipse enim Zoroastres Bactrianorum rex post multas clades a rege Assiriorum, Nino, fractus, captus et occisus est, quamvis ab astrologia judiciaria et magia præsidium habere se existimaret. At Antipater, poeta Sidonius, apud eumdem Plinium, quotannis anniversario nativitatis die febre laborabat, et tandem eodem die, eadem febre, mortuus est. Sic nos [141] sane febrem quotannis habere deberemus in die nativitatis: febrem timoris, ne hæc vita sit nobis præludium ad mortem æternam ob abusum dierum. Itaque Christiani non nativitatis, sed Baptismi diem celebrabant, teste Gregorio Nazianzeno. Et Sanctus Ludovicus se Ludovicum de Poissy appellabat. Hinc nomen imponitur in Baptismate, quia antea homo nihil et nullus est.

            2. At tres nativitates celebrat: Christi, cujus nativitas æterna gaudium est æternum Beatorum, et temporalis, gaudium hominum et Angelorum; Joannis Baptistæ, et Beatæ Virginis Mariæ. Et quidem Hierem. I, videtur sanctificatus in utero; quod Lyranus credit at Sa de sanctificatione prædestinationis intelligit, ut conforme sit Paulo: Qui segregavit me ab utero matris in Evangelium, etc. De Jacob autem vide Pereira, ad illa verba: Major serviet minori. Sane, infirma est collectio ex verbis Pauli: Jacob dilexi, etc.; nam ibi Jacob patronimice, et etiam de temporali benedictione, non de spiritali. Verum de Beatissima Deipara æquum omnino est ita sentire; itaque sentit Ecclesia, ex regula Augustini: Quicquid de aliis Sanctis honorificum, etc. Sed et ista est ratio. [142]

            Liber generationis Jesus Christi. Ista est scala Jacob inversa; nam ille vidit Deum in summitate scalæ, nos in imo. Et vide: Ab initio et ante secula creata sum (id est, destinata ad assumendam humanam naturam creatam: Dominus possedit me in initio viarum suarum); et apres plusieurs paroles: Et sic in Syon firmata sum, et in civitate sancta similiter requievi, et in Hierusalem potestas mea; et in parte Dei mei hæreditas illius, et in plenitudine sanctorum detentio mea. Ut apes, etc. Et Canticorum, 3. v. 9, [10]: Ferculum fecit sibi rex Salomon de lignis Libani; columnas ejus fecit argenteas, reclinatorium ejus aureum, ascensum ejus purpureum. Media, id est, partes medias reclinatorii (est enim plurale substantivum), charitate, seipso, qui amor et deliciæ Sponsæ et animarum, constravit propter filias Hierusalem.

            Ferculum a ferendo; thronus portabilis, currus triumphalis et pompaticus. Hic est Beata Virgo. Unde, ipsemet, Cant. 1: Equitatui meo assimilavi te, amica mea, in curribus Pharaonis. Qui ascendes super equos tuos, et quadrigæ tuæ salvatio; Abacuch, 3, [v.] 8. Or, en ce char triomphal, 1. tout estoit de cedre, de cypres, de sethim, du Liban, car il ny avoit guere [143] d'autres bois, bois aromatiques et incorruptibles. Tout est saint en cette Vierge, et ni a rien que d'admirable, de pur, de net, de blanc, que Libanus, id est, albus; et etiam tota hæc genealogia in populo honorificato. Verum occurrit, quia Thamar, Raab, Ruth, Betsabee; sed expresse nominantur istæ quatuor, ait Hieronymus, Chrisostomus et alii, ut Christus, «qui venerat pro peccatoribus,» etc. Quæ pœnitentes fuerunt. At, e contra, Ochoziam, Joam et Amasiam prætermisit, quia idolatræ et impœnitentes et pessime mortui.

            Notate, charissimi peccatores, si pœnitentes estis, quamvis peccatores fueritis, poteritis esse filii Virginis quæ et matres etiam habuit peccatrices. At si impœnites, eritis quidem filii nativitate spiritali, sed in libro filiorum non eritis in Cælo, non eritis de libro generationis ejus.

            2. Reclinatorium aureum, id est, corpus, ob miram et amore dignam virginitatem. Ascensum, animam, purpureum, omnino tinctam amore Crucis; nam purpura ex sanguine piscis, at Christus piscis, icthus, est. Columnæ argenteæ, dona Spiritu Sancti, quibus corpus adhæret animæ non per affectus naturales. In medio Christus, quia et anima et corpore portat: Beatus venter; quinimo, beati qui audiunt. [144]

            Vel, si velis, currus iste Beata Virgo, ex lignis candoris et incorruptionis; virginitas insignis, virginitas virginitatum. Reclinatorium inferius, humilitas amans: Quia respexit humilitatem ancillæ suæ. Ascensus, le dais, le ciel, le pavillon: amor humilis, totus tinctus sanguine Christi. Columnæ argenteæ, septem dona Spiritus Sancti: sapientiæ, qua gustavit divina et nausea sprevit terrena; intellectus, quo penetravit misteria; consilium (sic), quo omnes vias perfectionis secuta; fortitudinis, in tantis adversitatibus; scientiæ, ad directionem cum proximo de virtutibus omnibus moralibus; pietatis, ob ingentem amorem in Filium, et timoris et reverentiæ Domini. Ista autem omnia dona innituntur humilitati amanti et aureæ (aurum omnibus metallis ponderosius et prætiosius), et illis sustinetur vera charitas, purpura regis vestisque nuptialis. In medio ergo vide Christum, amorem nostrum. Sic dignum ferculum deferendo Salomoni. Sed qui sunt equi, trahentes hunc currum? Quatuor genera hominum: Patriarchæ, ut Abraham, Isaac, Jacob, Juda; Reges, Prophetæ et Sacerdotes. Quis auriga? Heu! noster Joseph.

            Sed jam recens natam honoremus ejusque cunas [145] celebremus, ut solent celebrari cunæ magnorum, quæ consperguntur floribus pour souhait et presage d'une vie fleurissante. Sic et nos qui præsumus afferamus rosas, quæ simbolum sunt authoritatis et dignitatis, quæ nunquam est sine spinis curarum; et rosse quae nihil aliud sunt quam multitudo foliorum rubicundorum quæ cordis figuram habent, in uno caule unitorum eique affixorum, et præterea quæ excelsiores sunt cæteris floribus, mere floribus, quæ in arbusto crescunt; car qui void une rose, void une multitude de feuilles rouges atachees a un bouton, toutes faites en guise de cœur, et cet un arbre fait pour la plus belle fleur, la ou les autres simples fleurs croissent en des tiges herbeux. Et representent le prince ou prælat, auquel tous les coeurs doivent estre attaches; et un prince ou prælat sans les coeurs des sujetz n'est autre chose qu'un bouton de rose despouille, qui n'a rien qu'un peu d'odeur de dignite, mais non pas la grace. Virginitati et castitati dicatte mentes, afferte lilia; maritati, afferte le souci; viduæ, afferte violas. Et omnes simul, afferte ou des oeilletz, ou plus tost des oeillades interieures de la meditation; afferte des pensees sans nombre, et voyes que cette fille est nee pour nostre bonheur, voyes qu'ell'est l'amante de nos coeurs, nostre chere Dame, les delices des Anges, et la dilection du Pere, du Filz et du Saint Esprit. [146]

 

 

 

            Livre de la généalogie de Jésus-Christ. Et Jacob engendra Joseph, époux de Marie, de laquelle est né Jésus qui est appelé Christ.

 

            1. Misère de la naissance des hommes: L'homme né de la femme vit peu de temps, etc.; Job, chap. XIV. Job dit de lui-même chap. III: Périssent le jour où je suis né et la nuit où l'on a dit: Un homme est né. Il maudit, c'est-à-dire il affirme que ce jour a été mauvais et plein de misères; Sa. Selon saint Grégoire, Job personnifie le pécheur. Voir Lyranus. Il exprime les misères de cette vie d'après une certaine hypothèse; comme le Christ: S'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi... Le jour de la mort est préférable au jour de la naissance. L'homme, d'après Pline, ne connaît par nature que les gémissements. J'ai élevé [140] d'abord la voix en pleurant comme tous les autres. Les enfants ne rient pas avant quarante jours, et alors seulement ils commencent à connaître leur mère:

                        «Par un sourire, petit enfant, commence à connaître ta mère.»

Saint Augustin dit que par leurs pleurs, les enfants prophétisent les misères qui les attendent.

            Pharaon fit un festin à l'anniversaire de sa naissance, Hérode aussi; tous deux avilissent ce festin par leur cruauté: car celui-là ordonne de pendre le grand pannetier après avoir grâcié le grand échanson; celui-ci fait décapiter Jean-Baptiste. [Reprendre au texte, lig. 10.]

            Le premier et le seul de tous les mortels qui se prit à rire aussitôt après sa naissance fut, dit Pline, Zoroastre, grand magicien et auteur de la magie. Ce rire fut un prodige qui présageait la méchanceté de cet homme et ses infortunes. En effet, Zoroastre, roi des Bactriens, après avoir été plusieurs fois vaincu par Ninus, roi d'Assyrie, fut détrôné, fait captif et tué, malgré la protection qu'il attendait de l'astrologie judiciaire et de la magie. Par contre, Antipater, poète de Sidon, nous dit le même Pline, était atteint de la fièvre à chaque anniversaire de sa naissance, et il mourut enfin le même jour, de la même fièvre. Nous devrions certes, nous aussi, avoir la fièvre à chaque anniversaire de notre naissance: une fièvre causée par la crainte que notre [141] vie ne soit le prélude de la mort éternelle, à cause de l'abus que nous avons fait du temps. Aussi, les Chrétiens, au témoignage de saint Grégoire de Nazianze, célébraient-ils non pas le jour de leur naissance, mais celui de leur Baptême. Et saint Louis se nommait Louis de Poissy. On impose un nom au Baptême, parce qu'auparavant l'homme n'est rien; il est comme s'il n'était pas.

            2. Toutefois, l'Eglise célèbre trois naissances: celle du Christ, dont la naissance éternelle est l'éternelle joie des Bienheureux et dont la naissance temporelle fait la joie des hommes et des Anges; celle de Jean-Baptiste et celle de la Bienheureuse Vierge Marie. En vérité, Jérémie (chap. I) paraît avoir été sanctifié dans le sein de sa mère; Lyranus le croit, mais Sa explique ce passage de la sanctification de prédestination, l'assimilant ainsi à saint Paul, lequel parlant de lui-même: [Celui] qui m'a choisi, dit-il, dès le sein de ma mère, pour prêcher l'Evangile, etc. Quant à Jacob, voir Péreira sur ces mots: L'aîné servira le plus jeune. Assurément, la conclusion tirée de ces mots de saint Paul: J'ai aimé Jacob, etc., est faible, car ici Jacob est un nom patronymique, et de plus il est question de la bénédiction temporelle, non de la spirituelle. Néanmoins, dès qu'il s'agit de la Bienheureuse Mère de Dieu, il est absolument juste de croire à ce privilège. Aussi l'Eglise y croit-elle, d'après la règle posée par saint Augustin: Quelque privilège qui puisse s'attribuer aux autres Saints, etc. Et c'est la vraie raison [de célébrer sa Nativité.] [142]

            Livre de la généalogie de Jésus-Christ. Cette généalogie est l'inverse de l'échelle de Jacob. Jacob vit Dieu au sommet de l'échelle, nous le voyons au bas. Et remarquez: Dès le commencement et avant les siècles je fus créée (c'est-à-dire de stinée à prendre la naturehumaine créée: Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies); et après plusieurs paroles: Et j'ai été ainsi affermie dans Sion, et je me suis reposée dans la cité sainte, et ma puissance a été dans Jérusalem, part de l'héritage de mon Dieu, et j'ai demeuré dans l'assemblée des Saints. Comme les abeilles, etc. Et ce passage du Cantique! Le roi Salomon s'est fait une litière en bois du Liban; il en a fait les colonnes d'argent, le dossier d'or, le dôme de pourpre. Le milieu, c'est-à-dire les parties moyennes du dossier (car c'est un substantif pluriel), il l'a orné de la charité, de lui-même, qui est l'amour et les délices de l'Epouse et des âmes, et cela en faveur des filles de Jérusalem.

            Le mot ferculum (litière) employé par Salomon, vient de ferendo, porter; trône portatif, char pompeux et triomphal. C'est la Bienheureuse Vierge. Aussi dit-il lui-même: Je t'ai comparée, mon amie, à l'attelage des chars de Pharaon. Vous qui montez sur vos chevaux et trouvez votre salut dans vos quadriges. [Reprendre au texte, lig. 22.] [143]

            Liban, c'est-à-dire blanc; et même tonte cette généalogie est dans un peuple honorable. Toutefois, voici quatre femmes qui font exception: Thamar, Raab, Ruth, Bethsabée; mais ces femmes sont expressément nommées, disent saint Jérôme, saint Chrysostôme et autres, parce que le Christ, «qui venait pour les pécheurs,» etc. Elles furent pénitentes. Au contraire, Ochosias, Joas, Amasias sont omis, parce que, idolâtres et impénitents, ils firent la pire des morts.

            Remarquez, très chers pécheurs, que si vous vous repentez, quels qu'aient été vos péchés, vous pourrez être fils de la Vierge qui dans sa généalogie compte plusieurs pécheresses. Mais si vous ne vous repentez, vous serez à la vérité ses fils par votre naissance spirituelle, mais vous ne figurerez pas dans sa postérité pour le Ciel, vous ne serez pas dans le livre de sa génération.

            2. Le dossier d'or, c'est-à-dire son corps, à cause de son admirable virginité si digne d'amour. Le dôme, son âme, de pourpre, toute teinte de l'amour de la Croix; la pourpre, en effet, est le sang du poisson; or, le Christ est appelé poisson, icthus. Les colonnes d'argent, les dons de l'Esprit-Saint par lesquels le corps adhère à son âme sans affections naturelles. Au milieu est le Christ, parce qu'elle le porte en corps et en âme: Heureuses les entrailles [qui vous ont porté]; heureux plutôt ceux qui entendent, [etc.] [144]

            Ou, si vous voulez, ce char est la Bienheureuse Vierge; il est composé du bois de la blancheur et de l'incorruptibilité; virginité insigne, virginité des virginités. La partie inférieure du dossier, humilité amoureuse: Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante. Le dôme, le dais, le ciel, le pavillon: amour humble, tout teint du sang du Christ. Les colonnes d'argent, les sept dons du Saint-Esprit: la sagesse, qui lui a fait savourer les choses divines et rejeter avec dégoût les biens de la terre; l'intelligence, par laquelle elle a pénétré les mystères; le conseil, grâce auquel elle a suivi toutes les voies de la perfection; la force, au milieu de tant d'adversités; la science, pour régler ses rapports avec le prochain dans la pratique de toutes les vertus morales; la piété, dans son immense amour envers son Fils, et la crainte et révérence pour le Seigneur. Tous ces dons reposent sur l'or d'une humilité amoureuse (l'or est de tous les métaux le plus lourd et le plus précieux), et sur eux est fondée la vraie charité, pourpre du roi et robe nuptiale. Au milieu, considérez donc le Christ, notre amour. Ainsi cette litière est digne de porter Salomon. Mais quels sont les chevaux qui traînent ce char? Ils sont représentés par quatre classes d'hommes: les Patriarches, comme Abraham, Isaac, Jacob, Juda; les Rois, les Prophètes et les Prêtres. Quel est le conducteur? Eh! n'est-ce pas notre Joseph?

            Mais maintenant honorons donc Celle qui vient de naître, fêtons son [145] berceau, comme on a coutume de fêter le berceau des grands ; on le couvre de fleurs pour souhait et présage d'une vie florissante. De même, nous qui sommes préposés à la direction d'autrui, apportons les roses, symbole de l'autorité et de la dignité, roses qui ne sont jamais sans les épines des sollicitudes. Les roses ne sont autre chose qu'une multitude de feuilles rouges ayant la forme de cœur, unies et fixées sur une même tige; elles surpassent, de plus, toutes les autres fleurs, les simples fleurs qui croissent sur des arbustes. [Reprendre au texte, lig. 9.]

            Ames vouées à la virginité et à la chasteté, apportez les lis; mariés, apportez le souci; veuves, apportez les violettes. Et tous ensemble apportez... [Reprendre au texte, lig. 20.] [146]

XCIX. Plan d'un sermon pour le vingt-et-unième Dimanche après la Pentecôte

 

12 octobre 1614

 

(INÉDIT)

 

DOMINICA 21 POST PENTECOSTEN. ANNESSII, 1614

 

            Decem millia c'est six millions, car le talent valoit six cens escus. Centum denarios c'est environ huit escus; car le denier valoit environ cinq solz françois. Quamvis Calepinus et Maldonatus tantisper invicem dissentiant, et alii etiam authores aliter; parum tamen refert, quia utraque summa pro maxima et minima posita est. Suffocabat, strangulabat.

 

            In proemio dicatur summa Evangelii. Pro principio [147] concionis: Multifariam multisque modis, commendavit nobis Deus charitatem proximi. Matth. 22: Secundum autem simile huic. Homo creatus est ad similitudinem Dei; eo ergo dilectio proximi tendit ut diligamus in eo similitudinem et imaginem Dei, ut ista scilicet imago et similitudo magis ac magis perficiatur. Plinius, [Histor. natur.,] 1. 7. c. 12, des deux jumeaux. Toranius, maquignon d'esclaves, deux beaux a Marc Anthoine, deux cens sesterces, a 25 escus le sesterce; c'estoyent cinq mille escus; et la replique de Toranius. C'est merveilles de treuver deux amours jumeaux, l'un regardant le Createur et l'autre la creature. Ceux ci sont jumeaux, mais toutefois naïs bien loin l'un de l'autre quant a leur object immediat. II faut user de cet'histoire tout au rebours: car ces deux commandemens sont jumeaux, ce n'est pas merveille silz se ressemblent. L'amour de Dieu engendre l'amour du prochain. Et comme quand les vignes fleurissent les vins fleurissent, ainsy par tout ou l'amour de Dieu fleurit, l'amour du prochain fleurit.

            Mandatum appellavit novum, Jo. 13: Mandatum novum; novum, id est, egregium, redintegratum (novi cæli, nova terra); nam exemplo suo Christus mirum in modum urget. Renovabitur ut aquilæ juventus tua. Sic suum; ut Jacob filium suum Joseph appellabat, id est, Tunica filii mei est. Suum, quem [148] ipse omnium maxime servaverat. Plerique omnes interpretes novum et suum, quia in antiqua Lege dictum: Diliges proximum tuum sicut teipsum, at in nova: sicut dilexi vos, id est, supra seipsum. Toletus, suum, id est, amorem precipuum inter Christianos qua Christiani. Ut Joseph dilexit sufficienter alios fratres, at Benjamin unice; sic debemus omnes diligere, at Christianos unice, sicut Christus eos diligit.

            Quia ergo tanti momenti est haec dilectio, nihil non facit ut eam urgeat et omnia impedimenta tollat. Maximum autem impedimentum est injuria et odium. Ergo istud omnino aufert parabola nostri Evangelii.

            1a consideratio. Debitores sumus Deo in immensum, propter peccata nostra. Quid habes quod non accepisti? Sed jam, quid habes quod non furatus es? Debemus Christo gratias et Sacramenta et sanguinem ejus, quæ omnia nobis donavit.

            2. Quam parvæ sunt injuriae acceptæ! sunt ut plurimum somnia. «Nemo læditur nisi a seipso.» Si equus te calce percussisset, rationabiliterne ageres volens eum resarcire? Tamen in effectu magis nocuit quam qui alapam impegit. Item utiles sunt inimici, ut ficus [149] agrestes et cultæ, ut allia rosis. Nealces, avec son cheval, ou Protogenes avec son chien de Datylus.

            3. Boni illi sunt servi qui indignati sunt. Solon. Quam minimum injuriarum existeret «si qui injuriam non patiuntur seque doleant atque ii qui affecti sunt.» At hi: «O homo, ne Crœsum occidas.» [150]

 

 

 

XXIE DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE. ANNECY, 1614

 

            Dix mille talents... Cent deniers.

            Bien que Calepin et Maldonat diffèrent un peu d'opinion entre eux et avec d'autres auteurs, il n'importe, car la différence des deux expressions ne porte que sur le plus et sur le moins. Il l'étouffait, il l'étranglait.

            En premier lieu, rappeler sommairement l'Evangile. Et au commencement [147] du sermon: Dieu nous a recommandé en diverses occasions et en bien des manières la charité envers le prochain. Et le second est semblable à celui-ci. L'homme a été créé à la ressemblance de Dieu; donc, l'amour du prochain tend à ce que nous aimions en lui la ressemblance et l'image de Dieu, c'est-à-dire [que nous contribuions] à rendre cette image et cette ressemblance de plus en plus parfaite. [Reprendre au texte, lig. 7.]

            Jésus l'appela commandement nouveau, en saint Jean, XIII: Un commandement nouveau; nouveau, c'est-à-dire excellent, réintégré (nouveaux cieux, nouvelle terre); car par son exemple, le Christ nous presse d'une manière admirable. Ta jeunesse sera renouvelée comme celle de l'aigle. C'est ainsi qu'il le nomme sien, comme Jacob appelait Joseph son fils, disant: C'est la tunique de mon fils. Le sien, celui que lui-même avait souverainement observé. La [148] plupart des interprètes unissent les deux mots nouveau et sien, parce qu'il était dit dans l'ancienne Loi: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais dans la nouvelle: comme je vous ai aimés, c'est-à-dire, plus que soi-même. Tolet entend par le mot sien cet amour spécial qui doit régner entre les Chrétiens en tant que Chrétiens. Comme Joseph, tout en aimant suffisamment ses autres frères, était particulièrement uni à Benjamin, de même, nous devons aimer tout le monde, mais être spécialement unis aux Chrétiens, les aimant comme Jésus les aime.

            Cet amour donc ayant tant de prix, Jésus ne néglige rien pour l'enflammer en nous et détruire ce qui s'y oppose. Or, le principal obstacle c'est le défaut d'équité et la haine. Voilà pourquoi la parabole de notre Evangile l'anéantit.

            1re considération. A cause de nos péchés, notre dette envers Dieu est immense. Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Il y a plus: Qu'as-tu que tu n'aies dérobé? Nous sommes redevables au Christ de ses grâces, de ses Sacrements, de son sang: il nous a tout donné.

            2. Combien les injustices qui nous sont faites sont légères! Ce sont des songes pour la plupart. «On n'est blessé que par soi-même.» Si un cheval t'avait donné un coup de pied, serais-tu raisonnable de vouloir le lui rendre? En fait, cependant, il t'a plus nui que l'homme qui t'aurait donné un soufflet. [149] D'ailleurs, les ennemis sont utiles, comme les figuiers sauvages le sont aux figuiers cultivés, et les aulx aux roses...

            3. Les bons serviteurs sont ceux qui s'indignèrent. Solon. Comme les injures seraient bientôt réduites à rien «si ceux qu'elles ne touchent pas s'en plaignaient autant que ceux à qui elles s'attaquent!» Et ceux-ci: «O homme, ne tue pas Crésus.» [150]

C. Plan d'un sermon pour le vingt-troisième Dimanche après la Pentecôte

 

26 octobre 1614

 

(INÉDIT)

 

DOMINICA 23. 1614, ANNESSII

DE TALITHA ARCHISINAGOGI, ET MULIERE HEMORROISSA

VEL SANGUINIS PROFLUVIO LABORANTE

 

            [1.] Princeps sinagogæ, archisinagogus, Jaïrus nomine. Cum loqueretur Dominus ad turbas in Capharnaum, post conversionem Mathei et responsa facta Judeis, Scribis et Pharisæis; et videtur prope domum, vel ante domum Mathasi iste archisinagogus venisse. O quam bona est afflictio; nam ad Christum adducit et divites et pauperes. Si sinagogus iste filiam sanam habuisset, erat autem unica (Luc. 8), il l'eut dorlotte avec sa mere. Ad Dominum cum tribularer clamavi. [151] Cum invocarem; in tribulatione. Tribulationem et dolorem inveni. Plinius, de ingratitudine Arabum: «Cælo gratias habent de iis quæ ab inferis accipiunt.» Vide hoc Manuscript., fol. 324. Sic homines bona accepta a Deo hominibus, naturæ, referunt, neque de acceptis gratias agunt; unde affliguntur. Les Æthiopiens allument le fœu a leurs rubis par le vinaigre.

            2. Et deprecabatur eum multum. Clamavi in toto corde. Desiderium, expositio desiderii, petitio. L'orayson impetre. Idem ac si dicas: labor ditat, ergo labor unius horæ; panis satiat, ergo mica; vinum lætificat, ergo gutta. Scio esse des quint'essences desquelles fort peu fait grand'operation; sed raræ, sed prætiosæ: sic latro in cruce. Sed via ordinaria multum orandum est. Item orandum vere; nam nostræ orationes sunt potius imagines orationis, quam orationes. Si quis princeps dicat: Qui mihi adamantem attulerit, etc., et tu pro adamante cristallum simplex, non dabit pecuniam princeps, nam neque tu adamantem.

            3. Quoniam, Domine, filia mea in extremis est; [152] Marcus. Lucas: Moriebatur. Matheus: Modo defuncta est. Concordantia triplex. Chrisostom.: Auget miseriam et exaggerat; «qui enim petunt solent amplificare,» qui dolent dolor verba ministrat. Amor proprius auget bona pariter et mala; comme le vin auget humores et inclinationes, acuit venenum cicutæ, acuit et vim nutriendi cibo. Augs: Intentionem exprimit Matheus; nam mortuam existimans quam morientem reliquerat, ejus vitam poscit. Voluntas in verbis semper inspicienda. Tertio, utrumque dixisse: primo quod ponit Marcus, tandem, post nuncium acceptum, quod dicit Mathæus.

            4. Et surgens sequebatur eum. Quelle douce condescendence! L'aymant tire le fer, mais l'amphitane, alias chrisocolla, tire l'or; [Plin., Hist. nat.,] 1. 37. c. X. post nu. 30. Christus trahit corda hominum benefactis, homines cor Christi humilitate. Remigius: Inferiores pariter et superiores docentur; illi quidem obedire, isti juvare animo prompto.

            5. Et ecce mulier quæ fluxum sanguinis patiebatur annis duodecim, omnem substantiam erogaverat, et fuerat, ait Marcus, multa perpessa a compluribus medicis. [153]

 

 

 

XXIIIE DIMANCHE, 1614, ANNECY

SUR TALITHE FILLE DU CHEF DE LA SYNAGOGUE, ET SUR L'HEMORROISSE OU LA FEMME QUI SOUFFRAIT DU FLUX DE SANG

 

            [1.] Un prince, un chef de la synagogue, nommé Jaïre. Le Seigneur parlait alors aux foules. Ce fut à Capharnaüm, après la conversion de Matthieu et la réponse faite aux Juifs, aux Scribes et aux Pharisiens; et il paraît qu'il était tout proche ou même devant la maison de Matthieu, quand ce chef de la synagogue se présenta. Oh! que l'affliction est bonne, puisqu'elle amène au Christ et les riches et les pauvres! Si ce chef de la synagogue avait eu sa fille en pleine santé, comme c'était sa fille unique, il l'eût dorlottée avec sa mère. J'ai crié vers le Seigneur lorsque j'étais dtms la tribulation. Lorsque je [151] l'invoquais; dans la tribulation. J'ai trouvé la tribulation et la douleur. Pline dit au sujet de l'ingratitude des Arabes: «Ils rendent grâces au Ciel de ce qu'ils reçoivent des enfers.» Voir ce Manuscrit, folio 324. Ainsi les hommes attribuent aux hommes et à la nature les biens qu'ils ont reçus de Dieu, et ils ne lui en rendent pas grâces; voilà pourquoi ils sont affligés...

            2. Et il le suppliait instamment. J'ai crié de tout mon cœur. Mais il faut distinguer le désir, l'expression du désir, la demande. L'oraison impètre. C'est comme si l'on disait: le travail enrichit, donc une heure de travail enrichit; le pain rassasie, donc une miette rassasie; le vin réjouit, donc une goutte réjouit. Il y a, je sais, des quintessences desquelles fort peu fait grande opération; mais elles sont rares, précieuses: c'est le cas du larron en croix. Mais d'ordinaire, il faut beaucoup prier. Il faut de plus véritablement prier; or, nos prières sont plutôt des simulacres de prières que des prières. Un prince te dit: Celui qui m'apportera un diamant, etc., et pour un diamant tu lui apportes du simple cristal; le prince ne donnera pas d'argent, parce que tu n'as pas apporté de diamant.

            3. Parce que, Seigneur, ma fille est a l'extrémité; saint Marc. Saint Luc: [152] Se mourait. Saint Matthieu: Vient de mourir. Trois explications pour la concordance de ces textes. Saint Chrysostôme: Il augmente, exagère son malheur; «car celui qui demande a coutume d'amplifier,» et la douleur suggère des paroles à ceux qui souffrent. L'amour-propre augmente également les biens et les maux, comme le vin fortifie les humeurs et les inclinations, rend plus violent le poison de la ciguë et donne aux mets plus de force nutritive. Saint Augustin: Saint Matthieu exprime le sentiment du père, qui croyant morte celle qu'il avait laissée mourante, demande qu'elle vive. Il faut toujours dans les paroles, regarder l'intention. En troisième lieu, ce chef a pu employer ces deux expressions: d'abord, celle que donne saint Marc; ensuite, après l'arrivée d'un nouveau messager, celle de saint Matthieu.

            4. Et se levant, il le suivit. Quelle douce condescendance! L'aimant tire le fer, mais l'amphitane ou chrysocolle tire l'or. Le Christ attire le cœur des hommes par des bienfaits, les hommes attirent le cœur du Christ par l'humilité. Remi: Inférieurs et supérieurs reçoivent une égale leçon: ceux-là d'obéissance, ceux-ci de promptitude à porter secours.

            5. Et voilà qu'une femme affligée depuis douze ans d'un flux de sang, laquelle avait dépensé tout son bien et, ajoute saint Marc, avait beaucoup souffert entre les mains de plusieurs médecins. [153]

CI. Sommaire d'un panégyrique de saint Charles Borromée

 

4 novembre 1614

 

(INÉDIT)

 

Qui fecerit et docuerit, hic magnus

vocabitur. Vos estis lux mundi.

MAT. 5, vv. 19, 14.

 

Præparatio

 

            Greg. Naz., Apol. 1: «A juvenili ætate accersitus fui, atque in Deum a vulva projectus sum, maternaque pollicitatione in munus oblatus.»

            Lumen supra cubiculum duobus horis ante ejus nativitatem, vel circa ejus nativitatem; signum eum debere esse lumen in nocte: Lux in tenebris lucet. Mundus mille erroribus in fide et in moribus. Candelabra. [154] Lucerna maris. Nemo accendit lucernam et ponit sub modio, sed super candelabrum. Simon: Quasi stella matutina in medio nebulæ; sacerdos magnus, qui in vita sua suffulsit domum, et in diebus suis corroboravit templum; quasi stella matutina in medio nebulæ, et quasi luna plena in diebus suis, quasi sol refulgens, sic ille effulsit in templo Dei.

 

            Episcopus ergo factus est et Cardinalis. Policleti norma. Concilium Tridentinum. Greg. Naz.: Episcopi sunt pictores virtutis, rei præclarissimæ.

            Expressit omnes. Abneget semetipsum; ut statuarius. De abdicatione rerum temporalium, voluptatum omnium, perfectissima. Beati pauperes. Amas me? ter. Dictum Panigarolæ. Halietus.

            Parallellum Caroli magni qui armis et Caroli parvi qui sanctitate.

            Deinde, addidit omnia charitatis opera. Nazianzenus et Chrisostomus: ut rex omni virtutum splendore ornatus. Unde Pontifex antiquus tam ornatus procedebat; et campanulæ granatis. In pectore: Filioli, quos iterum parturio. [155]

            Tum vero, zelus erga proximum: in peste, in omnibus. Libentissime impendam et superimpendar ipse pro animabus vestris.

            Martirium continuum prælatorum, unde Anselmus, choüettes: Factus sum sicut nicticorax. [156]

 

 

 

            Celui qui fera, et enseignera, celui-là sera appelé grand. Vous êtes la lumière du monde.

 

Préparation

 

            Saint Grégoire de Nazianze, 1re Apologie: «J'ai été appelé dès ma jeunesse, et dès le sein de ma mèr a j'ai été jeté en Dieu, et je lui ai été offert d'après la promesse maternelle.»

            Une lumière brilla pendant deux heures au-dessus de la chambre, avant sa naissance, ou vers le moment de sa naissance, comme signe qu'il devait être une lumière dans la nuit: La lumière luit dans les ténèbres. Il y avait dans le monde mille erreurs touchant la foi et les mœurs. Chandeliers. Lanterne de [154] mer. Personne n'allume une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur un chandelier. Simon: Comme l'étoile du matin au milieu d'un nuage; grand prêtre, qui dans sa vie a soutenu la maison du Seigneur, et en ses jours a fortifié le temple; comme l'étoile du matin au milieu d'un nuage, et comme la lune luit dans les jours de son plein, comme le soleil resplendissant, ainsi a-t-il brillé dans le temple de Dieu.

            Il fut donc fait Evêque et Cardinal. Règle de Polyclète. Concile de Trente. Saint Grégoire de Nazianze: Les évêques sont les peintres de la vertu, sujet le plus excellent de tous.

            Il reproduisit toutes les vertus. Qu'il se renonce lui-même; comme le sculpteur. Signaler son très parfait renoncement aux biens temporels, à tous les plaisirs. Bienheureux les pauvres. M'aimes-tu? trois fois. Mot de Panigarole. Haliétus.

            Parallèle entre Charlemagne, grand par les armes, et Charles le petit, grand par la sainteté.

            Puis il ajouta toutes les oeuvres de charité. Saint Grégoire de Nazianze et saint Chrysostôme: orné comme le roi de toute la splendeur des vertus. C'est pourquoi l'ancien Pontife revêtait de si magnifiques ornements; les clochettes jointes aux grenades. Dans sa poitrine: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement. [155]

            Enfin, vrai zèle pour le prochain: dans la peste, en toutes choses. Je sacrifierai tout volontiers et je me sacrifierai encore moi-même pour vos âmes.

            Martyre continuel des prélats; c'est pourquoi Anselme les appelle chouettes: J'ai été fait comme le hibou. [156]

CII. Plan d'un sermon pour la veille de Noël

 

24 décembre 1614

 

(INÉDIT)

 

AD VIGILIAM NATIVITATIS DOMINI. 1614.

PRO CONGREGATIONE OBLATARUM VISITATIONIS

 

            Ecclesia hanc vigiliam expectationem Redemptionis et Redemptoris in oratione appellat: «Deus qui nos annua Redemptionis nostræ expectatione lætificas.» Et jam Jacob prædixerat eum fore expectationem gentium. Et Ecclesia: «O Emmanuel, Rex et Legifer noster, expectatio gentium et desideratus earum, veni ad salvandum, Domine Deus noster.» Et Jacob iterum, in benedictione Joseph: Benedictiones patris tui confortatæ sunt benedictionibus patrum suorum, donec veniret desiderium collium æternorum; id est, [157] Christus. Colles æterni, Patres: eminentiores cæteris; ego, Angelos.

            Et sane expectatus fuit ab omnibus, quia omnibus salus futurus, sed præcipue in hac nocte. Mira expectatio Virginis: Quis mihi det te fratrem meum, sugentem ubera matris meæ, ut inveniam te foris et deosculer te, et jam me nemo despiciat? At ergo præparate corda vestra Domino.

            1°. Intellectum, fide de duobus misteriis. Primum erit de Incarnatione. Christus duplicem habet naturam, divinam et humanam, illa incarnata hæc assumpta, nec una alteram extinguit aut consumit. Ut rubus ardens et virens. Butyrum et mel comedet. Butyrum e terra et ipsius pinguedo; mel e cælo et ipsius chrisma. Figurata Incarnatio tot Angelis humana specie apparentibus; ut solent principes colore sponsæ vestire adolescentes. Secundum, virginitatis. Multa hactenus dixi, nunc etiam occurrit mirra; nam et Maria mirra maris est dicta, at mirra virginaliter parit stactem et mirram primam (Fasciculus mirrhæ Dilectus meus mihi), nam intacta, sudoris instar, stillat. Sic lilium guttas grani [158] instar fundit. Apes e cælo advehunt in favum semen, sic Spiritus Sanctus in uterum Virginis. Mira fœcunditas quæ virginitate non impeditur, mira virginitas quae fœcunditate sanctificatur.

            2°. Voluntatem, piis affectibus. Quatuor genera hominum. Aliqui nolunt venire: hæretici et infideles. Alii veniunt aliud agentes, ut mali Christiani. Alii veniunt adoraturi, ut pastores et reges. Alii mansuri, ut Beata Virgo et Sanctus Joseph. Alii ut Angeli, qui discedentes non discedunt, ut optimi prædicatores; adoraverunt enim Dominum juxta illud: Et adorent eum omnes Angeli ejus, et etiam aliis prædicaturi discedunt, non tamen discedentes, quia spiritu remanent.

 

            Religio oblatorum est hæc spelunca Bethleem; unde et Beata Paula ibi religionem fundavit. Mira religio! Notate quædam stupenda:

            Votum castitatis: Pascitur inter lilia. Indica mihi ubi pascas, ubi cubes in meridie. Vide Gisler. Et quidem magna fœcunditas: Venter tuus sicut acervus tritici, vallatus liliis. Adducentur Regi virgines post eam. [159]

            Obedientia mira. Superior in ista religione omnium minimus, Joseph; Angelus tamen eum semper alloquitur. Et iste superior parum quidem providus videri potuit, qui imparato hospitio venit; tamen, nemo murmurat.

            Paupertas maxima. Nemo quicquam habet meum et tuum; si enim habere debuissent, maxime Maria Puerum, nam erat vere suus Filius: non habet tamen, sed, Pater tuus, inquit, et ego dolentes qucerebamus te.

            Porro, ex tribus membris religionis constabat: superiore, Josepho; professa, Maria; et Christo novitio. Infirmaria, Maria, quæ collyria lactea infirmo Puellulo dabat. Non habebant portinariam, quia sub dio. Incipiebat antiphonas lugubres sed amabiles Puer. Maria plurima obibat officia: infirmaria, vestiaria, etc.

            Sed videamus novitium istum, quam pulcre abnegat seipsum. Nam est sicut rex apum, nascitur alatus; et tamen mira simplicitate observat silentium. Recte loqui norat, et infans est, etc. [160]

 

 

 

VEILLE DE LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR, 1614

POUR LA CONGRÉGATION DES OBLATES DE LA VISITATION

 

            L'Eglise, dans l'oraison de la Messe d'aujourd'hui, appelle cette vigile l'attente de la Rédemption et du Rédempteur: «O Dieu, qui nous réjouissez chaque année par l'attente de notre Rédemption.» Et Jacob avait déjà prédit que le Sauveur serait l'attente des nations. De même l'Eglise: «O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des nations et objet de leur désir, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu.» De même encore Jacob, en bénissant Joseph: Les bénédictions de ton père ont été corroborées par celles de ses ancêtres, jusqu'à ce que vienne le désir des collines éternelles, c'est-à-dire le Christ. [157] Collines éternelles; les Pères l'entendent des Patriarches et autres Saints éminents entre tous; à mon avis, ce sont les Anges.

            Certes, comme il devait être le salut de tous, il fut attendu par tous, surtout en cette nuit. Admirable attente de la Vierge: Qui me donnera de vous avoir pour frère, allaité au sein de ma mère, afin que je vous trouve dehors, que je vous baise et. que désormais personne ne me méprise? Préparez donc vos cœurs au Seigneur.

            1. Votre intelligence, par la foi à un double mystère. Le premier est celui de l'Incarnation. Le Christ a deux natures, la divine et l'humaine; celle-là incarnée, celle-ci empruntée, sans que l'une éclipse ni détruise l'autre. Tel le buisson ardent et verdoyant. Il mangera le beurre et le miel. Le beurre vient de la terre, il en est la graisse; le miel, du ciel dont il est le chrême. L'Incarnation figurée par un si grand nombre d'Anges apparaissant sous la forme humaine; ainsi les princes ont coutume d'habiller leurs pages aux couleurs de leur épouse. Le second [mystère], celui de la virginité. Nous avons déjà donné bien des comparaisons à ce sujet, et voici maintenant celle de la myrrhe; car Marie est aussi appelée myrrhe de la mer; or la myrrhe produit comme virginalement sa goutte et la myrrhe première (Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe), car elle perle comme une sueur sans qu'on la presse. Tel le lis qui verse des gouttes semblables à une graine. Les abeilles apportent du ciel un [158] germe dans le rayon, ainsi l'Esprit-Saint dans le sein de la Vierge. Admirable fécondité qui n'empêche pas la virginité, admirable virginité que sanctifie la fécondité.

            2. Votre volonté, par de pieux sentiments. Quatre sortes d'hommes. Les uns ne veulent pas venir, ce sont les hérétiques et les infidèles. D'autres viennent en cherchant autre chose, ce sont les mauvais Chrétiens. D'autres pour adorer, comme les bergers et les rois. D'autres pour demeurer, comme la Bienheureuse Vierge et saint Joseph. D'autres enfin comme les Anges, qui en s'éloignant ne s'éloignent pas, semblables aux excellents prédicateurs (car ils adorèrent le Seigneur, d'après ce qui est dit: Et que tous ses Anges l'adorent), ils se retirent pour prêcher à d'autres, sans toutefois s'éloigner parce qu'ils demeurent en esprit.

            Cette grotte de Bethléem est une congrégation d'oblats; c'est pourquoi la bienheureuse Paule y fonda aussi une communauté. Admirable forme de vie religieuse! Remarquez-en certaines merveilles:

            Le vœu de chasteté: Il se repaît parmi les lis. Indiquez-moi où vous paissez, où vous reposez au midi. Voir Ghisler. Et en même temps une grande fécondité: Ton sein est comme un monceau de froment entouré de lis. Des vierges seront, à sa suite, amenées au Roi. [159]

            Obéissance admirable. Le supérieur dans cette religion est le moindre de tous, Joseph ; l'Ange cependant s'adresse toujours à lui. Et ce supérieur pouvait paraître bien peu prévoyant, puisqu'il vient à un asile qui n'était pas préparé; néanmoins, personne ne murmure.

            Extrême pauvreté. Personne n'a du mien ou du tien; si quelqu'un avait dû posséder quelque chose en propre, c'eût été sans doute Marie qui aurait eu le divin Enfant, car il était son vrai Fils : cependant, elle ne se le réserve pas; mais: Votre père, dit-elle, et moi vous cherchions tout affligés.

            Dans cette famille sont représentées les trois classes de personnes qui composent une communauté: supérieur, Joseph; professe, Marie; novice, le Christ. Infirmière, Marie, qui donnait son lait au faible petit Enfant, comme un tonique bienfaisant. Il n'y avait pas de portière parce qu'on était en plein air. L'Enfant entonnait de tristes mais aimables antiennes. Marie exerçait quantité d'offices: infirmière, robière, etc.

            Mais voyons ce novice, comme il se renonce bien lui-même. Il est comme le roi des abeilles, il naît avec des ailes; et pourtant il observe le silence dans une merveilleuse simplicité. Il savait bien parler, et le voilà enfant, etc. [160]

CIII. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Epiphanie

 

6 janvier 1615

 

(INÉDIT)

 

AD FESTUM EPIPHANIÆ, AD SORORES VISITATIONIS, 1615

DE ADORATIONE CHRISTI A MAGIS

 

            De Christi adoratione antiquissimum omnium est præceptum, et de non adorando Christo antiquissima hæresis. Jam Angelis factum fuit hoc præceptum, et ex illius prævaricatione ceciderunt. Unde et Angeli omnium primi Christum adorant: Gloria in altissimis Deo. Unde in scala Jacob Angeli ascendunt et descendunt, unde Angeli in corporibus humanis libentissime cum hominibus conversati sunt. Deinde a pastoribus tanquam a fidelibus. Nunc autem a paganis. Hujus autem ultimæ adorationis Ecclesia festum celeberrimum agit, quia in primitiis Gentilium ipsa adoravit Dominum. [161]

            Hæc autem celeberrima est adoratio. Quod a Magis: Non inveni tantam fidem in Israel. Virga Aaronis florida est, et magnum miraculum videre e silice aquam. Antracite en l'eau et en l'huile.

            Quod in infantia, mirum. Joseph infans vidit se adorandum, et propterea persecutionem passus. Rex noster Rex est in nativitate, Rex in morte et moriens. David, Abiathar, Bersellii. Rubis d'Ægipte. Sed quomodo cognoverunt et non dubitarunt? Apelles, Parrasius.

            Quod e longinquo. Regina Saba. Attractio amoris.

            Quod munera prætiosa, aurum, thus, mirram. Ut in concione 1609; paulo tamen aliter, ut nova videri possit conceptio. Specie tua et pulchritudine tua.

            Adhortatio de stella vocante et gratia excitante; ad illa verba: Oleum effusum; ideo adolescentulæ; indica mihi. [162]

 

 

 

POUR LA FÊTE DE L'ÉPIPHANIE, AUX SŒURS DE LA VISITATION, 1615

DE L'ADORATION DU CHRIST PAR LES MAGES

 

            Adorer le Christ est le plus ancien des preceptes; lui refuser l'adoration, la plus ancienne des heresies. Deja ce commandement avait ete fait aux Auges, sa violation fut cause de leur chute. Aussi, les Anges sont-ils les premiers à adorer le Christ: Gloire à Dieu au plus haut des cieux. De meme, les Anges montent et descendent l'echelle de Jacob, et, sous une fonne humaine, ils conversent tres volontiers avec les hommes. Eusuite, viennent les bergers qui representent les fidMes. Maintenant, c'est le tour des payens. L'Eglise celebre cette derniere adoration par une fête des plus solennelles, car dans ces premices de la gentilite, elle-même adora le Seigneur. [161]

            Cette adoration a une immense portée. Ce sont des Mages qui adorent: Je n'ai pas trouvé une si grande foi dans Israël. La verge d'Aaron a fleuri, et c'est un grand miracle que de voir l'eau jaillir du rocher...

            C'est merveilleux qu'ils adorent un enfant. Joseph enfant prévit qu'on devait l'adorer, il en souffrit persécution. Notre Roi est roi dans sa naissance, roi dans sa mort et en mourant. David, Abiathar, Berzellaï... Mais comment le reconnurent-ils sans hésitation? Apelles, Parrhasius.

            Ils viennent de loin. La reine de Saba. Attraction de l'amour.

            Ils offrent des dons précieux, de l'or, de l'encens, de la myrrhe. Voir le sermon de 1609; y faire cependant quelques légers changements, afin que l'idée puisse paraître nouvelle. Dans votre dignité et votre beauté.

            Exhortation au sujet de l'étoile qui appelle et de la grâce prévenante; à ces mots: Une huile répandue; aussi les jeunes filles; montrez-moi, etc. [162]

CIV. Fragment d'un sermon pour le vendredi après le deuxième Dimanche de Carême

 

20 mars 1615

 

(INEDIT)

 

3 DIE VENERIS, IN VIGILIA DIEI SANCTI BENEDICTI ET BEATI AMEDEI

 

            Alexander Magnus pœnitentiam egit quia occiderat Clytum, sed potius debuerat pœnitere de ebrietate. Verum abscondit idolum sub veste, nam tous les courtisans l'excuserent. Vide Calepinum in verbo Clytus.

            Duplex conditio veræ attritionis: 1a, ut se extendat ad omnia peccata. Toute la ville de Hierico est anatheme; Achan retient une langue ou verge d'or, une [163] manteline babilonienne et deux cens sicles. Sic plerumque nostri confitentes et pœnitentes: habent linguam auream, sed retinent suam serpentinam; habent vestem babilonicam qua operiunt malos habitus suos; habent ducentos siclos argenti, sed retinent alienos. Unde hæc lingua, vestis et summa non offertur Domino, sed aufertur; ham deberent hæc omnino inservire veritati, non vanitati.

            Effunde sicut aquam cor tuum ante conspectum Domini: reliqui humores relinquunt vel saporem vel pinguedinem, etc.; at aqua effusa nihil. Jacob, Gen. 35: Auferte deos alienos de medio vestri, et mundamini ac mutate vestimenta vestra. Dederuntque ei omnes deos alienos quos habebant, et inaures; at ille infodit ea subter therebinthum. Gen. 27: Cumque ejulatu magno fleret, motus Isaac, etc. Non invenit pœnitentiæ locum, quamvis cum lacrimis inquisisset eam; Heb. 12. Sed petis utrum omnium peccatorum sequaliter. Minime: Libera me de sanguinibus, Deus, Deus, etc. Moses, manum suam in sinum, et facta est leprosa; mitte manum tuam in cor tuum, in sinum tuum; et fiat commotio. Ramesses, prima statio Hebræorum, Hieron.: commotio tineæ. [164]

            2a conditio; ut procedat a motivo Christiano. Timui eo quod nudus essem. Deus: Quis indicavit tibi? etc. Virga Mosis, apprehensa cauda. Exitus peccati mors; delectatio parit infinitam poenam. Sed quæres: Num sufficiat? Non sufficit. Cumque ejulatu; supra. Baculus Helisæi. Judas.

……………………………………………………………………………………………….. [165]

 

 

 

IIIE VENDREDI, VEILLE DE SAINT BENOIT ET DU BIENHEUREUX AMÉDÉE

 

            Alexandre le Grand se repentit d'avoir tué Clitus; il aurait dû plutôt se repentir de son ivresse. Mais il cacha l'idole sous son habit, car tous les courtisans l'excusèrent. Voir Calepin, au mot Clitus.

            Double condition de la véritable attrition: 1re, qu'elle s'étende à tous les péchés. [Reprendre au texte, lig. 6.] [163]

            Il en va souvent de même de nos pénitents quand ils se confessent: ils ont une langue d'or, mais ils retiennent leur langue de serpent; ils ont un vêtement babylonien pour couvrir leurs mauvaises habitudes; ils ont deux cents sicles d'argent, mais ils retiennent l'argent des autres. C'est pourquoi cette langue, ce vêtement, cet argent ne sont pas offerts, mais ravis au Seigneur, car tout cela devrait servir à la vérité, non à la vanité.

            Répands ton cœur comme de l'eau en présence du Seigneur: les autres liquides laissent après eux quelque saveur ou de la graisse, etc.; mais l'eau répandue ne laisse rien. Jacob: Emportez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, purifiez-vous et changez vos vêtements. Et ils lui donnèrent tous les dieux étrangers qu'ils avaient, et les pendants d'oreilles; et il les enfouit sous le thérébinthe... Comme il pleurait en jetant de grands cris, Isaac ému, etc. Il ne trouva pas lieu au repentir, bien qu'il l'eût sollicité avec larmes. Mais tu demandes s'il faut avoir un égal repentir pour tous les péchés. Assurément non. Délivrez-moi du sang versé, ô Dieu, Dieu, etc. Moïse met sa main dans son sein, et elle se couvre de lèpre; mets ta main dans ton cœur, dans ton sein, et la commotion se fera. Ramessès, première étape des Hébreux, signifie selon saint Jérôme, commotion de la teigne. [164]

            2me condition; qu'elle procède d'un motif chrétien: J'ai craint parce que j'étais nu. Dieu: Qui t'a appris que, etc. La verge de Moïse saisie par l'extrémité. L'effet du péché est la mort; la délectation produit une peine éternelle. Mais, demanderas-tu, suffit-il que le motif de l'attrition soit chrétien? Cela ne suffit pas. En jetant des cris; voir plus haut. Bâton d'Elisée. Judas.

……………………………………………………………………………………………….. [165]

 

CV. Fragment d'un sermon pour le troisième Dimanche de Carême

 

22 mars 1615

 

(INÉDIT)

 

DE ORATIONE. AD SORORES VISITATIONIS

DOMINICA 3 QUADRAGESIMÆ, 1615. LECT. 1

 

            Philo Judæus, ut scribit Eusebius, scripsit librum de Vita contemplativa seu de Vita supplicum, quos et therapeutas (id est, medicos, curatores) seu cultores interprætatur. Vide Divum Dionisium, c. 6. Hier. Ecclesiast.; cultores ibi appellat etiam monachos. Itaque monachi, cultores et supplices idem, oratores, oratio.

            Hujus necessitatem non dicam. Opportet semper orare et nunquam deficere; Luc. 18. Luc. 21: Vigilate itaque, omni tempore orantes. 1. ad Thess. 5: Sine intermissione orate, etc. Dominus docuit [166] orare. Duo hæretici: Euchitæ, Messaliani, qui omnia oratione confici nihilque aliud necessarium; Pelagiani auferebant necessitatem orationis. Wiclef Joannes.

            Quid est oratio? Dupliciter accipitur: [1.] stricte pro petitione, et est petitio facta Deo eorum quæ ab ipso cupimus; et petimus tripliciter, ut in Inventario virtutum. 2. Communiter: unde Sanctus Bonaventura: «Oratio comprehendit omnes actus contemplativæ.» Et sic Gregorius [Nyssenus]: «Est conversatio cum Deo.» Sanctus Chrisostomus: «Est colloquium cum Deo.» Damascenus: «Ascensio mentis in Deum.» Augustinus: Ascensio mentis de terrestribus ad cælestia. Hieronymus ad Eustochium: «Oras, loqueris ad Sponsum; legis, ille tibi loquitur;» De custodia Virginitatis. Bernardus: «Mot, exemplum, oratio; major autem horum est oratio.» Ista oratio est theologia mystica.

            Notate hos actus: cogitatio, studium, meditatio, [167] contemplatio. Cogitatio similis muscis, studium aux hanethons, meditatio apibus, contemplatio, regi apum. Duo primi nihil ad nos, tertius et quartus ad orationem spectant, sed medium est inter hos duos, petitio.

            Finis orationis est unio cum Deo, nam alioqui Deus non eget oratione; transfiguratio, nam est ea quæ remanet in Cælo. [168]

 

 

 

SUR LA PRIÈRE. AUX SŒURS DE LA VISITATION

IIIE DIMANCHE DE CARÊME, 1615. 1RE LEÇON

 

            Le juif Philon, au rapport d'Eusèbe, écrivit un livre sur la Vie contemplative ou Vie des suppliants, qu'il appelle thérapeutes (c'est-à-dire médecins, guérisseurs), ou adorateurs. Voir saint Denis qui, dans sa Hiérarchie Ecclésiastique, chap. VI, appelle aussi ces adorateurs, moines. Donc ces termes: moines, adorateurs, suppliants ont la même signification: ils éveillent l'idée de prieurs, de prière.

            Je ne parlerai pas de la nécessité de la prière. Il faut toujours prier et ne jamais se lasser. Veillez donc et priez en tout temps. Priez sans interruption, etc. Le Seigneur a enseigné à prier. Deux sortes d'hérétiques: les [166] Euchites et Messaliens qui prétendaient que la prière est tout, et qu'elle seule est nécessaire, et les Pélagiens qui, au contraire, en niaient la nécessité. Jean Wiclef.

            Qu'est-ce que la prière? Ce mot a deux acceptions: [1.] il est employé dans le sens strict et signifie alors demande; c'est la demande faite à Dieu de tout ce que nous désirons de lui; or, nous demandons de trois manières (voir l'Inventaire des vertus). 2. On l'emploie dans un sens général, et c'est l'acception que lui attribue saint Bonaventure quand il dit: «L'oraison comprend tous les actes de la vie contemplative.» D'après saint Grégoire de Nysse, «c'est une conversation avec Dieu.» D'après saint Chrysostôme, «c'est un colloque avec Dieu.» Saint Damascène: «Une ascension de l'âme en Dieu.» Saint Augustin: Une ascension de l'âme qui monte des choses terrestres aux choses célestes. Saint Jérôme à Eustochium: «Quand tu pries, tu parles à l'Epoux; quand tu lis, c'est lui qui te parle.» (De la garde de la Virginité.) Saint Bernard: «La parole, l'exemple, la prière, mais la plus grande de ces trois choses c'est la prière.» Cette prière est la théologie mystique.

            Remarquez ces actes: pensée, étude, méditation, contemplation. La pensée [167] est une opération de l'intelligence qui ressemble aux évolutions des mouches; l'étude aux travail des hannetons; la méditation à celui des abeilles; la contemplation au vol du roi des abeilles. Les deux premiers actes nous importent peu, le troisième et le quatrième concernent l'oraison. Or, l'irnpétration se trouve entre ces deux derniers.

            La fin de l'oraison est l'union avec Dieu, car du reste, Dieu n'a pas besoin de nos prières ; c'est la transfiguration de l'âme, car cet acte persévérera au Ciel. [168]

CVI. Plan d'un sermon pour le vendredi après le Dimanche de la Passion

 

10 avril 1615

 

(INÉDIT)

 

DE PŒNITENTIA. PRO 6 DIE VENERIS, 1615

 

            Baruch, 4. v. 28: Sicut fuit sensus vester ut erraretis a Deo, decies tantum iterum requiretis eum.

            1. Superest ut aliquid dicamus de confessione generali. Ea tribus casibus necessaria: cum nulla fuit ex defectu contritionis, ex defectu confessionis, ex defectu satisfactionis, id est, voluntatis satisfaciendi. Duobus temporibus: in articulo mortis, et cum renovare volumus vitam. Recogitabo tibi omnes annos meos [169] in amaritudine animæ meæ. Exemplum de confessione, apud Bus., verbo Confessio, ex Sancto Joanne Climaco.

            2. Satisfactio est punitio criminum sponte suscepta. Duplex satisfactio: ad rigorem, hanc non facimus; ad congruum, ut cessio bonorum, se addicere, etc.

            3. Num cognoscere possumus nos rite pœnitentiam obiisse? Non possumus esse certi, sed confidentes. 1.Signum ex Sancto. Basilio, Regul. brevioribus: si ex animo possimus dicere cum regio pœnitente: Iniquitatem odio habui et abominatus sum, legem autem tuam dilexi; [Ps.] 118. 2. Non adhæsit mihi cor pravum. 3. Vidi prævaricantes et tabescebam. Quis infirmatur et ego non infirmor? D. Bernardus. Surge, tolle lectum tuum et ambula: 1. Desiderium supernorum; 2. dominari carni et sensibus; 3. ambulare, desiderium proficiendi.

            4. Unicum certissimum est emendatio vitæ. Magdalena, David. Propter David, etc., Abiam dedit filium Asa, eo quod fecisset rectum David in oculis Domini, et non declinavit ab omnibus quæ præceperat [170] ei, excepto sermone Uriæ Hetæi. Sed attendite, non dico non posse vere pœnitentes non (sic) iterum cadere, sed signum optimum esse non cadere.

            5. Hæc præcepta ad vitandam recidivam. Bonam pœnitentiam facere; omnis autem veram facit qui vere facit. Ab omni via mala prohibui pedes meos, ut custodiam mandata tua. A mandatis tuis intellexi: propterea odivi omnem viam iniquitatis. E contrario Job, 21: Dixerunt Deo: Recede a nobis, scientiam viarum tuarum nolumus. 4 Reg. 10; Jehu ad Jonadab, filium Recab: Da mihi manum, veni mecum. Avoir une resolution absolue. Malade veut il sante? Omnes volunt, sed vult et non vult piger.

            Trop peu de tems on prend; on n'examine pas bien son mal. Il y a difference entre faire la confession pour changer sa conscience, et pour changer toute sa vie. [171]

 

 

 

DU LA PÉNITENCE. POUR LE VIE VENDREDI, 1615

 

            Comme votre esprit vous a portés à errer loin de Dieu, vous le rechercherez de nouveau avec dix fois plus d'ardeur.

            1. Il nous reste à dire quelque chose de la confession générale. Elle est nécessaire dans trois cas: quand les confessions précédentes ont été nulles par défaut de contrition, par défaut [d'intégrité] dans l'accusation, par défaut de satisfaction, c'est-à-dire de volonté de satisfaire. Elle est nécessaire en deux circonstances: à l'article de la mort, et quand nous voulons renouveler notre vie. Je repasserai devant vous toutes mes années dans l'amertume de mon [169] âme. Exemple de la confession, d'après Bus., sous le titre Confession, tiré de saint Jean Climaque.

            2. La satisfaction est le châtiment du péché, volontairement accepté. Il y a deux sortes de satisfaction: l'une stricte, et celle-là nous ne la faisons pas; l'autre qui a un certain rapport avec la faute commise, comme abandonner ses biens ou se livrer soi-même, etc.

            3. Pouvons-nous savoir si nous avons fait une véritable pénitence? Nous ne pouvons en avoir la certitude, mais bien la confiance. Un premier signe, d'après saint Basile, Règles abrégées, est si nous pouvons de tout notre cœur dire avec le Roi pénitent: J'ai haï l'iniquité et je l'ai eue en abomination, et j'ai aimé votre loi. 2. Le cœur pervers ne s'est pas attaché a moi. 3. J'ai vu les prévaricateurs et j'ai séché de douleur. Qui est infirme sans que je sois infirme? Saint Bernard. Lève-toi, prends ton lit et marche: 1. Excite en toi le désir des biens célestes; 2. soumets ta chair et tes sens; 3. aie le désir d'avancer [dans la vertu].

            4. Mais le signe le meilleur et le plus certain, c'est l'amendement de la vie. Madeleine, David. A cause de David, etc., Dieu donna à Abiam un fils, Asa, parce que David avait fait ce qui était droit aux yeux du Seigneur et qu'il ne s'était point détourné de tout ce qu'il lui avait commandé, excepté en ce qui concernait Urie l'Héthéen. Mais remarquez que je ne dis pas que le vrai [170] pénitent ne puisse pas retomber; je dis seulement que ne pas retomber est un signe excellent de conversion.

            5. Voici des règles pour éviter la rechute. Il faut faire une bonne pénitence. Or, tous ceux-là font une vraie pénitence qui font véritablement pénitence. J'ai détourné mes pieds de toute voie mauvaise, afin de garder vos commandements. Par vos commandements j'ai acquis l'intelligence; c'est pourquoi j'ai haï toute voie d'iniquité. Au contraire, selon Job, [les pécheurs] ont dit à Dieu: Retirez-vous de nous, nous ne voulons point de la science de vos voies. Jéhu à Jonadab, fils de Réchab: Donne-moi la main, viens avec moi. Avoir une résolution absolue. Malade veut-il santé? Tous veulent, mais le paresseux veut et ne veut pas. [Reprendre au texte, lig. 14.] [171]

CVII. Fragment d'un sermon à l'occasion de prières publiques

 

Mai 1615

 

(INÉDIT)

 

1615. CUM NOSTRI CUM HISPANIS CONSERERENT MANUS IN SUPPLICATIONE PUBLICA

 

            1. Historia de somnio Judæ Macabæi, 2 Mac. 15, cui Hieremias dedit aureum gladium dicens: Accipe sanctum gladium, munus a Deo, in quo dejicies adversarios populi mei. Nicanor, dux Demetrii. Erat autem pro uxoribus, etc.; maximus vero pro sanctitate erat timor Templi. Nicanor cum canticis et [172] tubis; Judas vero et Judæi, manu pugnantes, sed Dominum cordibus orantes; v. 19: Sed et eos qui in civitate remanserunt non minima sollicitudo, etc.

            2. De Heliseo moribundo et Joas rege Israel. Manus Helisei super manibus regis: Sagitta salutis, sagitta Domini; 4. Reg. XIII. Iste Joas malus erat et hæreticus.

……………………………………………………………………………………………….. [173]

 

 

 

1615. PENDANT QUE NOS SOLDATS LIVRAIENT BATAILLE AUX ESPAGNOLS POUR UNE SUPPLICATION PUBLIQUE

 

            1. Histoire du songe de Judas Machabée, à qui Jérémie donna un glaive d'or, lui disant: Prends ce saint glaive, don de Dieu, avec lequel tu extermineras les adversaires de mon peuple. Nicanor, chef [de l'armée] de Démétrius. Or, [leur moindre sollicitude] était pour leurs femmes, etc.; mais leur plus grande crainte était pour la sainteté du Temple. Nicanor au milieu du bruit des [172] voix et des trompettes; mais Judas et les Juifs combattant des mains, et priant le Seigneur dans leurs cœurs... Or ceux-là même qui étaient restés dans la cité n'avaient pas une moindre sollicitude, etc.

            2. Elisée mourant et Joas roi d'Israël. Les mains d'Elisée sur les mains du roi: Flèche du salut, flèche du Seigneur. Ce Joas était méchant et hérétique.

……………………………………………………………………………………………….. [173]

CVIII. Sommaire d'un sermon sur la Pénitence

 

5 juillet 1615

 

            Sermonem hunc generalem de qua re melius instituam quam de hac pœnitentia, a qua, per quam et ad quam omne Evangelium? Nam, et ad hoc me movet Sanctus Joannis in cujus ecclesia, Evangelium secundum Ecclesiam Lugdunensem, Evangelium secundum Romanam Ecclesiam: Nam ex hoc eris homines capiens, et altaris majoris consecratio. Nam et ipsum altare mistice repræsentat cor: Sacrificium autem spiritus contribulatus. Eia, audite me, Lugdunenses, dicentem alacriter. [174] Sed in hoc sermone generali de materia tam generali, generalem Advocatam Christianorum invocemus.

 

            Nonne quos odisti, Domine, oderam? Iniquos odio; Tabescere me fecit; Declinate a me maligni. Heu! quot mala peccatum inducit! Obstupescite, etc. Lacus Asphaltites, Mare Mortuum. Peccatum omnia mortua reddit aut mortificata. Unde Sancti: Tabescere me fecit zelus meus. Sanctus Franciscus, Christus [ipse], Sancta Catharina Genuensis. Quare si Angeli essent capaces tristitiæ, imo ipse Deus, morerentur, ut cum esset mortalis ipse sane mortuus est.

            Sed si ita est, quomodo Christus cum peccatoribus et publicanis? Ut medicus; non amore morborum, sed odio potius morborum et amore infirmorum. Sic Psaltes: Accingere gladio tuo, sagittæ tuæ acutæ, populi sub te cadent. Christus ut leo in medio viarum, neminem timens; ut Marses et Psilliens; id ita ipse significat. Ut lætificet Angelos. Sed quomodo tam læta esse possit pœnitentia? Virga Aaronis. Folia ficus. Ut simiæ nuces aut castaneas relinquunt, peccator dolet et de dolore gaudet. Clytus; Alcibiades. [175]

            Consecration de l'autel par eau, huile, feu, reliques, croix, encens. Habemus altare; Heb. 13. Mat. 5: Si offers munus tuum ad altare, et ibi recordatus fueris quia. Macc., ignis Nehemias. Fixa manet sententia: aut pœnitendum aut urendum. Stellæ non lucent presente sole. Esd. 1. 3. Mal. 1: In omni loco sacrificatur, et offertur nomini meo oblatio munda, quia magnum est nomen meum in gentibus, dicit Dominus. 1. Mac. 4: Ædificaverunt altare novum et dedicaverunt. 2. Mac. 1: Diem ignis. Joan. 10. Anthonius Magnus. [176]

 

 

 

            Dans cette prédication générale, de quoi parlerai-je avec plus de convenance que de la pénitence, sujet par lequel commence, duquel traite et auquel aboutit tout l'Evangile? Saint Jean, dans l'église duquel je suis, m'y invite, ainsi que l'Evangile [qui se lit aujourd'hui,] selon le rite lyonnais et selon le romain; on y trouve ces mots: Désormais tu prendras les hommes; et j'y suis encore invité par la consécration de ce maître-autel, car l'autel lui-même, au sens mystique, représente le cœur: Or, le vrai sacrifice est un esprit affligé. Sus donc, Lyonnais, entendez celui qui vous parle avec bonheur. Mais [174] pour un entretien général qui doit être d'une générale utilité, invoquons l'Avocate universelle des Chrétiens.

            Ceux que vous avez haïs, Seigneur, ne les haïssais-j'e pas? J'ai haï les hommes iniques. [Mon zèle] m'a fait sécher. Eloignez-vous de moi, méchants. Hélas! que de maux a attirés le péché ! Soyez frappés de stupeur, etc. Le lac Asphaltite, mer Morte. Par le péché, tout meurt ou est près de mourir. Aussi les Saints disent-ils: Mon zèle m'a fait sécher. Saint François, le Christ lui-même, sainte Catherine de Gênes. C'est pourquoi si les Anges, si Dieu lui-même pouvait s'attrister, il mourrait; Dieu, du reste, quand il était mortel, en mourut.

            Mais s'il en est ainsi, comment le Christ fréquentait-il les pêcheurs et les publicains? Comme médecin; non par amour du mal, mais plutôt par haine du mal et par amour pour les malades. C'est ainsi que chante le Psalmiste: Ceignez votre glaive; vos flèches sont acérées, les peuples tomberont a vos pieds. Le Christ est comme le lion sur la route, il ne craint personne; comme les Marses et les Psylliens. Lui-même nous le donne à entendre. Pour réjouir les Anges. Mais comment la pénitence peut-elle être si réjouissante? Verge d'Aaron. Feuilles de figuier. Comme les singes qui abandonnent des noix ou des châtaignes, le pécheur s'attriste et se réjouit de sa tristesse. Clitus; Alcibiade. [175]

            Nous avons un autel. Si tu présentes ton offrande a l'autel et que là tu te souviennes que, etc. Feu de Néhémie. La sentence est irrévocable: ou se repentir ou brûler. Les étoiles ne brillent pas en présence du soleil. En tout lieu on sacrifie, et une oblation pure est offerte a mon nom, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur. Ils bâtirent un autel nouveau et le consacrèrent. La fête du feu. Saint Antoine le grand. [176]

CIX. Sommaire d'un sermon pour la fête de la Purication

 

2 février 1616

 

(INÉDIT)

 

1616. IN EODEM DIE, ANNESSII OBLATIONIS CHRISTI ET PURIFICATIONIS FESTUM COLIMUS

 

            Historia Josephi nolentis videre fratres nisi adducerent Benjamin. Sane, Deus iratus nunquam placari poterat nisi ob Christum venturum. Psal. 39: Sacrificium et oblationem noluisti, aures autem perfecisti mihi. Heb. 10. v. 5: Corpus aptasti. Holocaustum et pro peccato non postulasti; tunc dixi: Ecce venio. Sane Caim obtulit de frugibus terræ, tacet Scriptura fuisse primitias. Ambrosius negat nam impius [177] pejora offerebat. At Abel, Heb. 11: Fide plurimam hostiam obtulit Abel quam Cain Deo, id est, de primogenitis et adipibus. Respexit ad Abel. Obtulit agnum, Christum representantem, obtulit fide in Christum venturum, obtulit primogenitum. Sic si eum nobiscum ducamus, omnia in isto holocausto impetramus; unde, cum inducerent Puerum parentes: Nunc dimittis servum tuum, Domine.

            Sed quomodo offerri debet? Postquam impleti sunt dies purgationis. Heliseus jussit lavari septies. Septenarius hanc vitam includit. Laventur pedes vestri; lavate etiam Angeli si in carne vivant; unde Christus: Qui lotus est, non indiget nisi ut pedes lavet. Similitudo de caracteribus herbis in hortis effigiatis quos opportet tondere. Alienigena unguibus pilisque, etc. Eva excusat peccatum quod fecit, Maria purgat quod non fecit. Simeon, ut cygnus 103 annorum, cum timore antea siluisset, nunc cordis suavitate tactus vocem facit. Simeon, obediens; Anna, gratia. Simeon obedit et portat Christum a quo in æternitate portatur. [178]

 

 

 

1616. LE MÊME JOUR, ANNECY

NOUS CELEBRONS LA FÊTE DE L'OBLATION DU CHRIST ET DE LA PURIFICATION

 

            Histoire de Joseph refusant de voir ses frères à moins qu'ils ne lui amenassent Benjamin. Assurément, un Dieu irrité ne pouvait être apaisé que par le Christ à venir. Vous n'avez pas voulu de sacrifice ni d'offrande, mais vous m'avez rendu parfaitement attentif a vos paroles. Vous m'avez adapté un corps. Vous n'avez pas demandé d'holocauste pour le péché; alors j'ai dit: Me voici. Il est hors de doute que Caïn offrit au Seigneur les fruits de la terre; mais l'Ecriture ne dit pas que ce fussent les prémices. Saint Ambroise le nie; car [177] cet impie offrait [au Seigneur] des dons de moindre valeur. Et d'Abel il est écrit dans l'Epître aux Hébreux: C'est par la foi qu'Abel offrit a Dieu une hostie meilleure que celle de Caïn, c'est-à-dire des premiers-nés et de ce qu'il y avait de plus gras [dans son troupeau]. Dieu regarda Abel. Il offrit un agneau représentant le Christ, il l'offrit avec la foi au Christ à venir, il offrit un premier-né. Si nous portons ainsi le Christ avec nous, il n'est rien que nous n'obtenions par un tel holocauste. C'est pourquoi, comme les parents de l'Enfant le portaient [au Temple]: C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller votre serviteur.

            Mais comment doit-il être offert? Après que les jours de la purification sont accomplis. Elisée ordonna [à Naaman] de se laver sept fois. Le nombre sept représente le terme de cette vie. Que vos pieds soient lavés. Aux Anges mêmes, s'ils vivaient dans la chair, on devrait dire: lavez vos pieds. C'est pourquoi le Christ dit: Celui qui est pur n'a besoin que de se laver les pieds. Similitude tirée des caractères imprimés aux plantes dans les jardins, caractères qu'il faut extirper. [On devait couper] les ongles et les cheveux de l'étrangère. Eve excuse le péché qu'elle a commis; Marie se purifie de celui qu'elle n'a pas commis. Siméon est semblable au cygne: il s'était tu par crainte jusqu'à l'âge de cent trois ans, maintenant son cœur étant doucement touché, il fait entendre sa voix. Siméon signifie obéissant; Anne, grâce. Siméon obéit et porte le Christ par lequel il est éternellement porté. [178]

CX. Paraphrase du Psaume CXXIV

 

Juillet 1616

 

(INÉDITE)

 

            Vers. 3: Quia non relinquet Dominus virgam peccatorum super sortem justorum, ut non extendant justi ad iniquitatem manus suas.

            Post paraphrasim prsecedentium versuum.

            1°. Nota virgam peccatorum tripliciter intelligi posse. 1. Virga peccatorum, id est, virga qua peccatores affliguntur; juxta illud: Multa flagella peccatoris, [179] sperantem autem in Domino misericordia circumdabit. Quo loco vide Toletum, de differentia flagellorum peccatorum et justorum. Hanc interpretationem habet Titelmann. 2. Virga, id est, sceptrum, dominatio; ita communiter. 3. Virga, id est, persecutio, flagellum quo peccator aflicit justum.

            2o. Jam quaeritur quomodo hoc verum sit. Nam plerumque videmus impios et scelestos regnare, et obtinere potestatem in justos. Verbi gratia: Joseph Putiphari, Jacob Labano, Israelitæ Pharaoni quadringentis annis, Achab vineam Naboth obtinuit. Unde David, [Ps.] 72: Mei autem pene moti sunt pedes, quia zelavi super iniquos, pacem peccatorum videns. In labore hominum non sunt, et cum hominibus non flagellabuntur. Ideo tenuit eos superbia; operti sunt iniquitate et impietate sua, et dixerunt: Quomodo scit Deus, et si est scientia in excelso? Ecce ipsi peccatores et abundantes in seculo obtinuerunt divitias. Et dixi: Ergo sine causa justificavi cor meum. Hierem. 12: Quare via impiorum prosperatur?

            1a responsio est Augustini in hunc locum, expendentis non relinquet. Quia in judicio, tunc dominantes [180] injuriose privabuntur, et commutabit manus Dominus (secernet oves ab hædis), et Ephrahim præferetur Manasse, licet Manasses sit senior. Tunc Joseph præferetur fratribus. Gregorius. Quomodo major esset si malis male, et bonis bene?

            2a responsio. Non relinquet: permittit quidem impios regnare, sed expectans expectavi et intendit mihi. Vidi impium exaltatum sicut cedros Libani. Sic Israelitæ exeunt; sic Job, sic Jacob, sic Joseph. Sic Jesabel et omnes.

            3a responsio est. Interdum existimamus esse virgam peccatorum et est virga Dei Patris. Virga tua et baculus tuus, ipsa me consolata sunt; [Ps.] 22. Sic virga Aaron floruit; sic virga Mosis accepta. Itaque non est virga peccatorum, sed justorum, quia coluber vertitur in virgam.

                        Benefac, Domine, bonis et rectis corde.

            Oratio hæc non videtur exaudita; nam malis interdum, imo ut plurimum, bene, bonis male cedit. Videte Job bonum et justum, vide amicos ejus malos et injustos; ille putrescit in sterquilinio, isti rident et irrident coram [181] eo. Videte Abel et Caim. Ille justus occiditur, iste vivit et dominatur. Videte Apostolos et tirannos. Vide hæreticos et Catholicos; isti videntur florere, occupant bona ecclesiastica, sunt potentes, etc. In labore hominum non sunt et cum hominibtis non flagellabuntur. Ideo tenuit eos superbia; operti sunt iniquitate et impietate sua, et dixerunt: Quomodo scit Deus, et si est scientia in excelso? Ecce ipsi abundantes in seculo, obtinuerunt divitias. Et dixi: Ergo sine causa justificavi cor meum et lavi inter innocentes manus meas, et fui flagellatus tota die et castigatio mea in matutinis. Si dicebam: Narrabo sic, ecce nationem filiorum tuorum reprobavi. Existimavi ut cognoscerem hoc; labor est ante me, donec intrem in sanctuarium Dei et intelligam in novissimis eorum; Psal. 72. Vide Ps. 36.

            Videte Sanctissimum Joseph et Beatissimam Virginem, lilia puritatis, innocentiæ specula; quomodo ab Hærode torquentur, in profectione Ægiptiaca laborant, etc. Videte Justum justorum, Christum Dominum.

            Responsum. Beatus vir qui timet Dominum, etc.; potens; gloria et divitiæ, etc. Cum bono bonus eris, [182] cum sancto sanctus eris, cum innocente innocens eris. Gloriamini omnes recti corde. Iis qui recto sunt corde.

            Ad argumentum. 1. Ex Augustino, passim super Psal. ubi de rectis corde agit. Rectum cor est quod concordat cum Deo qui ipse rectitudo est et sequitas; itaque quEecumque Deus vult illi grata sunt, etiam tribulationes et afflictiones, et loco beneficii ea accipit. Justus es, Domine, ait, et rectum judicium tuum. Major serviet minori; persequendo non obediendo. Sic medici et chirurgi benefaciunt ægrotis illis male faciendo. Non tam ad voluptatem quam ad utilitatem respiciendum.

            2. Vere tribulationes bonæ sunt, eas propterea dilexit Dominus. Si tempestates fierent ex margaritis, plerique eas desiderarent in campis suis. At tribulatio patientiam operatur, patientia probationem, probatio [183] vero spem, spes autem non confundit. Fasciculus mirrhæ dilectus meus mihi. Omnia cooperantur in bonum. Dicite justo quoniam bene. Apprehende caudam ejus; et vertebatur in virgam.

            3. Augustinus solvit: Existimabam ut cognoscerem hoc; labor est ante me, donec intrem in sanctuarium Dei. Videbimus tunc quare malis bona et bonis mala. Cum bonis mala, ideo fit ut si quid deliquerint hic puniantur, non in æternum; cum malis bona, ut hic mercedem accipiant qui æterna digni non sunt. Vide quæstionem apud Gregorium, 1. 5. Moral., c. 1, et Gretserum, 1. [V, c.] 4. De Cruce.

            Nunc autem non est cur quæramus cur bonis mala. Ideo Psaltes recte ait: Benefac, Domine, bonis et rectis corde; non eo modo quo judicamus nos, sed fac bene secundum tuam voluntatem et secundum ea quæ apud te bona sunt etiam in hoc seculo, ut cruces, tribulationes, etc., et in futuro in quo vere est bonum: Ingredere in requiem tuam, quia Dominus benefecit tibi [184]

            Cæterum boni sunt ii quos Deus bonus facit bonos. Sed nonne idem est bonus et rectus corde? Sane bonitas est quædam naturalis: Sortitus sum animam bonam, Sap. 8, d, et cum magis essem bonus, veni ad corpus incoinquinatum. Neque memini me legisse in Scripturis quemquam hominum bonum vocari ea bonitate quæ supernaturalis est, quamvis bonæ voluntatis invenerim. Nemo bonus nisi solus Deus, quia scilicet bonitas est proprietas enti intrinseca et absoluta. Ergo addidit et rectis corde, explicationis gratia.

Dedinantes autem in obligationes adducet Dominus cum operantibus iniquitatem: pax super Israël.

            Declinant qui non sunt recti corde; declinant a via, errant a semita veritatis. 1. In obligationes. Sa, in vincula; Geneb., in colligationes; ilz s'entortillent. [185] In laqueos incidunt, telas aranearum texuerunt. Ut vermicum bombices qui se suis operibus irretire non cessant, cor pravis affectibus irretitur. Ilz s'embarassent en leurs chemins comm'en des labyrintes. 2. Hieronimus: in pravitates, chemins tortus; erunt prava in directa. Primus peccator, diabolus, similitudinem serpentis assumpsit; quia peccatores more serpentum inflectunt sese nec recte procedunt, modo caput in dextram modo in sinistram obliquant. 3. Caldaica: obliquitates. Idem est. Non declinabitis ad dextram et sinistram, claudicare in utramque partem; ad dextram operando, nam dextra est operatoria, ad sinistram omittendo, nam ipsa est iners et inefficax. Vel obliquant, modo bene modo male; ut illi qui jurabant in Domino et jurant in Melchon.

            Adducet cum operantibus iniquitatem. 1. Cum iis qui ex professo peccatricem vitam agunt; vel, 2. cum diabolis (qui paratus est diabolo). Diabolus enim artifex est et operarius architectonicus iniquitatis.

            Pax super Israel. Historia Genes. XXXII: luctatur cum Deo, inde nomen accepit prævalentis ad Deum, vel principis cum Deo; quod idem est, nam qui cum Deo agit ut princeps, ipse pugnat faciendo Deum sibi [186] subditum. Hinc Pereira, Viegas, Cornelius aiunt cum Hieronymo Israel idem esse quod princeps cum Deo vel Dei. Versio vero verborum ad finem omnium Bibliorum: prævalens Deo.

 

 

 

            Car le Seigneur ne laissera pas la verge des pécheurs sur l'héritage des justes, de peur que les justes n'étendent leurs mains vers l'iniquité.

            Après la paraphrase des versets précédents.

            1. Notons qu'on peut entendre de trois manières cette verge des pécheurs. 1. Verge des pécheurs, c'est-à-dire verge qui les châtie, d'après cette parole: Des [179] fléaux nombreux attendent le pêcheur, mais la miséricorde environne celui qui espère dans le Seigneur. Voir sur ce point la différence qu'établit Tolet entre les maux qui frappent les pécheurs et ceux qui atteignent les justes. Cette interprétation est celle de Titelmann. 2. Verge, c'est-à-dire sceptre, domination; et c'est l'interprétation commune. 3. Verge, c'est-à-dire persécution, mauvais traitement infligé au juste par le pécheur.

            2. Cherchons maintenant comment cette parole se vérifie. Souvent nous voyons les impies, les criminels régner et prévaloir sur les justes. Par exemple, Joseph est soumis à Putiphar, Jacob à Laban, et, pendant quatre cents ans, les Israélites sont opprimés par Pharaon; Achab s'empare de la vigne de Naboth. Aussi David dit-il: Mes pieds ont presque chancelé parce que j'ai été ému de zele contre les méchants, voyant la paix des pécheurs. Ils ne participent point aux travaux des hommes, et ils ne sont pas frappés avec les autres hommes. C'est pourquoi ils sont devenus superbes; ils se sont couverts de leur iniquité et de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voilà que ces pêcheurs eux-mêmes vivant dans l'abondance, ont acquis des richesses. Et j'ai dit: C'est donc inutilement que j'ai purifié mon cœur... Pourquoi la voie des impies est-elle prospère?

            La première réponse est de saint Augustin qui, traitant de ce passage, [180] explique les mots: ne laissera pas. Au jugement, dit-il, ceux dont la domination est injuste seront déchus, et le Seigneur changera de main (il distinguera les brebis des boucs), il préférera Ephraïm à Manassès, bien que celui-ci soit l'aîné. Alors, Joseph sera préféré à ses frères. Saint Grégoire. S'il arrivait du mal aux mauvais, du bien aux bons, où serait le plus grand?

            Deuxième réponse. Ne laissera pas: il permet, il est vrai, que les impies régnent, mais en attendant j'ai attendu, et il m'a écouté. J'ai vu l'impie élevé comme les cèdres du Liban. Ainsi les Israélites sortent [de l'Egypte]; ainsi Job, Jacob, Joseph [sont délivrés]. Ainsi Jézabel et tous les autres [sont enfin punis].

            Troisième reponse. Nous appelons quelquefois verge des pécheurs ce qui est la verge de Dieu notre Père. Votre verge et votre bâton m'ont consolé. Ainsi la verge d'Aaron a fleuri, et celle de Moïse a été agréée de Dieu. Elle n'est donc pas la verge des pécheurs, mais celle des justes, car le serpent s'est changé en verge.

                        Faites du bien, Seigneur, aux bons et a ceux qui ont le cœur droit.

            Cette prière paraît n'être pas exaucée; car quelquefois, et même le plus souvent, les méchants sont heureux et les bons malheureux. Voyez Job, bon et juste; ses amis, méchants et injustes: celui-là tombe en putréfaction sur [181] un fumier, ceux-ci rient et se moquent de lui en sa présence. Voyez Abel et Caïn. Celui-là, juste, est tué, celui-ci vit et prévaut. Voyez les Apôtres et les tyrans. Voyez les hérétiques et les Catholiques; les premiers sont florissants, s'emparent des biens ecclésiastiques, sont puissants, etc. Ils ne participent point aux travaux des hommes, et ils ne sont pas frappés avec les autres hommes. C'est pourquoi ils sont devenus superbes ; ils se couvrent de leur iniquité et de leur impiété, et ils ont dit: Comment Dieu le sait-il, et le Très-Haut en a-t-il connaissance? Voila que [ces pécheurs] eux-mêmes vivant dans l'abondance, ont obtenu des richesses. Et j'ai dit: C'est donc inutilement que j'ai purifié mon cœur et que j'ai lavé mes mains parmi les innocents, puisque j'ai été affligé tout le jour et châtié dès le matin. Si je disais: Je parlerai ainsi, voilà que je réprouverais la race de vos enfants. J'ai pensé pénétrer ce mystère, mais un grand travail s'offre à moi, jusqu'à ce que j'entre dans le sanctuaire de Dieu et que je comprenne leur fin dernière... Voir le Psaume XXXVI.

            Voyez le très saint Joseph et la Bienheureuse Vierge, ces lis de pureté, ces miroirs d'innocence: Hérode les persécute, ils souffrent dans la fuite en Egypte, etc. Voyez le Juste des justes, le Christ Notre-Seigneur.

            Réponse. Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur, etc.; [sa postérité sera] puissante; la gloire et les richesses, etc. Vous serez bon avec celui qui est [182] bon, vous serez saint avec le saint, vous serez innocent avec l'innocent. Glorifiez-vous, vous tous qui avez le cœur droit. A ceux qui ont le cœur droit.

            Considérons la raison alléguée, 1. Je répète ce que dit saint Augustin dans tous les endroits de son Commentaire sur les Psaumes où il parle des cœurs droits. Le coeur droit est celui qui est en harmonie avec Dieu, droiture et justice même; c'est pourquoi tout ce que Dieu veut est agréable à ce cœur, seraient-ce des tribulations et des afflictions, et il les reçoit comme des bienfaits. Vous êtes juste, Seigneur, dit-il, et votre jugement est droit. Le plus grand servira le plus petit; en l'éprouvant, non en lui obéissant. Ainsi, en faisant souffrir les malades, les chirurgiens et les médecins leur font du bien. Il faut moins regarder au plaisir qu'à l'avantage.

            2. Les tribulations sont vraiment un bien, et c'est pour cela que le Seigneur les a aimées. Si la tempête faisait pleuvoir des perles, la plupart la désireraient pour leurs champs. Or, la tribulation produit la patience, la patience l'épreuve, [183] et l'épreuve l'espérance; or l'espérance ne confond point. Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe. Tout coopère au bien. Dites au juste que tout est bien. Prends-le par la queue; et il se changeait en verge.

            3. Saint Augustin résout ainsi la difficulté: J'ai pensé pénétrer ce mystère; mais un grand travail s'offre à moi, jusqu'à ce que j'entre dans le sanctuaire de Dieu. Nous verrons alors pourquoi les méchants ont été heureux et les bons malheureux. Les bons souffrent pour expier en ce monde et non dans l'éternité les fautes qu'ils auraient commises; les mauvais sont heureux et reçoivent ainsi une récompense temporelle, eux qui ne sont pas dignes de l'éternelle. Voir cette question dans saint Grégoire, liv. V de ses Morales, chap. I, et Gretser, liv. V, chap. IV De la Croix.

            Il est donc désormais inutile de demander pourquoi des malheurs arrivent aux bons. Aussi c'est avec raison que le Psalmiste dit: Faites du bien, Seigneur, aux bons et à ceux qui ont le cœur droit; faites ce bien non pas de la manière que nous jugeons, mais selon votre volonté et selon qu'il sera trouvé bon à vos yeux, même en ce monde, fût-ce en nous donnant des croix, des tribulations, etc., et dans la vie future où se trouve le bien absolu: Entre dans ton repos, parce que le Seigneur t'a comblé de bienfaits. [184]

            Du reste, ceux-là sont bons que le Dieu bon fait bons. Mais n'est-ce pas une même chose être bon et avoir le cœur droit? Il existe certes une bonté naturelle: J'avais reçu en partage une bonne âme, et devenant bon de plus en plus, je suis parvenu a conserver un corps sans souillure. Et je ne me souviens pas d'avoir lu dans l'Ecriture qu'un homme soit appelé bon de la bonté surnaturelle, bien que j'aie trouvé le mot de bonne volonté. Nul n'est bon si ce n'est Dieu seul, c'est-à-dire que la bonté est une propriété absolue et intrinsèque à l'être. Aussi le Psalmiste ajoute-t-il comme explication: et à ceux qui ont le cœur droit.

Mais pour ceux qui se détournent dans les voies obliques, le Seigneur les joindra a ceux qui commettent l'iniquité: que la paix soit sur Israël.

            Ceux-là se détournent qui n'ont pas le cœur droit; ils se détournent de la voie, ils errent loin du sentier de la vérité, 1. Dans les voies obliques. Sa, dans les chaînes; Génébrard, dans les liens; ils s'entortillent. Ils tombent dans les [185] filets, ils ont tissé des toiles d'araignées. Comme les vers à soie qui ne cessent de s'enlacer dans leur propre travail, le cœur s'enlace dans les mauvaises affections... 2. Saint Jérôme: dans la perversité, chemins tortus; les voies détournées deviendront droites. Le premier pécheur, le diable, prit la forme d'un serpent, parce que les pécheurs, comme les serpents, se replient sur eux-mêmes, ne s'avancent pas directement, et détournent leur tête tantôt à droite, tantôt à gauche. 3. Chaldaïque: les voies obliques. Même sens. Vous ne vous détournerez pas à droite et à gauche; boiter de part et d'autre; à droite, par l'action, car c'est la droite qui agit; à gauche par l'omission, car la gauche est inerte et ne fait rien. Ou bien, on marche d'une manière oblique en faisant tantôt bien, tantôt mal; comme ceux qui juraient par Dieu et jurent par Melchom.

            Les joindra a ceux qui commettent l'iniquité. 1. A ceux qui ouvertement mènent une vie de péché; ou bien, 2. avec les démons (qui est préparé pour le diable). Le diable est l'artisan, l'architecte de l'iniquité.

            Que la paix soit sur Israël. Voir l'histoire rapportée dans la Genèse: Jacob lutta avec Dieu, d'où son nom de puissant contre Dieu, ou de prince avec Dieu, ce qui revient au même; car celui qui agit en prince avec Dieu, dans [186] le combat le rend son sujet. C'est pour cela que Pereira, Viegas, Corneille disent avec saint Jerome qu'Israël signifie prince avec Dieu ou de Dieu. Mais à la fin de toutes les Bibles, ces mots sont traduits par: puissant contre Dieu. [187]

CXI. Fragment d'une homélie sur l'histoire de Jacob

 

1616

 

(INÉDIT)

 

LECT. 10 AD VITAM PATRIARCHÆ JACOB

 

            Benedicens ergo illi, ait: Tu es filius meus Esau? Respondit: Ego sum. At ille: Affer inihi, inquit, cibos de venatione tua, fili mi, ut benedicat tibi anima mea. Quos cum oblatos comedisset, attulit ei etiam vinum; quo hausto, dixit ad eum: Accede ad me, et da mihi osculum, fili mi. Accessit, et osculatus est eum. Statimque ut sensit vestimentorum illius [188] fragrantiam, benedicens illi, ait: Ecce odor filii mei sicut odor agri pleni cui benedixit Dominus.

            Explicatum est in aliis lectionibus, [1.] cur venationem expetiverit Isaac, nempe quia non inerti filio danda benedictio sed servienti. 2. Quid significet cibus ille et potus, nempe Eucharistiam et bona opera, maxime eleemosinam. 3. Quomodo non sit mentitus Jacob dicendo se esse Esau. Hæc enim in superioribus jam obviam habuimus; quæ autem hujus textus propria sunt dicenda juxta quadruplicem sensum.

 

            1. Benedicens, id est, benedicere volens. 2. Ut benedicat tibi anima mea. Hebraismus, Pereira: ex animo, vel anima pro homine, ut ego benedicam. Rebecca referens eam sententiam ait: ut benedicam tibi coram Domino; Pereira: id est, annuente et favente Domino. Gen. 6: Corrupta est terra coram Domino. [Ibid.,] 13: Sodomitæ pessimi erant coram Domino nimis. (Coram Domino in bonis, id est, de la part de Dieu et in ejus nomine; in malam partem, id est, contra Dominum. Ut Num., coram sole esse est illuminari; et si peccaverit in te (id est, coram te), contra vos; id est, in aspectum, et vicissim in aspectu, id est, contra. Sic [189] namque dicendum in iis quae contraria sunt ut in iis quæ consona: coram esse, id est, excipere.)

            [3.] Ecce; Hebraice, vide odorem; Gallice propriissime, voyci. Oleaster: videre ad omnes sensus spectat, ut: Quia vidisti me, cætera itaque vide, id est, olfac. Sic Gallice: II faut voir sil est chaud.

            4. Agri pleni (pleni additum a Septuaginta). Notandum debere populos alimenta iis qui eos alunt spiritali cibo. Id tam apertum est ut in lege naturæ observatum sit. Abraham, Gen., XIIII: Dedit ei (Melchisedech) decimas omnium; et apud Gentiles, ut testatur Plinius, [Hist. nat.,] 1.12. c. 14, de thuris decima data Sabin Deo. Et Jacob noster, [Gen.,] c. 28: Decimasque omnium quæ dederis mihi offeram tibi. Divus vero Thomas, 2a 2æ, id clarissime ostendit; dicens in lege naturæ fuisse primogenitos sacerdotes, illisque ob id duplo majorem portionem datam, ut videre est in Joseph et Jacob.

            In Lege veteri clarum est: Decimas do omnium quæ possideo. Mat. 23: Væ vobis, hipocritæ, qui decimatis mentham et anethum et cyminum, et graviora legis reliquistis, misericordiam et judicium et fidem; hæc opportuit facere, et illa non omittere. [190]

            In Lege nova centum locis Apostolicis, secl unicus sufficit, I. Cor. 9, inter alia illud: Non alligabis os bovi trituranti, Deut. 25, non ut detur illi triticum sed fenum. Sic enim plerique vellent dare sacerdotibus Evangelium (Non in solo pane vivit homo), at non, sed paleas, sed fenum, id est, temporalia. Sic terra cælo dat nubes, a quo accipit vim generandi. Quota quidem sumptuum non est juris divini, sed propemodum est, ut videtur ex iis qui in lege naturali jam dabant. Ratio est quia, ut ait Sanctus Thomas, decimus numerus perfectio numeri est, sin velis progredi iterum incipiendum. Exaggerandum furtum decimarum, nam valde est frequens in Sabaudia.

            2. Da mihi osculum. Osculum signum benevolentiæ et perfecti amoris. Salutate fratres in osculo sancto; 1. Cor. 16, 2. Cor. 13……………………………………………………………….

            A peyne Isaac avoit acheve son propos et Jacob estant sorti, voyci Esau arrive, et apporte des viandes de sa chasse apprestees a son pere, disant: Levés vous, mon pere, et manges de la chasse de vostre filz, affin que vostr'ame me benisse………………………………………… [191]

 

 

 

LEÇON X SUR LA VIE DU PATRIARCHE JACOB

 

            C'est pourquoi le bénissant, il dit: Es-tu mon fils Esaü? Il répondit: Je le suis. Alors Isaac lui dit: Apporte-moi de ta chasse, o mon fils, afin que mon âme te bénisse. Lorsqu'il en eut mangé, Jacob lui offrit aussi du vin; l'ayant bu, Isaac lui dit: Approche-toi de moi, et donne-moi un baiser, mon fils. Il s'approcha et le baisa. Dès qu'Isaac eut senti le parfum de ses vêtements, [188] il dit en le bénissant: Voici que l'odeur de mon fils est comme l'odeur d'un champ fertile que le Seigneur a béni.

            Il a été expliqué dans les autres leçons, [1.] pourquoi Isaac demanda de la venaison; c'est qu'il voulait donner sa bénédiction à un fils dévoué et non à un paresseux. 2. Ce que signifient cette nourriture et ce breuvage, c'est-à-dire l'Eucharistie et les bonnes œuvres, surtout l'aumône. 3. Comment Jacob n'a pas menti en déclarant qu'il était Esati. Nous avons déjà touché ces points plus haut; mais ce qui concerne proprement ce texte, nous l'expliquerons selon les quatre sens qu'il peut présenter.

            1. Bénissant, c'est-à-dire, voulant bénir. 2. Afin que mon âme te bénisse. D'après Péreira ce serait un hébraïsme qui signifie de tout cœur, ou bien l'âme est prise pour l'homme: afin que je te bénisse. Rébecca rapportant cette parole dit: afin que je te bénisse devant le Seigneur; c'est-à-dire, selon Péreira, du consentement et par la grâce du Seigneur. La terre fut corrompue devant le Seigneur. Les habitants de Sodome étaient extrêmement méchants devant le Seigneur. (Devant le Seigneur étant pris en bonne part, signifie de la part de Dieu et en son nom ; en mauvaise part, il signifie contre le Seigneur. De même, être devant le soleil, c'est être éclairé; et s'il pèche envers toi, devant toi, a le même sens que contre vous; en votre présence équivaut à devant [189] vous, et pareillement signifie [quelquefois] contre vous. Car on peut employer cette locution pour les choses contraires comme pour les choses favorables: être devant, c'est-à-dire [être prêt] à recevoir.)

            [3.] Voici; en hébreu: vois l’odeur; en français, très correctement, voici. Oleaster dit que voir se rapporte à tous les sens, comme: Tu m'as vu, vois aussi le reste, c'est-à-dire, sens-le. C'est ainsi qu'on dit en français: Il faut voir s'il est chaud.

            4. D'un champ fertile (fertile a été ajouté par les Septante). Faire remarquer que les peuples doivent nourrir ceux qui leur donnent la nourriture spirituelle. Ce devoir est si évident qu'il a été observé dans la loi naturelle: Abraham, Gen., XIV: Il lui donna (à Melchisédech) la dîme de tout. Il en était de même des Gentils, comme le témoigne Pline, parlant de la dîme de l'encens donnée au dieu Sabin. Et notre Jacob dit au chap. XXVIII: La dîme de tout ce que vous me donnerez, je vous l'offrirai. Saint Thomas démontre très clairement ce fait en disant que dans la loi de nature les prêtres étaient les aînés, et que par suite, ils recevaient une part d'héritage deux fois plus grande, comme on peut le constater pour Joseph et Jacob.

            L'existence de ce précepte dans l'ancienne Loi est évidente: Je donne la dîme de tout ce que je possède. Malheur à vous, hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et qui négligez les choses les plus graves de la loi, la miséricorde, la justice et la foi; il fallait faire ceci et ne pas omettre cela, [190]

            Dans la Loi nouvelle les Apôtres en parlent dans cent endroits de leurs écrits, mais un seul témoignage suffît, entre autres celui-ci: Tu ne lieras pas la bouche au bœuf qui broie, afin qu'il puisse manger non pas le grain, mais le foin. Ainsi plusieurs veulent bien abandonner au prêtre l'Evangile (L'homme ne vit pas seulement de pain), mais cela ne suffit pas, il faut lui donner aussi la paille et le foin, c'est-à-dire les ressources matérielles. Ainsi la terre donne les nuées au ciel qui lui communique la force de la génération. Il est vrai que le droit divin n'indique pas dans quelle proportion on doit subvenir aux besoins du prêtre, mais l'exemple de ceux qui suivaient la loi naturelle le détermine à peu près. La raison en est, comme dit saint Thomas, que le nombre dix est un nombre parfait, et qu'aller au-delà c'est recommencer. Exagérer le vol des dîmes, car il est très commun en Savoie.

            2. Donne-moi un baiser. Le baiser est le signe de la bienveillance et de l'amour parfait. Saluez les frères dans le saint baiser……………………………………………………………….

[Reprendre au texte, lig. 17.] [191]

CXII. Seconde homélie sur le même sujet

 

1616

 

(INÉDITE)

 

AD VERS. 9. 10. 12.

 

Adhuc loqnebantur, et ecce Rachel, etc.

[GEN., XXIX, 9.]

 

            Ad litteram. Nota 1. quæ in alia lectione relicta sunt, pro explicatione eorum quæ ad veri pastoris imaginem spectant. 1. Rachel veniebat cum ovibus patris sui; nam et gregem ipsa pascebat. Consideremus, fratres et coadjutores mei, oves nostras esse oves Patris; hoc nobis inculcat Christus in persona Principis pastorum: Diligis me? Pasce oves meas. Meas dixit, non tuas; nam meo nomine, mihi, de meo corpore et sanguine pascis. 2. Consideremus Rachelem esse cum ovibus patris; debemus et nos esse cum ovibus, amore, benevolentia, animo et corde: Anima est ubi amat. Ecce quam [192] bonum habitare in unum, id est, concorditer. Cum ovibus, etiam pæsentia corporali, ob residentiam; secundum quam Episcopi sunt omnibus presentes dum in diocæsi, curati dum in parrochia. 3. Non satis est presentem esse ovibus ni pascas; nam gregem ipsa ipsa pascebat. Quam multi sunt similes Nabalo, qui intererat tondendis pecoribus, non autem pascendis. 4. Ovis est Rachel Hebraice: qui recte vult pascere ovis esse debet, non lupus, non hæreticus, non capra; non debet dissimilis esse ovibus; nec sibi sapere, sed Christo. At hæretici non sunt similes ovibus cæteris, sed alterius opinionis: solus erat Luther, solus Calvinus, etc. Debet esse ovis, ex forma factus gregis (non dominantes in cleris); et quando ovis pascit oves, ipsa quoque inter oves pascit.

            Nota 2. Jacob primam dedisse significationem futuri matrimonii cum Rachele dum ipsa suis pascendis ovibus insistit, et prope fontem ad quem ipsa venire solebat. Origenes, hom. 10, citatus a Glossa ad c. 24 Genes.: «Rebecca quotidie veniebat ad puteum, quotidie hauriebat aquam,» et cætera, ibi ab Eliezer eligitur. Hæc hic transferri possunt; nam credendum cum ex puteo [193] adaquarentur greges, etiam haustu id factitatum, cum maxime non modo in eadem regione, in eodem solo, et forsan in eodem puteo in quo Rebecca desponsata est hoc factum sit. Ergo quotidie pascit oves, quotidie haurit aquam Rachel, et ibi a Domino desponsatur. Vis Deo placere? Si non elegisti modum vivendi, elige; elegisti, insiste operi: Deum ibi invenies, Deus tui sollicitus erit. Sed pulchre Origenes ad tropologiam.

            3. Nota discrimen inter occursum Rebeccæ et Rachelis; nam Rebecca adaquat camelos servi, e contrario Rachel oves adaquantur a Jacob. Eliezer erat servus, at Jacob ipsemet sponsus. Nos confessarii et pastores servi non ante vobis damus inaures verborum absolutionis, nec ablutionis (quæ sunt auditui nostro gaudium et lætitia, unde: exultant ossa humiliata), quam vos nobis exhibeatis signa compunctionis, et adaquetis nos sensusque nostros testimonio contritionis. At Christus, qui est Dominus ipse, dat antequam petamus, non enim peteremus nisi petere doceret interius: Prævenisti eum in benedictionibus dulcedinis. [194]

            4. Nota benevolentiam et beneficentiam Jacob, prompte exhibitam pecoribus; quia nimirum, ait Scriptura, sciret esse oves Laban avunculi sui. Qui recipit prophetam in nomine prophetæ, mercedem prophetæ accipit. Vide locum. Hinc amor analogicus, honor analogicus, pro rebus quæ ad Deum spectant. Rebecca idem fecit etiam camelis; nihil spernit charitas. Exemplum mirabile de D. Hieronimo, lavante pedes peregrinorum et etiam camelorum et equorum in domo Bethleemitica. Tantus vir, mundo tam celebris, ætate provectus. Scioli, id est, doctores hujus temporis et prelati, dixissent eum male tempus trivisse et non servasse decorum. At non terit tempus qui humilitati acquirendæ insumit.

            Nota 5. Dubium esse, apud D. Augustinum et posteriores, quomodo Jacob osculatus sit Rachelem, vel potius quomodo Rachel permiserit se osculo peti a Jacob. Dupliciter respondet Augustinus: 1. Jacob antequam oscularetur Rachel indicasse ei se consobrinum suum esse, licet id per recapitulationem postea tantum dictum sit; 2. Jacob, conscium Rachelem sibi consobrinam, in ejus osculum, non expectato ejus consensu, irruisse. At vero, ut dicam libere quid mihi videatur, et quando ibi [195] datur occasio nec tempus est dissonum, facio duas differentias osculorum; nam osculum aliud malum est, aliud bonum. Malum contingit esse tripliciter. A fine; ut osculum Judæ, et illius meretricis, Proverb. 7. (Venenum aspidum sub labiis earum.) Ab eventu: ut sunt oscula frequentia inter juvenes; nam etsi initio fiant sine omnino malo fine, tamen propter imbecillitatem hominum in detrimentum vergunt pudicitiæ; nam mirum quomodo velociter ignis accendatur. Duplex similitudo: trahis funem alligatum portæ monasterii exterius, et campana pulsat interius; tangis os exterius, concupiscentia pulsat interius; nam est quædam colligatio inter sensus internos et externos. Item admoves ignem catapultæ exterius, et statim accenditur interius. Mittis piper inter labia, non urit; paulo post uret. A circumstantiis: nam meretricias mulieres osculari viris, lenones mulieribus, semper fuit et erit scandalo.

            Bonum osculum item tripliciter esse contingit. Urbanitatis; ut est mos etiam inter gnotos in Gallia, et fuit olim inter Romanos, et Hebræos teste Domino: Osculum mihi non dedisti. Amicitiæ, sive sanctæ sive moralis, ut hic et inter primos Christianos. Et reverentiæ; at hoc [196] fiebat etiam ad pedes, sed et ad genas quoque aut os. Osculamini Filium. Amicitiæ autem ideo est simbolum quia os est aquæductus totius animæ et cordis.

            At jam dices: Si inter antiquos Christianos oscula erant adeo crebra, cur nunc non sunt? Peto a vobis: Cur tempore sanitatis omnes tangant invicem, halitum alterius, sive vestes, nemo fugiat; tempore pestis omnes invicem fugiant? Quia, inquies, tempore pestis periculum est ex contactu. Vere Deus! olim omnes Christiani erant sancti et sani, propterea nemo contactum labiorum, nemo halitum incorruptum fugiebat; at nunc:

                        «Frigidus, o pueri, fugite hinc, latet anguis in herba.»

Tunc erant oves, nunc hædi halitu fœtido: Sepulchrum patens guttur eorum. Sic antiquitus vigiliæ, quia Christiani erant lux in Domino; nunc minime, ne tenebræ nos comprehendant.

            «Quantum mutatus ab illo

            Hectore qui redit induvias indutus Achillis.»

Sed de iis satis. [197]

            Noster ergo Jacob innocentissime suam Rachelem osculatur; Rachel urbane et amice ab homine bonæ indolis et vultus ingenui osculum excipit. O date mihi innocentiam Jacob et Rachel, et per me liceat osculentur. Qui vellet posset hic afferre quæ de Sancto Lupo refert Marulus, in cap. de vitando temerario judicio.

            Nota 6. Quare flevit Jacob? Hebræi, apud Lyranum, ob inopiam et mauvais equippage, ut supra de historia Eliphaz. At minime probabile, quamvis historia probabilis. Ergo ex teneritudine, videns se impegisse feliciter in eam quam sibi uxorem fore tacito instinctu sperabat, et se jam iter propemodum confecisse, recte appulisse. Virginem gratam sibi amœnitate vultus suavitatem ingerentem videre.

            Nota 7. Rachelem statim cucurrisse et nunciasse Labam. Prudens puella, utinam sic facerent omnes. Vobis blanditur aliquis, statim renunciate patri aut matri ne decipiamini. Hoc modo, ut libere dicam, non tot deciperentur; sed non renunciant donec intumescens venter denunciet. [198]

 

Allegoria

 

            Ex Augustino et Ruperto. Quare Rebecca, Rachel, Sephora, trium insignum Patriarcharum uxores, ad aquas reperiuntur? Quia ad aquas Baptismi Ecclesia Christo desponsanda; nam Rachel Ecclesiam Catholicam perpetuo signat allegorice, Jacob Christum. Sed osculum pacis ubi datur a Christo fideli animæ? Flens in cruce, nam ibi puteus aquarum meritorum. Divus Ambrosius mirifice: Mezopotamia Ecclesia, Rachel Christianus. Ecclesia inter duos fluvios, Tigrim et Euphraten: Pœnitentia pro peccatis actualibus, Baptismum (sic) pro originali. Puteus est doctrina Christiana, quæ inter hæc duo Sacramenta nos conducit ad vitam æternam; nam semper pœnitendum baptisatis. Baptismo desponsamur, non nuptias facimus; quia nuptiæ fiunt tantum in Cælo, ubi inseparabiliter inhæremus.

 

Tropologice

 

            Deinceps Jacob erit homo per pœnitentiam justificatus de terra Canaam egressus; Rachel, vita [199] contemplativa, juxta D. Gregorium. Qui vult progredi post pœnitentiam, contempletur æterna. Osculari contemplativam est meditari; meditamur autem adaquato grege Rachelis, ob desiderium virtutum quæ comitantur contemplationem. At Rachel continuo renunciat matri, quia meditatio continuo nos promovet erga charitatem.

 

Anagogice

 

            Jacob, spiritus in gloria, osculatur carnem per resurrectionem, ejusque adaquat gregem sensuum summa voluptate, et flet præ gaudio. Non est luctus, sed fletus gaudentium; ut Joseph, cum vidit suum Benjamin; nam tunc corpus videt suum fratrem uterinum Christum. Et caro renunciat matri, id est, misericordiæ Dei, vel Hierusalem cælesti. [200]

 

 

 

POUR LES VERSETS 9, 10, 12.

 

            Ils parlaient encore, quand Rachel, etc.

 

            Sens littéral. Noter d'abord ce que j'ai omis dans une autre leçon pour tracer le portrait du vrai pasteur, 1. Rachel venait avec les brebis de son père; car elle-même paissait le troupeau. Considérons, mes frères et mes coopérateurs, que nos brebis sont celles de notre Père. Le Christ nous l'enseigne en s'adressant au Prince des pasteurs: M'aimes-tu? Pais mes brebis. Il dit les miennes, non les tiennes; car tu les pais en mon nom, pour moi, de mon corps et de mon sang. 2. Remarquons que Rachel est avec les brebis de son père; nous aussi nous devons être avec les brebis, par amour et bienveillance, d'esprit et de cœur: L'âme est là où elle aime. Voyez combien il est bon [192] d'habiter ensemble, c'est-à-dire, en toute concorde. Avec les brebis, même par la présence corporelle, par la résidence. Ainsi les Evêques sont présents à tous lorsqu'ils sont dans leur diocèse, les curés, lorsqu'ils sont dans leur paroisse. 3. Il ne suffit pas d'être auprès des brebis, si on ne les nourrit. Rachel elle-même paissait son troupeau. Qu'ils sont nombreux ceux qui, semblables à Nabal, sont présents au milieu de leur troupeau seulement pour le tondre et non pour le paître! 4. En hébreu, le nom de Rachel signifie brebis: celui qui veut être bon pasteur doit être brebis, et non loup, hérétique, chèvre; il doit ressembler aux brebis; suivre non son propre sens, mais celui du Christ. Or, les hérétiques ne ressemblent pas aux autres brebis, ils pensent différemment: Luther était seul, Calvin seul, etc. Le bon pasteur doit être brebis, fait sur le modèle du troupeau (ne dominant pas le clergé); quand une brebis paît des brebis, elle-même paît parmi ces brebis.

            Noter en second lieu que Jacob nous donne la première signification du mariage qu'il devait contracter avec Rachel, en la choisissant pendant qu'elle s'attachait à paître ses troupeaux, et auprès de la fontaine où elle avait coutume de venir. Origène dit dans sa Xe homélie sur la Genèse, citée par la Glose sur le chap. XXIV du même livre: «Rébecca venait chaque jour au puits, chaque jour elle en tirait de l'eau,» etc., et c'est là qu'Eliézer la choisit. Ces [193] circonstances peuvent être appliquées ici. Comme, en effet, Rachel abreuvait ses troupeaux au puits, on peut croire qu'elle tirait elle-même l'eau qui leur était nécessaire, parce, surtout, que ce fait eut lieu non seulement dans le même pays, sur le même sol, mais aussi peut-être au puits même auprès duquel Rébecca fut promise. Rachel donc paît chaque jour ses brebis, elle tire de l'eau du puits chaque jour, ét auprès de ce puits, elle est promise en mariage par le Seigneur. Veux-tu plaire à Dieu? Si tu n'as pas choisi un genre de vie, choisis-le; si tu l'as choisi, applique-toi au devoir de ton état: tu y trouveras Dieu, Dieu prendra soin de toi. Voir le beau passage d'Origène pour le sens tropologique.

            Noter en troisième lieu qu'il y a une différence entre la rencontre de Rébecca et celle de Rachel. Rébecca abreuve les chameaux du serviteur, et c'est Jacob au contraire qui abreuve les brebis de Rachel. Eliézer était un serviteur, Jacob était lui-même l'époux. Nous, confesseurs et pasteurs, qui sommes serviteurs, nous ne vous donnons les pendants d'oreilles des paroles de l'absolution ou de la purification (source de joie et d'allégresse pour les oreilles de notre coeur, d'où le texte: les os humiliés tressaillent) que lorsque vous nous avez donné des signes de componction, que vous nous avez sensiblement abreuvés du témoignage de votre contrition. Mais le Christ, qui est le Seigneur lui-même, donne avant que nous ne demandions, car nous ne demanderions pas s'il ne nous enseignait intérieurement à demander: Vous l'avez prévenu des bénédictions de douceur. [194]

            Noter en quatrième lieu l'intérêt et le dévouement que Jacob témoigne aussitôt pour le troupeau; c'est que, dit l'Ecriture, il savait que ces brebis étaient celles de son oncle Laban. Qui reçoit un prophète au nom d'un prophète, reçoit la récompense du prophète. Voir ce passage. Nous devons porter à tout ce qui concerne Dieu un amour et un honneur analogues à celui que nous avons pour Dieu lui-même. Rébecca agit d'après ce principe même envers des chameaux; la charité ne méprise rien. Admirable exemple de saint Jérôme qui lavait les pieds des pèlerins, et même ceux des chameaux et des chevaux dans sa maison de Bethléem. Un si grand homme, si célèbre dans le monde, avancé en âge! Les demi-savants, c'est-à-dire les docteurs et les prélats de notre époque, eussent dit qu'il employait mal son temps, qu'il ne conservait pas sa dignité. Ah! celui-là ne perd pas son temps qui l'emploie à acquérir l'humilité.

            Noter en cinquième lieu. Saint Augustin et ceux qui l'ont suivi se demandent comment Jacob a osé baiser Rachel, ou plutôt comment Rachel a permis à Jacob de la baiser. Saint Augustin donne deux réponses: 1. Avant d'embrasser Rachel, Jacob lui avait déclaré qu'il était son cousin, bien que cela ne soit dit qu'ensuite, par récapitulation; 2. Jacob, sachant que Rachel était sa cousine, se précipita pour l'embrasser sans attendre son consentement. Toutefois, pour dire librement mon opinion, et puisque l'occasion et le temps [195] le permettent, je distinguerai deux sortes de baisers: l'un est mauvais, l'autre bon. Un baiser peut être mauvais de trois manières. Par la fin qu'on se propose, comme celui de Judas et celui de cette pécheresse dont il est parlé dans les Proverbes. (Le venin de l'aspic est sous leurs lèvres.) Par ses conséquences: tels sont les baisers fréquents entre jeunes gens; parce que, bien qu'au début ils se donnent sans dessein tout à fait mauvais, toutefois, par suite de la fragilité humaine, ils tournent au détriment de la pudeur; car il est étonnant combien ce feu s'allume vite. Voici deux comparaisons: vous tirez le cordon fixé extérieurement à la porte d'un monastère, et la clochette sonne à l'intérieur; vous touchez la bouche à l'extérieur, et la concupiscence frappe à l'intérieur, car il existe un certain lien entre les sens intérieurs et les extérieurs. Ainsi, vous approchez le feu à l'extérieur d'un canon, et il s'allume instantanément à l'intérieur. Vous vous mettez du poivre sur les lèvres, il ne brûle pas, mais peu après il brûlera. Par les circonstances...

            De même, un baiser peut être bon de trois manières. Quand il est donné par politesse, et c'est en France la coutume, même entre de simples connaissances, comme autrefois chez les Romains, et pareillement chez les Hébreux, témoin le Seigneur: Tu ne m'as pas donné de baiser. Quand c'est un témoignage d'amitié ou sainte ou purement morale, comme dans le cas dont nous traitons et comme [196] on en usait entre les premiers Chrétiens. Quand c'est un signe de respect; mais ce baiser se donnait aussi sur les pieds comme sur les joues ou sur la bouche. Baisez le Fils. Le baiser est un symbole d'amitié parce que la bouche est le canal par lequel se déversent toute l'âme et tout le cœur.

            Mais vous direz peut-être: Si les baisers étaient si fréquents entre les anciens Chrétiens, pourquoi ne le sont-ils plus aujourd'hui? Je vous demande moi: Pourquoi en temps de salubrité, tous se touchent-ils réciproquement, personne ne fuit l'haleine ou le vêtement d'autrui; et en temps de peste, pourquoi tous se fuient-ils les uns les autres? Vous me direz: C'est qu'en temps de peste tout contact est dangereux. Vrai Dieu! jadis tous les Chrétiens étaient saints et sains, nul donc ne craignait le contact des lèvres, personne n'évitait une haleine pure; mais aujourd'hui:

                        «Fuyez d'ici, jeunes gens, un froid serpent est caché sous l'herbe.«

            Il n'y avait alors que des brebis, il y a aujourd'hui des boucs à l'haleine fétide: Leur gorge est un sépulcre ouvert. De même, anciennement avaient lieu des veilles parce que les Chrétiens étaient lumière dans le Seigneur; on les a supprimées aujourd'hui de peur que les ténèbres ne nous surprennent.

            «Qu'il différait de cet Hector

            Qui revenait couvert des dépouilles d'Achille!»

Mais c'est assez sur ce point. [197]

            Notre Jacob embrasse donc très innocemment sa Rachel; Rachel accepte ce baiser de courtoisie et d'amitié de la part de cet homme au caractère bon et au franc visage. Oh! donnez-moi des personnes qui aient l'innocence de Jacob et de Rachel et je leur permets de se baiser. Si on le voulait, on pourrait rapporter ici le trait que Marulus cite de saint Loup, dans le chapitre de la fuite du jugement téméraire.

            Noter en sixième Heu: Pourquoi Jacob pleura-t-il? Les Hébreux, d'après Lyranus, disent que ce fut à cause de sa pauvreté et de son mauvais équipage, comme il est dit plus haut dans l'histoire d'Eliphaz. Mais il est peu probable que ce fût pour cette raison, quoique le récit de Lyranus soit probable. Il pleura donc de tendresse, en voyant qu'il avait heureusement rencontré cette personne qu'un secret instinct lui faisait espérer d'obtenir pour épouse, et parce qu'il avait à peu près achevé son voyage et arrivait au terme. Il pleurait d'attendrissement en voyant une vierge qui lui plaisait et qui le charmait par les grâces de son visage.

            Noter en septième lieu que Rachel courut aussitôt annoncer cette rencontre à Laban. O prudente jeune fille, plût à Dieu que toutes vous imitassent! Quelqu'un vous caresse, pour ne pas être déçues allez aussitôt le dire à votre père ou à votre mère. S'il en était ainsi, pour parler franchement, il n'y aurait pas tant de filles trompées; mais voilà, elles ne parlent que lorsqu'il n'en est plus temps. [198]

 

Sens allégorique

 

            D'après saint Augustin et Rupert. Pourquoi Rébecca, Rachel, Séphora, épouses de trois illustres Patriarches, ont-elles été rencontrées au bord de l'eau? Parce que l'Eglise doit épouser le Christ dans les eaux du Baptême. Rachel, en effet, représente toujours allégoriquement l'Eglise Catholique, et Jacob, le Christ. Mais où donc le Christ donne-t-il le baiser de paix à l'âme fidèle? En pleurant sur la croix, car là est le puits des eaux de ses mérites. Saint Ambroise dit admirablement: La Mésopotamie, c'est l'Eglise, et Rachel, le Chrétien. L'Eglise est entre deux fleuves, le Tigre et l'Euphrate: la Pénitence pour les péchés actuels, le Baptême pour le péché originel. Le puits est la doctrine chrétienne qui, entre ces deux Sacrements, nous conduit à la vie éternelle; car un baptisé doit toujours faire pénitence. Par le Baptême nous sommes fiancés et non encore épousés, les noces ne se font qu'au Ciel où nous serons inséparablement unis [au Christ].

 

Sens tropologique

 

            Ensuite Jacob sera l'homme justifié par la pénitence, sorti de la terre de Chanaan; Rachel, d'après saint Grégoire, représentera la vie contemplative. [199] Après la pénitence, celui qui veut progresser doit contempler les choses éternelles. Embrasser la vie contemplative, c'est méditer; or nous méditons en abreuvant le troupeau de Rachel, c'est-à-dire en désirant les vertus qui accompagnent la contemplation. Rachel annonce aussitôt la nouvelle à sa mère: la méditation nous porte aussitôt vers la charité.

 

Sens anagogique

 

            Jacob, c'est l'esprit dans la gloire, qui baise la chair au jour de la résurrection, abreuve le troupeau de ses sens d'une souveraine volupté et pleure de joie. Les larmes de deuil feront place aux larmes de joie. Tel Joseph lorsqu'il vit son Benjamin; car alors le corps verra son propre frère, le Christ, et notre chair l'annoncera à sa mère, c'est-à-dire à la miséricorde divine ou à la Jérusalem céleste. [200]

CXIII. Fragment d'une autre homélie sur le même sujet

 

1616

 

(INÉDIT)

 

AD VERS. 30

 

            Jam septem annis servierat Jacob pro Rachel, antequam eam haberet. Postea item aliis septem annis servit. Et quia Rachel unionem cum Deo, perfectam charitatem, et vitam contemplativam designat, mihi videor observare mistice septem gradibus nos ad perfectionem evehi, septemque virtutibus nos perfectioni servire; et hi septem gradus sunt septem dona Spiritus Sancti.

……………………………………………………………………………………………….. [201]

 

 

 

SUR LE VERSET 30

 

            Sept ans déjà Jacob avait servi pour Rachel qu'il n'avait pas encore obtenue. Après cela, il servit encore sept autres années. Comme Rachel représente l'union avec Dieu, la charité parfaite et la vie contemplative, il me semble voir en ce fait un sens mystique: sept degrés nous élèvent à la perfection et nous nous maintenons dans la perfection par sept vertus; ces sept degrés sont les sept dons du Saint-Esprit.

……………………………………………………………………………………………….. [201]

CXIV. Sermon préliminaire sur le Benedictus pour le premier dimanche de l'Avent

 

27 novembre 1616

 

(INÉDIT)

 

SERMONUM IN CANTICUM ZACHARIÆ

AD GRATIANOPOLITANOS MATERIES. l6l6. IN ADVENTU

 

Canticum Zachariæ

 

Et Zacharias repletus est Spiritu Sancto, et prophetavit, dicens: Benedictus

 

            Exordium faciendum ex granatis et tintinnabulis, ut extat fol. 15; hoc tantum addito, quod, quamvis unicuique granato suum tintinnabulum additum est, [202] tamen interdum cum ob motum gressus, complicaretur ora vestis vel fimbriæ, tintinnabulum adjacens uni granato aliud tangebat, et juxta illud sonabat. Et charitas, quæ motus est summi nostri Pontificis, interdum complicat nos, et nunc me, tintinnabulum alterius granati, vobis applicat pro tempore, quamvis aliud excellentius habeatis; et ecce tinnitus et sonus vocis meæ in auribus vestris, etc.

 

            Ayant donques a traitter avec vous, mes treschers auditeurs, des choses divines qui regardent le salut æternel de vos ames, j'ay choisi pour sujet le divin cantique de Zacharie, parce qu'a mon advis, il vous sera extremement aggreable, estant un cantique de louange, un cantique de joye et cantique d'encouragement a bien recevoir le Filz eternel du Pere celeste, qui vient visiter et faire la redemption de son peuple. Et que pouvois-je rencontrer de plus desirable?

            Car premierement, aves vous jamais pense, voyant cet univers, pourquoy il avoit este cree? Deus, antequam quicquam faceret, ab æternitate omnium bonorum aggregatione fruebatur, neque aliquo indigebat. Cur ergo mundum creavit? Audite sapientissimum hominum respondentem, Prov. 16. v. 4: Omnia propter semetipsum fecit Dominus; impium quoque ad diem malam; id est, adeo omnia fecit Deus propter gloriam suam ut impium quoque, de quo minime videbatur, quia ad [203] diem malam, id est, calamitosam et perditionis, ruit, ad gloriam suam trahat. Cum enim gloria Dei constet misericordia et justitia, vel uno vel alio modo omnia in ejus gloriam referuntur.

            Verum gloria Dei duplex est: essentialis una, et propter hanc nihil fecit; sed tantum Pater genuit Filium et cum eo spiravit Spiritum Sanctum, ut suam perfectionem unico illo Verbo exprimeret et unico illo suspirio amaret. Dixi Domino, Deus meus es tu, quoniam bonorum meorum non eges; non ex indigentia creavit, ut homo generat, sed ex abundantia bonitatis suæ quæ communicabilis est. Ergo gloria alia est extrinseca; et propter hanc omnia fecit: Ut ostenderet divitias gloriæ regni sui, ac magnitudinem potentiæ suæ, ut dicitur de convivio Assueri, Est. I. Psal. 49: Nunquid manducabo cames taurorum? etc. Si esuriero non dicam tibi. Immola Deo sacrificium laudis, etc. Sacrificium laudis honorificabit me, et illic in laude iter per quod pervenitur ad videndum salutare Dei. Genebrardus. 1. Cor. 3. v. ult.: Omnia enim vestra sunt, sive Paulus, sive Cephas; videndus locus mirabilis, et tandem: Vos autem Christi, Christus autem Dei. Omnia in Deum referenda, id est, in [204] gloriam Dei, quem universus mundus laudat per hominem tanquam per procuratorem, homo per Christum tanquam per mediatorem, Christus autem per Deum laudat Deum, tanquam per supremum motorem et inspiratorem.

            Sic Apoc. 1 et 22: Ego sum Alpha et Omega. Deus, ex Valentiano, in primam Partem Sancti Thomæ, non est finis sui ipsius, unde non fecit universa propter semetipsum quasi ipse sibi ipsi sit finis agendi, sed fecit universa propter semetipsum quia finis est universorum; universa ergo propter laudem Dei facta sunt, ergo laus Dei finis est totius universi. Unde David: Laudate Dominum de cælis, etc., et Pueri: Benedicite, Confitemini, omnia excitant ad Dei laudem. Homo est in mundo ut philomela in domo quæ alitur, ut cantu suo recreet Dominum mundi. Pline, [Hist. nat.,] 1. 10. c. 29, dit qu'un rossignol blanc fut achete 6 sesterces, c'est a dire 600 escus, pour estre presente a Aggripina, femme de l'empereur Claudius.

            Et Cant. VII. v. 1: Quid videbitis in Sulamite, nisi choros castrorum? Bellum istud pacificum; pace vincit: in pace animæ victoria pugnas cum dæmone, et inquietudo animæ victoria dæmonis. Sulamitis, pacifica, [205] habet castra, et ista castra pugnant choris; chorus autem multitudo est canentium: Facta est multitudo militiæ cælestis cantantium et dicentium: Gloria in excelsis, etc. Sic David vincebat et vinciebat dæmonem cantu. Ista militia cantat. Hinc Ecclesia habet suos cantores et laudatores continuos. Nolite quærere quare tot Ecclesiæ collegiatæ, tot monachi et monachæ: chori sunt castrorum. Id agunt propter quod omnia fecit Dominus. O quam deliciosum ergo canere et psallere nomini Dei Altissimi.

 

            At vero, sunt cantica omnino aliis suaviora; cantica enim alia sunt vetera, alia nova. Ut David videtur sensisse cum: Cantate Domino canticum novum. Vetus est illud Mosaicum pro liberatione temporali: Cantemus Domino, gloriose enim magnificatus est, et omnia cantica eo tendentia, ut Deboræ, Annæ, matris Samuelis. Canticum novum est quod pro Redemptione. Ut Testamentum Antiquum quo terra promissionis dabatur, et virtute cujus possidebatur; Novum Testamentum quo gratia et Ecclesia possidetur, et corpus ipsum Christi quod terra est promissionis. Sic nomen [206] novum quod os Domini locutum est; Isa. 62, initio. Vide supra, fol. 60, verso.

            Jam inter cantica nova quinque reperiuntur excellentissima. Primum fuit Virgineum, Magnificat; 2m, Angelicum, Gloria in excelsis; 3m, Nunc dimittis; 4m, Benedictus; 5m, hymno dicto (et Græce hymno cantato). Hymnus est pro rebus gestis prolixior laudatio, cantata tamen, unde species est cantici. Quemnam autem hymnum dixerit nescitur. Aliqui existimant dixisse: Confitebor tibi in toto corde meo, in concilio justorum et congregatione, qui Psalmus de Eucharistia et Redemptione; alii: Laudate Dominum omnes gentes; alii, novum. Inter istos ergo præferendus iste, ob Authorem; deinde, Magnificat; tertio, Gloria in excelsis; quarto, Nunc dimittis, ob presentem Christum; quinto, Zachariæ.

            Verum se habent ut excedentia et excessa; nam quatuor genera canticorum: [1°.] Phrigium et bellicosum, ut tubarum in obsidione Hiericho et contra Madian; et talis videtur fuisse canticum sive hymnus dictus a Christo post coenam. 2o. Lydium, ad pacandos animos (pagina sequenti), et talis fuit: Lætatus sum [207] in his quæ dicta sunt mihi; et Nunc dimittis, ad animum suum, diuturna expectatione fatigatum, recreandum; et canticum Puerorum in fornace ad seipsos solandos; et canticum Annæ matris Samuelis; et hoc etiam utebantur post victorias, ut Cantemus Domino, gloriose, etc. 30. Dorien, quod ad animos ligandos, conciliandos et persuadendos tendit; tales Psalmi morales, ut Beatus vir qui timet Dominum, Beati immaculati, etc., Nisi Dominus ædificaverit domum; talis fuit Magnificat, et Gloria in excelsis. Quartum Myssolydium, lugubre; tale fuit Hieremiæ, in Threnis, et forsitan Christi, dum diceret: Deus, Deus meus, ut quid dereliquisti me? At canticum Zachariæ omnia complectitur. Nam adhortatur ad victoriam spe auxilii salutaris; mulcet: Benedictus, et: Tu, puer, Propheta; ligat: In justitia et sanctitate. Non tamen plangit.

            Item, sunt cantica prophetica, ut canticum Deus, Deus, respice in me; sunt cantica didascalica, ut Nisi Dominus ædificaverit domum; sunt cantica laudis, ut Magnificat et Gloria in excelsis; et sunt cantica adhortatoria, ut Beati. Istud canticum omnia complectitur. [208]

            Propter hæc ego illud selegi, sed maxime quia de adventu, id est, Christi, ad quem ut paremus viam nos adhortatur. Nam præparatio necessaria est; et quia nos Ecclesia vult paratos esse agit tripliciter. Primo, in introitu Missæ: Ad te levavi animam meam, Dens meus, in te confido, cantico Lydio; mox: Nox præcessit, cantu Phrigio; deinde: Erunt signa, cantu Myssolydio. Et demum: ecce dies veniunt, etc., cantu Dorico. Levate animas vestras ad Deum; dies appropinquavit, nam ecce dies veniunt. Et tandem, erunt signa; tunc Myssolydius cantus, in cælis qui cum enarraverunt gloriam et misericordiam enarrabunt justitiam et iram: invertentur. Vide conciones super Evangelio. [209]

 

 

 

SUJETS DES SERMONS SUR LE CANTIQUE DE ZACHARIE ADRESSÉS AUX GRENOBLOIS PENDANT L'AVENT DE 1616

 

Cantique de Zacharie

 

Et Zacharie fut rempli de l'Esprit-Saint, et prophétisa, disant: Béni soit.

 

            Tirer l'exorde des grenades et des sonnettes, comme il est dit folio 15, en ajoutant simplement ceci: quoique chaque grenade fût accompagnée de sa sonnette, toutefois, de temps à autre, par suite du mouvement imprimé par la [202] marche, le bord du vêtement ou de la frange se repliait, et une sonnette voisine d'une grenade en touchait une autre et sonnait près d'elle. Or la charité, qui est le mouvement de notre souverain Pontife, replie parfois notre vie, et présentement m'applique à vous pour un temps, moi sonnette d'une autre grenade, quoique vous ayez une sonnette bien supérieure; et voici donc que retentit à vos oreilles ma sonnerie et le son de ma voix, etc.

            [Reprendre au texte, lig. 9.]

            Avant de rien créer, Dieu, de toute éternité, jouissait de tous les biens réunis et ne manquait de rien. Pourquoi donc a-t-il créé le monde? Ecoutez la réponse du plus sage des hommes: Le Seigneur a tout fait pour lui, et l’impie même [qui doit servir à sa gloire] au jour mauvais. C'est-à-dire: Dieu a tellement tout fait pour sa gloire, qu'il fait servir à cette gloire l'impie [203] lui-même, ce qu'on n'aurait pas même soupponne, car celui-ci se precipite vers le jour mauvais, le jour de calamite et de perdition. La gloire de Dieu, en effet, consiste dans sa misericorde et sa justice; tout donc, par l'un ou l'autre de ces attributs, contribue à sa gloire.

            Mais il y a en Dieu deux sortes de gloire: l'une essentielle, et pour cette gloire, il n'a rien créé; le Pére a seulement engendré le Fils et avec lui exhale l'Esprit-Saint, afin d'exprimer sa perfection par ce seul Verbe et de l'aimer par ce seul soupir. J'ai dit au Seigneur, vous etes mon Dieu, parce que vous n'avez pas besoin de mes biens; l'homme engendre par indigence, Dieu n'a pas créé par ce motif, mais par l'abondance de sa bonte qui est communicative. Dieu a donc une autre gloire qui lui est extrinseque; et c'est pour celle-ci qu'il a tout créé: Afin de montrer les richesses de la gloire de son royaume et la grandeur de sa puissance, comme il est dit du festin d'Assuerus. Mangerai-je la chair des taureaux? etc. Si j'ai faim, je ne te le dirai pas. Immole à Dieu un sacrifice de louange, etc. Le sacrifice de louange m'honorera, et c'est là, dans cette louange, que se trouve le chemin qui conduit à la vue du salut de Dieu. Génébrard. Tout est à vous, soit Paul, soit Céphas; voir ce merveilleux passage, et enfin: Mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ à [204] Dieu. Il faut tout rapporter à Dieu, c'est-à-dire à la gloire de Dieu: le monde entier le loue par l'organe de l'homme qui lui sert de procureur; l'homme, par le Christ qui lui sert de médiateur, et le Christ loue Dieu par Dieu lui-même comme par Celui qui donne le mouvement et l'inspiration suprêmes.

            De même dans l'Apocalypse: Je suis l'Alpha et l'Oméga. Dieu, d'après de Valentia, sur la première Partie de saint Thomas, n'est pas sa propre fin. Il n'a donc pas tout fait pour lui-même en ce sens qu'il soit la fin de son action, mais il a fait toutes choses pour lui-même parce qu'il est la fin de tout ce qui existe; tout donc a été fait pour la louange de Dieu, la louange de Dieu est donc la fin de tout l'univers. C'est pourquoi, invitant toute créature à la louange de Dieu, David dit: Louez le Seigneur du haut des cieux, etc., et les trois Enfants [dans la fournaise]: Bénissez-le, rendez-lui grâces. Comme une philomèle qui serait nourrie dans une maison, ainsi l'homme est dans le monde pour récréer par son chant le Maître du monde...

            Et au Cantique: Que verrez-vous dans la Sulamite, sinon les chœurs des camps? Mais cette guerre est pacifique, la paix triomphe: c'est dans la paix de l'âme qu'on remporte la victoire sur le démon, et dans le trouble de l'âme [205] le démon triomphe. La Sulamite, la pacifique, possède des camps, et ces camps combattent rangés en chœurs; or le chœur est composé d'une multitude de chanteurs: Une multitude de la milice céleste se réunit, chantant et disant: Gloire au plus haut des cieux, etc. Ainsi David triomphait du démon et l'enchaînait par son chant. Cette milice chante. Aussi l'Eglise a-t-elle ses chantres qui continuellement donnent des louanges à Dieu. Oh! ne demandez pas pourquoi taut de collégiales, de moines, de moniales! Ce sont les chœurs des camps. Ils réalisent l'intention dans laquelle le Seigneur a tout créé. Qu'il est donc délicieux de chanter et d'entonner des cantiques au nom du Dieu Très-Haut !

Mais il y a des cantiques qui surpassent les autres en suavité; il y eu a d'anciens, il y en a de nouveaux. David semble l'avoir en vue lorsqu'il dit: Chantez au Seigneur un cantique nouveau. Ancien est ce cantique qu'entonnait Moïse pour une délivrance temporelle: Chantons le Seigneur, car il s'est glorieusement signalé. Il en est ainsi de tous les cantiques qui ont le même but, comme ceux de Débora et d'Anne, mère de Samuel. Le cantique nouveau est celui qui a pour objet la Rédemption. L'Ancien Testament était celui qui donnait la terre promise, et en vertu duquel on la possédait; le Nouveau est celui en vertu duquel nous possédons la grâce, l'Eglise et le corps même [206] du Christ qui est la [veritable] terre de promission. Ainsi en est-il de ce nom nouveau prononce par la bouche du Seigneur. Voir plus haut, folio 60, verso.

            Or, parmi les cantiques nouveaux il s'en trouve cinq qui surpassent tous les autres en excellence. Le premier est celui de la Sainte Vierge, Magnificat; le deuxieme, celui des Anges, Gloria in excelsis; le troisieme, Nunc dimittis; le quatrieme, Benedictus; le cinquieme, l'hymne dite (au grec, l'hymne chantée). On appelle hymne l'eloge prolonge des hauts faits accomplis; comme elle est chantee, c'est une espece de cantique. Mais quelle hymne a dite le Christ? On ne sait. Quelques-uns pensent qu'il a dit: Confitebor tibi in toto corde meo, in concilio justorum, etc., car c'est le Psaume de l'Eucharistie et de la Redemption; d'autres: Laudate Dominum omnes gentes; d'autres enfin, un cantique nouveau. Parmi ces cantiques donc, il faut preferer le dernier a cause de son Auteur; ensuite, le Magnificat; en troisieme lieu, le Gloria in excelsis; quatriemement, le Nunc dimittis, parce que le Christ etait present; cinquie mement, le cantique de Zacharie.

            Cependant, l'objet de ces cantiques a plus ou moins d'etendue; car il y a quatre espaces de chants: [1.] le Phrygien, belliqueux; semblable au son des trompettes qui retentirent au siege de Jericho et contre Madian: de cette sorte parait avoir ete le cantique ou l'hymne dite par le Christ apres la cene. 2. Le [207] Lydien, pour apaiser les esprits (voir à la page suivante); tel est le Psaume: Lætatus sum in his quæ dicta sunt milii; le Nunc dimittis, chanté par Siméon pour reposer son esprit, fatigué par une longue attente; le cantique que les Enfants chantaient dans la fournaise pour se réconforter, et celui d'Anne, mère de Samuel. On chantait aussi, après les victoires, des cantiques de ce genre, comme le Cantemus Domino, gloriose, etc. 3. Le Dorien, dont le but est de captiver, de concilier, de persuader les esprits; tels sont les Psaumes moraux, comme ceux-ci: Beatus vir qui timct Dominum, Beati immaculati, etc., Nisi Dominas œdificaverit domum; tels furent le Magnificat et le Gloria in excelsis. 4. Le Myssolydien, au ton lugubre; c'est le genre de Jérémie dans les Thrènes, et peut-être aussi du Christ quand il disait: O Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? Or le cantique de Zacharie comprend tous ces genres. Il excite à la victoire par l'espérance d'un secours libérateur; il apaise: Béni soit, et: Toi, enfant, Prophète; il captive: Dans la justice et la sainteté. Toutefois, il ne gémit pas.

            De plus, il y a des cantiques prophétiques, comme celui-ci: Deus, Deus, respice in me; des cantiques didactiques: Nisi Dominus œdificaverit domum; des cantiques laudatifs: Magnificat, Gloria in excelsis; des cantiques d'exhortation: Beati. Celui de Zacharie les embrasse tous. [208]

            C'est ce motif qui me l'a fait choisir, surtout parce qu'il parle de la venue du Christ dont il nous exhorte à préparer les voies. Une préparation est en effet nécessaire; et comme l'Eglise veut que nous soyons prêts, elle exerce sur nous une triple action. Premièrement, à l'Introït de la Messe: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme, mon Dieu, je me confie en vous, c'est le cantique Lydien; bientôt après: La nuit passe, cantique Phrygien; ensuite: Il y aura des signes, chant Myssolydien. Puis: Voici venir les jours, etc., chant Dorien. Levez vos âmes vers Dieu; le jour approche, car voici venir les jours. Et enfin: Il y aura des signes. Le chant Myssolydien s'exécutera dans les cieux, qui, après avoir raconté la gloire et la miséricorde, raconteront la justice et la colère: leur rôle sera interverti. Voir les sermons sur cet Evangile. [209]

CXV. Sommaire d'un sermon sur le premier verset du Benedictus, pour le deuxième Dimanche de l'Avent

 

4 décembre 1616

 

(INÉDIT)

 

SERMO 7. DOMINICA SECUNDA ADVENTUS

 

Plebis suæ

 

            Ad illa verba Deus Israel, dixi Deum esse Deum Israelis religione. At quare hic fecisse redemptionem plebis suæ? An quia Deus est plebis, an quia plebs Israel est Dei?

            Israel est plebs peculiaris Dei, quia Deus selegerat et redemerat ex Ægipto Israelem; sed secundo, ob causam fol. 154 verso allatam. Cui addendum: Deum, tertio, esse Israelis quia illi toties promissus fuerat, et arrabonem sui adventus dedisse cum Jacob benedixit; unde venturus appellatur. Percurrendum Evangelium: Tu es qui venturus es, an alium expectamus? [210]

 

 

 

SEPTIÈME SERMON. DEUXIÈME DIMANCHE DE L'AVENT

 

De son peuple

 

            A ces mots: Dieu d'Israël, j'ai montré que le vrai Dieu était l'objet du culte d'Israël. Mais pourquoi est-il dit ici qu'il a opéré la rédemption de son peuple? Est-ce parce qu'il était Dieu du peuple d'Israël, ou parce qu'Israël était le peuple de Dieu?

            Israël était le peuple spécial de Dieu parce que Dieu avait choisi Israël et l'avait radieté de la servitude d'Egypte; secondement, pour la cause relatée au verso du folio 154. Il faut ajouter en troisième lieu qu'il était le Dieu d'Israël parce qu'il avait été très souvent promis à ce peuple et qu'il lui avait donné des gages de son arrivée dans la bénédiction de Jacob; aussi l'appelait-on Celui qui doit venir. Parcourir l'Evangile: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? [210]

CXVI. Sermon sur le deuxième verset du Benedictus

 

5 décembre 1616

 

(INÉDIT)

 

SERMO 8

 

Et erexit comu salutis nobis

 

            Non est dubium cornu istud salutis esse potentiam regiam, salutarem, Christi Domini, de qua Psal. 131: Illuc producam cornu David, paravi lucernam Christo meo. Verum cur Christi regnum, sive regia majestas, sive imperium, vocetur cornu, varia dicunt [211] antiqui et moderni, ex quibus multa sane optima eliciuntur. Et quidem, inter veteres ethnicos, dicunt capram, nomine Amalthasam, cornu terram fodisse et thesaurum ingentem detexisse quo ditatus fuit caprarius, ut in cornu Amalthese proverbium de felicitate rerum temporalium. (Est quidem alia fabula, de cornu capræ quæ nutrivit Jovem; sed fabula.) At hoc cornu de quo Propheta, erexit cornu, si recte eo utamur, inveniemus ingentes thesauros documentorum.

 

            1. Excipiendum pro initio quod et, comparatione rerum, dicitur initio sermonis de Rosario, fol. 12. Deinde subjungendum: ita cornu in malam et in bonam partem accipi, ut est bona et mala gloria. Hinc: Dixi iniquis: Nolite inique agere, et delinquentibus: Nolite exaltare cornu; nolite tollere in altum cornu vestrum, nolite loqui adversus Deum iniquitatem. Quod perinde est ac dicat: Quid gloriaris in malitia, qui potens es in iniquitate? Tota die injustitiam cogitavit lingua tua, sicut novacula acuta fecisti dolum. Sed satis erit locus hic: Et omnia cornua peccatorum confringam et exaltabuntur cornua justi. [212]

            2. Hic vero in optimam partem accipitur. Et quidem in mentem venit Samuelem, I. Reg. 16. v. 13, tulisse cornu olei, et unxisse Davidem in medio fratrum suorum. Et initio capitis, v. 1 et 2, Dominus dixerat: Imple cornu tuum oleo, et veni. Et 3. Reg. c. I. v. 39: Sumpsitque Sadoc sacerdos cornu olei de tabernaculo. Utrum autem cornu nativum esset, an cornu aureum argenteumve, non convenit inter authores; et Pineda quidem aureum, cum Lyrano et Abulensi, fuisse existimat; c. 6. I. 2, Salomonis Prævii. At mihi sane verius videtur fuisse nativum; quia conjectura illa qua utitur, asservatum esse oleum sanctum in cornu aureo, nullo nititur fundamento pro Davidis inauguratione, ubi expresse Scriptura Samueli Dominum precepisse ait: Tolle cornu tuum et imple oleo. Neque vero aspernanda est observatio Rabani, Hugonis, Comestoris, Ruperti: Saul unctum ex lenticula, vase fragili, David autem cornu, vase firmissimo, quod regnum Saul fragile, David stabile, futurum; nam quamquam Abulensis et Pineda existiment lenticulam fuisse ex auro, tamen Sa, et si adducere licet pessimos authores, Gebennenses, phialam esse existimant, et [213] Lyra, quadratæ figuræ. Neque obstat quod dicatur de David: Inveni David servum meum, oleo sancto meo unxi eum, [Ps.] 88; nam et forsan oleum sanctum de tabernaculo sumpsit Samuel pro Davide, ut Sadoc pro Salomone, tamen non in cornu aliquo tabernaculi, sed in cornu suo, quod habebat penes se; et forsan etiam, non tulit de tabernaculo, sed sanctificatum et sanctum factum dicitur oleum quod Dei jussu fusum est, vel ab ipso Propheta benedictum. At Salomon et Joas uncti sunt oleo sancto tabernaculi.

            Utut sit, oleum sanctum unctionis regum ostendit reges sanctos esse debere, et addictissimos, sive conjugales et sodales, sacerdotum; quippe qui eodem oleo unguntur, ut ipsius sacerdotis appendices et cooperatores. Sane opus erat dispensatione ut oleum sacerdotale regibus ungendis adhiberetur, ut ait Genebrardus dicto loco Psalmi. Nam Exod. 30, præceptum erat ne ungeretur caro hominis oleo sancto sacerdotibus ungendis destinato. Verum ut sacerdotes sunt angeli ad regimen spirituale missi, ita et reges non mere homines, sed etiam angeli ad regimen temporale deputati. Et conspirare debent reges et sacerdotes, qui eodem oleo [214] unguntur; ita tamen ut sacerdotes semper primarii, quibus oleum primo et per se deputatur, reges vero coadjutores, quibus per dipensationem et extensionem oleum applicatur. Cornu autem Samuelis quale fuerit non facile dixerim; sane cornibus utebantur antiqui et ad potum (hinc crater, quasi χέρας) et ad sonum, et ad salem et oleum utebantur. Qua de re vide Viegas in Apocalipsim. Pastoritium autem est vas quo unguntur reges, ut ipsi pastores sint non vellicatores.

            Neque vero legimus aliquem regum in cornu olei unctum præter David et Salomonem, quod observatione dignius existimo. 4. Reg. 9, ungitur Jehu, sed oleo lenticulæ. Et 3. Reg. 19, precipitur Heliæ ut ungat Hazael roy de Syrie et Jehu sur Israel, mais il n'est point dit qu'accipiat cornu. Et David fuit unctus ter: semel in Betleem a Samuele; secundo in Hebron, 2. Reg. 2, a tribu Juda; et, 2. Reg. 5, iterum in Hebron, ab universo Israel. Prima unctione, jus ad regnum; secunda, possessionem Juda; tertia, Israel. Prima, cor mundum; secunda, spiritum rectum; tertia, spiritum principalem. Et Joas, 4. Reg. XI. [215]

            Hinc primus sensus consurgit. Et erexit cornu salutis nobis, id est, regnum salutis; nam quia rex David unctus oleo cornu, rite regnum per cornu exprimitur, regnum salutis: quod vero ad id alludat Propheta, facile est existimare, cum addit: in domo David pueri sui. Cum enim in domo David regnum cornu stabilitum sit, in ejus et Salomonis unctione, per comu salutis in ejus domo regnum salutis exprimit. Hinc illic producam cornu David; et forsan idem est sensus.

            Isaiae, 5. v. 1 et 2: Vinea facta est dilecto meo in cornu filio olei, id est, regnum Israel stabilitum est in cornu oleo pleno: Imple cornu tuum oleo. Et sensu prophetico, Ecclesia vinea Dei facta est in regno Christi, vel in Christo, qui per cornu quod continebat oleum representabatur. Illic producam cornu David; filio olei, unguento pleno: Oleum effusum nomen; et, Unxit te Deus præ participibus tuis, ut a te tanquam a cornu primario omnes reges ungerentur, ut dicereris Rex regum et Dominus dominantium, et de tua plenitudine omnes reges acciperent, ut [216] prædixeras: Per me reges regnant, etc. Cornu autem dicitur Christus filius olei, id est repletus oleo, ut filius iniquitatis, filius peccati, id est, plenus iniquitate. Hinc: Protector meus et cornu salutis meæ, cornu plenum salute, salutare, protegens. Maldonatus hic ait regem dici cornu, quia gloria et protectio est reipublicæ, sicut cornu vis, robur ac gloria animalium cornutorum; vide eum in Psalm. 88, v. 21. Porro locum Isaiæ, 5, de Christo intelligunt Origenes, cujus vide testimonium in Catena aurea, Rupertus, Aymo, Theophilactus, Eusebius, I. 4. Demonstr., c. 15, apud Rio, Adag. 691, Iæ Partis. Dicunt autem cornu esse Christum, et esse simul filium olei, quia unxit eum Deus oleo lætitiæ, et quia Christus unctus, et unguentum effusum nomen ejus.

 

            2. Notandum cornu arietino jubileum olim solere intimari, ut plerique doctissimi viri existimant, quamvis Ribera, I. 5. de Templo, c. XXIIII. num. 9. et seq., existimet esse bubulinas. Arietinas tamen fuisse eas quibus clangebant in festo tubarum nemo negat (et vide eumdem, eodem [libro,] cc. 9. et 10); quod [217] celebrabatur prima die mensis septimi, ut habetur Num. 10, Levit. 23, et Num. 29. Solemnitas enim illa celebrabatur in memoriam liberati Isaac a morte per visionem arietis, sive vices ejus in subeunda morte gerente ariete, hærente cornibus inter vepres. Jubileum autem ab obel derivari, id est, cornu arietino. Vide Toletus, in cap. 7. Joannis, ubi de festis Judeorum; ubi tanquam probabilem recitat causam eam liberati Isaac, quamvis probabiliorem existimet esse quod clangor audiretur dum Lex daretur in monte Synai. Sed idem Toletus ait, lib. 6. Summæ suæ, c. 24. in jubileo sonitum tubæ arietinæ fieri consuevisse, et inde jobileum ab obel dictum. Toletus item, eodem loco, et Belarminus, in Psal. 80, existimant versiculum illum: Buccinate in neomenia tuba, restringi ad festum tubarum, quia aliæ neomeniæ non erant insignes, neque sabbatizabatur, sed tantum in neomenia Septembri, in qua occurrebat festum tubarum. Mihi videntur rationes Riberæ leves quas contra cornu arietinum affert.

            Jam secundus aperitur sensus. Quid enim est erigere cornu salutis, quam tubam, id est, prædicationem, salutis extollere; juxta illud: Quasi tuba exalta vocem [218] tuam? Ecce enim verus jubileus, tempus remissionis, per redemptionem omnium: Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis. Clangimus autem tuba cornea, et arietina, id est, in virtute Christi nunc cantamus, ut Psalm. 97 dicitur: Psallite Domino in citara, in citara et voce psalmi, in tubis ductilibus et argenteis, et voce tubæ corneæ. Quo loco Belarminus per quatuor instrumenta quatuor virtutes cardinales intelligit: cithara, prudentiam; psalterium decem chordarum, justitiam mandatorum; tubæ, ductiles ictibus malleatorum effectæ, fortitudinem; tuba cornea, temperantiam. Dici posset cytaram esse fidem; psalterium, spem; tubas ductiles, pœnitentiam; cornea porro, charitatem, in qua jubileum et quia cornu vis, robur, gloria animalis.

            Sic autem Evangelicæ tubæ, Apostoli, muros Hierichuntinos destruunt: In omnem terram exivit sonus eorum. At ante omnes tubas ecce Joannes præcurrit omnes, missus a Patre ante Filium, vel coram Filio, et vox clamantis in deserto, etc. Jam veniendum est ad Evangelium Dominicæ, hoc modo: Verum ut [219] etiam aliquid de Evangelio, et hac insigni tuba, dicamus, mirum est eum ignorare videri Christum esse cornu illud quod erexit, etc.

 

            3. Job, 16. v. 16: Saccum consui super cutem meam, et operui cinere carnem meam. Hebraice: abjeci in pulvere cornu meum; vide Biblia magna, in margine, ad signum stellæ, et Hebræam. Ezech. 29. v. ult.: In die illo pullulabit cornu domui Israel, et tibi dabo apertum os in medio eorum, et scient quia ego Dominus. In Psalm., ubi habemus: Illic producam cornu David, Hebraice: germinare faciam; vide Genebrardum et Belarminum.

            Et ecce tertius sensus; similitudine ducta a cervo qui quotannis menso Februario et Martio cornua abjicit quæ reciperat; mense Martio desinente et Aprile incipiente, ilz commencent a jetter leurs bosses. Abjectis cornibus abscondunt se; ilz se recelent dans leurs fortz et buissons, etc. Heu! abscondit se Adam, quia gratiam et cornua perdiderat; fugit Jonas; et David: Averte faciem tuam a peccatis meis, etc.; donec veniret desiderium collium æternorum. Et Job, 7: Sicut cervus desiderat umbram, et sicut mercenarius [220] præstolatur finem operis suis, sic ego habui menses vacuos, et noctes laboriosas enumeravi mihi: sed jam aliter legendum, servus. Psal. 21 in titulo, plerique, pro eo quod habet Editio nostra: Pro susceptione matutina, legunt cum Hieronimo: Pro cervo matutino, vel, Pro cerva matutina. Et hoc corroboraret similitudinem nostram; nam ibi Christus, sicut cervus cujus incipiunt cornua erumpere, habet ea sanguine madida et tenera ut non audeat in publicum venire, sic Christus tempore Passionis habebat gloriam sanguine tinctam et teneram.

            Cornu est gloria ac potentia. Dixi iniquis: Nolite inique agere, et delinquentibus: Nolite exaltare [cornu]; nolite extollere in altum comu vestrum, nolite loqui adversus Deum iniquitatem. Omnia cornua peccatorum confringam, et exaltabuntur cornua justi. Confringam, retundam. Sic Mosis cornuta erat facies, ita ut non possent intendere filii Israel in faciem ejus; Exod. 34. Cornuta, Hebraice, radians; Septuaginta, glorificata. [Psalm.] 91: Et exaltabitur sicut unicornis cornu meum, et senectus mea in misericordia uberi. Et despexit oculus meus super inimicos meos, et in insurgentibus in me [221] malignantibus audiet auris tua. Justus ut palma florebit, etc.

            Vox Dilecti mei; ecce iste venit saliens in montibus, transiliens colles. Similis est Dilectus meus capreæ hinnuloque cervorum; en ipse stat post parietem nostrum, respiciens per cancellos, prospiciens per fenestras. Adjuro vos per capreas cervosque camporum (capreæ, dorcas, chevreul, acutissimi visus; ut notat Nissenus apud Rio, et cervus acutissimi auditus); Cant. 2. Et eodem cap.: Dilectus meus mihi, et ego illi. Similis esto, Dilecte mi, capreæ hinnuloque cervorum super montes Bether, præruptos, cavitatibus præfractos. Et cap. 8: Fuge, Dilecte mi, et assimilare capreæ hinnuloque cervorum super montes aromatum. Adjuro vos, filiæ Hierusalem, per capreas hinnulosque cervorum, ne suscitetis neque evigilare faciatis dilectam quoadusque ipsa velit.

            Job, ultimo: Fuerunt ei septem filii, dona Spiritus Sancti, et tres filiæ: unam vocavit Diem, secundam Cassiam, tertiam Cornustibii (Septuaginta: Cornu Amaltheæ). Mistice: fidem Catholicam, quæ dies respectu fidei Patrum: Nox præcessit, dies autem appropinquavit. [222] Spem odoratissimam; ut canes venatici odorantur; ut Alexander Magnus, navigans in Arabiam fœlicem, e Sinu Persico, odore. Cornustibii, vel cornu Amaltheæ, stibio fucare: abondance d'embellissemens ou de grace, ou abondance de richesses et de biens.

            Canticum Habacuc, 3: Domine, audivi auditionem tuam et timui. Obstupui, ut Angeli tremunt, non metu mali sed reverentia et religione; horrendum sacrificium. Domine, opus tuum, in medio annorum vivifica illud. Opus tuum, genus humanum, nam opus videtur Dei: Formavit ex limo terræ et vivificavit, inspiravit spiraculum vitæ, in initio annorum, jam vero in medio annorum, vivifica illud, nam mortuum erat. In medio annorum notum facies; cum iratus fueris misericordiæ recordaberis. Deus ab austro veniet, et Sanctus de monte Pharan; en Seir et monte Pharan, montaignes esquelles passerent les enfans d’Israel, et vindrent en la terre de promission. Id est: Dominus qui in monte Seir et Pharan affuit, veniet; operuit caelos gloria ejus et laudis ejus plena est terra. Splendor ejus ut lux erit, cornua in manibus ejus: magno consensu de Cruce. Ibi abscondita est [223] fortitudo ejus. Ante faciem ejus ibit mors, id est, abibit, et egredietur diabolus ante pedes ejus. Stetit et mensus est terram.

            Ad Gal. 6: Mihi autem absit gloriari nisi in Cruce Domini nostri Jesu Christi, per quem mihi mundus crucifixus est, et ego mundo. De cætero, nemo mihi molestus sit, ego enim stigmata Domini Jesu in corpore meo porto. Gratia Domini nostri Jesu Christi cum spiritu vestro. Amen.

            De Martiribus, vide fol. 67. [224]

 

 

 

HUITIÈME SERMON

 

Et nous a suscité une corne de salut

 

            Nul doute que cette corne de salut ne soit la puissance royale et rédemptrice du Christ Notre-Seigneur, dont il est parlé au Psaume CXXXI: C'est là que je ferai paraître la corne de David, j'ai préparé une lampe à mon Christ. Mais pourquoi le royaume du Christ ou sa majesté royale ou son empire [211] est-il appelé corne? Les auteurs anciens et modernes en donnent diverses raisons dont plusieurs sont utiles à considérer. On disait parmi les anciens payens qu'une chèvre appelée Amalthée, ayant creusé la terre avec sa corne, découvrit un immense trésor dont fut enrichi le chevrier, si bien que la corne d'Amalthée devint proverbiale pour désigner l'abondance des biens temporels. (Il existe bien un autre récit sur la corne de la chèvre qui nourrit Jupiter, mais c'est une fable.) Si nous usons bien de cette corne dont parle le Prophète lorsqu'il dit: Il a suscité une corne, nous y trouverons une mine inépuisable d'enseignements.

            1. Prendre pour le commencement, en y introduisant les variantes nécessaires, ce qui est dit dans l'exorde du sermon sur le Rosaire, folio 12. Ajouter ensuite: le mot corne se prend en bonne et en mauvaise part, comme il y a une bonne et une mauvaise gloire. De là: J'ai dit aux hommes iniques: Ne commettes plus l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre Dieu. C'est comme s'il disait: Pourquoi te glorifies-tu dans ta malice, toi qui es puissant en iniquité? Tout le jour ta langue a médité l'injustice, tu as fait ton œuvre de séduction comme un rasoir affilé. Mais ce passage suffira: Et je briserai toutes les cornes des pécheurs et les cornes des justes seront exaltées. [212]

            2. Ici, le mot corne est pris en très bonne part. En effet, 1. il me revient en mémoire que Samuel apporta une corne pleine d'huile et oignit David au milieu de ses frères. Et au commencement du chapitre, le Seigneur avait dit: Remplis d'huile ta corne et viens... Et Sadoc le prêtre prit la corne d'huile du tabernacle. Cette corne était-elle naturelle, ou était-elle d'or ou d'argent? Les auteurs ne sont pas d'accord sur ce point. Pinéda, par exemple, ainsi que Lyranus et Abulensis, estime qu'elle était d'or (chap. VI, liv. II, Préliminaires de l'Histoire de Salomon). Mais il me paraît plus vraisemblable qu'il s'agissait d'une corne naturelle. Aussi l'opinion de Pinéda, d'après laquelle l'huile sainte aurait été conservée dans une corne d'or, n'a aucune valeur quant au sacre de David. L'Ecriture, en effet, enseigne expressément que le Seigneur dit à Samuel: Prends ta corne et remplis-la d'huile. Néanmoins, la remarque faite par Raban, Hugues, Rupert, Comestor, n'est pas à dédaigner: Saül a été oint de l'huile conservée dans un petit vase fragile, et David, de l'huile conservée dans une corne, vase très solide, ce qui augurait pour Saül un règne éphémère et pour David un règne durable. Quoique Abulensis et Pinéda pensent que le petit vase était d'or, Sa toutefois, et, s'il m'est permis d'alléguer les pires auteurs, les pasteurs de Genève, déclarent qu'il s'agit d'une fiole, que Lyranus prétend avoir été carrée. Et rien n'y contredit dans ce [213] qui est dit de David: J'ai trouvé David, mon serviteur, je l'ai oint de mon huile sainte; il se peut en effet que Samuel, pour sacrer David, ait pris l'huile sainte du Tabernacle, comme Sadoc le fit pour Salomon, sans cependant qu'il ait employé une corne du tabernacle, car il a pu se servir d'une corne qui était à son usage. Peut-être aussi n'a-t-il pas pris de l'huile du tabernacle, mais on appelait sanctifiée et sainte l'huile que Dieu avait ordonné de répandre ou que le Prophète avait bénite. Il est certain toutefois que Salomon et Joas ont été oints de l'huile sainte du tabernacle.

            Quoi qu'il en soit, l'huile sainte employée pour le sacre des rois démontre que les rois doivent être saints et qu'ils sont adjoints aux prêtres, qu'ils sont leurs collaborateurs et leurs associés. Ils sont, en effet, oints de la même huile, comme auxiliaires du prêtre et ses coopérateurs. Evidemment, il fallait une dispense, comme dit Génébrard sur ce passage du Psaume, pour faire servir l'huile sacerdotale à l'onction des rois, car il était défendu d'oindre toute chair d'homme de cette huile sainte destinée au sacre des prêtres. Mais tout ainsi que les prêtres sont des anges préposés au gouvernement spirituel, ainsi les rois sont moins des hommes que des anges délégués au gouvernement temporel. Oints de la même huile, rois et prêtres doivent marcher de concert, de telle sorte néanmoins que les prêtres gardent toujours le premier rang, [214] car l'huile leur a été d'abord immédiatement destinée, et que les rois soient leurs auxiliaires, puisque l'huile ne leur est appliquée que par dispense et par extension. Quant à la corne de Samuel, il me serait difficile de dire de quelle nature elle était. Les anciens se servaient certainement de cornes pour boire (de, là le mot crater, coupe, comme χέρας, corne) et pour contenir le sel et l'huile; ils en usaient aussi à guise d'instruments de musique. Voir sur ce point Viégas, Commentaires de l'Apocalypse. On emploie un vase pastoral pour oindre les rois, afin [de leur signifier qu'ils doivent être] de vrais pasteurs et non des tondeurs.

            Au reste, nous ne lisons pas qu'aucun roi, sauf David et Salomon, ait été oint avec la corne d'huile, ce que je crois fort digne d'être observé. Jéhu est oint, mais avec l'huile du petit vase. Elie reçoit l'ordre d'oindre Hazaël roi de Syrie et Jéhu sur Israël, mais il n'est point dit qu'il doive se servir de la corne. David fut oint trois fois: une première fois à Bethléem par Samuel; une seconde fois à Hébron par la tribu de Juda, et de nouveau à Hébron par tout Israël. La première onction lui conféra le droit au royaume; la seconde, la possession de Juda; la troisième, celle d'Israël. La première lui donna un cœur pur; la deuxième, un esprit droit; la troisième, un esprit parfait. Et Joas. [215]

            De ce qui précède ressort un premier sens. Et nous a suscité une corne de salut, c'est-à-dire, le royaume du salut; car puisque le roi David a été oint de l'huile de la corne, c'est avec raison que le royaume est désigné par la corne, royaume de salut. Et que le Prophète fasse allusion à ce règne, il est facile de le conclure de ce qu'il ajoute: dans la maison de David son serviteur. Comme dans l'onction de David et de Salomon, c'est par la corne que le royaume a été fondé dans la maison de David, ainsi, par le mot corne de salut, le Prophète indique que c'est dans la maison de David qu'a été fondé le royaume du salut. De là viennent ces mots: C'est là que je ferai paraître la corne de David, mots qui ont peut-être le même sens.

            Isaïe: Mon bien-aime a acquis une vigne dans la corne du fils de l'huile; c'est-à-dire, le royaume d'Israël a été fond' sur une corne pleine d'huile: Remplis d'huile ta corne. Au sens prophétique, Dieu a planté sa vigne, l'Eglise, dans le royaume du Christ, ou dans le Christ représenté par la corne qui contenait l'huile. C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité. De même: Mon protecteur et la corne de mon salut équivaut à corne pleine de salut, salutaire, protectrice. A ce passage, Maldonat dit que le roi est appelé corne parce qu'il est la gloire et le défenseur de l'Etat, comme la corne est la force, la puissance, l'ornement des animaux qui la portent. Voir cet auteur, sur le Psaume LXXXVIII, 21. Origène (voir son témoignage dans la Chaîne d'or), Rupert, Haimon, Théophylacte, Eusèbe (liv. IV des Démonstrations, chap. XV), d'après Rio (Adage DCXCI de la Ire Partie), appliquent au Christ ce passage d'Isaïe, et disent que le Christ est à la fois la corne et le fils de l'huile, parce que Dieu l'a oint de l'huile de la joie, que le Christ est oint et que son nom est un parfum répandu.

            2. Il faut remarquer que les trompettes au son desquelles on annonçait le jubilé étaient de cornes de bélier; c'est l'opinion de la plupart des hommes savants, bien que Ribéra (liv. V sur le Temple, chap. XXIV, n° 9 et suivants) pense qu'elles étaient de cornes de taureau. C'étaient des cornes de bélier qu'on faisait résonner à la fête des trompettes, nul ne le nie (et voir le même auteur, au même [livre,] chap. IX et X). Cette fête se célébrait le premier jour du [217] septième mois, comme il est dit Num., X, Levit., XXIII, et Num., XXIX. La solennité des trompettes se célébrait en mémoire de la délivrance d'Isaac, sauvé de la mort à l'apparition du bélier qui, embarrassé par les cornes dans un buisson, fut immolé à la place d'Isaac. Le mot de jubilé dérive d'obel qui signifie corne de bélier. Voir Tolet sur le chap. VII de saint Jean, où il traite des fêtes en usage chez les Juifs; il regarde la délivrance d'Isaac comme cause probable de l'institution de cette fête, quoiqu'il admette comme une cause plus probable encore le son des trompettes qui retentissaient lorsque la Loi fut donnée sur le mont Sinaï. Mais le même Tolet dit, liv. VI de sa Somme, chap. XXIV, qu'on avait coutume au jubilé de faire résonner les cornes de bélier et que d’obel on fit le mot jubilé. De plus, Tolet, au même endroit, et Bellarmin, sur le Psaume LXXX, pensent que ce verset: Sonnez de la trompette en ce premier jour du mois, ne s'applique qu'à la fête des trompettes, parce que les autre néoménies n'avaient rien de très solennel et que l'on n'observait le repos sabbatique qu'à la seule néoménie de septembre où se rencontrait la fête des trompettes. Les raisons qu'apporte Ribéra contre les cornes de bélier me paraissent faibles.

            Mais voici un second sens. Qu'est-ce que susciter la corne du salut, sinon faire retentir la trompette ou la prédication du salut, suivant cette parole: Elève ta [218] voix comme la trompette? Voici, en effet, le vrai jubilé, le temps de la rémission par la rédemption universelle: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut. Maintenant nous faisons résonner notre trompette de corne et de corne de bélier, c'est-à-dire, nous chantons maintenant dans la puissance du Christ, comme il est dit au Psaume XCVII: Chantez sur la harpe des cantiques au Seigneur, sur la harpe et sur l'instrument à dix cordes, au son des trompettes de métal battu au marteau, et des trompettes d'argent, au son de la trompette de corne. En cet endroit, Bellarmin reconnaît dans les quatre instruments [le symbole] des quatre vertus cardinales: la harpe représente la prudence; le psaltérion a dix cordes, la justice des commandements; les trompettes battues au marteau, la force; la trompette de corne, la tempérance. On pourrait dire que la harpe est la foi; le psaltérion, l'espérance; la trompette battue au marteau, la pénitence; celle de corne, la charité, qui contient la jubilation, et aussi parce que la corne est la force, la défense, la gloire de l'animal.

            C'est ainsi que les trompettes évangéliques, les Apôtres, renversent les murs de Jéricho: Leur bruit s'est répandu dans toute la terre. Cependant, avant toutes les trompettes, voici Jean qui devance tous les autres, envoyé par le Père au-devant du Fils ou en face du Fils: c'est la voix de celui qui crie dans le désert, etc. Arriver par cette parole à l'Evangile du Dimanche et [219] commencer de cette manière: Pour dire aussi un mot de l'Evangile et de cette illustre trompette, il est étonnant que Jean ne semble pas reconnaître dans le Christ cette corne que Dieu a suscitée, etc.

            3. J'ai étendu un sac sur ma peau et j'ai couvert ma chair de cendres. En hébreu: J'ai humilié ma corne dans la poussière; voir la grande Bible, en marge, à l'astérisque, et l'hébreu: En ce jour-la, je ferai repousser la corne de la maison d'Israël, et je t'ouvrirai la bouche au milieu d'eux, et ils sauront que c'est moi qui suis le Seigneur. Au Psaume où nous avons: C'est là que je ferai paraître la corne de David, l'hébreu porte: Je ferai pousser. Voir Génébrard et Bellarmin.

            Voici le troisième sens. C'est uue comparaison tirée du cerf qui chaque année, au mois de février ou de mars, dépose les bois qui lui avaient poussé [l'année précédente]; à la fin de mars et au commencement d'avril, ils commencent à jeter leurs bosses. Après avoir déposé leurs bois, les cerfs se cachent; ils se recèlent dans leurs forts et buissons, etc. Hélas! Adam se cacha parce qu'il avait perdu la grâce et sa dignité; Jonas s'enfuit, et David s'écrie: Détournez votre face de mes péchés, etc.; jusqu'à ce que vienne le Désiré des collines éternelles. Et Job: Comme le cerf souhaite l'ombre, et comme le mercenaire [220] attend la fin de son travail, ainsi j'ai eu des mois vides et des nuits laborieuses. Mais au lieu de cerf, on peut lire serviteur. Psaume XXI, au lieu du texte de notre Edition: Pour l'accueil du matin, plusieurs lisent au titre avec saint Jérôme: Pour le cerf matinal, ou bien: Pour la biche matinale, ce qui confirmerait notre comparaison; car, dans ce passage, le Christ, comme un cerf dont les bois commencent à poindre, a les siens tout tendres et humides de sang au point qu'il n'ose paraître en public. Tel était le Christ au temps de sa Passion: sa gloire était encore toute teinte de sang et paraissait à peine.

            La corne est gloire et puissance. J'ai dit aux hommes iniques: Ne commettez plus l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre Dieu. Je briserai toutes les cornes des pêcheurs, et les cornes des justes seront exaltées. Je briserai, j'émousserai. Ainsi le visage de Moïse était entouré de rayons de lumière semblables à des cornes, afin que les enfants d'Israël ne pussent regarder sur sa face. Cornuta, selon l'hébreu, radieuse; d'après les Septante, glorifiée. Et ma corne sera élevée comme celle d'une licorne, et ma vieillesse, comblée d'une miséricorde abondante. Mon œil a regardé avec mépris mes ennemis, et ton [221] oreille entendra avec complaisance [l'annonce de] la ruine des méchants qui s'élèvent contre moi. Le juste fleurira comme le palmier.

            J'entends la voix de mon Bien-Aimé; le voici qui vient sautant sur les montagnes, franchissant les collines. Mon Bien-Aimé est semblable au chevreuil et au faon des biches; le voici qui se tient derrière notre muraille, regardant a travers les barreaux, observant par les fenêtres. Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs. (La biche et le chevreuil ont la vue très perçante, comme le remarque saint Grégoire de Nysse, d'après Rio, et le cerf a l'ouïe très fine.) Et clans le même chapitre: Mon Bien-Aimé est à moi et moi je suis à lui. Soyez semblable, mon Bien-Aimé, au chevreuil et au faon des biches sur les montagnes de Béther, taillées à pic, sillonnées de cavernes profondes. Et chap. VIII: Fuyez, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches, sur les montagnes des aromates. Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les chevreuils et le faon des biches, ne troublez pas et ne rêveillez pas ma bien-aimée jusqu'à ce qu'elle-même le veuille.

            Il est dit de Job au dernier chapitre de son livre qu'il eut sept fils, qui représentent les sept dons du Saint-Esprit, et trois filles: il nomma la première Jour, la seconde, Cassie, la troisième, Cornustibie (selon les Septante: Corne d'Amalthée). Au sens mystique, [la première représente] la foi catholique, [222] qui est le plein jour, si on la compare à la foi des Patriarches: La nuit passe, et le jour approche. [La seconde,] l'espérance avec son parfum exquis. Ainsi les chiens de chasse sentent le gibier; ainsi Alexandre le Grand voguant vers l'Arabie heureuse en sentit les parfums, étant dans le golfe Persique. Cornustibie ou corne d'Amalthée; se farder avec de l'antimoine: abondance d'embellissements ou de grâce, ou abondance de richesses et de biens.

            Cantique d'Habacuc: Seigneur, j'ai entendu votre parole et j'ai craint. J'ai été stupéfait en voyant comme les Anges tremblent, non de crainte, mais de respect et de religion (redoutable sacrifice). Seigneur, c'est votre œuvre, vivifiez-la au milieu des années. Votre œuvre, le genre humain, qui semble avoir coûté un travail à Dieu: Il forma [l'homme] du limon de la terre et le vivifia, il lui inspira un souffle de vie au commencement des années; mais maintenant, au milieu des années, vivifiez-le, car il était mort. Au milieu des années vous ferez connaître votre œuvre; lorsque vous serez irrité, vous vous souviendrez de la miséricorde. Dieu viendra du midi, et le Saint, de la montagne de Pharan; de Séïr et de la montagne de Pharan, montagnes par lesquelles passèrent les enfants d'Israël pour arriver en la terre de promission. C'est-à-dire: Le Seigneur qui a été présent sur la montagne de Séïr et de Pharan, viendra; sa gloire a couvert les cieux et la terre est remplie de sa louange. Sa splendeur brillera comme la [223] lumière, les cornes sont dans ses mains. C'est avec beaucoup d'unanimité que les commentateurs appliquent ce passage à la Croix. Là, sa force a été cachée. La mort ira devant sa face, c'est-à-dire s'en ira, et le diable sortira devant ses pieds. Il s'est arrêté, et il a mesuré la terre.

            Pour moi, a Dieu ne plaise que je me glorifie si ce n'est dans la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m'est crucifié, et moi, au monde. Au reste, que personne ne m'importune plus, car je porte en mon corps les stigmates du Seigneur Jésus. Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit. Amen.

            Sur les Martyrs, voir folio 67. [224]

CXVII. Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du Benedictus

 

Avent 1616

 

(INÉDIT)

 

In domo David pueri sui

 

            Quæstio est cur potius domus David quam Salomonis, vel Roboam, vel Ezechiæ, vel Josaphat, vel Josiæ. Respondetur quia regnum David fuit illustrissimum.

            1°. In Davide origo regni; fuit enim ipse primus regum in ejus familia, et gratis electus de post fœtantes, et fuit Propheta; et fuit ter unctus, qua in re Christum expressit. In prima unctione accepit cor mundum et spiritum rectum (Dilexisti justitiam et odisti iniquitatem); in secunda, spiritum sanctum prophetiæ; in tertia, spiritum principalem, et, quemadmodum Christus, fuit unctus præ participibus suis. Sic humanitas Christi accepit cor mundum et rectum in unione, gratia unionis; Spiritum Sanctum, ob gratiam [225] sacerdotalem et propheticam (in baptismo Spiritus Sanctus visus est: Hic est Filius meus dilectus); et spiritum principalem, seu regium. Spiritus Domini super me, eo quod unxerit me. Unde: Unguentum effusum nomen tuum. Inveni David servum meum, oleo sancto meo unxi eum. Prima unctio David facta est in domo patris; sic prima Christi in utero Matris. Oleum effusum; Diffusa est gratia in labiis tuis, propterea benedixit te Deus in æternum; oleum effusum doctrinæ. Sicut oliva speciosa in campis; et mira virtus olivæ, quæ plantata a virginibus crescit cumulatius. Diffusa est gratia; allusio ad Beati Ambrosii examen apum mellificium.

            2°. David abstulit opprobrium ex Israel et vicit Goliath; ut Christus: Nunc judicium est mundi, nunc princeps hujus mundi ejicietur foras. Sed etiam in modo; nam non indutus regiis armis sed pastoritiis: Non enim habeo consuetudinem. Venit cum baculo, ut cum cane; sic Christus, «ut qui in ligno vincebat.» Solet Deus per infirma confundere fortia; ibi abscondita est fortitudo ejus. Sic hamus apud Gregor., Rupert. Sic icneumon contra crocodilum. Libera me de ore leonis, et a cornibus [226] unicornium humilitatem meam (Psal. 21); Christus in cruce. Hieron.: Pro cervo matutino, pro susceptione matutina, pro cerva matutina. (Rinocerotem.)

            3°. David mitissimus, et rex afflictorum et cere alieno oppressorum. Quia cum inimici essemus. Bernardus: Majorem charitatem qui et pro inimicis.

            4°. David pœnitens, et parans omnia quæ ad Templi ædificationem. Et peccavit, sed pœnitentiam celeberrimam egit; unde, solium David, domus David. Ambrosius ad Theodosium. Et exaltabitur sicut unicornis cornu meum, et senectus mea in misericordia uberi. Et despexit oculus meus super inimicos meos, et in insurgentibus in me malignantibus audiet auris mea. Justus ut palma florebit; sicut cedrus Libani agitatus a vento multiplicabitur; [Ps.] 91. Non veni vocare justos. Fidelis sermo et omni acceptione dignus; quia venit.

            Rectum, mundum: Dilexisti justitiam et odisti iniquitatem, propterea unxit te Deus, Deus tuus, oleo lætitiæ. Petrus, Act. 10, Petrus praedicans: Vos scitis quomodo unxit eum Deus Spiritu Sancto et virtute. [227]

 

 

 

Dans la maison de David son serviteur

 

            La question est: pourquoi plutôt la maison de David que celle de Salomon, ou de Roboam, d'Ezéchias, de Josaphat, de Josias? Nous répondons que le règne de David fut le plus illustre.

            1. Le royaume prit commencement en David, qui fut le premier roi de sa famille, choisi sans mérite de sa part quand il conduisait ses troupeaux. David fut Prophète et fut trois fois oint; il devint en cela la figure du Christ. Dans la première onction il reçut un cœur pur et un esprit droit (Vous avez aimé la justice et haï l'iniquité); dans la seconde, le saint esprit de prophétie; dans la troisième, l'esprit parfait; et comme le Christ, il a été oint d'une manière plus excellente que ceux qui devaient participer a sa gloire. Ainsi l'humanité du Christ en s'unissant à la Divinité, a reçu en vertu de cette union un cœur pur et droit; l'Esprit-Saint, par la grâce du sacerdoce et le don de prophétie (à son [225] baptême on vit l'Esprit-Saint: Voici mon Fils bien-aimé); et l'esprit parfait ou royal. L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint. De là ces textes: Votre nom est un parfum répandu. J'ai trouvé David mon serviteur, et je l'ai oint de mon huile sainte. David reçut la première onction dans la maison de son père; ainsi le Christ reçut-il la première dans le sein de sa Mère. Huile répandue. La grâce a été répandue sur vos lèvres, c'est pourquoi Dieu vous a béni pour l'éternité; l'huile répandue de la doctrine. Comme un bel olivier dans la campagne; l'olivier a une admirable propriété: planté par des vierges, il croît plus touffu. La grâce a été répandue; faire allusion à l'essaim de mouches à miel [qui se plaça sur les lèvres] de saint Ambroise.

            2. David effaça l'opprobre d'Israël en terrassant Goliath; il en fut de même du Christ: C'est maintenant le jugement du monde, maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. Autre figure dans le mode d'action. David était armé non en roi mais en berger: Je ne suis pas accoutumé. Il vint avec un bâton, comme s'il avait à se défendre d'un chien; ainsi vint le Christ, «comme étant Celui qui devait vaincre par le bois. » Dieu a coutume de confondre ce qui est fort par ce qu'il y a de plus faible; la, sa force a été cachée. Ainsi l'hameçon, dans saint Grégoire et Rupert. Ainsi l'ichneumon contre le crocodile. Délivrez-moi [226] de la gueule du lion et de la corne des licornes dans l'état d'humiliation où je suis (Psaume XXI); le Christ en croix. Saint Jérôme: Pour le cerf matinal, pour l'accueil matinal, pour la biche matinale. (Rhinocéros.)

            3. David était très doux, le roi des affligés et des gens accablés de dettes. Car lorsque nous étions ennemis, [etc.] Saint Bernard: [Le Christ a eu] une charité plus grande, puisqu'il est mort même pour ses ennemis.

            4. David fut pénitent et prépara tout ce qui était nécessaire pour la construction du Temple. Il pécha, mais fit ensuite la plus célèbre pénitence; voilà pourquoi on parle du trône de David, de la maison de David. Saint Ambroise à Théodose. Et ma corne sera élevée comme celle d'une licorne, et ma vieillesse, comblée d'une miséricorde abondante. Mon œil a regardé avec mépris mes ennemis, et mon oreille entendra avec complaisance [l'annonce de] la ruine des méchants qui s'élèvent contre moi. Le juste fleurira comme le palmier; il sera multiplié comme le cèdre du Liban agité par le vent. Je ne suis pas venu appeler les justes. C'est une vérité certaine et digne d'être entièrement reçue, qu'il est venu, [etc.]

            Droit, pur: Vous avez aimé la justice et haï l'iniquité, c'est pourquoi Dieu, votre Dieu, vous a oint d'une huile d'allégresse. Saint Pierre prêchant: Vous savez comment Dieu l'a oint de l'Esprit-Saint et de la puissance. [227]

CXVIII. Plan d'un autre sermon sur le deuxième verset du Benedictus

 

Avent 1616

 

(INÉDIT)

 

Salutem ex inimicis. Ad faciendam misericordiam

 

            Antiquis etiam Christus fecit redemptionem : Erexit cornu salutis ; salutem ex inimicis. Tamen Christianis majores vires contulit et majora auxilia. Unde, vae nobis si non recte pugnaverimus.

 

            Saepe exaggero vobis, nec unquam satis possum, haereticorum antiquorum acrisiam et spiritum contentionis, bigearre. Pelagiani Christum non salvasse antiquos Patres dicebant, quia non eos docuit. Vide supra, ser. 4. At contra noster Propheta : Venit, visitavit, redemptionem, etc., ad faciendam misericordiam cum patribus nostris. Paulus, Heb. 9, Rom. 3: Ideo novi testamenti mediator est, in redemptionem [228] earum prævaricationum quæ erant in precedenti testamento. Redemptio enim operata est antequam facta esset per prævisionem. Gallus sentit solem. Job, 38, Deus alloquitur: Quis dedit gallo intelligentiam? Præparantur monilia et vestes pro sponsa Isaac antequam cognoscatur. Sic Agnus dicitur occisus ab origine mundi; Apoc. 13. Hinc Paulus, 1. Cor. X: Omnes eumdem potum spiritalem biberunt; bibebant autem de spiritali consequente eos petra; petra autem erat Christus.

            Attamen nobis Christianis salus ista ex inimicis nostris amplior est; nam non frustra Ecclesia dicitur Sponsa Agni, et plenitudo temporis, tempus Evangelicum. Et non frustra Paulus clamat: Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis; et: Apparuit benignitas et humanitas Salvatoris nostri Dei; et ad Heb. 13: Habemus altare de quo edere non valent qui tabemaculo deserviunt.

            Hinc arma spiritalia ex Sacramentis longe potiora antiquis. Psal. 88: Sicut juravi David in veritate mea: semen ejus in æternum manebit, et thronus ejus sicut sol, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis. Antiquus thronus erat sicut stella [229] matutina, et crepusculum, et sicut luna crescens, et sicut nebula in die et columna ignis in nocte. At thronus iste sicut sol, sicut luna plena; sub luna enim plena arbores et conchilia plena sunt, pleins de suc et de mouelle. Et ita Sacramenta longe potentius adjuvant.

            Heu, quanta hominum miseria! Messaliani et Euchitæ omnium Sacramentorum efficaciam tollebant propter præces. Gaiani, apud Tertullianum, et Manichei, teste Augustino, Baptisma. Novatiani, Pœnitentiam; teste Augustino. Pepuzitæ, teste Epiphanio, Ordines mulieribus dabant. Aeriani, teste Augustino, præcipuum Ordinem cum secundo confundebant. Teste Augustino, Matrimonium, Manichei. Novatiani, Confirmationem. Æliani historia de pictore duas statuas exhibente. Depositum custodi. Stratagema Bethuliam obsidentium.

            Baptisma: Ego baptizo vos in aqua, ille vos baptizabit in aqua et Spiritu Sancto; et Ephes. 5: Christus dilexit Ecclesiam, et tradidit semetipsum pro ea, mundans eam lavacro aquæ in verbo vitæ. Explica: in aqua et Spiritu Sancto et verbo vitæ. Parole quæ ego loquor spiritus et vita sunt. Spiraculum [230] vitæ, spiritum vitæ, Spiritus vivificans. Deinde perge de aliis Sacramentis. Confirmatio, Act. 8: Et accipiebant Spiritum Sanctum. Quorum remiseritis. Qui manducat me et ipse vivet propter me. Et si in peccatis fuerit remittentur ei. Ut sciat unusquisque vas suum possidere in sanctificatione; Thess. I. c. 4. Quod Deus conjunxit, homo non separet. Resuscita gratiam quæ data est tibi per impositionem manum mearum.

            Hierem. 8: Nunquid non est resina in Galaad, aut medicus non est ibi? Quare ergo non est obducta cicatrix populi mei? [231]

 

 

 

Pour nous sauver de nos ennemis. Pour accomplir ses miséricordes

 

            Le Christ a également racheté ceux qui l'ont précédé : Il a suscité une corne de salut ; pour nous sauver de nos ennemis. Toutefois, il a apporté aux Chrétiens de plus grandes forces, de plus puissants secours. Aussi, malheur à nous si nous ne combattons pas bien.

 

            Je vous dénonce souvent, et je ne le puis trop faire, ce manque de rectitude, cet esprit de contention, bizarre, qui caractérisent les anciens hérétiques. Le Christ, disaient les Pélagiens, n'a pas sauvé les Patriarches, parce qu'il ne les a pas instruits. Voir plus haut, sermon IV. Notre Prophète dit au contraire : Il est venu, il a visité, racheté, etc., pour accomplir ses miséricordes envers nos pères. Et saint Paul : C'est pourquoi il est le médiateur du nouveau testament, pour la rédemption des prévarications qui existaient sous le testament [228] précédent. La rédemption s'opérait par prévision avant qu'elle fût accomplie. Le coq pressent le lever du soleil. Dieu dit à Job: Qui a donné l'intelligence au coq? On prépare des bijoux et des vêtements pour l'épouse d'Isaac avant qu'elle soit connue. Aussi est-il écrit que l'Agneau a été immolé dès l'origine du monde. Et saint Paul: Tous ont bu le même breuvage spirituel; or, ils buvaient l'eau de la pierre spirituelle qui les suivait; et cette pierre était le Christ.

            Toutefois, pour nous Chrétiens, c'est d'une manière beaucoup plus absolue que nous sommes délivrés de nos ennemis. Ce n'est pas en vain que l'Eglise est appelée Epouse de l'Agneau, et le temps évangélique, la plénitude des temps. Ce n'est pas en vain que saint Paul s'écrie: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut; et encore: La bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue; et aux Hébreux: Nous avons un autel dont ceux qui servent dans le tabernacle n'ont pas le droit de manger.

            De même, les armes spirituelles que nous fournissent les Sacrements l'emportent de beaucoup sur les anciennes. Comme je l'ai juré à David par ma vérité: sa race demeurera éternellement, et son trône sera comme le soleil et comme la pleine lune, éternellement, et comme le témoin fidèle dans le ciel. Le [229] trône antique était comme l'étoile du matin, le crépuscule, la lune croissante; comme la nuée dans le jour et la colonne de feu dans la nuit. Mais ce trône-ci est comme le soleil, comme la pleine lune; sous la pleine lune, en effet, les arbres et les testacés sont pleins, pleins de suc et de moelle. Et ainsi les Sacrements nous offrent un secours bien plus puissant.

            Hélas! quelle n'est pas la misère des hommes! Les Messaliens et les Euchites contestaient toute efficacité aux Sacrements afin d'en attribuer davantage à la prière. Les Gaïens, d'après Tertullien, les Manichéens, d'après saint Augustin, niaient le Baptême. Les Novatiens, au rapport de saint Augustin, niaient la Pénitence. D'après saint Epiphane, les Péputiens conféraient les Ordres aux femmes. Les Aériens, dit saint Augustin, confondaient le premier Ordre [de la hiérarchie ecclésiastique] avec le second. Les Manichéens, d'après saint Augustin, rejetaient le Mariage. Les Novatiens n'admettaient pas la Confirmation. Histoire d'Elien au sujet du peintre qui exposait deux statues. Garde le dépôt. Stratagème de ceux qui assiégeaient Béthulie.

            Le Baptême: Je vous baptise dans l'eau, il vous baptisera dans l'eau et l'Esprit-Saint; et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, la purifiant par le baptême d'eau dans la parole de vie. Expliquer ces textes: dans l'eau et l'Esprit-Saint et parole de vie. Les paroles [230] que je vous dis sont esprit et vie. Souffle de vie, esprit de vie, esprit vivificateur. Parler ensuite des autres Sacrements. La Confirmation: Et ils recevaient l'Esprit-Saint. Ceux à qui vous remettrez [les péchés, etc.] Celui qui me mange vivra lui-même par moi. Et s'il était coupable de péchés, ils lui seront remis. Que chacun sache posséder saintement son corps. Que l'homme ne sépare point ce que Dieu a uni. Ranime la grâce qui t'a été donnée par l'imposition de mes mains.

            N'y a-t-il point de baume en Galaad, ou n'y a-t-ilpas là de médecin? Pourquoi donc la blessure de mon peuple n'a-t-elle pas été fermée? [231]

CXIX. Plan d'un sermon sur le cinquième verset du Benedictus

 

Avent 1616

 

(INÉDIT)

 

Ad faciendam misericordiam cum patribus nostris et memorari testamenti sui sancti

 

            Quale fuerit testamentum Dei, quomodo ejus recordetur, quid sit facere misericordiam cum patribus nostris.

 

            Testamentum vox est quam interpres noster Latinus et Septuaginta dilexerunt, quamvis vox Hebraica berith, proprie, fœdus significet. Augustinus, 1. I. Locutionum de Genes., c. 94: «Amant Scripturæ pro pacto ponere testamentum;» Septuaginta, διαθήχην. Sed quare? Quia in fœdere Dei cum hominibus, præcipua bona quæ promittuntur non nisi morte testatoris dabuntur, et hæc Dei voluntas omnem suam vim et effectum [232] sortitur a morte. Pactum est quia sub conditione non fore ingratos; testamentum est quia post mortem vim habet. Ingratitudine et perfidia rumpitur testamentum. Sic ex filiis Israel duo tantum intraverunt terram promissionis: Quadraginta annis proximus fui generationi huic, etc., si introibunt in requiem. Et Paulus: Omnes eamdem escam spiritalem et potum; sed non in pluribus eorum beneplacitum est Deo, nam prostrati sunt in deserto. Nolo enim vos ignorare, fratres, quoniam patres nostri omnes sub nube fuerunt et omnes mare transierunt, et omnes in Moyse baptizati sunt in nube et in mari, et omnes eamdem escam. Hæc autem in figura facta sunt nostri, ut non simus concupiscentes malorum, sicut et illi concupierunt. Et tandem: Itaque qui se existimat stare videat ne cadat. Nota: Neque idololatræ, sicut quidam ex illis; neque fornicemur; neque murmuraveritis, etc. Fornicati sunt, et ceciderunt 23 millia. Num., 25 dicitur 24, sed Hebrei numerum non rumpunt. Pactum autem istud toto libro Scripturæ continetur; unde et Testamentum Novum et Vetus appellatur. [233]

            Memorari. Sane Deus non obliviscitur; Malachiæ, 3. v. 6: Ego enim Dominus, et non mutor. Jac. 1: Apud quem non est transmutatio nec vicissitudinis obumbratio. Tu autem idem ipse es. Bonum supremum mutari non potest, quia vel in melius vel in malum. Colossus Rhodius; et naves, modo a dextris modo a sinistris, omnes transibant sub eo. Protogenes fit un colosse couche en petit volume; et pour en signifier la grandeur il peignit des petitz garçons qui avec des tiges d'herbes mesuroyent son poulce.

            Sic et ego, hodie, Providentiam comparo, cum sit incomparabilis et menti nostra inscrutabilis. Ejus instans omnia attingit, ut centrum omnes lineas circumferentiæ. Sed per anthropopathiam loquimur. Dum in mora sumus le tems nous dure: Ubi sunt misericordiæ tuæ antiquæ, Domine? Sicut jurasti David in veritate tua. Memor esto, Domine, opprobrii servorum tuorum, quod continui in sinu meo, multarum gentium; quod exprobraverunt inimici tui, Domine, quod exprobraverunt commutationem Christi tui. Benedictus Dominus in ceternum, fiat fiat, amen, amen; Psal. 88. Commutationem, id est, quod mutaveris sententiam de Christo tuo. Videtur ergo oblivisci et tardare. [234]

            Fecit misericordiam. Id est, misericordiam promissam implevit, mittens Christum; nam misericordia est in flore cum est in promissis, est in fructu cum est in effectu. Apparuit gratia Dei Salvatoris nostri omnibus hominibus, erudiens nos, etc.; Tit. 2. [vv.] 11, [12]. Ad Tit. 3. v. 4, [5]: Apparuit benignitas et humanitas Salvatoris nostri Dei, non ex operibus justitiæ quæ fecimus nos, sed secundum misericordiam suam salvos nos fecit. Humanitas, Græce, philanthropie. Apparuit gratia Salvatoris nostri Dei.

            Jungo finem principio: Fecit misericordiam, nam seipsum dedit nobis et arrabonem omnia valentem. Itaque jam sumus hæredes, sed tamen conditio durat. Armavit nos. Tu autem in sanguine testamenti tui emisisti vinctos de lacu in quo non est aqua. [235]

 

 

 

Pour accomplir ses miséricordes envers nos pères, et pour se souvenir de son saint testament

 

            Quel est ce testament de Dieu? comment s'en souvient-il? que signifie: accomplir ses miséricordes envers nos pères?

            Ce mot testament est un mot aimé de notre interprète latin et des Septante, bien que le mot hébreu berith signifie proprement alliance. Voir saint Augustin, liv. I Sur les Expressions employées dans la Genèse, chap. XCIV: «La Sainte Ecriture se plaît à user du mot de testament au lieu de celui d'alliance;» les Septante, διαθήχην. Et pourquoi? Parce que dans l'alliance de Dieu avec les hommes, les plus grands biens promis ne seront donnés qu'à la mort du testateur et que cette volonté de Dieu tire toute sa force et son effet de la [232] mort. Ce testament est un contrat parce qu'il est fait sous la condition que nous ne serons pas ingrats; ce contrat est un testament parce qu'il n'a sa force qu'après la mort. Un testament s'annule par l'ingratitude et la perfidie. Ainsi, des enfants d'Israël, deux seulement entrèrent dans la terre promise: Pendant quarante ans j'ai été irrité contre cette génération, etc.; [j'ai juré] qu'ils n'entreraient point dans mon repos. Et saint Paul: Tous mangeaient la même nourriture spirituelle et buvaient le même breuvage; cependant, la plupart d'entre eux ne furent pas agréables a Dieu, et ils succombèrent dans le désert. Car je ne veux pas que vous ignoriez, mes frères, que nos pères ont tous été sous la nuée et qu'ils ont tous passé la mer, qu'ils ont tous été baptisés sous Moïse dans la nuée et dans la mer, qu'ils ont tous mangé la même nourriture. Or, toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous regarde, afin que nous ne convoitions pas les choses mauvaises comme ils les convoitèrent. Et ensuite: Donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber. Noter: Et que vous ne deveniez point idolâtres comme quelques-uns d'entre eux; ne commettons point la fornication; ne murmurez point, etc. Ils commirent la fornication, et il en tomba vingt-trois mille. Dans les Nombres il est dit vingt-quatre mille, mais les Hébreux ne tiennent pas compte des quantités intermédiaires. Or toute l'Ecriture est remplie de ce pacte, et c'est pour cela qu'on l'appelle l'Ancien et le Nouveau Testament. [233]

            Se souvenir. Assurément Dieu n'oublie pas: Car je suis le Seigneur et je ne change pas. En qui il n'y a ni changement ni ombre de vicissitude. Quant à vous, vous êtes toujours le même. Le souverain bien ne peut changer, parce que tout changement est en mieux ou en mal. Le colosse de Rhodes [s'élevait à l'entrée du port de cette ville] et tous les navires, soit qu'ils allassent à droite ou à gauche, devaient passer sous lui. [Reprendre au texte, lig. 7.]

             De même, aujourd'hui, je cherche à m'expliquer la Providence, bien qu'elle soit incompréhensible et inscrutable à notre esprit. Son action atteint tout, comme au centre se rapportent toutes les ligues de la circonférence. Mais nous parlons d'une manière humaine. Tant que nous sommes dans l'attente, le temps nous dure: Où sont vos anciennes miséricordes, ô Seigneur, telles que vous les avez jurées à David dans votre vérité? Souvenez-vous, Seigneur, de l'opprobre (que j'ai gardé dans mon sein) que vos serviteurs ont souffert de la part d'un grand nombre de nations; de ce que nos ennemis ont reproché, Seigneur, de ce qu'ils ont reproché le changement de votre Christ. Béni soit le Seigneur éternellement! Ainsi soit-il, ainsi soit-il, amen, amen. Le changement, c'est-à-dire que vous paraissez avoir changé de dessein sur votre Christ. Dieu semble donc oublier et s'attarder. [234]

            Dieu a fait miséricorde. C'est-à-dire qu'il a tenu sa promesse de faire miséricorde, en envoyant le Christ; car la miséricorde est dans les promesses comme dans sa fleur, et dans son accomplissement comme dans son fruit. La grâce de Dieu noire Sauveur est apparue à tous les hommes, nous enseignant, etc. [Lorsque] la bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue, ce n'est point par les œuvres de justice que nous avons faites, qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde. Humanité, en grec, philanthropie. La grâce du Sauveur notre Dieu est apparue.

            Je rattache la fin au début: Dieu nous a fait miséricorde, car il s'est lui-même donné à nous, comme un gage plus précieux que tout. Nous sommes donc déjà héritiers, mais l'épreuve dure encore. Il nous a armés. Vous aussi, par le sang de votre alliance, vous avez fait sortir les prisonniers du lac qui est sans eau. [235]

 

CXX. Recueil de notes pour le Carême de Grenoble

 

1617

 

(INÉDIT)

 

SILVA PRO QUADRAGESIMA

 

            Pro Evangelio centurionis. Domine, non sum dignus; aliud est non esse dignum, et aliud esse indignum. Paulus arcet indignos ab Eucharistia, et tamen nemo accedit qui se non dignum non fateatur. Duplex vero est dignitas: nimirum, qua tollitur obex et peccatum mortale, et qui istam dignitatem non habent, non solum non sunt digni sed sunt indigni; alia dignitas est comparationis ad tantum misterium, et hanc neque [236] Angeli neque homines habere possunt, quia in conspectu Domini nemo justificatur; et de hac diceret etiam Virgo Beatissima: Domine, non sum dignus.

            Dicunt seniores: Domine, dignus est cui illud prestes, nam et sinagogam ipse nobis ædificavit; dignus est dignitate congrui, secundum tuam misericordiam, dignitate quadam proportionis, disquiparantiæ (sic) non æqualitatis. Non sum dignus ut intres. Postquam omnia feceritis, dicite quia servi inutiles sumus. Dominus, de Joanne: Prophetam, etiam dico, plus quam Prophetam; at Joannes: Non sum. Domina est Maria proprio nomine, at ipsa se ancillam. Non sum dignus, dignus est.

            Maldonatus ait seniores non secutos mentem centurionis et contra fidem legationis, adjecisse dignus est cui hoc prestes, cum ipse diceret se non esse dignum. Non sunt Christo alleganda nostra merita, neque dignitate certandum sed humilitate. Dixit quidem David, Psal. 7: Judica me, Domine, secundum justitiam meam et secundum innocentiam meam super me; sed loquitur de justitia causæ respectu inimicorum suorum, non de justitia personæ respectu Dei. Unde addit: [237] Consumetur nequitia peccatorum et diriges justum. Sic etiam Psal. 16. v. 2 et 3: Proba me, Deus, etc.

            Capharnaum, apud Capillia, champ ou lieu de graisse. Je ne sçai ou il a pris cette etimologie; nam in interpretationibus Bibliis correctioribus additis, Capharnaum ager pœnitentiæ, hæreticis quoque, champ de pœnitence. Hinc ad Gratianopolitanos sumam exordium (nam in templo Sancti Andreæ incipiunt sermones feria quinta): Ecce me in Capharnaum, id est, campo pœnitentiæ, et video peccatores paraliticos; et video Christum, peccatoribus misericordem et medicum; et video centurionem. En ego ipse centurio sum, vel saltem vestri centurionis, id est, Episcopi, locumtenens; et pro vobis et ad vos, in hoc campo pœnitentiæ, clamabo: Domine, puer meus, populus meus non dominio sed affectu, jacet in domo tua paraliticus, et male torquetur, sed veni et cura eum. Sed non curabis nisi fidem habuero; et ecce habeo, nam fatemur: Non sumus digni ut intres sub tectum cordis nostri, sed tantum dic verbo. Ecce Mot Domini affero; sed tu, Domine, dic, non ego. Dicam ego, jam non ego, dicet vero in me Christus, et quia non sum dignus [238] qui veniam ad eum, mittam amicos, inter cæteros autem, Beatissimam Virginem.

            NOTA. Christi civitatem sæpe dictam Capharnaum: Transfretavit et venit in civitatem suam, id est, Capharnaum, quia ager pœnitentiæ; ut mons Moria erat domus antiqua Dei. Qui seminat pœnitentiam et venit vocare peccatores ad pœnitentiam, suam civitatem dicit agrum pœnitentiæ. «Augustinus quidem, Strabus, Lyranus, Hugo, Beda existimant Capharnaum dici civitatem Christi quia erat metropolis Galileæ; ut Romanus dicitur, qui ditioni Romanæ subditus est, vel ibi natus.» Chrisostomus,   Euthymius, Theophilactus, quia ibi frequentissime habitaret; et consentiunt Gebennenses. Ista vera causa est, sed misterium est eum frequenter habitasse in agro pœnitentiæ. Aymo, apud Sanctum Thomam, ait Capharnaum significare villam pinguedinis, vel agrum consolationis; sed credendum est peritioribus.

            Dic tantum verbo. Opus imperfectum: Dic Angelis, servis scilicet tuis et militibus; idem ait Beda. Chrisostomus: Dic verbo Angelis qui verba tua in [239] opus vertunt; et si Angeli cessent, tamen infirmitates preceptis ejus vivacibus expelluntur. Hæc est vera sententia. Nec milites vocat Angelos, sed infirmitates; unde de potentia verbi potest fieri digressio.

Non solum verba, sed cogitationes Dei operantur. Gen. 50. v. 20: Vos cogitastis de me malum, sed Deus vertit illud in bonum; Hebraice, apud Rio, est antithesis: sed Deus cogitavit ut verteret in bonum. Vos cogitastis et non successit, Deus cogitavit et factum est. Thren. 2: Cogitavit Dominus dissipare murum, etc. Hierem. 51. v. 12: Quia cogitavit Dominus, et fecit quæcumque locutus est. Tamen dicit Deus verbo illico facienda, cogitat autem facere quæ tandem et non illico facturus, sed per progressus quosdam suæ Providentiæ notos.

            Servi omnes sumus Christi, et servos nostros diligere debemus. Sæpe servi domino præferuntur: Vitalis et Agricolæ; Ecclesia dominum post servum. Servus fuit Epictetus, serva fuit quæ Naaman Syrum misit ad lepram curandam. Vide I. Reg. cap. 30, de servo Amalecitæ qui relictus fuerat a domino suo, quia ægrotabat. Sed vide maxime Onesimum, magni Pauli viscera, [240] in Epistola ad Philemonem, ubi vult haberi ut fratrem, quia crediderat Domino. Lex servum, religio fratrem fecerat. Philemon autem fuit nobilis Rhodius, sive Collocensis, cui (nescio qua de causa, furtine an negligentiæ) Onesimus servus detrimentum attulerat (vel forte quia cum fugeret ei operam suam abstulerat); unde Paulus: Si quid nocuit, mihi imputa. Quicquid sit, fugiens Romam venit, et a Paulo captivo susceptus est et Philemoni commendatus, et postea factus est Episcopus Ephesinus, succedens Thimoteo, et deinde lapidibus obrutus Romæ, ubi se eum vidisse Ignatius ad Ephesios scribit. Vide Annales [Baronii], anno 62, num. XVII, et anno 110, num. 3o.

            Paulus se stigmaticum servum Christi ait. Plinius, [Hist. nat.,] 1. 18. c. 3. circa finem, ait suo tempore, Romæ, per servos stigmaticos solere terram colere; stigmata porro in fronte aut facie habebant. Constantinus vero Magnus in facie stigmata imprimi vetuit, quia facies hominis imago Dei videtur. Vide Annales, anni 315. Valentinianus legem tulit ne theatrales servi baptizarentur nisi in extremo vitæ, quia nimirum Christianis theatra erant prohibita, et isti theatrales, sive scenici servi ad populi lætitiam tanquam publici servi [241] theatralibus ineptiis incumbebant. Et nunc, proh pudor! les balladins et balladines sont en honneur.

            Servus pars est domini, sed sejuncta, Arist., Polit., id est, quasi instrumento disjuncto utitur.

 

            Pro dilectione inimicorum. Isaiæ, 59. v. 5: Ova aspidum ruperunt. Qui existimant se damnum aspidi afferre ejus ova rumpendo, sibi ipsis injuriam faciunt; nam ovo rupto prodit aspicula, quæ iterum mordet: vindicta vindicanti noxia.

 

            Pro judicio. Bernardus, epistola 292, ad quemdam qui ausus est novitium dehortari a proposito Religionis: «O utinam saperes et intelligeres et novissima provideres: saperes quæ Dei, intelligeres quæ mundi sunt, provideres quæ inferni sunt; inferna horreres, superna appeteres, quæ sunt ad malum (mundi) contemneres.» Ex Deut. 32.

 

            Dilectio fratrum, apud Franciscum Fernandes Galvan, feria 5 post Cineres. Constituite in porta judicium; Amos, 5. Ut urbem in qua opportet concorditer vivere discordes minime intrarent; ut in porta hujus vitae [242] judicium particulare futurum presignarent; ut lites civibus indignæ declararentur.

            Hierem. 4: Quousque morabuntur in te cogitationes noxiæ? Interdum diabolus non vult opus peccati, ne peccator deprehensus pœnitentiam agat; sed vult cogitationes, desideria morosa, verba, murmurationes.

            Chrisostomus: Odium est dæmon voluntarius, insania optata, ludibrium diaboli.

            Audistis quia dictum est antiquis. Error iste affectatus in intellectu periculosior est errore voluntatis. Non parcere hominis est, dicere autem parcere esse vilis animi hæreticum est. Tertullianus: «Ovis illa, Luc. 15, non moriendo, sed errando, dragma non pereundo, sed latendo perierunt.» Intellectus errando, voluntas latendo perit; non entium et non apparentium eadem est ratio.

            Ro. 6: Non regnet peccatum in mortali corpore vestro; cum regnat cudit monetam et dat prætium nummis, et vitiis dat prætium. Annoblit des vilains et canailles: comme la haine, du tiltre de courage, et la vengeance; la vanite, du tiltre de bienseance, etc. Vidi servos ambulantes in equis, et dominos eorum ambulantes super terram. Tertullianus, Apol., c. 37: [243] «Christianus nullius est hostis.» Ut sitis filii Patris. O qualis honor! Dat potum utcumque amarum, sed craterem melle linit. Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes in æternum, propter retributionem. Verumtamen Deo subjecta esto anima mea, quoniam ab ipso patientia mea; vult te pati injuriam, et tibi ad patiendum paratus est dare patientiam.

            Chrisostomus hic: Præcipit amari inimicum ne amor esset ociosus, nam tam pauci sunt amici ut si non amemus nisi amicos, paucissimos simus amaturi.

            Marc. 3. v. 1 et 2, et 5: Et circumspiciens eos cum ira, contristatus super cæcitate eorum. Evangelista prudenter notat iram non in homines, sed in cascitatem culpabilem fuisse: ira repellit malum si possit, si non possit, tunc ira vertitur in tristitiam.

            Injuria recens vix ferri potest; at Christus recentissimum et flagrantissimum odium tulit, et pro inimicis qui ejus fundebant sanguinem orationem misericordiæ fudit. [244]

 

 

 

RECUEIL POUR LE CARÊME

 

            Pour l'Evangile du centurion. Seigneur, je ne suis pas digne; autre chose est de n'être pas digne, autre chose d'être indigne. Saint Paul écarte de l'Eucharistie les indignes, et néanmoins, personne ne s'en approche sans avouer qu'il n'en est pas digne. Mais il y a deux sortes de dignités: l'une qui enlève l'obstacle ou le péché mortel, et ceux qui n'ont pas cette dignité, non seulement ne sont pas dignes, mais sont indignes; l'autre dignité résulterait d'une sorte de proportion entre le mérite du communiant et un si grand [236] mystère; et cette dignité, ni les Anges ni les hommes ne la peuvent avoir, parce que devant le Seigneur personne n'est justifié, et en parlant de cette dignité, la Bienheureuse Vierge elle-même dirait: Seigneur, je ne suis pas digne.

            Les anciens disent: Seigneur, il est digne que vous lui accordiez cette grâce, car il nous a même construit une synagogue; cette dignité est de convenance, elle est selon votre miséricorde, dignité relative et non pas équivalente. Je ne suis pas digne que vous entriez. Après que vous aurez tout fait, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles. Le Seigneur dit de Jean: Un Prophète, oui, je vous le dis, plus qu'un Prophète; mais Jean répond: Je ne le suis pas. Par son nom même, Marie est souveraine, elle s'appelle pourtant servante. Je ne suis pas digne, et il est digne.

            D'après Maldonat, les anciens ne suivirent pas les intentions du centurion, et contre la fidélité aux termes de l'ambassade, ils ajoutèrent: Il est digne que vous lui accordiez cette grâce, tandis qu'il affirmait n'en être pas digne. Il ne faut pas alléguer nos mérites au Christ; nous devons rivaliser avec lui non de dignité mais d'humilité. David dit bien: Jugez-moi, Seigneur, selon ma justice et selon l'innocence qui est en moi; mais il parle de la justice de sa cause en face de ses ennemis, et non de la justice de son âme par rapport à [237] Dieu. Aussi ajoute-t-il: La malice des pécheurs sera anéantie, et vous dirigerez le juste. De même, Ps. XVI: Eprouvez-moi, ô Dieu, etc.

            Capharnaüm, d'après Capiglia, signifie champ ou lieu de graisse. Je ne sais où il a pris cette étymologie, car dans les interprétations ajoutées aux Bibles corrigées, Capharnaüm signifie champ de pénitence; il en est de même dans les Bibles hérétiques. C'est de ce mot que je tirerai mon exorde pour les Grenoblois (dans l'église de Saint-André, les sermons commencent le jeudi après les Cendres): Me voici dans Capharnaüm, c'est-à-dire dans le champ de pénitence. Je vois des pécheurs paralytiques; je vois le Christ, médecin plein de miséricorde pour les pécheurs; je vois le centurion. C'est moi qui suis votre centurion, ou du moins, le lieutenant de votre centurion, c'est-à-dire de votre Evêque. Et pour vous et vers vous, dans ce champ de pénitence, je m'écrierai: Seigneur, mon serviteur, mon peuple, mien, non que j'aie autorité sur lui, mais par l'affection que je lui porte, gît paralysé dans votre maison, et il souffre extrêmement, mais venez et guérissez-le. Cependant vous ne le guérirez pas si je n'ai la foi; eh bien! je l'ai, car nous avouons n'être pas dignes que vous entriez sous le toit de notre cœur, mais dites seulement une parole. Voici que je vous apporte la parole du Seigneur; mais vous, Seigneur, parlez, et non pas moi. Je parlerai non plus moi, mais le Christ parlera en moi, et [238] comme je ne suis pas digne d'aller à lui, j'y enverrai mes amis, et entre autres la Bienheureuse Vierge.

            NOTA. Capharnaum est souvent appelée cité du Christ: Il traversa la mer et vint dans sa ville, c'est-à-dire à Capharnaum, le champ de pénitence, comme le mont Moria, [dont le nom signifie amertume,] était l'antique demeure de Dieu. Celui qui sème la pénitence et vient appeler les pécheurs a la pénitence, nomme sa ville le champ de pénitence. Il est vrai que «saint Augustin, Strabus, Lyranus, Hugues, Bède estiment que Capharnaum est appelée cité du Christ parce qu'elle était la capitale de la Galilée, comme on appelle romain celui qui est soumis au pouvoir de Rome ou qui est né dans cette ville.» Saint Chrysostome, Euthymius, Théophylacte disent qu'elle est ainsi appelée parce que le Christ y habitait fréquemment; c'est aussi l'opinion des pasteurs de Genève. C'est la vraie raison, mais le mystère est que le Christ ait fréquemment habité le champ de pénitence. Haimon, d'après saint Thomas, dit que Capharnaum signifie campagne de graisse ou champ de consolation; mais il faut croire aux plus autorisés.

            Dites seulement une parole. Le commentaire intitulé L'Œuvre Imparfaite explique ainsi ce texte: Dites aux Anges, c'est-à-dire à vos serviteurs et aux soldats; c'est aussi la version de Bède. Saint Chrysostome: Dites une parole aux Anges qui réduisent en actes vos paroles; et quand même les Anges feraient [239] défaut, les infirmités disparaîtraient par son ordre exprès. Voilà le véritable sens. Ce ne sont pas les Anges, ce sont les infirmités qu'il appelle ses soldats; aussi peut-on faire ici une digression sur la puissance de la parole de Dieu.

            Ce ne sont pas seulement les paroles, ce sont les pensées mêmes de Dieu qui opèrent. Vous avez formé un mauvais dessein contre moi, mais Dieu l'a changé en bien. L'hébreu, d'après Rio, présente une antithèse: mais Dieu a pensé le changer en bien. Vous avez pensé et vous n'avez pas réussi, Dieu a pensé et sa pensée est devenue acte. Le Seigneur a pensé de détruire le mur, etc. Parce que le Seigneur pensa, et il accomplit tout ce qu'il avait dit. Toutefois, Dieu parle pour ce qui doit être fait sur-le-champ, mais il pense pour ce qu'il ne fera que plus tard et en quelque sorte progressivement selon les vues de sa Providence.

            Nous sommes tous les serviteurs du Christ, et nous devons aimer nos serviteurs. Souvent les serviteurs sont préférés au maître: saint Vital et saint Agricole; l'Eglise place le maître après le serviteur. Epictète était serviteur; ce fut une servante qui envoya Naaman le Syrien chercher la guérison de sa lèpre. Voir au Ier Livre des Rois, chap. XXX, ce serviteur d'un Amalécite qui, pour cause de maladie, avait été abandonné de son maître. Voir surtout dans l'Epître à Philémon, Onésime, entrailles du grand Paul, que l'Apôtre veut [240] être considéré comme frère parce qu'il avait cru dans le Seigneur. La loi en avait fait un esclave, la religion en fit un frère. Philémon était un noble Rhodien ou Colossien, à qui son esclave, Onésime, avait causé quelque dommage (je ne sais de quelle manière; était-ce par vol, par négligence ou bien parce que en s'évadant, il l'avait privé de ses services?) car saint Paul dit: S'il t'a fait tort, impute-le-moi. Quoi qu'il en soit, dans sa fuite, Onésime vint à Rome, fut reçu par Paul captif, recommandé à Philémon, succéda plus tard à Timothée comme Evêque d'Ephèse, et fut ensuite lapidé à Rome, où saint Ignace, dans sa lettre aux Ephésiens, déclare l'avoir vu. Voir les Annales de Baronius, an 62, numéro XVII, et an 110, numéro III.

            Saint Paul se nomme lui-même l'esclave stigmatisé du Christ. Pline dit que de son temps, à Rome, la culture des champs était ordinairement réservée à des esclaves stigmatisés; ces caractères étaient empreints sur le front ou sur le visage. Constantin le Grand défendit de marquer le front d'un stigmate, parce que le visage de l'homme est considéré comme représentant l'image de Dieu. Voir les Annales, an 315. Valentinien rendit une loi par laquelle il défendait de baptiser les histrions, sinon à leur dernière heure, parce que le théâtre était interdit aux Chrétiens, et que ces esclaves du théâtre ou de la scène amusaient [241] le peuple, et comme des esclaves publics, s'appliquaient aux inepties du théâtre. Et aujourd'hui, ô honte! les baladins et baladines sont en honneur.

            L'esclave fait en quelque sorte partie du maître, bien qu'il ne lui soit pas uni (Aristote, Politiques), c'est-à-dire que le maître s'en sert comme d'un instrument distinct de sa personne.

            Pour l'amour des ennemis. Voir Isaïe: Ils brisèrent les œufs de l'aspic. Ceux qui croient nuire à l'aspic en brisant ses œufs, se portent préjudice à eux-mêmes, car de l'œuf brisé sort un petit aspic qui à son tour mordra: la vengeance nuit à celui qui l'exerce.

            Pour le jugement. Saint Bernard écrit, épitre CCXCIIe, à un homme qui avait osé détourner un novice de la vie religieuse: «Plût a Dieu que tu eusses la sagesse et l'intelligence et que tu prévisses tes fins dernières! Tu goûterais les choses de Dieu, tu comprendrais les choses du monde, tu prévoirais les supplices de l'enfer; tu aurais horreur de l'enfer, tu aspirerais aux choses d'en-haut, et tout ce qui regarde le mal du monde, tu le mépriserais.»

            Au sujet de la charité fraternelle, voir François Fernandes Galvan, jeudi après les Cendres. Etablissez le tribunal sur la porte. Pour écarter absolument les hommes de discorde de la ville où l'on doit vivre en parfaite union; pour [242] signifier le jugement particulier qui aura Heu au sortir de cette vie; pour déclarer que les disputes sont indignes des citoyens.

            Jusqu'à quand les pensées nuisibles demeureront-elles en toi? Parfois le démon ne veut pas l'acte du péché, de peur que le pécheur surpris en faute ne fasse pénitence; mais il veut des pensées, des désirs longuement entretenus, des omissions, des paroles, des murmures.

            Saint Chrysostôme: La haine est un démon volontaire, une manie voulue, un jouet du diable.

            Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens. Cette erreur affectée de l'intelligence est plus dangereuse que celle de la volonté. Ne pas pardonner c'est faiblesse humaine; mais dire que le pardon est pusillanimité, c'est être heretique. Tertullien: «Cette brebis dont parle saint Luc, a péri non en mourant, mais en s'égarant, comme la dragme a été perdue non en cessant d'exister, mais en restant cachée.» L'intelligence périt en errant, la volonté en demeurant inactive: ne pas être et ne pas paraître revient au même.

            Que le péché ne règne point dans votre corps mortel; lorsque le péché règne, il bat monnaie et donne leur prix aux pièces d'argent; il donne du prix aux vices. [Reprendre au texte, lig. 18.]

            J'ai vu des esclaves aller à cheval, et leurs maîtres aller a pied. [243] Tertullien, Apologétique: «Le Chrétien n'est l'ennemi de personne.» Afin que vous soyez les fils de votre Père. Quel honneur! Il donne une boisson un peu amère, mais il enduit de miel les bords de la coupe. J'ai porté mon cœur à accomplir éternellement vos ordonnances pleines de justice, a cause de la récompense. Cependant, ô mon âme, sois soumise à Dieu, puisque c'est de lui que vient ma patience; il veut que tu souffres l'injure, mais, pour la supporter, il est prêt à te donner la patience.

            Saint Chrysostôme dit à ce sujet: Dieu nous ordonne d'aimer nos ennemis pour que l'amour ne reste pas oisif, car les amis sont si peu nombreux que si nous n'aimions que les amis, nous aimerions un très petit nombre de personnes.

            Et Jésus les regardant avec indignation, contristé qu'il était de leur aveuglement. L'Evangéliste avertit prudemment que cette colère tombe non sur les hommes, mais sur leur coupable aveuglement; si elle le peut, la colère repousse le mal, sinon, elle se change en tristesse.

            On peut à peine supporter une injure récente; mais le Christ a supporté la haine la plus actuelle et la plus violente; et pour les ennemis qui répandaient son sang, il a répandu la prière de la miséricorde. [244]

 

CXXI. Sommaire d'un sermon pour le premier Dimanche de Carême

 

12 février 1617

 

(INÉDIT)

 

DOMINICA PRIMA

 

Ductus est Jesus in desertum a Spiritu.

MAT., 4. v. 1.

 

            Zeuxis fit une luite ou il print grand playsir, et escrivit dessous «qu'elle seroit plus tost enviee qu'imitee.» Et ecce Evangelistæ nobis pugnam tanquam in tabula pingunt, quæ ne doit point estre enviee ains aymee, parce que son issue est heureuse pour nous; et non seulement elle doit estre aymee, mais imitee.

            Ante omnia distinguendæ tentationes: [1.] alia interior, ut Adami et Evæ, et multorum qui sibi ipsis [245] concupiscentiam movent. Nemo cum tentatur dicat quia a Domino tentatur: Deus enim intentator malorum est, ipse autem neminem tentat; unusquisque vero tentatur a propria concupiscentia abstractus et illectus. Deinde concupiscentia cum conceperit parit peccatum, peccatum vero cum consummatum fuerit generat mortem; Jac. I. v. 13, [14, 15.]

            2. Exterior tantum, ut Christi et Beatæ Virginis et multorum Sanctorum; quo loco doctrina Augustini, 1. de Quæst. Vet. et Novi Testamenti afferenda est, tomo 4; et citatur a D. Thoma, in illa verba: Tuam ipsius animam gladius pertransibit, ubi per gladium intelligit tentationem et dubitationem de Christi Divinitate tempore Passionis; quam dubitationem ait fuisse transeuntem, non inhaerentem: «Sicut,» inquit, «gladius pertransiens juxta hominem timorem facit, non percutit, sic dubitatio non sedit in animo Virginis, sed pertransiit velut per umbram.» Exornanda similitudo: si homo impenetrabili chalibe vel adamante armatus impetatur ense, ictus in cassum fertur, non enim penetrat sed elabitur circa thoracem, il coule, il glisse. Sic magnus Antonius, etc., irridebat diabolum illum de luxuria, etc., tentantem; sic Martinus: «Discede a me, cruenta [246] bestia.» Sic Tentyritae solo halitu crocodylos domant et eis utuntur sicut equis; Plin., [Hist. nat.,] lib. 8. c. 25.

            3. Mixta, quæ partim extrinseca est partim intrinseca. Ut Pauli: Datus est mihi stimulus carnis meæ, angelus Satanæ, qui me colaphizet; et scio varie intelligi, sed assentior Patribus. Hinc Psaltes: Irascimini, (Hebraice, contremiscite) et nolite peccare; Tremousses par la saillie de l’ire, si vous sentes les eslans de l'ire. Sic Hieronimus fatetur se sensisse carnis illecebras in mediis desertis. Sic Catharina Senensis et Beata Angela.

 

            Ergo Christus tentatione tantum externa, habebat enim non passiones aut perturbationes, sed propassiones; unde victoriam intactus reportavit. Et cum nihil [247] timeret, tamen, ut nobis præiret et nos quomodo contra tentationes pugnare deberemus, ac, ante omnia, non suo nutu sed ductu Spiritus Sancti, vadit in desertum.

            1um. Locum sibi delegit aptissimum, nimirum eremum. Nam in civitatibus diabolus multos habet coadjutores, in eremo ipse solus. In Paradiso habuit Evam coadjutricem, hic Christus nihil præter bestias ferasque. Tamen, ibi impetitur, ut sciamus omnia loca patere tentationibus.

            2°. Tempus. Postquam baptizatus est; nam per Baptisma non quidem Christus, sed nos, vires roburque acquirimus et per Sacramenta. Hinc ut athletæ ungimur et contra diabolum exorcismi fiunt; et ab Eucharistia fortes eximus «tanquam leones ignem spirantes,» ait Chrisostomus, unde, et cum Psalte: Parasti in conspectu meo mensam. Post Pœnitentiam fortiores sumus, ut equi a lupi morsu læsi, ait Plinius: hinc Magdalena omnium fortissima, Christum sepultum quærit; et [248] Petrus post pœnitentiam, et Paulus, et Augustinus. Ut belette juxta serpillum nihil timet, sic nec nos juxta Sacramenta.

            3°. Armat se. Vigilate et orate; Sobrii estote et vigilate. Jejunium armavit Judith, et Joannem Baptistam; et Paulus ait: Per arma justitiæ a dextris et a sinistris; et David, Psal. 68. v. 11, [12, 13]: Zelus domus tuæ comedit me et opprobria exprobrantium tibi venerunt super me. Et operui in jejunio animam meam et factum est in opprobrium mihi; et posui vestimentum meum cilicium et factus sum illis in parabolam. Adversum me loquebantur qui sedebant in porta, et in me psallebant qui bibebant vinum. Critiques, juges, reformateurs et ivrognes.

 

            Ergo videamus nunc pugnam. Accessit hostis forma visibili, in speciem hominis gravis vel eremitæ; nam nihil obest eum in similitudinem Heliæ venisse. Neque urget quod ait Barradas de tertia tentatione; nam quia assumpserat et portaverat Dominum, etsi eo esset habitu, tamen præsumebat Dominum sibi forte crediturum; deinde desperati hostis vices gerebat.

            Primo vero loco agit philosophum, chimistam et [249] medicum. Philosophos hæreticorum patronos et magistros appellat Tertullianus. Dic ut lapides isti panes fiant. Incipit leniter, ut philosophi nostri temporis: Ne jejunes. Tirannis est, ait Calvinus: Ne confitearis peccata, ne obedias pastoribus, ne ineas pœnitentiam. Verum, ait Bernardus, non timebis a timore nocturno. Craintes des petitz enfans: il ny a rien de si grande consolation que l'observance de la discipline ecclesiastique. Si une souris fait du bruit, un'ombre, une clarte. Ne soyes pas devotz, car, etc. Non in solo pane, etc.

            2°. Agit hæreticum. Scripturas affert. Omnes Patres observant hæreticorum esse malo sensu bona verba proferre. Lyrinensis, Tertullianus et passim. «Non in legendo sed in intelligendo consistunt.» «Sensus, non sermo, fit crimen.» «In omnibus viis, non præcipitiis;» deinde truncat: Super aspidem; Bernardus. Sic hæretici semper sensum pervertunt, aut reticendo aut secando, etc.

            3°. Agit atheum. Hæc omnia; mihi enim omnia tradita sunt, et do illa cui volo.

            Nota Calvinum irridere Catholicos quod imitari velint [250] Christum cacozelia. At imitatio puerorum non est irridenda: alioqui, si quod non possint assequi matrum linguam, nunquam incipiant loqui; si quia non possunt passus æquales patri facere, nunquam gradiantur. Sic infans quatuor passus facit ubi pater unum; et Christianus quadraginta passus ubi Christus unum.

            O convivium Angelorum! Benedictus Dominus Deus meus, qui docet manus meas ad prælium et digitos meos ad bellum. [251]

 

 

 

PREMIER DIMANCHE

 

            Jésus fut conduit par l'Esprit dans le désert.

 

            Or voici que les Evangélistes nous peignent, comme dans un tableau, une lutte qui

            Avant tout, distinguons les tentations: [1.] il y en a qui sont intérieures, comme le fut celle d'Adam et d'Eve, et comme le sont celles de beaucoup [245] d'autres qui excitent en eux-mêmes la concupiscence. Que nul, lorsqu'il est tenté, ne dise que c'est le Seigneur qui le tente, car Dieu ne tente point pour le mal. Or, il ne tente lui-même personne; mais chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l'entraîne et le séduit. Ensuite, quand la concupiscence a conçu, elle enfante le péché, et le péché étant consommé engendre la mort.

            2. D'autres tentations sont seulement extérieures; telles sont celles du Christ, de la Bienheureuse Vierge et d'un grand nombre de Saints. Alléguer sur ce point la doctrine de saint Augustin, livre des Questions sur l'Ancien et le Nouveau Testament, tome IV; saint Thomas le cite à propos de ces paroles: Un glaive transpercera ton âme. Par ce glaive, l'auteur de ce livre entend une tentation de doute au sujet de la divinité du Christ, au temps de la Passion. Il dit que ce doute passa sans se fixer: «Tel un glaive qu'on brandit devant un homme le fait trembler sans le blesser, ainsi le doute effleura seulement l'âme de la Vierge, et passa comme une ombre.» Embellir cette comparaison: attaquez à l'épée un homme revêtu d'une cuirasse d'impénétrable acier ou dure comme du diamant, le coup porte à faux, ne pénètre pas, mais tourne la poitrine, il coule, il glisse. Ainsi, saint Antoine se moquait des tentations de luxure, etc., que le diable lui suggérait; saint Martin s'écriait: «Arrière, [246] bête cruelle!» Ainsi, les Tentyrites domptent par leur seule haleine les crocodiles dont ils se servent comme de chevaux.

            3. D'autres tentations sont mixtes, partie extérieures, partie intérieures. Telle celle de saint Paul: Il m'a été donné un aiguillon dans ma chair, un ange de Satan pour me souffleter. Ce texte, je le sais, s'interprète de diverses manières, mais je m'en tiens aux Pères. Le Psalmiste dit aussi: Mettez-vous en colère (en hébreu: Tressaillez de crainte) et ne pèchez pas. Trémoussez par la saillie de l'ire, si vous sentez les élans de l'ire. C'est ainsi que saint Jérôme déclare avoir ressenti les révoltes de la chair au milieu du désert. Il en fut de même de sainte Catherine de Sienne, de la bienheureuse Angèle.

            La tentation du Christ fut donc purement extérieure, car il avait non pas des passions ou des troubles intérieurs, mais des propassions; aussi remporta-t-il une victoire complète. Quoiqu'il n'eût rien à craindre, toutefois, pour nous [247] montrer le chemin, pour nous apprendre à combattre les tentations et, avant tout, agissant non par son propre mouvement, mais par celui de l'Esprit-Saint, il se retira dans le désert.

            1. Il choisit le lieu le plus convenable, c'est-à-dire le désert. Dans les villes, en effet, le diable a beaucoup d'auxiliaires ; au désert, il est seul. Au paradis terrestre, Eve fut sa collaboratrice; ici le Christ est seul, au milieu des bêtes sauvages. Pourtant, il y est tenté pour nous apprendre qu'on peut l'être partout.

            2. Le temps. Après son baptême; par le Baptême, en effet, nous acquérons (ceci néanmoins ne s'applique pas au Christ) des forces et de la constance, comme par les autres Sacrements. C'est pourquoi nous sommes oints comme des athlètes et on fait sur nous des exorcismes contre le démon; nous sortons de la sainte Table forts «comme des lions au souffle enflammé;» ce sont les expressions de saint Chrysostôme; aussi disons-nous avec le Psalmiste: Vous avez préparé une table devant moi. La Pénitence nous rend plus forts, comme des chevaux blessés par la dent du loup; voir Pline. C'est pour cela [248] que Madeleine, forte entre toutes, recherche le Christ sépulture; et saint Pierre après sa pénitence, et saint Paul, et saint Augustin. La belette ne craint rien auprès du serpolet; il en est ainsi de nous en présence des Sacrements.

            3. Le Christ s'arme. Veillez et priez. Soyez sobres et veillez. Judith et Jean-Baptiste s'armèrent du jeûne. Saint Paul dit: Par les armes de justice, a droite et a gauche; et David: Le zèle de votre maison m'a dévoré et les outrages de ceux qui vous insultaient sont tombés sur moi. Et j'ai abrité mon âme dans le jeûne, et on m'en a fait un sujet d'opprobre; j'ai pris pour vêtement un cilice et je suis devenu le sujet de leurs railleries. Ceux qui étaient assis a la porte parlaient contre moi, et ceux qui buvaient du vin me prenaient pour le sujet de leurs chansons...

            Voyons donc maintenant la lutte. L'ennemi s'approcha sous une forme visible, sous l'extérieur d'un homme grave, d'un ermite; car il n'est pas impossible qu'il se soit présenté sous la figure d'Elie. Et ce que dit Barradas de la troisième tentation ne s'y oppose pas; car Satan avait pris et porté le Seigneur, et bien qu'il eût emprunté cette forme, il espérait que le Seigneur pourrait croire en lui; de plus, il jouait le rôle d'un ennemi désespéré.

            Et en premier lieu, il simule le philosophe, le chimiste, le médecin. Tertullien [249] appelle les philosophes défenseurs et maîtres des hérétiques. Dites à ces pierres qu'elles deviennent des pains. Satan s'y prend avec douceur, comme les philosophes de notre temps: Ne jeûne pas. C'est une tyrannie, dit Calvin: Ne confesse pas tes péchés, n'obéis pas à tes pasteurs, n'entreprends pas de faire pénitence. Mais, dit saint Bernard, tu ne seras pas épouvanté par les craintes nocturnes. [Reprendre au texte, lig. 7.]

             L'homme ne vit pas seulement de pain, etc.

            2. Le tentateur se conduit à la façon des hérétiques. Il cite l'Ecriture. Tous les Pères observent que c'est le propre des hérétiques de citer les bonnes paroles dans un mauvais sens. Voir Vincent de Lérins, Tertullien et tous les autres. «La science des Ecritures consiste non pas à les lire mais à les comprendre.» «La faute est dans l'intention [de celui qui entend mal], non dans le texte.» «Dans toutes tes voies, non dans les précipices;» Satan en outre tronque le texte: Sur l'aspic (voir saint Bernard). Ainsi font toujours les hérétiques, ils détournent le sens par des réticences ou des suppressions de mots, etc.

            3. Satan parle comme un athée. Toutes ces choses; car toutes choses m'ont été livrées et je les donne à qui je veux.

            Noter que Calvin se moque des Catholiques parce que, dans un zèle qu'il appelle outré, ils veulent imiter le Christ. Mais [la prétention qu'ont] les [250] enfants d'imiter leurs parents n'a rien de ridicule; sans quoi ils ne devraient jamais commencer à parler parce qu'ils ne peuvent d'abord parler aussi vite que leur mère; ni à marcher, parce qu'ils ne peuvent faire des pas égaux à ceux de leur père. Comme l'enfant fait quatre pas là où son père n'en fait qu'un, de même le Chrétien en fait quarante où le Christ n'en fait qu'un.

            O festin des Anges! Que le Seigneur mon Dieu soit béni, lui qui dresse mes mains au combat et mes doigts à la guerre. [251]

 

CXXII. Plan d'un sermon pour le lundi après le premier Dimanche de Carême

 

13 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA SECUNDA POST DOMINICAM PRIMAM DE DIE JUDICII

 

            O si quis mihi tribuat auditorem! Ancienne leçon, mais mal entendue. Quis credit auditui nostro, et brachium Domini cui revelatum est? Quis novit potentias Domini? Silete, auditores, attendite; et ante omnia, mecum orate.

 

            Deus creavit mundum ordine pulcherrimo; unde et mundus dicitur, et cosmos, et universum (unidiversum). Quarta die creationis: Fiant luminaria in firmamento cæli, et dividant diem ac noctem, et sint [252] in signa et in tempora et dies et annos, et illuminent terram. Terram: Etenim firmavit orbem terræ qui non commovebitur. At in extremo die, in fine temporum, tunc, ait Isaias, 34, tabescet omnis militia cæli et complicabuntur sicut liber cæli et desinet omnis militia eorum; et Apoc. 6: Cælum recedet quasi liber involutus; sol factus est niger sicut saccus cilicinus, et luna versa est in sanguinem. Deüil, honte, confusion. Et en fin tous ces signes seront suivis de l'embrasement general, duquel il est dit, [Pss.] 96, 49: Ignis ante ipsum præcedet; Ignis in conspectu ejus exardescet. 2. Thess. 1; 2. Pet. 3. «Venturus est judicare vivos et mortuos, et seculum per ignem.»

            His autem omnibus peractis, omnes omnino morientur, partim timore arescentibus hominibus, partim ignis vi. Ut ait Barradas, quem malo sequi cum communi; nam Heb. 9: Statutum est hominibus semel mori. Quis est homo qui vivet et non videbit mortem? [Ps.] 88. In omnes homines mors pertransiit; Ro. 5. Omnes resurgemus, 1. Cor. 15; ergo omnes moriemur.

            Postea canet tuba, sic enim Christus ipse: Et mittet Angelos suos cum tuba et voce magna. 1. Thessal. 4: Ipse Dominus in jussu, in voce Archangeli, [253] in tuba Dei descendet de cælo, et mortui qui in Christo sunt resurgent primi. I. Cor. 15: In novissima tuba; canet enim tuba, et mortui resurgent (verba pensanda). Ecce misterium dico vobis: Omnes quidem resurgemus, sed non omnes immutabimur. In momento, in ictu oculi, in novissima tuba; canet enim tuba, etc. Id autem fiet congruenter; nam in antiqua Lege tubæ frequentes: in bello, ut Hiericho, in congregatione, ad festa; in clangore tubæ data sunt præcepta. Ergo tuba hæc convocabit malos ad bellum, bonos ad festum. Erunt enim plures, erunt sane: Angelos mittet cum tuba, id est, singulos cum tuba; at novissima tuba est quam sequitur vox Archangeli. Quæ vox?

            Vox: «Surgite mortui, et venite ad judicium.» Quo loco ponderanda sunt verba Domini, Jo. 5, postquam locutus fuisset de sua potestate judiciaria, et resurrectionem faciendi: Nolite mirari hoc, ait, quia venit hora in qua omnes qui in monumentis sunt audient vocem Filii Dei; et procedent qui bona egerunt in resurrectionem vitæ, qui vero mala, in resurrectionem judicii. Vox «Surgite mortui» audietur mistice, [254] quia corpora illico resurgent; vox «Venite ad judicium» audietur realiter, nam jam resurrectio facta erit. O vox terribilis! Sonet vox ista in auribus meis; ut de Hieronymo dicitur, et ut ipse dicit ad suos monachos, apud Suaresium. O vox omnipotens, quæ tot transsubstantiationes faciet, in momento, in ictu oculi, et reperit ossa, cutem, sanguinem.

            Articulus iste resurrectionis omnium visus est difficillimus philosophis: a privatione ad habitum; at Patres pro eo strenue dimicarunt. Et Job, in lege naturæ: Credo quod Redemptor meus vivit, et in carne mea, etc. Martha credit. Et conformis est lumini naturæ; nam anima sola non est operata, et desiderat formam. Supererat ut inveniretur quis hoc faceret; et ecce, Deus est.

            Et ecce primus articulus judicii; nam in resurrectione prima erit differentia bonorum et malorum. Quid tu vides? Hierem. I: Virgam vigilantem, oculatam, amigdalinam, floridam, præcocem; ollam succensam. Corpora Beatorum florida; damnatorum accensa ut olla, spirantia ignem et tormenta, horrida, hispida, teterrima; quæ illis palatia, nunc carceres, ut Beatis, quæ illis [255] carceres, nunc palatia. Jacob et Esau. Ex eadem fornace, aura limpidius, lignum nigrum et carbones. Melas et Cyphissus. Quis pudor! Heu, heu!

            Hoc facto, parebit signum Filii hominis. Image a double rapport: ut mali oderunt justitiam, boni amant.

«O Crux, ave, spes unica!»

            O Estendart ami! o terreur des ennemis! [256]

 

 

 

LUNDI APRÈS LE PREMIER DIMANCHE. SUR LE JOUR DU JUGEMENT

 

            Oh! qui me donnera, un auditeur! Ancienne leçon, mais mal entendue. Qui croit à notre parole, et a qui le bras du Seigneur a-t-il été révêlé? Qui a connu les puissances du Seigneur? Silence, mes auditeurs, prêtez l'oreille; et avant tout, priez avec moi.

            Dieu créa le monde dans le plus bel ordre; de là son nom de mundus qui signifie pur, et de cosmos, ordre, et d'univers (à la fois un et divers). Au quatrième jour de la création [Dieu dit]: Qu'il soit fait des luminaires dans le firmament du ciel, et qu'ils séparent le jour de la nuit, et soient des signes pour [252] les temps, les jours et les années, et qu'ils éclairent la terre. La terre: Car il a affermi le globe de la terre, de sorte qu'il ne sera point ébranlé. Mais au dernier jour, à la fin des temps, alors, dit Isaïe, toute la milice des cieux s'anéantira, et les cieux se rouleront comme un livre et toute leur milice périra. Et dans l'Apocalypse: Le ciel se retirera comme un livre roulé; le soleil deviendra noir comme un sac de poils, et la lune se changera en sang. [Reprendre au texte, lig. 9.]

            Le feu marchera devant lui; le feu s'allumera en sa présence. «Il doit venir juger les vivants et les morts, et le siècle par le feu.»

            Toutes ces choses étant accomplies, tous les hommes sans exception mourront, les uns desséchés de frayeur, les autres dévorés par le feu. C'est l'opinion de Barradas que je préfère suivre parce que c'est la plus commune. Il est statué que les hommes doivent mourir une fois. Quel est l'homme qui vivra et qui ne verra pas la mort? La mort a passé dans tous les hommes. Nous ressusciterons tous; donc, nous mourrons tous.

            Après, la trompette sonnera, car ainsi le déclare le Christ lui-même: Et il enverra ses Anges avec une trompette et une voix éclatante. Aussitôt que le [253] signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers. Au son de la dernière trompette; car la trompette sonnera, et les morts ressusciteront (peser les paroles). Voici que je vais vous dire un mystère: A la vérité, nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés. En un moment, en un clin d'œil, au son de la dernière trompette; car la trompette sonnera, etc. Et ce sera juste; dans l'ancienne Loi, en effet, on faisait un usage fréquent de la trompette: pour la guerre, comme à Jéricho, pour convoquer le peuple, pour les fêtes; c'est au son de la trompette que furent promulgués les commandements. Cette trompette appellera donc les méchants à la guerre, les bons à la fête. Les trompettes seront nombreuses assurément: Il enverra ses Anges avec une trompette, c'est-à-dire, chacun avec la sienne; et la dernière trompette sera suivie de la voix de l’Archange. Quelle est cette voix?

            La voix: «Levez-vous, morts, et venez au jugement.» Bien peser ici les paroles du Seigneur, qui, après avoir parlé de son pouvoir de juger et de ressusciter les morts, ajoute: Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient ou tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour ressusciter à la vie, ceux qui auront fait le mal, pour ressusciter à leur condamnation. C'est d'une manière mystérieuse [254] qu'on entendra ces paroles: «Levez-vous, morts,» parce que les corps ressusciteront sur-le-champ; mais ces autres: «Venez au jugement,» seront entendues réellement, parce que déjà la résurrection aura eu lieu. O voix terrible! Que cette voix retentisse à mes oreilles comme elle résonnait à celles de saint Jérôme, ainsi qu'il le dit lui-même à ses moines, d'après Suarez. O voix toute-puissante qui transforme tant de substances, en un moment; en un clin d'œil, et fait reparaître les os, la peau, le sang !

            Cet article de la résurrection a paru aux philosophes le plus difficile à admettre: passer du néant à l'être! Mais les Pères l'ont énergiquement défendu. Déjà, dans la loi de nature, Job disait: Je crois que mon Rédempteur est vivant, et que dans ma chair, etc. Marthe affirme la même foi, conforme d'ailleurs aux lumières naturelles, car l'âme, n'ayant pas travaillé seule, a droit de réclamer son complément. Restait à trouver qui le lui donnerait, et voici que c'est Dieu.

            Et ce sera la première partie du jugement; car la distinction qui doit s'opérer entre les bons et les méchants commencera avec la résurrection. Que vois-tu? Une verge qui veille, pleine d'yeux, comme celle de l'amandier, fleurie, précoce; une chaudière bouillante. Les corps des Bienheureux fleuriront; ceux des damnés seront comme une chaudière bouillante, animés par le feu et les tourments, [255] horribles, affreusement hérissés; à leurs palais d'autrefois sont maintenant substituées des prisons, comme les prisons des Bienheureux font place à des palais. Jacob et Esaii. De la même fournaise sortent une matière plus pure que la brise, et des bois noirs et des charbons. Mêlas et Céphisse. Quelle honte! Hélas! hélas!

            La séparation faite, le signe du Fils de l'homme apparaîtra... Les mauvais ont eu en haine la justice, les bons l'aiment.

             «Je te salue, o Croix, notre unique espérance!»... [256]

 

CXXIII. Plan d'un sermon pour le mardi après le premier Dimanche de Carême

 

14 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA TERTIA DE JUDICIO SEPARATIONIS ET DISCUSSIONIS

 

            Collocato in aera signo Filii hominis, congregabuntur circa eum omnes gentes; mox separabuntur, et deinde omnes libri aperientur, et examen ac discussio, recherche, fiet.

 

            Joel, 3: Ecce in diebus illis, etc., congregabo omnes gentes et educam eas in vallem Josaphat (vide Riberam, qui ad litteram ait de judicio intelligi), et disceptabo cum eis. Vallis Josaphat, ex communi sententia, est inter Olivetum et Hierusalem. Magister Sententiarum irridet, quia Josaphat judicium Domini [257] significat; at certa est sententia. Angeli: Quid hic statis? etc.; hic Jesus qui assumptus est a vobis in cælum, etc. Ubi Redemptionem, ibijudicium. Deinde Judæi prius judicandi. Ergo congregabuntur ante eum omnes gentes; omnes omnino: ubi autem congregati fuerint, veniet Filius hominis in nubibus, et omnes Angeli ejus cum eo. Et tunc fiet separatio: Separabunt, inquit, malos a bonis. Duo, ait Dominus, erunt in agro, duo in lecto, duæ ad molam; unus assumetur et alter relinquetur. O separatio æterna! Agar et Ismael.

            Deinde judicium fiet discussionis; de qua discussione Dominus, Math. 12: Amen dico vobis, quoniam de omni verbo otioso. Et Apostolus, I. Cor. 4: Mihi autem pro minimo est ut a vobis judicer, etc.; itaque nolite ante tempus judicare, quoadusque veniat Dominus, qui et illuminabit abscondita tenebrarum et manifestabit consilia cordium. Apoc. 20: Et vidi thronum magnum candidum, et sedentem super eum, a cujus conspectu fugit terra et cælum, et locus non est inventus eis; et vidi mortuos, magnos et pusillos, stantes in conspectu throni; et libri aperti sunt, et alius liber apertus est qui est [258] vitæ (id est, vita); et judicati sunt mortui ex iis quæ scripta erant in libris, secundum opera ipsorum. (Liber vitæ, in Apoc. 20, est vita Christi.) Danielis, 7: Aspiciebam donec throni positi sunt, et Antiquus dierum sedit, etc.; judicium sedit et libri aperti sunt: «Liber scriptus proferetur.»

            Soph. 1: Et erit in die illa; scrutabor in lucernis Hierusalem (Bernardus: Si sic in Hierusalem, quis finis in Babilone? Hierusalem, Sancti: videbuntur etiam peccata Sanctorum, sed cum magna eorum consolatione; et dicent: Misericordiæ Domini quia non sumus consumpti); et visitabo super viros defixos in fœcibus suis, qui dicunt in cordibus suis: Non faciet bene Dominus, non faciet male. Tres interpretationes, vide Riberam, et fol. nostro 78:  1a, litteralis, de captivitate Caldaica; 2a, Josephi, applicatoria; 3a, de die judicii. Lucerna pedibus meis Mot tuum, 4a, homines sancti. Et ita fiet judicium comparationis: Surget regina austri, et viri Ninivitæ.

            Historia Joseph, [Gen.,] 42: Invicem: Merito hæc [259] patimur, quia peccavimus in fratrem nostrum, videntes angustias animæ illius dum depræcaretur nos et non audivimus; idcirco venit super nos ista tribulatio. Et Ruben: Nunquid non dixi vobis: Nolite peccare in puerum? et non audistis me; en sanguis ejus exquiritur.

            Initium, 2. Timoth. 4: Testificor coram Deo et Christo. [260]

 

 

 

MARDI APRÈS LE PREMIER DIMANCHE SUR LE JUGEMENT: SEPARATION ET EXAMEN

 

            Le signe du Fils de l'homme fixé dans les airs, toutes les nations seront rassemblées autour de lui; elles seront bientôt séparées, et ensuite tous les livres seront ouverts, et l'examen, la discussion, la recherche commencera.

            Voilà qu'en ces jours-là, etc., je rassemblerai tous les peuples, et je les conduirai dans la vallée de Josaphat (voir Ribéra qui applique littéralement ce passage au jugement), et là j'entrerai en jugement avec eux. La vallée de Josaphat, d'après l'opinion commune, serait l'espace situé entre Jérusalem et le mont des Oliviers. Le Maître des Sentences se moque de cette interprétation parce que le nom même de Josaphat signifie jugement de Dieu; mais l'opinion [257] énoncée ci-dessus n'en est pas moins certaine. Les Anges dirent [aux disciples]: Pourquoi vous arrêtez-vous ici? etc.; ce Jésus qui du milieu de vous s'est élevé au ciel, etc. Où s'est opérée la Rédemption, là se fera le jugement. D'ailleurs, il faut que les Juifs soient jugés les premiers. Toutes les nations seront donc rassemblées devant lui; toutes, sans exception. Dès qu'elles seront rassemblées, le Fils de l'homme viendra sur les nuées et tous les Anges avec lui. Alors se fera la séparation. Les Anges, d'après l'Ecriture, sépareront les méchants des bons. Sur deux qui seront dans un champ, dit le Seigneur, deux dans un lit, deux à la meule, l'un sera pris, l'autre laissé. O éternelle séparation! Agar et Ismael.

            Ensuite aura lieu l'examen pour le jugement. De cet examen le Seigneur affirme: En vérité, je vous le dis, il portera sur toute parole oiseuse. Et l'Apôtre: Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et qui manifestera les secrètes pensées des cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; et les livres furent ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la vie); et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres. (Le livre de vie, dans l'Apocalypse, XX, c'est la vie du Christ.) Je regardais jusqu'à ce que des trônes fussent placés, et l'Ancien des jours s'assit, etc.; le jugement se tint et les livres furent ouverts: «Le livre écrit sera présenté.»

            En ce jour-là je scruterai Jérusalem avec des lampes (Saint Bernard: S'il en est ainsi pour Jérusalem, quelle sera la fin de Babylone! Jérusalem, c'est-à-dire les Saints: les péchés mêmes des Saints seront découverts, mais à leur grande consolation; et ils diront: C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés); et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal. Trois interprétations (voir Ribéra et notre folio 78): La première est littérale, et s'entend de la captivité de Chaldée; la seconde, celle de Josèphe qui l'applique [à la destruction de Jérusalem]; la troisième a trait au jour du jugement. Votre parole est une lampe qui éclaire mes pieds; texte qui amène une quatrième interprétation: des hommes saints. Ainsi se fera le jugement par comparaison: La reine du midi et les hommes de Ninive se lèveront.

            Histoire de Joseph: [Ils se dirent] les uns aux autres: C'est justement que [259] nous souffrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frère; voyant les angoisses de son âme quand il nous suppliait, nous ne l'avons pas écouté; c'est pour cela que cette tribulation a fondu sur nous. Et Ruben de répondre: Ne vous ai-je pas dit: Ne péchez pas contre cet enfant? et vous ne m'avez pas écouté; voilà que son sang nous est redemandé.

            Pour le commencement [du sermon]: Je t'en conjure devant Dieu et devant le Christ. [260]

 

CXXIV. Plan d'un sermon pour le mercredi après le premier Dimanche de Carême

 

15 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA QUARTA

 

            Post resurrectionem, convocationem, separationem et discussionem, nihil superest nisi ut feratur sententia; de qua nunc mixtim cum Evangelio hodierno, in quo adhuc nonnulla de judicio comparationis.

           

            Loquebatur Dominus, Mat. 12, de rigore discussionis, dicens: Dico autem vobis quoniam de omni verbo otioso, etc. Tunc responderunt ei quidam de Scribis et Phariseis, dicentes: Magister, volumus a te signum videre. Generatio prava et adultera. Nihil magis incredibile quam quod credere nolumus; judicii rigor omnibus perversis odio est. Vel obliviscimur sponte, vel in curiosa deducimus istius diei historiam. [261] Generatio prava et adultera, quæ relicto vero cultu amoribus alienis incumbit, signum quærat, et signum non dabitur ei, nisi signum Jonæ Prophætæ.

            Quodnam signum? Existimant plerique signum Jonæ esse resurrectionem. Maldonatus, post Hilarium, nisi fallor, interpretatur signum Jonæ, id est, nullum; nam Jonas nullum dedit, sed tantum dixit: Adhuc 40 dies et Ninive subvertetur. Et signum condemnationis: judicium comparationis Ninivitarum. Trium dierum prædicatione conversi sunt, et nos, etc.; quorum tamen prædicatio major est ob Christi authoritatem, qui loquitur in nobis. Regina austri, sapientiam Salomonis; Sanctus Anthonius audiens unum Mot Evangelii, Simeon Stilites, cæteri. Homines fuerunt amicti pelle et carne ut nos. Pelagia; Pacomius.

            Quare, jure merito condemnabuntur mali, neque quid objiciant habebunt sententiæ justissimæ; sed antequam ipsam audiamus... Ego in ejus meditatione mihi esse videor in illo monte Cassio, Seleuciæ vicino, de quo Plinius ait videri utrumque hemispherium, unde duabus horis post mediam noctem videtur ex una parte [262] nox obscurissima, ex alia dies lucidissimus. Nam ex una parte, post discussionem, audio videoque Christum, radiis benedictionis illucescentem: Venite, benedicti; ex alia, noctem densissimam immittentem: Ite, maledicti.

            Vel potius, videre mihi videor in hoc judicio quod visum est in Jordane cum exiret Israel de Ægipto, Jos. 3: intumescebant aquæ superiores instar montis (unde in Psal.: Montes exultastis sicut arietes, nimirum montes undarum et fluctuum videbantur saltare): inferiores aquæ descendebant in Mare Solitudinis, id est, Mortuum, Asphaltites (et belle, nam Jordanis est fluvius judicii), et id in conspectu Arcæ: A facie Domini mota est terra. Sic in judicio dividet aquas ab aquis, «aquæ multæ populi multi,» Apoc. 17. v. 15: superiores ascendunt obviam Christo in aera, Christo, inquam, qui eos veluti deducturus descendit, et exultabunt ut arietes; inferiores descendent in Mare, mare Mortuum, etc.

            Joannes, Apoc. 1, vidit Dominum in majestate, vestitum podere et cinctum zona aurea ad mammillas, etc. Audivi vocem ejus tanquam vocem aquarum [263] multarum, oculi ejus sicut flamma ignis, et ex ore ejus gladius ex utraque parte acutus, et facies ejus sicut sol in virtute sua. Et cum vidissem, cecidi ad pedes ejus tanquam mortuus: septem tamen Episcopos tantum judicaturus erat. Vox aquarum vitæ et mortis, Mare Mortuum. Melas et Cephissus, en Bœocie, sortent d'un mesme lac: qeluy la noircit les moutons, celuy ci les blanchit. Oculi flamma ignis, penetrant tout: Probasti cor meum et visitasti nocte, igne me examinasti et non est inventa in me iniquitas. Ex ore gladius, tranchant a gauche, ut perdat et occidat morte æterna; a dextris, ut amputet omnia mala a Beatis. Tempus putationis advenit; jam hiems abiit, imber abiit et recessit; vox turturis. Tempus putationis advenit, circumcisio mistica, quæ fit octavo die. Et facies ejus sicut sol, pro Beatis.

            Sed audiamus tandem. Venite in portum, venite in regnum, venite in sinum misericordiæ meæ, venite ad cænam, venite ad nuptias, venite ad solemnitatem; benedicti, dilectissimi filii benedictionis; possidete paratum vobis regnum a constitutione mundi. O quale regnum! Sed de hoc dicemus die Dominica. Esurivi enim. (Quid dicitis malevoli? Ecce operibus [264] misericordiæ redditur merces: Libri aperti sunt, et judicati sunt ex libris secundum opera eorum.) Ilz fondront de douceur a ces paroles. Anima mea lique facta ut Dilectus meus locutus est per amorem gratiæ, quanto magis per amorem gloriæ.

            Discedite a me, maledicti; vox abdicationis æternæ, exhæredationis, abjectionis et mortis æternæ. O Agar, exiens e domo Abraham. Maledicti, maledictione æterna. In ignem, æterno. A quo discedunt? ad quem recedunt? Irrugient, dicentes, etc. Et ibunt hi in supplicium æternum, justi autem in vitam æternam. Æternum, æternum.

            Ecce utraque æternitas patet nobis. Heu, quam vultis eligere? Rectam electionem facite; ex hoc forsan momento pendet vestra æternitas. Et forsan nunquam vobis amplius proponetur. O æternitas, æternitas! [265]

 

 

 

MERCREDI APRÈS LE PREMIER DIMANCHE

 

            Après la résurrection, l'appel, la séparation et la discussion, il ne restera plus qu'à porter la sentence. Nous allons en parler eu expliquant l'Evangile du jour, où nous trouverons encore quelques enseignements sur le jugement par comparaison.

            Le Seigneur parlait des rigueurs de l'examen, lorsqu'il ajouta: Or, je vous le dis qu'il portera sur toute parole oiseuse, etc. Alors quelques-uns d'entre les Scribes et les Pharisiens lui répondirent: Maître, nous voulons voir un miracle de vous. Une génération méchante et adultère. Rien de plus incroyable que ce que nous ne voulons pas croire; la rigueur du jugement excite la haine de tout homme pervers, Nous l'oublions volontairement, ou bien nous nous [261] bornons à de vaines et subtiles conjectures sur ce qui doit arriver en ce jour. Une génération méchante et adultère qui abandonne le vrai culte pour vouer son amour à l'étranger; elle peut demander un miracle, mais il ne lui sera point donné d'autre signe que celui du Prophète Jonas.

            Quel est ce signe? La plupart pensent que le signe de Jonas est la résurrection. Maldonat, après saint Hilaire, si je ne me trompe, dit que ces mots signe de Jonas, signifient absence de signe, car Jonas n'a fait aucun prodige; il a seulement dit: Encore quarante jours et Ninive sera détruite. Et le signe de la condamnation: jugement par comparaison avec les Ninivites. Trois jours de prédication les ont convertis, et nous, etc.; notre prédication pourtant est bien supérieure à cause de l'autorité du Christ qui parle en nous. La reine du midi devant la sagesse de Salomon; saint Antoine entendant une seule parole de l'Evangile, saint Siméon Stylite, d'autres encore. Ces hommes pourtant étaient comme nous composés de chair et d'os. Sainte Pélagie, saint Pacônie.

            C'est donc à bon droit que seront condamnés les méchants, et ils n'auront rien à objecter à une aussi juste sentence; mais avant que nous l'entendions [je veux vous confier une pensée qui m'est familière]. Quand je médite sur le jugement, je me figure être sur le mont Cassius voisin de Séleucie. De son sommet, dit Pline, on peut contempler les deux hémisphères, si bien qu'à [262] deux heures du matin on y voit d'une part l'obscurité de la nuit la plus profonde, de l'autre, le plein jour dans tout son éclat. Ainsi, après la discussion, j'entends, d'une part, et je vois le Christ étincelant des rayons de bénédiction: Venez, bénis; et faisant descendre de l'autre côté la nuit la plus sombre, [je l'entends prononcer cette sentence]: Allez, maudits.

            Ou plutôt je me figure voir à ce jugement ce qu'on vit au Jourdain quand Israël sortait de l'Egypte: Les eaux supérieures grossissaient et s'élevaient semblables à une montagne (d'où le mot du Psaume : Montagnes, vous avez bondi comme des béliers; ce qui signifie que des montagnes de flots s'agitaient et semblaient danser), tandis que les eaux inférieures descendaient à la mer du Désert, c'est-à-dire à la mer Morte, au lac Asphaltite (belle comparaison, car le Jourdain est précisément le fleuve du jugement). Et ceci se passait en présence de l'Arche: Devant la face du Seigneur, la terre a été ébranlée. Ainsi, au jugement, le Seigneur séparera les eaux des eaux; «les grandes eaux sont des peuples nombreux:» les eaux supérieures montent au-devant du Christ, dans les airs, au-devant du Christ, dis-je, descendu vers eux comme pour les ramener, et ils bondiront comme des béliers; les eaux inférieures descendent à la mer, à la mer Morte, etc.

            Saint Jean vit le Seigneur dans sa majesté, vêtu d'une longue robe et ceint, au-dessous des mamelles, d'une ceinture d'or, etc. J'entendis sa voix comme la [263] voix des grandes eaux, ses yeux étaient comme une flamme de feu, et de sa bouche sortait un glaive à deux tranchants, et sa face était comme le soleil dans sa force. Et lorsque je l'eus vu, je tombai a ses pieds comme mort: cependant, il ne devait juger que les sept Evèques. La voix des eaux de la vie et de la mort, mer Morte... Ses yeux comme une flamme de feu, pénétrant tout: Vous avez sondé mon cœur et vous l'avez visité pendant la nuit, vous m'avez éprouvé par le feu et il ne s'est point trouvé d'iniquité en moi. De sa bouche sortait un glaive, tranchant à gauche, afin de perdre et de tuer par la mort éternelle; à droite, pour supprimer tous les maux qui auraient pu menacer les Bienheureux. Le temps de tailler est venu; déjà l'hiver est passé, la pluie a cessé et s'est retirée; la voix de la tourterelle. Le temps de tailler est venu, circoncision mystique qui doit se faire le huitième jour. Et sa face comme le soleil, pour les Bienheureux.

            Ecoutons enfin la sentence. Venez au port, venez dans le royaume, venez dans le sein de ma miséricorde, venez au festin, venez aux noces, venez à la solennité; bénis, fils bien-aimés de bénédiction; possédez le royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde. Quel beau royaume! Mais nous en parlerons Dimanche. Car j'ai eu faim. (Que dites-vous, hommes pervers? Voici qu'on récompense [264] les œuvres de miséricorde: Les livres furent ouverts et les morts furent jugés, d'après ces livres, selon leurs œuvres.) Ils fondront de douceur à ces paroles. Mon âme s'est liquéfiée par l'amour de grâce, quand mon Bien-Aimé a parlé; combien plus se liquéfiera-t-elle par l'amour de gloire!

            Retirez-vous de moi, maudits; parole d'éternelle déchéance, d'exhérédation, de répulsion et de mort éternelle. O Agar, sortant de la maison d'Abraham! Maudits, d'une éternelle malédiction. Au feu, pour l'éternité. De qui s'éloignent-ils? où vont-ils? Ils rugiront en disant, etc. Et ceux-là iront au supplice éternel, et les justes, à la vie éternelle. Eternel, éternel!

            L'une et l'autre éternité s'ouvrent ainsi devant nous. O Dieu! laquelle voulez-vous choisir? Faites un bon choix. De ce moment peut-être dépend votre éternité. Et peut-être ce choix ne vous sera plus jamais proposé! O éternité, éternité! [265]

 

CXXV. Plan d'un sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de Carême

 

16 février 1617

(INÉDIT)

 

FERIA QUINTA DE CANANEA ET ORATIONE

 

            Ecce mulierem Cananeam, magnam omnino fide, spe et charitate. Fide: O mulier, etc.; spe, nam repulsa magis sperat; charitate, nam pro filia, et adhæret Christo immobiliter. Verum quia fidem, spem et charitatem oratione demonstrat, nos de omnipotentia orationis dicemus.

 

            Cum versum primum Cantici Zachariæ interpretaremur, diximus quare Deus diceretur Deus Israel, [266] nimirum religione. Verum nunc aliam causam adducimus qui extat fol. 154, verso. Et hic sane Christus vincitur a Cananea et ejus oratione, ut navis remora tenetur, ut Samson a Dalila.

            O omnipotentia orationis! Circa hanc autem fuerunt duæ hæreses: Euchitarum et Messalianorum, quia orationem sufficere aiebant; et Pelagianorum, quia nos ea non indigere ut plurimum existimabant. At Ecclesia, et orationem necessariam, et eam solam non sufficere. Sed videamus progressum.

            Hæc mulier erat Cananea, et egressa a finibus illis. Oratio quidam egressus est a finibus nostris, nam est «elevatio mentis in Deum,» ut ait Damascenus. Miserere mei, Domine, quoniam ad te clamavi tota die; lætifica animam servi tui, quoniam ad te, Domine, animam meam levavi. Item: Ad te levavi animam meam; Deus meus, in te confido, [267] non erubescam. Et Cant.: Quæ est ista quæ ascendit de deserto, sicut virgula fumi, ex aromatibus mirræ et thuris? Ista tamen elevatio est mentalis, non localis, ratione objecti non loci; unde: «Sursum corda.» Mira vel stupiditas, vel malignitas Calvinistarum objicientium «Sursum corda,» quasi «sursum» localiter intelligatur. Et illud prier devant un'image localiter, confundunt cum illud prier devant moraliter: ante imaginem localiter orat qui habet imaginem ante se, at moraliter qui imaginem ipsam oraret. Ante Propitiatorium localiter, ante Deum Propitiatorio representatum moraliter.

            Clamavit dicens (In toto corde meo): Miserere mei, Domine, fili David; filia mea male a dæmonio vexatur. Miseriam primo ostendit, nam miseria attrahit misericordiam. De profundis clamavi. Miserere mei, Domine, quoniam infirmus sum. Desiderium pauperum exaudivit Dominus; præparationem cordis eorum audivit auris tua. Filia mea male a dæmonio vexatur. Bene aliquando a dæmonio vexamur (male, tamen, ad litteram, id est, vehementer), ut Job, Sanctus Anthonius, Sancta Catharina Senensis, Sanctus [268] Paulus, quia faciunt cum tentatione proventum; at alii male vexantur. Bene pungeris si compungeris.

            Qui non respondit ei Mot. Heu, qui plantavit aurem non audiet? aut qui finxit oculum non considerat? O Mot, non respondes Mot? Interdum amor fingit se surdum (Petre, amas me? Petre, amas me?) ut fortius clamemus.

            Hæc autem facta sunt in domo in qua latebat: «et fugit ad salices.» Latere volebat et nolebat; latere volebat, id est, facere quod latentes faciunt. Trahe me, post te curremus in odorem unguentorum tuorum.

            Canis etiam latentem cervum invenit, et statim il clabaude. Deinde ubi cervum e suo loco, de son fort, de son buisson, emisit: Clamat post nos; id est, invocat nos; id est, te per nos. Non sum missus. O Domine, reminiscere miserationum tuarum. O dura benignitas, o misericors duritia, amans severitas! Est un horvaris. At ista semper sequitur: At illa venit et adoravit; orabat inter discipulos; audiens venit ad ipsum: Domine, adjuva. At ille, saltu se proripiens: Non est, inquit, bonum sumere panem filiorum et [269] mittere canibus. (Clamant pauperes post nos: «Nostrum est quod consumitis, nobis crudeliter eripitur quicquid inaniter expenditur.») At mulier audiens: Etiam, nam et catelli. Rubis d'Ætiopie, chiens recreuz.

            O mulier. Ecce victus est Angelus. Ecce ex Cananea filia Israel facta est, et Christus factus est præda ejus. Marc.: Propter hunc sermonem vade; fiat tibi sicut vis: il rend les abbois. [270]

 

 

 

JEUDI APRES LE PREMIER DIMANCHE SUR LA CHANANEENNE ET LA PRIERE

 

            Voici une femme chananéenne vraime nt grande par la foi, l'espérance et la charité. La foi: O femme, etc.; l'espérance: on la repousse, elle espère davantage; la charité: elle parle pour sa fille et s'attache immuablement au Christ. Mais puisque c'est par la prière qu'elle nous montre sa foi, son espérance et sa charité, nous choisirons pour sujet de notre discours la toute-puissance de la prière.

            Quand nous avons interprété le premier verset du cantique de Zacharie, nous avons dit pourquoi Dieu est appelé le Dieu d'Israël; c'est à cause de la [266] religion de ce peuple. Mais maintenant nous en donnons une autre cause consignée folio 154, verso. Ici, en effet, le Christ est vraiment enchaîné par la prière de la Chananéenne, comme le navire est retenu par le rémora, comme Samson fut lié par Dalila.

            O toute-puissance de la prière! Deux hérésies pourtant se sont élevées à ce sujet: celle des Euchites et des Messaliens qui disaient que la prière suffit; et celle des Pélagiens, dont la plupart prétendaient que nous n'avons pas besoin de prier. L'Eglise nous enseigne que la prière est nécessaire et que, seule, elle ne suffit pas. Mais voyons la suite.

            Cette femme était chananéenne, elle était sortie des confins de son pays. La prière est en quelque sorte une sortie de nos confins, car elle est «une élévation de l'âme vers Dieu,» comme la définit saint Jean Damascène. Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que j'ai crié tout le jour vers vous; réjouissez l'âme de votre serviteur, parce que c'est vers vous, Seigneur, que j'ai élevé mon âme. De même: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme; mon Dieu, je me confie en vous, je ne [267] rougirai point. Et dans le Cantique: Quelle est celle-ci qui monte du désert comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens? Toutefois, cette élévation est mentale, non matérielle, elle est relative à son objet, non au lieu; c'est également ce que signifient ces mots: «En haut les cœurs,» Quelle étonnante sottise ou méchanceté de la part des Calvinistes quand ils nous objectent ces paroles: «En haut les cœurs,» comme si «en haut» s'entendait au sens littéral! Ils ne veulent pas distinguer entre prier matériellement devant une image et prier moralement devant cette image. On prie matériellement devant une image quand on a cette image devant soi, mais on prierait moralement devant cette image si on invoquait l'image même. [Le grand Prêtre priait] localement devant le Propitiatoire, réellement et moralement devant Dieu représenté par le Propitiatoire.

            Elle s'écria, disant (De tout mon cœur): Ayez pitié de moi, Seigneur, fils de David; ma fille est misérablement tourmentée par le démon. Elle montre premièrement sa misère, parce que la misère attire la miséricorde. Du profond de l'abîme j'ai crié. Aye$ pitié de moi, Seigneur, parce que je suis infirme. Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres; votre oreille a entendu la préparation de leur cœur. Ma fille est misérablement tourmentée par le démon. Nous sommes parfois utilement tentés par le démon (misérablement est pris ici à la lettre, pour violemment), comme Job, saint Antoine, sainte Catherine de Sienne, [268] saint Paul, car ces Saints tiraient profit de la tentation; mais d'autres sont tentés pour leur malheur. Vous serez utilement tourmenté, si c'est le repentir qui vous tourmente.

            Jésus ne lui répondit pas une parole. Hélas! Celui qui a créé l'oreille n'entendra pas? Celui qui a façonné l'œil ne considère pas? O Verbe de Dieu, vous ne répondez pas une parole? Parfois, l'amour fait la sourde oreille (Pierre, m'aimes-tu? Pierre, m'aimes-tu?) afin que nous criions plus fort.

            Or ceci se passait dans la maison où se cachait Jésus, qui ci s'enfuit aux saules.» Il voulait et ne voulait pas se cacher; il voulait se cacher, c'est-à-dire [se faire chercher, comme] font ceux qui se cachent. Tirez-moi; nous courrons après vous à l'odeur de vos parfums.

            Le chien trouve le cerf même quand il se cache, et aussitôt il clabaude. Dès que [la Chananéenne] a levé le cerf de son fort, de son buisson: Elle crie après nous, [disent les Apôtres]; elle nous invoque, c'est-à-dire, elle vous prie par notre entremise. Je ne suis pas envoyé. O Seigneur, souvenez-vous de vos miséricordes. O dure bénignité, ô miséricordieuse dureté, aimante sévérité! C'est un hourvari. Mais la Chananéenne les suit toujours: Cependant, elle vint et adora; elle priait parmi les disciples; elle entendit Jésus et vint à lui: Seigneur, aidez-moi. Et Jésus, s'avançant semblable au cerf qui bondit: Ce n'est pas bien, dit-il, de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens. [269] (Les pauvres crient après nous: «Ce que vous dévorez nous appartient; toutes vos dépenses inutiles sont un vol cruel que vous nous faites.») Mais la femme répond: Oui, car les petits chiens, etc.

            O femme! Voici que l'Ange est vaincu. De Chananéenne la voici fille d'Israël, et le Christ est sa proie. A cause de cette parole, va, qu'il te soit fait selon ce que tu veux: il rend les abois. [270]

CXXVI. Plan d'un sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême

 

17 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA SEXTA. DE PROBATICA PISCINA

 

            Communi Patrum consensu, piscina hæc Baptismum significat; paraliticus, humanum genus, quod nisi Christo veniente non sanabatur.

 

            Piscina hæc probatica est, pecualis, ovilis: probaton, ovis; probatichi, ovilis, pecuaria; cur autem ita dicatur varie censent. Communis sententia est antiquorum, quia ibi oves offerendae in Templo lavarentur, saltem intestina; et propterea Hieronimus, in libro De Locis Hebr., ait suo etiam tempore piscinam illam rubentem quasi sanguine tinctam. «Bethesda, domus effusionis, [271] secundum exemplaria Græca; secundum exemplar Syriacum, Betchesda, domus misericordiæ;» apud Sa. Secundum quosdam, ait Barradas, si Bethsaida scribatur per sin, signat domum effusionis, si per sade, domum venatorum. Bethsaida, simpliciter, domus frugum. Omnia satis congruunt.

             [1.] Piscina autem ovium, id est, omnium Christianorum, est Baptismus, propter necessitatem; nam pueris est necessaria necessitate medii: Nisi quis renatus fuerit ex aqua et Spiritus Sancto; Jo. 3. Neque alio modo inseri possunt pueri Christo. Hinc Baptismus puerorum; nam traditio illa de puerorum Baptismate in hac necessitate fundata est, neque ad Ecclesiam aliter spectare possunt, qui natura nascuntur filii iræ; ad Eph. 2. Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum. Adultis autem etiam: in voto, necessitate medii; in re, necessitate præcepti. Unde: Qui crediderit et baptizatus fuerit. Nota, si crediderit et baptizatus non fuerit, etc. Euntes docete omnes gentes. Petrus, Act. 2: Poenitentiam agite et baptizetur unusquisque vestrum.

            2. Erat aqua; est materia necessaria. Ex aqua, inquit, et Spiritu Sancto. Act. 8: Ecce aquam; [272] cuis me prohibet baptizari? Contra Seleucianos qui ignem, et Flagellantes qui sanguinem, materiam Baptismi esse dicebant.

            3. Angelus Christus est. Unde Joannes: Ipse baptizat «Baptizet Petrus, baptizet Paulus, ipse est qui baptizat;» Joan. I Et Ephes. 5: Christus dilexit Ecclesiam et tradidit semetipsum pro ea, ut sanctificaret eam, mundans eam lavacro aquæ in verbo vitæ.

            4. Minister qui mittat. Sacerdos est ordinarius minister; ut autem fatentur hæretici (nam nos idololatras existimant et antichristianos, et tamen a nobis baptizatos non rebaptizant), extraordinarius est quicumque homo, etiam infidelis, ut contra Cyprianum et Cecilianum dixit Ecclesia in Concilio Florentino. Et est mera traditio. Hæreticus impellit, non attrahit. Ut enim Sara ex Agar suscipit filios, etc., Gen. 16.

            5. Quinque porticus sunt in piscina; quinque Libri Mosis: Genesis, Exodus, Leviticus, Numeri, Deuteronomium. Vel quinque ætates ante Christum: 1. ab Adam ad Noe, diluvium; 2. a Noe ad Abraham, circumcisio; 3. ab Abraham ad Moysem, Mare Rubrum; 4. a Moyse ad Josue (nam egressio et iter continet), fluvius Jordanis; [273] [5.] a Josue ad Christum, baptismus Joannis et hæc probatica piscina.

            6. Languentes: cæci quoad intellectum, claudi quoad voluntatem, aridi quoad appetitum sensibilem.

            7. Qui prior descendebat, sanus fiebat: «In remissionem peccatorum,» ex Concilio Nyceno. Unum sanat Christus, quia solum Christianum Catholicum.

            8. Ibi sumus filii Dei. Perles. Icthis Christus ex acrosticis Sybillæ. Piscatores hominum Apostoli. Llinc Spiritus Sanctus velut columba et Christus declaratus Filius Dei: Hic est Filius meus. Sed homo ille inveteratum morbum habebat: Inveteraverunt omnia ossa mea. Quantum temporis habes infirmitatis tuæ? Ego 20, ille 10, hic annum, usuræ, luxuriæ, odii, etc.

            Hunc cum vidisset, et cognovisset. Plerique existimant interrogasse de causis et tempore infirmitatis, et ægrotum confessum peccata; unde ait: Noli amplius peccare.

            Vis sanus fieri? Plerique enim nolunt, vel ita volunt ut nolint: vellem, sed nolo; vellem, sed non possum. [274]

            Tolle grabatum. Spiridion et Triphilius. Bernardus; tres notæ vitæ spiritalis et sanitatis: Surge, ad Cælum intende (qui terrena non sapiunt); tolle grabatum tuum, dominari corpori; et ambulare in lege Domini.

            Piscina mixta sanguine Christi. Hinc exivit sanguis et aqua ex latere Christi. Vide egregium locum in notis ad vitam Jacob, ubi de osculo Jacob dato Racheli ad puteum. [275]

 

 

 

VENDREDI APRÈS LE PREMIER DIMANCHE SUR LA PISCINE PROBATIQUE

 

            Du consentement commun des Pères, cette piscine figure le Baptême; le paralytique représente le genre humain qui n'aurait pas été guéri si le Christ ne fût venu.

            Cette piscine est probatique, destinée aux troupeaux, aux brebis: le sens du grec probaton est brebis; probatichi, qui concerne les brebis, les troupeaux; mais pourquoi cette appellation? Les réponses varient. D'après l'opinion commune des anciens, cette appellation vient de ce que les brebis offertes au Temple y étaient lavées, ou du moins on y lavait leurs intestins; aussi, saint Jérôme, au livre Des Lieux hébraïques, dit-il que de son temps cette piscine était encore rougie et comme teinte de sang. Bethesda, selon l'exemplaire grec, [271] signifie maison d'effusion; Betchesda, dans le texte syriaque, maison de miséricorde» (voir Sa). D'autres, d'après Barradas, disent que si Bethsaïda s'écrit par un sin, il signifie maison d'effusion; si par un sade, maison des chasseurs. Bethsaïda ainsi écrit signifie maison des fruits. Tous ces sens conviennent assez bien.

             [1.] Or la piscine commune aux brebis, c'est-à-dire à tous les Chrétiens, est le Baptême à cause de sa nécessité; car il est nécessaire aux enfants de nécessité de moyen: Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint. Il n'y a pas d'autre moyen de greffer les enfants sur le Christ. C'est pour cela qu'on baptise les enfants. La tradition de baptiser les enfants repose sur cette nécessité, car ils ne peuvent autrement faire partie de l'Eglise, ceux qui par nature naissent enfants de colère. Voici que j'ai été conçu dans l'iniquité. Le Baptême est encore nécessaire aux adultes: en désir, il l'est de nécessité de moyen; en fait, de nécessité de précepte. De là ces mots: Celui qui croira et sera baptisé, etc. Noter: Celui qui croira et ne sera pas baptisé, etc. Allez, enseignez toutes les nations. Et saint Pierre: Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé.

            2. Il y avait l'eau; c'est la matière nécessaire. De l'eau, dit Jésus-Christ, et de l'Esprit-Saint. Voilà de l'eau; qui empêche que je ne sois baptisé? Argument [272] contre les Séleuciens, d'après lesquels la matière du Baptême était le feu, et contre les Flagellants, selon lesquels cette matière était le sang.

            3. L'Ange, c'est le Christ. Aussi saint Jean dit-il: C'est lui qui baptise. «Que Pierre baptise, que Paul baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise.» Et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, la purifiant par le baptême d'eau dans la parole de vie.

            4. Le serviteur qui plonge [dans l'eau régénératrice], c'est le prêtre, ministre ordinaire du Baptême; mais, ainsi que les hérétiques eux-mêmes le reconnaissent (car tout en nous regardant comme idolâtres et antichrétiens, ils ne rebaptisent cependant pas ceux que nous avons baptisés), tout homme, fùt-il infidèle, peut en être le ministre extraordinaire, comme l'Eglise l'a défini au Concile de Florence, contre saint Cyprien et Cécilien. C'est la pure tradition. L'hérétique n'attire pas, il pousse. Comme Sara reçoit des enfants d'Agar, etc.

            5. La piscine a cinq portiques; ce sont les cinq Livres de Moïse: la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome; ou encore, les cinq âges qui ont précédé le Christ, [en chacun desquels on trouve une figure du Baptême]: 1. d'Adam à Noé, le déluge; 2. de Noé à Abraham, la circoncision; [273] 3. d'Abraham à Moïse, la mer Rouge; 4. de Moïse à Josué (car à la sortie d'Egypte se rattache aussi le voyage), le fleuve Jourdain; [5.] de Josué au Christ, le baptême de Jean et la piscine probatique.

            6. Les infirmes: ce sont les aveugles d'esprit, les boiteux de volonté, les hommes dépourvus de sens spirituel.

            7. Celui qui descendait le premier était guéri; d'après le Concile de Nicée, [le Baptême est] «pour la rémission des péchés.» Le Christ n'en guérit qu'un, il ne sauve que le seul Chrétien Catholique.

            8. Là, nous sommes enfants de Dieu... Le Christ est appelé icthys, poisson, d'après les vers de la Sybille. Les Apôtres sont des pêcheurs d'hommes. C'est pourquoi l'Esprit-Saiut apparaît sous forme de colombe et le Christ est déclaré Fils de Dieu: Celui-ci est mon Fils. Mais l'homme immergé souffrait d'un mal invétéré. Tous mes os ont vieilli. De quelle époque date ton infirmité? Moi je compte vingt ans, celui-là dix ans, celui-ci une année, d'usure, de luxure, de haine, etc.

            Lorsque Jésus l'eut vu, et qu'il connut. Plusieurs des commentateurs pensent que le Christ interrogea le malade sur lès causes et la durée de son infirmité, et que le malade confessa ses péchés; c'est pour cela que Jésus lui dit: Ne pèche plus désormais.

            Veux-tu être guéri? Car beaucoup de gens ne le veulent pas, ou veulent comme s'ils ne voulaient pas: je voudrais bien, mais je ne veux pas; je voudrais bien, mais je ne puis pas. [274]

            Prends ton grabat. Saint Spiridion et Triphyllius. D'après saint Bernard, ces paroles expriment les trois degrés de la vie et de la santé spirituelle: Lève-toi, regarder vers le Ciel (ceux qui ne goûtent plus les choses de la terre); prends ton grabat, c'est asservir le corps; marcher dans la loi du Seigneur.

            L'eau de la piscine est mêlée avec le sang du Christ. C'est pourquoi il sortit du sang et de l'eau du côté du Christ. Voir un excellent passage dans les notes sur la vie de Jacob, où il est question du baiser que Jacob donna à Rachel, auprès du puits. [275]

 

CXXVII. Plan d'un sermon pour le deuxième Dimanche de Carême

 

19 février 1617

 

(INÉDIT)

 

DOMINICA SECUNDA DE TRANSFIGURATIONE ET BEATITUDINE

 

            O si possem graphice de hac gloriosa Transfiguratione loqui! Sane, vos cum Petro velletis semper hic manere; at vero delibabimus paucula quædam, eo maxime fine ut Filium audiatis, id est, illius præcepta servetis.

 

            Gloria nobis præparata inenarrabilis est. 1. Cor. 2: Loquimur sapientiam in mysterio, etc. Deinde, loquens de gloria quæ per hanc sapientiam acquiritur, quam, inquit, nemo principum hujus seculi cognovit; [276] si enim cognovissent, nunquam Dominum gloriæ crucifixissent. Sed sicut scriptum est: Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit, quæ præparavit Deus iis qui diligunt eum. Is. 64. v. 4: Oculus non vidit, Deus, absque te quæ præparasti expectantibus te. Sic Moysis faciem non poterant respicere filii Israel. Sic regina Saba ultra non habebat spiritum. Unde, Apoc. 2, Angelo Pergami: Qui habet aurem audiendi audiat quid Spiritus dicat Ecclesiis: Vincenti dabo manna absconditum, et dabo illi calculum candidum, et in calculo nomen novum scriptum, quod nemo scit nisi qui accipit.

            Tamen aliquid ut sciremus expediebat unde spem haberemus; unde in Evangelio gustus quidam, essay, eschantillon, monstre. Damascenus: Per rimam ostendit luminis magnitudinem. Et Evangelium nostrum est veluti mappamundi, in qua punctis et lineis quibusdam ostenditur Regnum cælorum, vel alter mundus. Et quemadmodum tantisper intelligimus situm et ea quæ Americæ sunt per descriptiones factas ab iis qui viderunt, sic et gloriam descriptam hic a Domino gloriæ. [277]

            1. Facies sicut sol. Faciem Dei videre fundamentum totius beatitudinis est. Beatitudo est «status omnium bonorum aggregatione perfectus,» ex Boetio. Augustinus autem: «Beatus est qui habet quicquid vult et nihil mali vult.» Essentialis beatitudo est in intellectu qui fruitur pulchro et voluntate quæ fruitur bono.

            Definitio Boetii non competit nisi Deo, si absolute consideretur. Verum nobis secundum modum nostrum competit; est enim «status omnium bonorum» nobis competentium «aggregatione perfectus;» unde terminatur ista beatitudo nostra per terminos capacitatis subjecti. Vel dicendum est: status quo possidemus Deum, in quo est «omnium bonorum aggregatio.»

            Psal. 16: Satiabor cum apparuerit gloria tua; Hebr., apud Genebr., in evigilare similitudinem tuam, id est, cum emerserit gloria tua, quæ hodie sopita est et obscura; similitudinem autem dixit, quia non plene comprehenditur gloria ob ejus infinitatem. Ego ita intelligo: similitudo Dei nunc dormit, cum videmus per speculum, in ænigmate; at cum evigilaverit et ad vivum, facie ad faciem, videbimus, tunc erimus beati. Hominis dormientis faciem non videmus; nam faciei [278] faciem, id est, oculos, non videmus. I. Cor. 13: Facie ad faciem; videmus nunc per speculum, etc.; videbimus eum sicuti est; 1. Jo. 3. Gen. 15: Ego ero merces tua magna nimis. Animam Deo capacem quicquid minus Deo est implere non potest.

            2. Tunc dicemus: Quam pulcher es, Dilecte mi, quam pulcher es! hinc amor. Facies, sicut sol, illuminat et calefacit, amore intractivo et extractivo. Unde factum est dum oraret, in contemplatione complacentiæ et benevolentiæ, de quibus in libro de Amore Dei.

            3. Memoria: Loquebantur de excessu.

            4. Variæ mansiones. [279]

 

 

 

DEUXIÈME DIMANCHE SUR LA TRANSFIGURATION ET LA BÉATITUDE

 

            Oh! que ne puis-je vous dépeindre au vif par mes paroles cette glorieuse Transfiguration! Assurément, vous voudriez avec Pierre, établir votre demeure [sur le Thabor]; mais du moins nous en esquisserons quelque chose, afin surtout que vous entendiez le Fils, c'est-à-dire, afin que vous observiez ses préceptes.

            La gloire qui nous est préparée est ineffable. Saint Paul aux Corinthiens: Nous parlons de la sagesse dans le mystère, etc. Ensuite, il traite de la gloire qui s'acquiert par cette sagesse, laquelle, dit-il, aucun prince de ce siècle n'a connue; car s'ils l'avaient connue, jamais ils n'auraient crucifié le [276] Seigneur de la gloire. Mais comme il est écrit: Que l'œil n'a point vu, que l'oreille n'a point entendu, que le cœur de l'homme n'a point conçu ce que Dieu a préparé a ceux qui l'aiment. Et Isaïe: L'œil n'a point vu, hors vous seul, ô Dieu, ce que vous avez préparé a ceux qui vous attendent. Ainsi les enfants d'Israël ne pouvaient regarder le visage de Moïse. Ainsi la reine de Saba n'avait plus son esprit. De là, ces paroles à l'Ange de Pergame: Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ce que l'Esprit dit aux Eglises: Je donnerai au vainqueur une manne cachée, et je lui donnerai une pierre blanche, et un nom nouveau écrit sur la pierre, lequel nul ne connaît que celui qui le reçoit.

            Toutefois, pour avoir l'espérance [du Ciel], il fallait que nous en connussions quelque chose, que nous en eussions dans l'Evangile un avant-goût... Saint Jean Damascène dit: Par cette ouverture, le Christ nous montre la splendeur de la lumière. Notre Evangile est comme une mappemonde où le Royaume des cieux ou l'autre monde nous est indiqué par certains points et certaines lignes. Et de même que nous connaissons quelque peu la configuration de l'Amérique et ce qui concerne ce pays par les descriptions que nous en ont faites ceux qui l'ont visité, ainsi connaissons-nous cette gloire que nous révèle ici le Seigneur de la gloire. [277]

            1. Son visage devint comme le soleil. Voir la face de Dieu est le fondement de toute béatitude. Selon Boèce, la béatitude «est cet état que rend parfait la réunion de tous les biens.» Mais d'après saint Augustin, «l'homme heureux est celui qui possède tout ce qu'il veut et qui ne veut rien de mauvais.» La béatitude essentielle est dans l'intelligence qui jouit du beau et dans la volonté qui jouit du bien.

            La définition de Boèce prise dans un sens absolu ne s'applique qu'à Dieu. Mais, prise d'une manière relative, elle s'applique aussi à nous; la béatitude est alors «l'état que rend parfait la réunion de tous les biens» qui nous conviennent. Cette béatitude est donc bornée par les limites de la capacité de celui qui en jouit. Ou bien on pourrait la définir: l'état par lequel nous possédons Dieu, «assemblage de tous les biens. »

            Je serai rassasié lorsque votre gloire m'aura apparu; l'hébreu, d'après Génébrard, porte: à l'éveil de votre image, c'est-à-dire, lorsque brillera votre gloire qui aujourd'hui est assoupie, cachée. Cette gloire est appelée image, parce qu'elle ne peut être pleinement comprise à cause de son infinité. J'entends ainsi ce passage: l'image de Dieu dort, maintenant que nous la voyons comme par un miroir, en énigme; mais lorsqu'elle s'éveillera, que nous la verrons vivante, face à face, alors nous serons bienheureux. Nous ne voyons pas le visage de l'homme qui dort, parce que nous ne voyons pas le visage de ce [278] visage, c'est-à-dire les yeux. Face à face; nous voyons maintenant comme par un miroir, etc.; nous le verrons tel qu'il est. Je serai ta très grande récompense. Rien de ce qui est moins que Dieu ne peut remplir une âme capable de posséder Dieu.

            2. Alors nous dirons: Que vous êtes beau, mon Bien-Aimé, que vous êtes beau! de là provient l'amour. Cette face semblable au soleil illumine et réchauffe, par l'amour qui attire au dedans et celui qui se répand au dehors. C'est pourquoi Jésus fut transfiguré pendant qu'il priait, en cette contemplation de complaisance et de bienveillance dont nous avons parlé dans le livre de l'Amour de Dieu.

            3. La mémoire: Ils parlaient de l'excès.

            4. Diverses demeures. [279]

CXXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême

 

20 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA SECUNDA POST SECUNDAM DOMINICAM

 

Quæretis me, et in peccato vestro moriemini.

[JOAN., VIII, 31.]

 

            Horrenda et tremenda comminatio! Sed quomodo Deus, adeo misericors, non se præbebit quærentibus? Huic quæstioni respondebimus si Deus animat. Ave.

 

            Sensus litteralis Evangelii est: me, verum Messiam, negligitis; ego vado ad Patrem per mortem, et tunc, id est, post mortem, quæretis alium Messiam et non invenietis me; et ideo, in peccato vestro moriemini. Ad verba illa, Principium qui et loquor vobis, [280] Grece principium est in accusativo: τήν άρχήν, tin archin; Ego sum qui loquor vobis principium, id est, Deum et Creatorem vestrum. Vide Maldonatum et Barradam, alios duos sensus probabiles proferentes.

            Nunquid voluntatis meæ est mors impii, dicit Dominus, et non magis ut convertatur et vivat? Convertimini, et agite pœnitentiam ab omnibus iniquitatibus vestris, et non erit vobis in ruinam iniquitas. Quare moriemini, domus Israël? Quia nolo mortem morientis, dicit Dominus Deus; revertimini et vivite; Ezech. 18. Nunquid obliviscetur misereri Deus, aut continebit in ira sua misericordias suas? Psal. 76. Semper in diluvio viret oliva.

             [Ps.] 144: Miserationes ejus super omnia opera ejus. Tripliciter intelligitur: [1.] superexcellunt omnia opera; nam opus misericordiæ Incarnatio, quæ cum omnibus inde sequentibus est superexcellens omnibus operibus ejus. 2. Super, id est, in omnibus; etiam in inferno, ubi punit citra condignum. 3. Super omnia opera ejus, non tua; at peccatum opus est tuum, non suum, propterea illud irremissibiliter vult deleri. Baruch, 3: Quid est, Israel, quod in terra inimicorum es? Inveterasti in terra aliena, coinquinatus es cum mortuis, id est, [281] inter mortuos vixisti; deputatus es cum descendentibus in infernum. Gradatio: es, inveterasti, coinquinatus es cum mortuis, deputatus es cum descendentibus in infernum; mortuus et sepultus, obstinatio. Dereliquisti fontem sapientiæ, nam si in via Dei ambulasses, habitasses utique in pace sempiterna.

            Causæ autem cur in peccato nostro moriamur. Quo ego vado vos non potestis venire, id est: Ego vado ad Patrem per viam asperam et pœnitentiam redemptivam (quæ non rapui tunc exolvebam); et vos non potestis venire, id est, vos non vultis, quia de deorsum estis et de mundo. Porro, cur homines mundani moriantur in peccatis suis multæ sunt causæ; tres dicam.

            1a est falsa pœnitentia, similis enim est falsa veræ: Melas et Cyphissus; Stix undas habet similes reliquis; cometa et planeta; cigue et persil; miel d'Hæraclee et autre miel, l'aconit. Non est ex toto corde: Convertimini ad me in toto corde. In toto corde meo exquisivi te, ne repellas me a mandatis tuis. Statuam interdum efficit Michol; I. Reg. 19. Soph. 1: Qui jurant in Deo et jurant in Melchon. Dagon et Arca. Isaiæ, 21: Si quæritis, quærite; convertimini, venite. [282] Continuatio: Ad tempus credunt, et in tempore tentationis recedunt. Juravi et statui custodire judicia justitiæ tuæ. Nolunt præscindi membrum gangrena infectum.

            2a causa: falsus timor de pœnitentiæ asperitate. Simia nucem vel castaneas. Pueri medicamenta refugiunt. Esau: En morior, quid mihi proderunt primogenita? Remedium: Gustate et videte. Qu'en sçaves vous? Quare de loco vobis incognito male loquimini?

            3a causa: falsa spes vivendi et faciendi pœnitentiam in extremis. Hystoires d'Arion. «Vivite bene, ne moriamini male;» Augustinus, 24 de Sermone Domini. Ut plurimum, sicuti viximus ita et morimur: sic enim videmus mori in mari qui mare incolunt, et in montibus qui montes. [283]

 

 

 

LUNDI APRÈS LE DÈUXIEME DIMANCHE

 

            Vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché.

 

            Terrible et redoutable menace! Mais comment Dieu, si plein de miséricorde, ne se présentera-t-il pas à ceux qui le cherchent? Nous répondrons à cette question si Dieu veut bien nous inspirer. Ave.

            Le sens littéral de l'Evangile est celui-ci: vous me laissez de côté, moi qui suis le vrai Messie. Par la mort, je vais à mon Père; et alors, c'est-à-dire après ma mort, vous chercherez un autre Messie et vous ne me trouverez pas; et partant, vous mourrez dans votre péché. Dans ce texte: Le principe, c'est moi qui vous l'annonce, la version grecque met le mot principe à l'accusatif: [280] τήν άρχήν tin archin: C'est moi qui vous annonce le principe, c'est-à-dire Dieu votre Créateur. Voir Maldonat et Barradas qui donnent deux autres sens probables.

            Est-ce que je veux la mort de l'impie, dit le Seigneur, et non plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive? Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l'iniquité ne causera pas votre ruine. Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu; revenez et vivez. Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié, ou contiendra-t-il dans sa colère ses miséricordes? L'olivier est toujours verdoyant au milieu du déluge.

            Ses commisérations surpassent toutes ses œuvres. On peut entendre ces paroles de trois manières: [1.] elles surpassent en excellence toutes ses œuvres; car l'Incarnation est une œuvre de cette miséricorde, or ce mystère et ses résultats surpassent toutes les autres oeuvres de Dieu. 2. Elles sont sur, c'est-à-dire en toutes ses œuvres, même dans les tourments de l'enfer qui n'égalent pas la malice du péché. 3. Sur toutes ses œuvres, non sur les vôtres; et comme le péché est votre œuvre et non la sienne, Dieu en réclame sans merci l'expiation. D'où vient, Israël, que tu habites dans la terre de tes ennemis? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec les morts, c'est-à-dire tu [281] as vécu parmi les morts; tu es devenu semblable a ceux qui descendent en enfer. Gradation: tu es, tu as vieilli, tu t'es souillé avec les morts, tu es devenu semblable a ceux qui descendent en enfer: mort et enseveli, obstination. Tu as abandonné la source de la sagesse, car si tu avais marché dans la voie de Dieu, tu aurais assurément habité dans une paix éternelle.

            Mais venons aux causes pour lesquelles nous mourons dans notre péché. Là où je vais, vous ne pouvez venir, c'est-à-dire: Je vais a mon Père par une voie dure et par une pénitence rédemptrice (ce que je n'ai pas pris, je l'ai pourtant payé); et vous ne pouvez venir, c'est-à-dire vous ne voulez pas, parce que vous êtes d'en-bas et du monde. Or, nombreuses sont les causes pour lesquelles les hommes mondains meurent dans leurs péchés; j'en exposerai trois.

            La première est la fausse pénitence, car la fausse pénitence ressemble à la vraie: Mêlas et Céphisse; les eaux du Styx sont semblables à celles des autres fleuves; comète et planète... Cette pénitence n'est pas de tout cœur: Convertissez-vous a moi de tout votre cœur. Je vous ai cherché de tout mon cœur, ne me rejetez pas de la voie de vos commandements. Cependant Michol fait une statue. Qui jurent par Dieu et jurent par Melchom. Dagon et l'Arche. Si vous cherchez, cherchez bien; convertissez-vous, venez. [Il faut la] continuité: [282] Ils croient pour un temps, et an temps de la tentation, ils se retirent. J'ai juré et établi de garder les jugements de votre justice. Ils ne veulent pas se laisser amputer un membre dévoré par la gangrène.

            La deuxième cause est une fausse crainte des rigueurs de la pénitence. Le singe avec une noix ou des châtaignes. Les enfants repoussent les remèdes. Esaü: Voici que je meurs, a quoi me servira mon droit d'aînesse? Remède: Goûtez et voyez. Qu'en savez-vous? Pourquoi parler mal d'un lieu qui vous est inconnu?

            La troisième cause est une trompeuse espérance de vivre et de faire pénitence à la fin de sa vie... «Vivez bien, afin de ne pas mourir mal;» saint Augustin, sermon XXIV sur les Paroles du Seigneur. Le plus souvent, on meurt comme on a vécu: ainsi voit-on mourir sur mer ceux qui vivent sur mer, et sur les montagnes ceux qui habitent les montagnes. [283]

 

CXXIX. Plan d'un sermon pour le mardi après le deuxième Dimanche de Carême

 

21 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA TERTIS POST DOMINICAM SECUNDAM

 

Super cathedram Moysi sederunt Scribæ et Pharisæi.

[MATT., XXIII, 2.]

 

            Cathedram hic authoritatem docendi significare clarum est, et super cathedram sedere est munus docendi habere. Ut super cathedram aut thronum David sedere est authoritatem regiam habere; in cathedra pestilentiæ, id est, irrisionis, est hæresim et falsam [284] doctrinam promulgandi sibi munus arrogare. Pharisæi et Scribæ munus non quidem gubernandi, sed docendi habebant; ut nostri monachi. Unde Cyprianus, 1. 4. epist. 9, notat nunquam sacerdotes reprehendi sub iis nominibus, quantumvis etiam ipsi pessimi essent et ambitiosissimi.

            Moysi autem dicitur cathedra, quia doctrina Legis, sive potius Lex ipsa, data est in manu Moysi, in Monte Sinai, et ipse sacerdos sacerdotium in Aarone instituit jussu Domini. At nunc cathedra est Apostolica; in qua quoad munus docendi ordinarium sedent Episcopi, quoad munus extraordinarium omnes concionatores. Et hæc cathedra dicitur Apostolica quia doctrina et authoritas Apostolis data est in Monte Syon die Pentecostes. Et dicitur etiam Cathedra Petri, quia Petrus Apostolorum caput, ut ejus successores Episcoporum, «ut capite constituto schismatis tollatur occasio;» quemadmodum in antiqua Lege erat unus Pontifex, et omnia in figuris contingebant illis.

            Omnia ergo quæcumque dixerint vobis. Augustinus, 1. 4. de Doct. Christiana, c. 27, et lib. 16. contra Faustum, c. 29, ait, cogente cathedra, eos in ea sedentes [285] et ex ea docentes falsum proferre non potuisse; unde particula illa ergo denotat causam, ac si diceret, quia in ea sedent. Et ita est, quicquid aliter interpretetur doctissimus et utilissimus Barradas.

            Hinc infallibilitas Ecclesiæ, in qua Papa errare non potest ex cathedra docens. Quando autem ex cathedra docere dicatur, utrum in Concilio tantum Generali an vero etiam aliter, quæstionis est quam enodare neque possum ob temporis brevitatem, neque volo quia inutilis est; cum et nos Catholici satis audiamus Papam, etiam sine Concilio, et hæretici neque Papam neque Concilium audire velint.

            Infallibilitas autem Ecclesiæ tribus argumentis evidentissimis ostenditur: 1°. ex Sinagogæ infallibilitate, in qua nunquam erratum; et cum corruptissimi essent mores, integra perseveravit doctrina. In loco nativitatis exquirendo, et in morte Christi decernenda; nam Caiphas, mortalium nequissimus, protulit sententiam [286] sacratissimam: Expedit ut unus moriatur homo pro populo, et non tota gens pereat. Hoc autem a seipso non dixit, sed cum esset Pontifex anni illius, prophetavit; Jo. II. Unde Scribæ et Pharisei in cathedra Moysi, id est, authoritate Moysis cathedras, docentes, non errant. Ut nec Lutherus et cæteri errassent si in cathedra et authoritate Petri docuissent, sed cum ea authoritate relicta docere cæperunt, errarunt pessime.

            2°. Math. 18: Dic Ecclesiæ; si quis Ecclesiam non audiverit. [Cap.] 16: Portæ inferi non prævalebunt adversus eam; portarum porro inferi pessima est apostasia. I Timot. 3: Columna et firmamentum veritatis. Videlocum: Hæc tibi scribo, sperans me ad te venire cito; si autem tardavero, ut scias quomodo opporteat te in clomo Dei conversari, quæ est Ecclesia Dei vivi, columna et firmamentum veritatis. Nota antea dixisse: Episcopum domui suæ bene præpositum, at hic domum Dei Ecclesiam dicit; ergo illi bene præpositus est Deus, ut eam recte regat. Unde, Act. 15: Visum Spiritui Sancto et nobis; quasi Spiritus Sanctus esset invisibilis Concilii totius Pontifex. [287]

            3°. Necessitas; nam quale regnum in quo nullus litium finis, in quo nullum parlamentum, in quo nullum judicium?

 

            Grandis dignitas ergo sacerdotium. Quem dicunt homines esse Filium hominis («Vos qui homines non estis sed dii»)? Qui vos audit me audit. In quo vos posuit Spiritus Sanctus Episcopos regere Ecclesiam Dei. Deut. 17: Si quis superbierit, nolens obedire, etc. Mal. 2: Angelus enim Domini exercituum est. Sic nos existimet homo ut ministros Christi, etc.

            Mays: hic jam quæritur inter dispensatores, etc. Quatuor gradus. 1. Neque faciunt, neque dicunt: ignorantissimi et stupidi. Quales heu, quam multos viderunt patres nostri, et utinam non aliqui essent! 2. Dicunt et non faciunt, et scandalo vitæ doctrinam vitæ destruunt. 3. Faciunt, sed non dicunt; et hi utcumque tolerabiles sunt, nam etsi non tantum ædificant, tamen ædificant et nihil destruunt. 4. Dicunt et faciunt, et hi optimi sunt; dicunt autem non tantum prædicando, sed præcipiendo et recte colloquendo. [288]

            Vanitas vero fugienda. Audiamus Dominum: Amant primos recubitus et cathedras, et vocari rabbi. Amant honorem, non onus. Heu! amandæ oves propter Christum, non propter vanitatem; non ut ab illis honoremur, sed ut ab illis honoretur Christus. Amas me? Pasce oves meas. Sed qualis amor? Ad mortem, et mortem crucis. Optavi anathema esse pro fratribus. Cupio dissolvi et esse cum Christo, etc. Filioli quos iterum parturio. Similes Nabal et Absalon sunt plerique; tantum festum agunt cum lanam accipiunt et cum tonduntur oves. Nam etsi decem millia pedagogorum, etc. Nihil deest amantibus pastoribus: amor ipse docet, ædificat; omnia suffert, omnia docet, non agit perperam. Duo verba amore perfusa satis sunt. Duplex amor: affectivus, unde Sacerdos in pectore habebat nomina filiorum Israel; effectivus, et portans etiam malos et oves perditas, unde in superhumerali in duobus onichinis erant etiam nomina filiorum Israel.

            Oves vicissim diligunt pastorem ut patrem. Ægiptii oderunt pastores ovium. Qui bene præsunt præsbiteri duplici honore digni sunt; si male se gerant [289] non ideo illis detrahendum: Nolite tangere christos meos, et in prophetis meis. Ut Sem et Japhet. Multo minus doctrina deserenda. Helias in torrente Carith, 3 Reg. 17, a corvis pascitur, ut cap. 19 ab Angelo, etc. [290]

 

 

 

MARDI APRES LE DEUXIEME DIMANCHE

 

            Les Scribes et les Pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse.

 

            Il est évident que le mot chaire signifie ici l'autorité d'enseigner, et s'asseoir dans la chaire, avoir mission d'enseigner. De même, être assis sur le siège ou le trône de David, c'est exercer le pouvoir royal; s'asseoir dans la chaire de pestilence, c'est-à-dire de moquerie, c'est s'arroger la mission de [284] promulguer une hérésie et une fausse doctrine. Les Scribes et les Pharisiens avaient mission non pas de gouverner, mais d'enseigner, comme nos moines. Aussi, saint Cyprien, liv. IV, épître IXe, fait-il remarquer que les prêtres ne sont jamais réprimandés sous ces noms de Scribes et de Pharisiens, pour pervers et ambitieux qu'ils aient été.

            Cette chaire est appelée chaire de Moïse, parce que la doctrine contenue dans la Loi ou plutôt la Loi elle-même a été donnée à Moïse sur le Sinaï, et, prêtre lui-même, il a, par l'ordre du Seigneur, institué le sacerdoce lévitique dans la personne d'Aaron. Mais aujourd'hui cette chaire est la chaire Apostolique, dans laquelle les Evêques ont mission ordinaire de s'asseoir, et les prédicateurs, mission extraordinaire. Et cette chaire est appelée Apostolique parce que la doctrine et l'autorité ont été conférées aux Apôtres sur le mont Sion, au jour de la Pentecôte. Elle est nommée aussi Chaire de Pierre, parce que Pierre était chef des Apôtres, comme ses successeurs le sont des Evêques, «afin qu'un chef étant établi, toute occasion de schisme fût ôtée.» Ainsi la Loi ancienne n'avait qu'un seul grand Prêtre, et aux Israélites, toutes choses arrivaient en figures.

            Donc, tout ce qu'ils vous diront. Saint Augustin enseigne (liv. IV de la Doctrine Chrétienne, chap. XXVII, et liv. XVI contre Fauste, chap. XXIX) que par [285] la puissance même de cette chaire, aucun de ceux qui venaient s'y asseoir pour y enseigner ne pouvait prêcher l'erreur. Le mot donc désigne par conséquent une cause, c'est comme si le Christ avait dit, parce qu'ils siègent dans cette chaire. Et c'est le vrai sens, quelqu'autre interprétation qu'en donne le très docte Barradas, si utile à consulter.

            Telle est la cause de l'infaillibilité de l'Eglise: le Pape, lorsqu'il enseigne ex cathedra, ne peut pas se tromper. Mais quand peut-on dire qu'il enseigne ex cathedra? Est-ce lorsqu'il parle dans un Concile général seulement, ou encore en d'autres cas? C'est une question que je ne puis résoudre faute de temps, et que je ne veux pas résoudre parce qu'elle est hors de propos. Nous Catholiques, en effet, nous écoutons bien le Pape, même quand il décrète par sa seule autorité et en dehors d'un Concile, au lieu que les hérétiques ne veulent entendre ni Pape ni Concile.

            Quant à l'infaillibilité de l'Eglise, trois arguments de toute évidence la démontrent: 1. l'infaillibilité de la Synagogue qui ne tomba jamais dans l'erreur; bien que les mœurs fussent extrêmement corrompues, la doctrine demeura toujours intacte. On le constate dans la recherche du lieu où naîtrait le Christ, et dans la sentence de mort prononcée contre lui. Caïphe, en effet, [286] le plus méchant des hommes, porta un jugement très sacré: Il est avantageux, qu'un seul homme meure pour le peuple, afin que toute la nation ne périsse pas. Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais comme il était Pontife cette année-la, il prophétisa. Ainsi donc les Scribes et les Pharisiens ne se trompent pas quand ils enseignent dans la chaire de Moïse, c'est-à-dire par son autorité. De même que ni Luther ni les autres n'eussent erré s'ils avaient enseigné dans la chaire et par l'autorité de Pierre; mais dès qu'ils commencèrent à enseigner en dehors de cette autorité, ils tombèrent dans les plus graves erreurs.

            2. Dis-le a l'Eglise; si quelqu'un n'écoute pas l'Eglise. Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle; or, par les portes de l'enfer est signifiée la pire des apostasies. Colonne et firmament de la vérité. Voir ce passage: Je t'écris ces choses, quoique j'espère aller bientôt te voir, afin que si je tarde, tu saches comment tu dois te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, la colonne et le firmament de la vérité. Notons que saint Paul avait dit auparavant: Que l'Evêque gouverne bien sa maison; or ici, il appelle l'Eglise, maison de Dieu; Dieu est donc préposé sur sa propre maison qui est l'Eglise, afin de la bien gouverner. Aussi est-il dit dans les Actes: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous; ce qui indique que l'Esprit-Saint était le Chef invisible de tout le Concile. [287]

            3. L'infaillibilité est nécessaire; car quel est le royaume où les procès n'aient jamais de fin, où il n'y ait aucun parlement, où nul jugement ne se rende?

            Grande donc est la dignité du sacerdoce! Que disent les hommes du Fils de l'homme («Vous qui n'êtes pas des hommes, mais des dieux»)? Qui vous écoute m'écoute. Sur lequel l'Esprit-Saint vous a établis Evêques pour gouverner l'Eglise de Dieu. Si quelqu'un s'enorgueillit, ne voulant pas obéir, etc. Car c'est l'Ange du Seigneur des armées. Que les hommes nous regardent comme ministres du Christ, etc.

            Mais ce qu'on demande ici des dispensateurs, etc. On en distingue quatre classes, 1. Il y en a qui n'agisseut ni ne parlent: ils sont très ignorants et dépourvus d'intelligence. Hélas! combien nos pères ont connu de ces hommes, et plût au Ciel qu'il n'en existât plus! 2. D'autres disent et ne font pas; ils détruisent par le scandale de leur vie la doctrine de vie. 3. D'autres font, mais ne parlent pas; ceux-ci sont encore supportables, car s'ils n'édifient pas beaucoup, ils édifient pourtant et ne détruisent rien. 4. D'autres enfin parlent et agissent; voilà les meilleurs: toutefois, ils parlent non seulement par la prédication, mais encore par les commandements qu'ils donnent et par des entretiens utiles. [288]

            Mais il faut se garder de la vauité. Ecoutons le Seigneur: Ils aiment les premiers sièges et les premières chaires, ils se plaisent a être appelés maîtres. Ils aiment l'honneur et non le fardeau. O Dieu! il faut aimer les brebis pour le Christ et non pour la vanité; non pour en être honoré, mais pour que le Christ soit honoré par elles. M'aimes-tu? Pais mes brebis. Mais de quel amour? Jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. J'ai désiré d'être anathème pour mes frères. Je désire ardemment d'être délivré et d'être avec le Christ, etc. Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement. Plusieurs ressemblent à Nabal et à Absalon; ils ne célèbrent de fête qu'à la tonte des brebis et lorsqu'ils en reçoivent la laine. Car eussiez-vous dix mille précepteurs, etc. Rien ne manque aux pasteurs qui aiment: l'amour même instruit, édifie; il souffre tout, enseigne tout, n'agit pas inconsidérément. Deux mots animés par l'amour sont suffisants. Double amour: l'un affectif, en signe duquel le grand Prêtre portait sur la poitrine les noms des enfants d'Israël; l'autre effectif, et qui porte même les méchants et les brebis perdues; de là vient que les noms des enfants d'Israël étaient aussi gravés sur deux onyx fixés à l'huméral.

En retour, les brebis aiment leur pasteur comme leur père. Les Egyptiens haïssent les pasteurs de brebis. Les prêtres qui gouvernent bien sont dignes [289] d'un double honneur; se conduiraient-ils mal, qu'il ne faudrait pas médire d'eux: Ne touchez pas à mes oints, et à mes prophètes. Comme Sem et Japhet. A plus forte raison ne faut-il pas rejeter leur enseignement. Sur le torrent de Carith (III Reg., XVII), Elie était nourri par les corbeaux, comme au chap. XIX, par un Ange, etc. [290]

 

CXXX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le deuxième Dimanche de Carême

 

22 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA QUARTA POST DOMINICAM SECUNDAM

 

Ecce ascendimus Hierosolymam, et Filius hominis tradetur. Tunc accessit mater filiorum Zebedei.

[MATT., XX, 18, 20.]

 

            Mira ambitionis rusticitas et importunitas! Meditabatur Dominus crucem et mortem, et ecce accurrit ista de gloria et honoribus sollicita: Musica in luctu importuna narratio.

 

            Inter præcipua desideria Christi et cordis ejus pressuras, illa maxima fuit quam ipse exprimit, Luc. 12: Ignem veni mittere in mundum, et quid volo nisi [291] ut accendatur? Baptismo autem habeo baptizari, et quomodo coarctor usque dum perficiatur? Ignis charitatis per baptismum Passionis accenditur, et baptismus Passionis igne charitatis perficitur. Quia autem quæ maxime cupimus, semper in ore habemus, manus enim dolorem lingua amorem ostendit, propterea Christus sæpissime de Passione loquitur. Math. 16: Exinde cæpit Jesus ostendere discipulis suis, etc. Et Petrus: Absit a te, Domine, non erit tibi hoc. Mat. 17: Conversantibus in Galilea dixit illis Jesus: Filius hominis tradendus est in manus hominum, etc.; et contristati sunt vehementer. Jo. 3: Sicut exaltavit Moyses serpentem, etc. Item in Transfiguratione. Et post Resurrectionem voluit memoriam celeberrimam fieri hujus Passionis in Ecclesia militante et triumphante: hic in Eucharistia: Mortem Domini annunciabitis; ibi in stigmatibus quæ servat.

            Horum conscia, Ecclesia frequentissimam Domini Passionis memoriam excitat quotidie, in templis, in viis, ubique; hinc gestamus in collo cruces (Macrina et Vestiana); unumquemque diem Veneris. Sicut vitta coccinea labia tua, et eloquium tuum dulce; Cant. 4. v. 3. [292] O miseri, quibus passiones nostras et perturbationes semper in ore sunt, non Passio Christi! Recogitate eum qui talem a peccatoribus adversus semetipsum sustinuit contradictionem; hinc Christus crucifixus semper dicitur, nos autem prædicatores: Arbitratus sum me nihil scire nisi Jesum. Jesum quæritis Nazarenum. At nos nihil horum intelligimus; intelligimus in superficie cordis, non in intimo cordis, more eorum qui intelligentes non intelligunt. Quæ nolumus non intelligimus; quærimus diverticula et excusamus.

             Tunc accessit mater filiorum Zebedæi. Marcus ait etiam filios accessisse. Importune sane, at ambitio cæca est.

            Adorans et petens aliquid. Audierant Christum Dominum paulo ante dicentem: Sedebitis et vos super sedes, et nunc: tertia die resurget; occasionem aucupant faciendi quod forsan jam diu cogitaverant. [293] Adorans. Simia humilitatis est ambitio; at simia semper simia, l'humilite est sans prætention. Miel d'Heraclee et l'autre. Adorans et petens. Taurus, avis minima, bovem imitatur. Verbo ambitio. Aliquid: Magister, volumus ut quodcumque petierimus facias nobis. Semper quod petimus nihil est.

            Qui dixit ei: Quid vis? Dic ut sedeant. O magna et ambitiosa petitio! Democrates jam senex. Vide verbo superbia: chamæleon, semper hianti est ore, quia vento pascitur. Accius poeta cum brevis esset, maximam sibi statuam fieri curavit. Quidam Anthistenes cynicus, habens vestem pertusam et ostentans: «Video per rimam illam inanitatem,» ait Socrates. Crocodilus, terrestre et aquaticum animal, ova ponit in terra, in aquis autem prædatur; ut ecclesiastici aulici. Arbores post solstitium invertunt folia: ulmus, tilea, populus, olea, salix; sic isti ecclesiastici.

            Nescitis quid petatis; potestis, etc. Præsumptio. Calicem quidem, etc. Non est meum dare vobis. Non est meum ut homo, est meum ut Deus; Augustinus. Est meum, sed non nunc cum pugnandum potius [294] est; Ambrosius. Est meum dare sed non vobis: 1. cognatis, 2. petentibus, 3. ambitiosis; sed quibus paratum est. O nostra tempora!

            Malæ vocationes, at faciendæ bonæ. Mala vocatio Liæ, at tamen fidelis fuit magis quam Rachel; Sancti Caroli, Sancti Gregorii Nazianzeni. [295]

 

 

 

MERCREDI APRÈS LE DEUXIÈME DIMANCHE

 

            Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré. Alors la mère des fils de Zébédée s'approcha.

            Etrange rusticité et importunité de l'ambition! Le Seigneur méditait sa croix et sa mort, et voici que cette femme accourt, préoccupée de l'idée de la gloire et des honneurs: Un récit inopportun est comme une musique pendant le deuil.

            Parmi les véhéments désirs du Christ, entre tous ceux qui pressèrent son cœur, le plus ardent fut celui qu'il exprimait ainsi; Je suis venu jeter le feu [291] dans le monde, et que veux-je sinon qu'il s'allume? Je dois être baptisé d'un baptême, et comme je me sens pressé jusqu'à ce qu'il s'accomplisse! Le feu de la charité s'allume au baptême de la Passion, et le baptême de la Passion se consomme dans le feu de la charité. Et comme nous parlons sans cesse de ce que nous désirons le plus, car la main indique la partie qui souffre, la langue indique l'amour [dont on est animé], ainsi le Christ parle continuellement de sa Passion. Dès lors, Jésus commença à découvrir à ses disciples, etc. Et Pierre: A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera point. Tandis qu'ils se trouvaient en Galilée, Jésus leur dit: Le Fils de l'homme doit être livré entre les mains des hommes ; et ils furent extrêmement contristés. Comme Moïse a élevé le serpent, etc. De même à la Transfiguration. Et après la Résurrection, il voulut garder de cette Passion le plus éclatant souvenir, tant dans l'Eglise militante que dans l'Eglise triomphante: ici-bas, dans l'Eucharistie: Vous annoncerez la mort du Seigneur; au Ciel, dans les stigmates qu'il conserve.

            Convaincue de ces vérités, l'Eglise réveille très fréquemment chaque jour le souvenir de la Passion du Seigneur, dans les temples, sur les routes, partout; et c'est pour cela que nous portons des croix au cou (Macrine et Vestiane), que nous honorons chaque vendredi. Tes lèvres sont comme une bandelette [292] d'écarlate, et ta parole est douce. O malheureux! nous avons sans cesse à la bouche le récit de nos souffrances et de nos agitations, au lieu de nous entretenir de la Passion du Christ! Réfléchissez a Celui qui a supporté une telle contradiction de la part des pécheurs soulevés contre lui. Aussi, d'une part, le Christ est-il toujours appelé crucifié, et de l'autre, nous, prédicateurs, répétons constamment: J'ai estimé ne rien savoir que Jésus. C'est Jésus de Nazareth que vous cherchez. Mais nous ne comprenons rien a ces choses, ou si nous en avons quelque intelligence, c'est seulement à la surface et non pas dans l'intime du cœur: nous sommes comme ceux qui comprennent sans comprendre. Nous ne comprenons pas ce que nous ne voulons pas comprendre; nous cherchons des divertissements et nous les excusons.

            Alors la mère des fils de Zébédée s'approcha. Saint Marc dit que les fils s'approchèrent aussi. Le moment était certainement inopportun, mais l'ambition est aveugle.

            L'adorant et lui demandant quelque chose. Ils avaient entendu le Christ Seigneur dire peu auparavant: Vous siégerez vous aussi sur des trônes, et tout à l'heure: le troisième jour il ressuscitera; ils saisissent l'occasion d'exposer une demande à laquelle peut-être ils songeaient depuis longtemps. [293] L'adorant. L'ambition est le singe de l'humilité; mais le singe est toujours singe, l'humilité est sans prétention... L'adorant et lui demandant. Le taurus, très petit oiseau, veut ressembler au bœuf. Voir au mot ambition. Quelque chose: Maître, nous voulons que vous nous accordiez tout ce que nous vous demanderons. Toujours à notre avis, ce que nous sollicitons doit être compté pour rien.

            Jésus lui dit: Que veux-tu? Ordonnez que [mes deux fils] soient assis, etc. Oh, grande et ambitieuse demande! Démocrate, déjà vieux. Voir au mot orgueil: le caméléon a toujours la gueule ouverte, parce qu'il se repaît de vent. Le poète Accius étant de petite taille, eut soin de se faire faire une très grande statue. Un certain cynique nommé Antisthène, portait un habit déchiré dont il faisait ostentation: «Je vois bien de la vanité par ce trou,» lui dit Socrate. Le crocodile est un animal à la fois terrestre et aquatique, il pond sur la terre et chasse dans les eaux; tels sont les courtisans d'Eglise. Les arbres après le solstice retournent leurs feuilles: l'orme, le tilleul, le peuplier, l'olivier, le saule; il en va de même de ces ecclésiastiques.

            Vous ne savez ce que vous demandez; pouvez-vous, etc. Présomption. [Vous boirez] en effet mon calice, etc. Ce n'est pas à moi de vous l'accorder. Ce n'est pas à moi comme homme, c'est à moi comme Dieu; saint Augustin. Je le puis, mais il n'en est pas temps maintenant où il s'agit plutôt de combattre; [294] saint Ambroise. Je puis le donner, mais il ne convient pas de le donner a vous qui êtes 1. parents, 2. solliciteurs, 3. ambitieux; je le donnerai à ceux pour qui il a été préparé. Quels temps que les nôtres!

            Il y a de mauvaises vocations, rendons-les bonnes. La vocation de Lia fut mauvaise, Lia toutefois fut plus fidèle que Rachel. Telle la vocation de saint Charles, de saint Grégoire de Nazianze. [295]

 

CXXXI. Plan d'un sermon pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême

 

23 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA QUINTA POST DOMINICAM SECUNDAM DE DIVITE EPULONE. DE DIVITIIS ET DIVITIBUS

 

            Terra operta nemo facile judicaverit de amenitate aut obscenitate locorum; nemo ubi hortus, nemo ubi fimus. Viventibus hominibus nemo facile judicaret divites infœlices, pauperes fœlices, etc.

            Dominus videns juvenem tristem, Marc. 10 (omnino videnda est historia), circumspiciens Jesus, ait discipulis suis: Quam difficile qui pecunias habent in Regnum Dei introibunt! Discipuli autem obstupescebant in verbis ejus; at Jesus rursus respondens, ait illis: Filioli, quam difficile est confidentes in [296] pecuniis in Regnum Dei introire! Facilius est per foramen, etc. Qui magis admirabantur, dicentes ad semetipsos: Quis potest salvus fieri? Et intuens illos Tesus, ait: Apud homines, etc. Sic ego hodie videns Evangelium: O quam difficile est, etc. Verum ut ordine procedam, quatuor sunt genera divitum bonorum et malorum. Et hæresis est Pauperum de Lugduno, Apostolicorum, Manicheorum et Juliani Apostatæ.

 

            1. In acquirendo. Non furtum facies Ipsi regnaverunt et non ex me; Osee, 8. Si quid aliquem defraudavi, reddo quadruplum. Domine, quis habitabit in tabemaculo tuo? Qui pecuniam suam non dedit ad usuram et munera super innocentem non accepit. Mammon iniquitatis. Similes Achab, vineam quæ juxta eum erat volens. Et sunt quemadmodum asinæ dum nutriunt pullos; car alhors, dit Pline, elles ayment leurs petitz extremement. Que si toutefois il y a un petit ruisseau entr'elles et leurs petitz, elles ne passeront qu'avec extreme difficulte, et mesme n'y veulentelles pas mettre le pied. Vide Plinium, [Hist. nat.,] 1. 8. c. 43. Mais elles ne craindront point de passer par le feu.

            Sic plerique patres in ignem inferni pergunt ob filiorum amorem; pro quibus tamen ne quidem aquam [297] paupertatis aut expensarum tangere vellent, nihil expendere ut eos bonis moribus et litteris instruant. Similes aux conilz, qui se pelent la poitrine pour faire le nid ou la couche de leurs petitz, ceux ci se pelent la conscience. Aussi leur faut-il une grande place pour [se coucher] (j'entens aux saumes), car il leur vient mille fantasies en dormant, et ruent deça et dela: sic isti viri divitiarum dormierunt somnum suum; hunc bonis spoliant, illum comedunt, etc. Ruades. Et: Vœ vobis qui conjungitis domum ad domum, et agrum agro copulatis usque ad terminum loci; nunquid soli habitabitis in medio terræ?

            Quæ secundum Deum acquiruntur bonæ sunt. Unde Isaac, benedicens Jacob: Det tibi Dominus de rore cæli et de pinguedine terræ, abundantiam frumenti et vini, etc. Sic Job: Dominus dedit, etc.

            2. In retinendo; ut filii et hæredes male pacta, quæ ipsi norunt talia esse. Item, legata pia, etc. (Halietus, aquila marina; vide infra, pag. 342.) Alienum retinere; contrectatio rei alienæ. [298]

            3. Qui juste quidem acquirunt, sed nimis avide. Appian Alexandrin recite que les Parthes, mis en fuite, etc. (vide Similitudines), presses de faim, mangerent une herbe qui leur faysoit oublier toufautre chose, etc., et perdans le sens ilz vomissoyent et mouroyent.

            Heu, heu, quid facitis? Magnum periculum. Qui volunt divites fieri, incidunt in tentationem et in laqueum diaboli, et desideria multa et nociva quæ mergunt homines in interitum et perditionem; I Timot. 6.

            4. In possidendo avare. Idolorum servitus; ad Col. 3. Viri divitiarum. Beatus vir dives qui inventus est sine macula et qui post aurum non abiit, nec speravit in pecuniæ thesauris. Quis est hic et laudabimus eum? Avaro tam deest quod habet quam quod non habet.

            5. Qui in distribuendo, ut dives noster, qui habebat [299] divitias tantum sibi, voluptati et vanæ gloriæ. Similitudo canum Ægipti, cervorum, navium, vestium.

            6. Crudelitas in pauperes. Quam pauperes sint digni et honorandi, unde visitandi vice Domini.

            Historia Baltassar recitanda graphice, et inculcanda: Mane, numeravit; techel, appensus es; phares, divisit. Herissons. [300]

 

 

 

JEUDI APRES LE DEUXIEME DIMANCHE

SUR LE RICHE ADONNE A LA BONNE CHERE. SUR LES RICHESSES ET LES RICHES

 

            Lorsque la terre est couverte de brouillards, il est difficile de distinguer les agréments ou la laideur d'un site, de dire: là est le jardin, là est le fumier. De même, du vivant des hommes, personne n'estime facilement les riches malheureux et les pauvres heureux, etc.

            Le Seigneur voyant un jeune homme triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses disciples étaient tout étonnés de ses paroles; mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses [296] d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un chameau de passer] par le trou d'une aiguille, etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé? Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc. De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais procédons par ordre: il y a quatre sortes de bons et de mauvais riches. Il y a l'hérésie des Pauvres de Lyon, des Apostoliques, des Manichéens et de Julien l'Apostat.

            1. Dans l'acquisition des biens. Tu ne feras point de vol. Ils ont régné, mais non par moi. Si j'ai fait tort a quelqu'un, je lui rends quatre fois autant. Seigneur, qui habitera dans votre tabernacle ? Celui qui n'a point donné son argent a usure et qui n'a point reçu de présents contre l'innocent. Richesse d iniquité. Ces gens ressemblent à Achab qui désira la vigne attenante à la sienne. Ils sont comme les ânesses pendant qu'elles nourrissent leurs poulains. [Reprendre au texte, lig. 16.]

            Ainsi en est-il de bon nombre de pères qui vont au feu de l'enfer par suite d un amour mal entendu envers leurs fils, pour lesquels néanmoins ils ne voudraient pas toucher à l'eau de la pauvreté ou des dépenses; ils ne [297] dépenseraient rien pour les élever dans les lettres et les bonnes mœurs. Semblables [Reprendre au texte, lig. 3.]

            Ainsi ces hommes de richesses ont dormi leur sommeil; ils dépouillent celui-ci de ses biens, ils dévorent celui-là, etc... Et: Malheur a vous qui joignez maison à maison et qui ajoutez champ à champ jusqu'à ce que le lieu vous manque; est-ce que vous habiterez seuls au milieu de la terre?

            Les richesses acquises selon Dieu sont bonnes. C'est pourquoi Isaac bénissant Jacob lui dit: Que le Seigneur te donne la rosée du ciel et la graisse de la terre, l'abondance de froment et de vin, etc. Ainsi Job: Le Seigneur m'a donné, etc.

            2. En retenant les biens, comme font les fils et les héritiers quand ils s'autorisent de contrats qu'ils reconnaissent avoir été mal faits. Ils pèchent de même au sujet des legs pieux, etc. (Haliète, aigle marin; voir plus bas, page 342.) Retenir le bien d'autrui; en disposer. [298]

            3. Ceux qui acquièrent justement, il est vrai, mais avec trop de cupidité. [Reprendre au texte, lig. 1.]

            Hélas, hélas! que faites-vous? [Vous vous exposez] à un grand péril. Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation, dans les filets du diable et dans des désirs nombreux et nuisibles qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition.

            4. En possédant avec avarice. Servitude des idoles. Les hommes de richesses. Bienheureux l'homme riche qui a été trouvé sans tache et qui n'a point couru après l'or, ni espéré dans l'argent et dans les trésors. Qui est celui-ci et nous le louerons? L'avare est aussi pauvre de ce qu'il a que de ce qu'il n'a pas.

            5. Dans la mauvaise répartition de ses biens: tel notre riche qui n'avait [299] de fortune que pour lui, pour ses plaisirs et la vaine gloire. Comparaisons: chiens d'Egypte, cerfs, navires, vêtements.

            6. Cruauté envers les pauvres. Dignité des pauvres; combien nous devons les honorer, et partant les visiter comme représentant Notre-Seigneur.

            Histoire de Balthazar; décrire [cette scène] au vif, la graver: Mane, il a compté; techel, tu es pesé; phares, il a divisé... [30]

CXXXII. Plan d'un sermon pour le vendredi après le deuxième Dimanche de Carême

 

24 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA SEXTA. IN DIE SANCTI MATHIÆ DE PARABOLA VINEÆ

 

Homo erat paterfamilias, qui plantavit vineam et sepem circumdedit ei.

[MATT., XXI, 33.]

 

            Hac parabola Dominus ostendit et se Filium, hæredem universorum, a Scribis, Pharisæis et Sacerdotibus crucifigendum, et Regnum Dei ab illis auferendum. Ac interim Ecclesiæ stabilitatem aliasque dotes graphice describit, quas nos tantisper prosequimur.

           

            Vineam de qua Dominus loquitur Sinagogam esse, nemo dubitat. Psal. 79: Vineam de Ægipto transtulisti; ejecisti gentes et plantasti eam. Nimirum, [301] more vinitorum, vepres spinasque abstulit, id est, Madianitas, Jebusæos, Phæreseos, Cananæos, ut in terra promissionis populum suum collocaret et tanquam vineam plantaret. Isaiæ, 5: Vinea facta est dilecto in cornu filio olei; sepivit eam et ædificavit turrim in medio ejus, et torcular extruxit in ea.

            Sepes fides est, et robur sive fortitudo invincibilis fidei, de qua Apostolus: Sancti per fidem vicerunt regna, fortes facti sunt in bello, castra verterunt exterorum. Nam fide populus fidelis ab omnibus aliis separatur (hæretici, cathecumeni, schismatici, extra Ecclesiam), et dum fides regnat videntur homines esse de vinea; et vero, quamvis excommunicati et schismatici ejiciantur, ejiciuntur ut revertantur, at hæretici proprio judicio judicati sunt. Protectio Dei etiam est sepes, vel potius, sepis ligatura et robur. Heu, fides Catholica, tot tirannis expetita, illæsa permanet. Ubi non est sepes diripietur possessio; Ecclesiastici, 36, v. 27. Ecclesiastes, 10. v. 8: Qui dissipat sepem, mordebit eum coluber. Lyrinensis allegat ut ostendat non discedendum a fide Ecclesiæ. Ergo tandem, sepes [302] professio, vinculum, publica authoritas et communis regula fidei est; quam dissipare conantur hæretici. Non tani fides in se quam fidei dogma, vinculum et regula.

            Et fodit in ea torcular. Torcular fidelium est charitas, ad quam spectant sacrificia, oblationes, devotio; nam, charitas Christi urget nos. Inter duo ligna constituimur, nimirum amoris Dei et proximi; agere martires et pati. Statura tua assimilata est palmæ et ubera tua botris. Ubera sunt torcular amoris, nam premit ea digitis mater et premit puer labiis.

            Ædificavit turrim. Spem quæ ex alta prophetia videt Christum venientein; et veluti ex cacumine montis odoramur odores unguentorum sentimusque prædam, Christum. Nasus tuus sicut turris Libani, quæ respicit contra Damascum.

            Vinitores sive agricolæ sunt sacerdotes in Sinagoga, in Ecclesia sunt prælati; et id manifeste. En lectulum Salomonis; sexaginta fortes ambiunt illum ex fortissimis Israël, omnes tenentes gladios et ad bella doctissimi; uniuscujusque ensis super femur suum propter timores nocturnos; Cant. 3. Vinitores Sinagogæ occiderunt Prophetas quos Dominus mittebat [303] (ut videre est apud Baradam, [Comment. in Concord. Evang.,] 1. v. c. 23 tomi primi); secti sunt, lapidati sunt, in occisione gladii necati sunt: Isaias sectus, Hieremias lapidatus, Ezechiel in Babilone a judice populi Israel interfectus, Amos ab Amasia sacerdote, etc.

            Sed notate: 1°. quamvis pessimi isti vinitores essent, tamen nunquam Deus ab eis sepem, torcular, turrim vineamque abstulisse, donec veniret hæres, quem occiderunt. Heu, o hæretici, quomodo ergo auferet Ecclesiam vinitoribus suis? Non auferet, quia nunquam occident, jam non moritur; nunquam auferet, sed vinea ista et sepem et torcular, exercitia religionis, et turrim habebit donec veniat Dominus. Numquam Ecclesia occidit prophetas, imo excepit mitissime: Basilios, Anthonios, Pacomios, Franciscos, Benedictos.

             [2o.] Notate agricolas quibus locata est vinea non mutari, sed eosdem usque ad finem perseverare; nimirum, non sunt iidem persona, sed successione: successio Ecclesiastica. En perit Iscariotes, ex tribu Isachar (vel a sechar, quod est, Syriace, marsupium), et ecce Petrus exurgens in medio fratrum: Episcopatum. (Nostri [304] hæretici nolunt nomen episcopatus, sed in marginem rejiciunt, et vertunt: Qu'un autre prenne son administration, encor qu'en l'annotation quilz confessent quil y a au grec son episcopat, ou surintendence.)

            Cette mission et succession dure, «quamvis,» dit saint Leon, «in indignis successoribus,» et durera jusques au jour du jugement. Ephes. 4: Alios quidem dedit apostolos, alios prophetas, alios evangelistas, alios doctores et pastores, in opus ministerii, in ædificationem corporis Christi. Et sic sors cecidit super Mathiam.

            Non auferet regnum, sed auferet nos de regno, quia fructum nullum facimus. Et vos palmites; omnem palmitem, etc.

            Sic celebrat Ecclesia festa horum. [305]

 

 

 

VENDREDI APRÈS LE DEUXIÈME DIMANCHE. FÊTE DE SAINT MATHIAS PARABOLE DE LA VIGNE

           

            II y avait un père de famille qui planta une vigne et l'entoura d'une haie.

 

            Dans cette parabole, le Seigneur montre qu'il est Fils de Dieu, héritier de toutes choses, que les Scribes, les Pharisiens et les Prêtres le crucifieront et que le Royaume de Dieu leur sera enlevé. Il démontre ensuite très clairement la perpétuité de l'Eglise et ses autres caractères que nous examinerons rapidement.

            Personne ne doute que la vigne dont parle le Seigneur ne soit la Synagogue. Vous avez transporté de l'Egypte une vigne, vous avez chassé les [301] nations et vous l'avez plantée. C'est-à-dire que, semblable aux vignerons, le Seigneur a arraché les ronces et les épines, les Madianites, les Jébuséens, les Phéréséens, les Chananéens, afin d'établir son peuple dans la terre promise et de l'y implanter comme une vigne. Mon bien-aimé a acquis une vigne dans la corne du fils de l'huile; il l'a environnée d'une haie, a construit une tour au milieu et y a dressé un pressoir.

            La haie représente la foi, et la vigueur ou la force invincible de la foi, dont parle l'Apôtre quand il dit: Par la foi les Saints ont vaincu les royaumes, se sont fortifiés dans la guerre, ont renversé les camps ennemis. C'est la foi, en effet, qui distingue le peuple fidèle de tous les autres (les hérétiques, les catéchumènes, les schismatiques sont hors de l'Eglise), tant que la foi règne, les hommes sont considérés comme faisant partie de la vigne; et bien que les excommuniés et les schismatiques soient rejetés, on ne les rejette que pour les engager à rentrer, mais les hérétiques se sont jugés eux-mêmes. La haie, c'est aussi la protection de Dieu, ou plutôt cette protection est le lien qui fait la force de la haie. Ah ! cette foi catholique, attaquée par tant de tyrans, demeure intacte. Où il n'y a point de haie, la propriété sera pillée. Celui qui détruit la haie sera mordu par un serpent. Vincent de Lérins allègue ce texte pour montrer qu'il ne faut pas s'écarter de la foi de l'Eglise. La haie signifie par conséquent la profession, le lien, l'autorité [302] publique et la règle commune de la foi, que les hérétiques s'efforcent de détruire. Ce lien, cette règle ce n'est pas tant la foi en elle-même que les dogmes de foi.

            Il y creusa un pressoir. Le pressoir des fidèles est la charité, à laquelle se rapportent les sacrifices, les oblations, la dévotion, car la charité du Christ nous presse. Nous sommes placés entre deux plateaux de bois, l'amour de Dieu et l'amour du prochain, et nous y devons agir et souffrir en martyrs. Ta taille est semblable a un palmier et tes mamelles a des grappes de raisin. Les mamelles sont le pressoir de l'amour, car la mère les presse de ses doigts et l'enfant de ses lèvres.

            Il y bâtit une tour. Cette tour est l'espérance qui du haut des prophéties voit venir le Christ, et alors, comme du sommet d'une montagne, nous respirons l'odeur des parfums et nous sentons notre proie, le Christ. Ton nez est comme la tour du Liban, qui regarde contre Damas.

            Les vignerons ou les agriculteurs sont, dans la Synagogue, les prêtres, et, dans l'Eglise, les prélats; et ceci est évident. Voici la couche de Salomon; soixante vaillants guerriers, des plus vaillants d'Israël, l'environnent, tous portant des glaives et très habiles dans les combats; chacun a son glaive sur sa cuisse 'a cause des craintes nocturnes. Les vignerons de la Synagogue tuèrent [303] les Prophètes que le Seigneur leur envoyait (comme on peut le voir dans Barradas [Commentaire sur la Concordance des Evangiles,] liv. V, chap. XXIII du premier tome); ils furent sciés, lapidés, tués par le tranchant du glaive: Isaïe fut scié, Jérémie lapidé, Ezéchiel massacré à Babylone par le juge du peuple d'Israël, Amos le fut par le prêtre Amasias, etc.

            Mais notez: 1. Bien que ces vignerons fussent très méchants, jamais Dieu ne leur enleva la haie, le pressoir, la tour et la vigne, sinon lorsqu'apparut l'héritier qu'ils mirent à mort. Eh! malheureux hérétiques, comment donc enlèverait-il l'Eglise à ses vignerons? Il ne la leur enlèvera pas, parce qu'ils ne le mettront jamais à mort, car il ne meurt plus; non, il ne la leur enlèvera jamais, et cette vigne gardera la haie, le pressoir, les exercices religieux, et la tour jusqu'à l'arrivée du Seigneur. L'Eglise n'a jamais mis à mort ses prophètes, elle leur a fait, au contraire, le plus bienveillant accueil: voyez les Basile, les Antoine, les Pacôme, les François, les Benoît.

             [2.] Remarquez que les agriculteurs auxquels est louée la vigne ne changent pas, mais demeurent les mêmes jusqu'à la fin; ils sont les mêmes, non en personne sans doute, mais par la succession: succession ecclésiastique. Iscariote périt: il est de la tribu d'Issachar (ou bien son nom dériverait de sechar, mot qui signifie en syriaque, bourse), et voilà que Pierre se levant au [304] milieu des frères: [Qu'un autre reçoive] son épiscopat. (Nos hérétiques ne veulent pas de ce mot épiscopat, mais ils le rejettent en marge [de leur bible], et traduisent ainsi: [Reprendre au texte, lig. 3.]

            Cette mission et succession dure, dit saint Léon, «même en des successeurs indignes,» et durera jusqu'au jour du jugement. En effet, il en a donné quelques-uns pour être apôtres, d'autres prophètes, d'autres évangélistes, d'autres docteurs et pasteurs, [afin qu'ils travaillent] a l'œuvre du ministère, à l'édification du corps du Christ. Et ainsi le sort tomba sur Mathias.

            Il n'ôtera pas le royaume, mais il nous ôtera nous-mêmes du royaume parce que nous ne produisons aucun fruit. Et vous êtes les branches; toute branche, etc.

            Ainsi l'Eglise célèbre la fête de ces Saints. [305]

 

CXXXIII. Plan d'un sermon pour le troisième Dimanche de Carême

 

26 février 1617

 

(INÉDIT)

 

DOMINICA TERTIA

 

Quicumque dixerit Mot contra Filium nominis, remittetur ei; qui autem dixerit contra Spiritum Sanctum, non remittetur ei neque in hoc seculo neque in futuro.

[MATT., XII, 32.]

 

            Immediate ante hæc verba ait Dominus: Dico vobis, omne peccatum et blasphemia remittetur hominibus, Spiritus autem blasphemia non remittetur; Math. 12. Marci autem 3: Amen dico vobis, quoniam omnia dimittentur filiis hominum peccata et blasphemiaz; qui autem blasphemaverit in Spiritum Sanctum, n0n habebit remissionem in æternum, sed reus erit ceterni delicti. In tota hac historia, locus iste difficillimus; imo, ait Augustinus, serm. II. de Verbis [306] Domini, «nullus difficilior in tota Scriptura.» Quia vero multum refert illum intelligere, nos eum explicabimus.

 

            Theologi peccata quædam in Patrem, alia in Filium, alia in Spiritum Sanctum esse dicunt; id autem dicitur ratione appropriationis, idque dupliciter, nimirum, per similitudinem et per dissimilitudinem.

             [1.] Potentia quæ habet vim principii attribuitur Patri; hinc peccatum infirmitatis contra Patrem dicitur esse. Sapientia, quæ exprimitur verbo, attribuitur Filio; ideo peccatum ex ignorantia dicitur esse contra Filium. Charitas et bonitas, quæ exprimitur per modum amoris, attribuitur Spiritui Sancto; et propterea peccatum malitiæ est contra Spiritum Sanctum.

            2. Per dissimilitudinem eorum quæ accidunt in humanis. Solent enim patres esse filiis debiliores, filii patribus indoctiores, spiritus vero violentiam ac vehementiam signat. Quare, ut ita rem non se habere in Divinis demonstrarent theologi, attribuunt Patri potentiam, Filio sapientiam, Spiritui Sancto bonitatem. Et hinc peccata in Patrem et Filium et Spiritum Sanctum. [307]

            Exempla horum peccatorum, in tribus primis hominibus: Adam, Eva, Caim. Eva seducta est; I. ad Tim. 2: Vir non est seductus; mulier seducta in prævaricatione fuit. Paulus, 2. Cor. II. v. 3: Timeo autem, ne sicut serpens seduxit Evam astutia sua, ita corrumpantur sensus vestri, et excidant a simplicitate quæ est in Christo. Gen. 3: Serpens decepit me et comedi. Quænam fuerit ista seductio, vide Belarm., 1. 3. de Amiss. gratiæ, c. 5. 6. et 7. Adam non est seductus. Quia audisti vocem uxoris tuæ, etc. Mulier quam dedisti mihi. Sic sane plerique hæretici.

            Mulieris lapsus ita se habuit. Complacuit sibi in verbo illo: Eritis sicut dii, per superbiam; deinde, credidit se non morituram, neque verba Dei ad litteram intelligenda secundum sensum quem primo habuerat; hinc manducare constituit. Adami incœpit a complacentia in illo verbo: Eritis sicut dii; deinde, ad amorem inordinatum processit; tertio, ad consensum in comestionem.

            Caim autem peccato malitiæ; nam admonitus a Deo, Gen. 4. v. 5. et 6, non destitit, sed, 1°. præsumpsit; 2o. invidens fraternæ gratiæ, et cum Dominus quæreret: [308] Ubi est frater tuus? 3o. agnitam veritatem impugnavit, obstinatusque pœnitentiam respuit; 4o. ac desperans, ostendit se Dei misericordiæ renunciasse: Ejicis me a facie terræ, et a facie tua abscondar; nimirum ut qui absconduntur a facie solis et manent in nocte, omnino tabescunt.

            David peccavit 1°. ignorantia, numerans populum; fuitque, meo judicio, tantum peccatum veniale, juxta illud quod habetur, 3. Reg. c. 15: Non declinavit ab omnibus quæ præcepit ei Deus, excepto sermone Uriæ Hetæi. 20. Infirmitate, concupiscens Bersabëe. [30.] Malitia autem, volens inebriare Uriam et occidere faciens; 2 Reg. II.

            Ignorantia Paulus: Ideo misericordiam consecutus quia ignorans feci; infirmitate Petrus; Judas malitia. Samaritana ignorantia; Magdalena infirmitate; Saphira et adultera, malitia.

            Dicuntur autem peccata alia ex infirmitate, alia ex malitia, alia ex ignorantia, non quia in omnibus peccatis non intercedat ignorantia aliqua, id est, inconsideratio (juxta illud Aristotelis: «Omnis peccator ignorans»), et etiam malitia, alioquin non esset peccatum (nam est de essentia [309] peccati ut intercedat aliqua malitia, saltem in causa, et debet esse culpa in ignorantia, seu ignorantia culpabilis), et etiam infirmitas passionis alicujus, vel præteritæ vel præsentis. Sed dicuntur peccata talia ab origine et prædominio; ut dicuntur homines melancolici in quibus prædominatur melancolia, cholerici in quibus cholera, quamvis semper habeant omnes humores.

            Sed inter omnia peccata in Spiritum Sanctum illud est de quo Salvator in Evangelio, quo videlicet opera Spiritus Sancti per blasphemiam tribuuntur diabolo. Ut faciunt hæretici nostri temporis; cum enim non possint negare miracula, saltem ea quæ a probatissimis authoribus narrantur, ut ab Augustino, dicunt esse stratagemata diaboli.

            Hoc autem peccatum dicitur irremissibile quia non nisi per miraculum remittitur. Conversio peccatoris est semper opus magnum, sed non dicitur miraculum nisi quando fit modo raro et exquisito. Hinc, dicere possumus: impossibile est inter homines, etiam ratione gratiæ ordinariæ, non apud Deum. [310]

 

 

 

TROISIEME DIMANCHE

 

            Quiconque aura parlé contre le Fils de l'homme, son péché lui sera remis; mais si quelqu'un a parlé contre l'Esprit-Saint, il ne lui sera remis ni en ce siècle ni dans le siècle à venir.

 

            Immédiatement avant ces paroles, le Seigneur avait prononcé celles-ci: Je vous le dis, tout péché et tout blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point remis. Et en saint Marc: En vérité je vous le dis, tous les péchés seront remis aux enfants des hommes, même les blasphèmes; mais celui qui aura blasphémé contre l'Esprit-Saint n'en recevra jamais le pardon et il sera coupable d'un péché éternel. En tout ce passage, voici le point le plus difficile; et même, nous dit saint Augustin, sermon XI des [306] Paroles du Seigneur, «il n'y en a pas de plus difficile dans toute l'Ecriture. » Puis donc qu'il importe beaucoup de le comprendre, nous allons l'expliquer.

            Les théologiens enseignent que certains péchés sont contre le Père, d'autres, contre le Fils, d'autres, contre le Saint-Esprit; ils s'expriment ainsi en vue des perfections attribuées spécialement à chacune des divines Personnes, et cela d'après le double rapport de ressemblance et d'opposition avec ce qui arrive dans l'ordre naturel.

             [1. Par ressemblance.] La puissance, en tant que vertu de principe, s'attribue au Père; c'est pour cela qu'un péché de faiblesse est appelé péché contre le Père. La sagesse, dont la parole est l'expression, est attribuée au Fils; aussi nomme-t-on le péché d'ignorance péché contre le Fils. La charité et la bonté, qui s'expriment par voie d'amour, sont attribuées à l'Esprit-Saint, et pour ce motif le péché de malice est un péché contre le Saint-Esprit.

            2. Par opposition à ce qui arrive dans la condition humaine. D'ordinaire, les pères sont moins forts que les fils, les fils moins instruits que les pères, et le souffle indique la violence, la véhémence. Aussi, pour démontrer qu'il n'en est pas de même en Dieu, les théologiens attribuent au Père la puissance, au Fils la sagesse, à l'Esprit-Saint la bonté. D'après ces principes, sont distingués les péchés contre le Père, contre le Fils, contre le Saint-Esprit. [307]

            Nous avons des exemples de ces péchés dans les trois premiers individus de la race humaine: Adam, Eve, Caïn. Eve fut séduite: L'homme ne fut point séduit; la femme séduite tomba dans la prévarication. Saint Paul aux Corinthiens: Mais je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent, et dégénèrent de la simplicité qui est dans le Christ... Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé. Pour la nature de cette séduction, voir Bellarmin, liv. III de la Perte de la grâce. Adam ne fut point séduit. Parce que tu as entendu la voix de ta femme, etc. La femme que vous m'avez donnée. C'est précisément ce qui arrive à la plupart des hérétiques.

            Voici comment tomba la femme. Par orgueil, elle se complut en cette parole: Vous serez comme des dieux; ensuite, elle crut qu'elle ne mourrait pas, et que la menace de Dieu ne devait pas être entendue à la lettre, comme elle l'avait tout d'abord comprise, et alors elle se décida à manger du fruit. La chute d'Adam commença par une vaine complaisance en cette promesse: Vous serez comme des dieux; puis, de ce sentiment procéda un amour déréglé; en troisième lieu, il consentit à manger.

            Caïn commit un péché de malice. Averti par Dieu, il ne tint nul compte de l'avertissement, mais 1. tomba en présomption; 2. fut jaloux de la bienveillance dont jouissait son frère, et quand le Seigneur lui demanda: Où est ton [308] frère? 3. il combattit la vérité connue, s'obstina et repoussa toute idée de pénitence; 4. en se livrant au désespoir il montra qu'il renonçait à la miséricorde divine: Vous me rejetez de la face de la terre, et je serai caché a votre face; de même, ceux qui fuient la lumière du soleil et demeurent dans la nuit, perdent toute vigueur.

            David pécha 1. par ignorance, dans le dénombrement de son peuple. Ce ne fut, à mon avis, qu'un péché véniel, d'après ce passage du III0 Livre des Rois: Il ne s'était point détourné de tout ce que Dieu lui avait commandé, excepté en ce qui concernait Urie l'Héthéen. 2. Par faiblesse, étant agité par la concupiscence relativement à Bersabée. 3. Par malice enfin, en voulant enivrer Urie et le faisant tuer.

            Saint Paul pécha par ignorance: C'est pourquoi j'ai obtenu miséricorde parce que j'ai agi par ignorance; saint Pierre pécha par faiblesse; Judas, par malice. La Samaritaine, par ignorance; Madeleine, par faiblesse; Saphira et la femme adultère, par malice.

            Quoiqu'on distingue les péchés de faiblesse de ceux de malice ou d ignorance, ce n'est pas qu'il n'y ait en tout péché quelque ignorance, c est-à-dire quelque inconsidération (d'après ce mot d'Aristote: «Tout pécheur est ignorant»), et aussi quelque malice, sinon il n'y aurait pas de péché (car [309] il est de l'essence même du péché que la malice intervienne au moins dans la cause, et il doit y avoir quelque culpabilité dans l'ignorance pour qu'elle soit imputée à péché). Il s'y trouve aussi la faiblesse provenant de quelque passion, soit passée, soit présente; mais les péchés sont ainsi désignés d'après leur origine et leur caractère dominant. Ainsi, on appelle mélancoliques les caractères où domine la mélancolie; colères, ceux où domine la colère, bien qu'ils aient aussi toutes les autres humeurs.

            Mais entre tous les péchés contre l'Esprit-Saint, le Sauveur, dans l'Evangile, désigne particulièrement le péché de blasphème, par lequel on attribue au diable les œuvres de l'Esprit-Saint. Tel est celui des hérétiques de notre temps. Ne pouvant nier les miracles, ceux du moins qui nous sont racontés par les plus sérieux auteurs, comme serait saint Augustin, ils prétendent que ces prodiges sont des stratagèmes du démon.

            Or, le Christ appelle ce péché irrémissible parce qu'il ne peut être remis que par un miracle. La conversion du pécheur est toujours une grande œuvre, mais on ne l'appelle miracle que si elle est opérée d'une manière merveilleuse et non commune. C'est ainsi que nous pouvons la déclarer impossible aux hommes, même au moyen de la grâce ordinaire, mais non pas impossible à Dieu. [310]

 

CXXXIV. Plan d'un sermon pour le lundi après le troisième Dimanche de Carême

 

27 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA SECUNDA POST DOMINICAM TERTIAM

 

Dicetis utique mihi per similitudinem: Medice, cura teipsum. Quanta audivimus.

[Lucæ, IV, 23.]

 

            Christus cum esset in Nazareth, intravit in sinagogam, et lecto Libro Isaiæ docebat eos, ita ut omnes mirarentur et darent illi testimonium; sed tamen sine utilitate, dicebant enim: Nonne hic est filius fabri? nonne hic est faber? Unde huic sapientia? etc. Et ipse videns eos colloquentes, sciensque quid dicerent, ait: Utique dicetis mihi, etc. Et concludit Marcus: Et non poterat ibi virtutem ullam facere, nisi quod [311] paucos infirmos impositis manibus curavit; et mirabatur propter incredulitatem eorum. Mathæus: Et non fecit ibi virtutes multas, propter incredulitatem eorum.

 

            Duo maxime in Scriptura inculcat Deus, et semper docuit in Ecclesia: primum est, perditionem nostram ex nobis esse; secundum, salutem nostram ex Deo tantum esse. Contra duas pestilentissimas hæreses: Pelagianorum et Lutheranorum. Hæc autem propositio totidem verbis habetur Osee, 13: Perditio tua ex te, Israel, tantum in me auxilium tuum. Ac quidem auxilium suum Deus semper Israeli porrexit; at Israel neglexit, et illud est quod ait: Perditio tua ex te, Israel; nam ideo perditio tua ex te, quia neglexisti auxilium quod est ex me.

            Minatur Deus per Osee Israelitis, quia idola sectabantur se eos castigaturum: Ero quasi leæna, quasi pardus in via Assiriorum; occurram eis quasi ursa raptis catulis et disrumpam interiora jecoris eorum, et consumam eos quasi leo. Tum addit: Perditio tua, quasi dicat: Castigabo te, quia noluisti converti. Baruc, 3: Quid est tibi, Israel, quia in terra inimicorum es? Hierem. 8. v. 22: Nunquid non est resina [312] in Galaad, aut medicus non est ibi? Quare ergo non est obducta cicatrix populi mei? Ezech. 18: Quare moriemini, domus Israel? Apoc. 3: Ego sto ad ostium. Venite ad me. Ecclci. 15; Ne dicas: Per Deum abest, quæ enim odit ne feceris. Ne dicas: Ille me implanavit; non enim necessarii sunt illi homines impii. Act. 13: Vobis quidem primum opportuit prædicari Mot Dei; sed quoniam repellitis illud et indignos vos judicatis vitæ æternæ, ecce convertimur ad Gentes.

            Deus ergo neminem repellit nisi repulsus, neminem relinquit nisi relictus, neminem abjicit nisi abjectus. Obstupescite cæli super hoc, et portæ ejus desolamini vehementer; duo mala fecit populus meus; Hier. 2. V. 12, [13.] Mirabatur porro Dominus, id est, mirandam rem nobis ostendebat: homines tot virtutibus visis, qui ei maxime benigni esse deberent, quos ipse multis auxiliis cumulasset, non converti. Obstupescite. O rem mirandam, quam miratur Dominus!

            Tamen ait Marcus: Non poterat ullam virtutem facere, propter incredulitatem, idest, resistente eorum incredulitate non poterat; sequum justumque non erat, [313] secundum legem ordinariam, nam homini liberum arbitrium relinquit: qui fecit te sine te, non salvabit te sine te; fecit nescientem, non salvabit nisi volentem.

            Ergo: Dicetis utique, etc. Tum de duabus historiis: viduæ illæ Israel non excepissent Heliam; nec leprosi obedissent, aut venissent ad Heliseum. [314]

 

 

 

LUNDI APRES LE TROISIEME DIMANCHE

 

            Vous m'appliquerez sans doute le proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même. [Faites ici] d'aussi grandes choses que nous avons entendu dire, etc.

 

            Un jour que le Christ était à Nazareth, il entra dans la synagogue et, après la lecture du Livre d'Isaïe, il instruisit le peuple, de sorte que tous étaient dans l'admiration et lui rendaient témoignage; inutilement toutefois, car ils disaient: N'est-ce pas là le fils du charpentier? n'est-ce pas la le charpentier? D'où lui vient cette sagesse? etc. Lui, qui les voyait s'entretenir ensemble, savait ce qu'ils disaient et leur répondit: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Et saint Marc conclut: Il ne pouvait faire la aucun miracle, si ce n'est qu'il guérit quelques [311] malades en leur imposant les mains; et il s'étonnait de leur incrédulité. Saint Matthieu: Il ne fit pas là beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité.

            Il est dans l'Ecriture deux vérités que Dieu veut surtout nous inculquer et qu'il nous enseigna toujours dans l'Eglise: la première est que si nous nous perdons, c'est par notre faute; la seconde, que nous ne devons notre salut qu'à Dieu. Ces deux dogmes sont opposés à deux hérésies très pernicieuses: celle des Pélagiens et celle des Luthériens. Osée expose cette double vérité en ces termes mêmes: Ta perte vient de toi, Israël, c'est en moi seul qu'est ton secours. En effet, Dieu offrit toujours son secours à Israël, mais Israël ne s'en prévalut pas, et c'est pourquoi Dieu dit: Ta perte vient de toi, Israël, tu es cause de ta perte parce que tu négliges le secours que je te présente.

            Dieu, parla bouche d'Osée, menaça les Israélites de châtiment parce qu'ils suivaient le culte des faux dieux: Je serai comme une lionne, comme un léopard sur la voie des Assyriens; je courrai a eux comme une ourse a qui on a ravi ses petits, et je déchirerai leurs entrailles, je les dévorerai comme un lion. Puis il ajoute: Ta perte, [etc.,] comme s'il disait: Je te châtierai parce que tu n'as pas voulu te convertir. D'où vient, Israël, que tu habites la terre de tes ennemis? N'y [312] a-t-il point de baume en Galaad, ou n'y a-t-il pas la. de médecin? Pourquoi donc la blessure de mon peuple n'a-t-elle pas été fermée? Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Je me tiens à la porte. Venez a moi. Ne dis pas: Dieu est cause que [la sagesse] est loin de moi, car il dépend de toi de ne pas faire ce qu'il hait. Ne dis pas: C'est lui qui m'a trompé; car les hommes impies ne lui sont pas nécessaires. C'est à vous qu'il a fallu premièrement annoncer la parole de Dieu, il est vrai; mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les Gentils.

            Dieu donc ne repousse personne s'il n'en est repoussé, il n'abandonne personne s'il n'en est abandonné, il ne rejette personne s'il n'en est rejeté. Cieux, soyez frappés de stupeur sur cela, et vous, portes du ciel, soyez dans la plus grande désolation; mon peuple a fait deux maux. Or, le Seigneur s'étonnait, ou plutôt il nous montrait une chose étonnante, à savoir qu'à la vue de tant de prodiges, les hommes qui lui devaient la plus grande reconnaissance, auxquels il avait porté le plus de secours, ne se convertissaient pas. Soyez frappés de stupeur! Oh! quelle chose étonnante, puisqu'elle étonne le Seigneur même!

            Saint Marc dit cependant: Il ne pouvait faire aucun miracle à cause de leur incrédulité, c'est-à-dire qu'il ne le pouvait pas parce que leur incrédulité y [313] mettait obstacle; ce n'eût été ni équitable, ni juste, dans les conditions ordinaires. Dieu laisse, en effet, à l'homme sa liberté: celui qui vous a créé sans vous, ne vous sauvera pas sans vous; il vous a fait sans que vous le sachiez, il ne vous sauvera pas sans que vous le vouliez.

            Donc: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Parler ensuite des deux histoires [mentionnées par Jésus]: ces veuves d'Israël n'auraient pas reçu Elie; ces lépreux n'auraient pas obéi, ne seraient pas venus vers Elisée. [314]

 

CXXXV. Plan d'un sermon pour le mardi après le troisième Dimanche de Carême

 

28 février 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA TERTIA POST DOMINICAM TERTIAM

 

Si peccaverit in te frater tuus, etc.

[Matt., XVIII, 15.]

 

            In te, coram te; ut: Tibi soli peccavi et malum coram te feci. Tibi et coram te idem, et unum explicatio est alterius. In te, contra te: vel unde scandalum patiaris, vel unde tedaris.

 

            Totius correctionis fraternæ præceptum regitur ab hac clausula: Si te audierit, lucratus eris fratrem tuum. C'est la maistresse roüe de cet horologe, le gouvernail de ce vaisseau, le nord de cette navigation; [315] quia causa finalis est correctionis, a fine autem artifex omnes sumit mensuras.

            Hinc sequitur causa efficiens: omnes enim omnino homines tenentur corrigere, etiam inferiores respectu superiorum. Sic enim Paulus correxit Petrum, ad Gal. 2: Cum venisset Cephas Antiochiam, in faciem ejus restiti, quia reprehensibilis erat. Etsi enim Petrus vix etiam venialiter in eo peccavit, tamen reprehensus fuit a Paulo, propter gravitatem consequentiæ; «ut qui primus erat in dignitate, primus esset in humilitate.» «Non sentire bonos eadem de rebus iisdem incolumi licuit semper amicitia.» Qui autem corrigit debet esse justus, id est, irreprehensibilis; ne dicatur illi: Medice, cura teipsum. Corripiet me justus; [Ps.] 140. Si sal evanuerit, etc. 3. Reg. 7: les mouchettes d'or.

            Causa materialis sunt peccata mortalia, nam per hæc tantum frater perditur: medicus non pro omni levissimo dolore dat medicinam, nec pro culicis morsu. Quo loco reprehenduntur quidam importuni correctores, ut Pharisasi: Quare discipuli tui, etc., non enim lavant manus cum panem manducant. Neque vero satis est esse peccata mortalia, sed debent esse corrigibilia, [316] id est, sperare debemus ea posse per reprehensionem corrigi; nam, si frater adeo perditus est ut nolit corrigi, relinquendus est. Ut Christus Dominus Nazarenos heri reliquit, et dimittit cæcos et duces cæcorum, et Judam.

            Cum autem peccata venialia sunt valde periculosa vel nimis frequentia, illisque nimis addictus est frater, possumus eum corripere, non tamen tenemur. Abraham, Gen. 15, aves abigebat a sacrificio; et etiam muscas abigunt a mensa regum et principum: sic inter religiosos et eos qui ad perfectionem tendunt, etiam muscæ abigendæ, perdunt enim suavitatem unguenti.

            Formalis, id est, forma corrigendi, est: 1°. ut observentur gradus, neque statim caustica et flammea remedia adhibeas; sed, si sufficiunt lenia et levia, non adhibeas majora.

            2o. Res debet fieri cum compassione: Quis infirmatur et ego non infirmor? quis scandalizatur et ego non uror? 2. Cor. II. Omnibus omnia factus sum, materno affectu. Corripiet me justus in misericordia et increpabit me, oleum autem peccatoris non impinguet caput meum; [Ps.] 140. Oleum peccatoris, [317] semen, ros, id est, oleum veneni, Hebraice. Qu'on ne me donne point du miel d'Heraclee. Oleum et vinum infundenda in vulnus. Rom. 14: Infirmum in fide suscipite. Gal. 6: Fratres, et sipræoccupatus fuerit homo in aliquo delicto, vos qui spirituales estis, hujusmodi instruite in spiritu lenitatis, considerans teipsum ne et tu tenteris. In Arca, tabulæ, virga, manna; in corrigente debet esse Lex, debet enim esse justus, manna mellitum et virga correctionis. Virga Aaron florida, virens, fructuosa; correctionis virga amoena debet esse et fructuosa, utilis; mel et lac sub lingua, favus distillans.

            3o. Prudenter, discretion. In tempore: sic, ait Gregorius, expectavit Abigail, donec deferbuerit vinum Nabal; I. Reg. 25. Qui hominem corripit dum est iratus, c'est vouloir mettre un'escluse a un torrent deborde; il faut attendre que les eaux soyent basses. Un cheval en rage. Omnia tempus habent.

            In persona; Gregorius, [in Job, c.] 36, regulas affert. Superior aut senior, humiliter. 1. Tim. 5: Seniorem te ne increpaveris, sed obsecra ut patrem. David cytara spiritum Saulis temperabat. Inferior paulo districtius, [318] ut partim amet et partim timeat. Sapientes seculi corrigendi ut discant nescire quæ sciunt, alii ut discant scire quæ nesciunt. Arrogantes, fortiter; timidi, humanissime.

            In modo. Nathan brachium mulcet, ligat, alibi visum sui ægroti distorquet; tum, apostema secat. Ut ille chirurgus, de quo Seneca, 1. 3. de Ira, qui filiam regis (Dominus Bellicensis ait fuisse filiam Augusti) mammilla laborantem, scalpello percussit abdito intra spongiam qua apostema mollire videbatur: fomenter pour l'amolir. Sic mulier Thecuitis. Beatus Ægidius et alter concionator. Subter te sternetur tinea, et operimentum tuum erunt vermes. O mira charitatis ars! Benigna est, patiens est. Archelaus, vel Agesilaus, tonsori garrulo petenti: «Quomodo radam» vel tondebo? «Silendo.» Optimus et facilis modus corrigendi. Sanctus Franciscus prædicavit tacens, etc. De Simeone Stilite, cujus imagines videbantur corrigere videntes. [319]

 

 

 

MARDI APRÈS LE TROISIÈME DIMANCHE

 

            Si ton frère a péché envers toi, etc.

 

            Envers toi, devant toi; comme: J'ai péché contre vous seul et j'ai fait le mal devant vous. Contre vous et devant vous ont le même sens, un mot explique l'autre. Envers toi, contre toi: ou de manière à te scandaliser, ou de manière à te blesser.

            Le précepte de toute correction fraternelle est résumé dans ces derniers mots: S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. [Reprendre au texte, lig. 7.] [315]

            Car la cause finale de la correction est de gagner son frère; or, c'est d'après la fin qu'il se propose que l'ouvrier prend toutes ses mesures.

            De cette cause finale dérive la cause efficiente: tout homme sans exception est tenu à faire la correction, même l'inférieur à l'égard de son supérieur. C'est ainsi que saint Paul a repris saint Pierre: Céphas étant venu à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible; car bien que saint Pierre eût à peine commis un péché véniel en cette occasion, néanmoins saint Paul le reprit à cause des graves conséquences que pouvait avoir sa faute, «et pour que le premier en dignité fût aussi le premier en humilité,» «La différence d'opinions sur une même chose n'a jamais nui à l'amitié entre honnêtes gens.» Mais celui qui corrige doit être juste, c'est-à-dire irrépréhensible; sinon, on pourrait lui répondre: Médecin, guéris-toi toi-même. Que le juste me reprenne. Si le sel perd sa force, etc...

            La cause matérielle, [ou la matière de la correction fraternelle,] c'est le péché mortel, car c'est par ce péché seulement que notre frère se perd: le médecin ne donne pas de remède pour le moindre malaise, pour la piqûre d'un moucheron. Ce passage condamne les censeurs importuns, tels que les Pharisiens: Pourquoi vos disciples, etc., car ils ne se lavent pas les mains pour [316] manger du pain. Et il ne suffit pas que les péchés soient mortels, il faut qu'il soit possible de les corriger, c'est-à-dire que nous puissions espérer que notre correction produira l'amendement [de celui que nous reprenons]. Si, en effet, ce frère est tellement corrompu qu'il ne veuille se corriger, il mérite d'être abandonné, comme le Christ Notre-Seigneur abandonna hier les habitants de Nazareth, comme il abandonne les aveugles et les conducteurs d'aveugles, et Judas.

            Si les péchés sont véniels, mais très dangereux ou très fréquents, et que notre frère y soit fortement attaché, nous pouvons le reprendre, mais nous n'y sommes pas tenus. Abraham éloignait les oiseaux de la victime; on chasse même les mouches de la table des rois et des princes: ainsi entre les religieux et ceux qui tendent à la perfection, on doit chasser même les mouches, car elles gâtent la suavité du parfum.

            Quant à la cause formelle, c'est-à-dire la correction en elle-même, 1. il faut procéder graduellement, ne pas appliquer d'abord les caustiques et le feu, et si les remèdes doux et légers suffisent, ne pas en employer de violents.

            2. Faire la réprimande avec compassion: Qui est infirme sans que je sois infirme? qui est scandalisé sans que je brûle? Je me suis fait tout à tous, avec une affection maternelle. Que le juste me reprenne dans sa bonté, et il me corrigera, mais que l'huile du pécheur ne parfume pas ma tête. L'huile du [317] pécheur, semence, rosée, c'est-à-dire huile empoisonnée, selon l'hébreu... Il faut verser de l'huile et du vin sur la plaie. Recevez celui qui est faible dans la foi. Mes frères, si un homme est tombé par surprise en quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté. Dans l'Arche se trouvaient les tables de la Loi, la verge, la manne; en reprenant le prochain on doit avoir la Loi, c'est-à-dire être juste, la manne douce comme le miel, et la verge de la correction. La verge d'Aaron était couverte de fleurs, de feuilles et de fruits; la verge de la correction doit être douce, fructueuse, utile; miel et lait sous la langue, un rayon qui distille le miel.

            3. Avec prudence, discrétion. Quant au temps: saint Grégoire fait remarquer qu'Abigaïl attendit que l'ivresse de Nabal fût passée. Corriger un homme en colère, c'est vouloir mettre une écluse à un torrent débordé; il faut attendre que les eaux soient basses... Toutes choses ont leur temps.

            Quant à la personne [qui a besoin de correction], saint Grégoire donne des règles à ce sujet. Reprendre avec humilité un supérieur ou quelqu'un de plus âgé que soi. Ne reprends point durement un homme plus âgé que toi, mais supplie-le comme s'il était ton père. David apaisait l'esprit de Saül par le son de la harpe. Reprendre un inférieur avec plus de fermeté, afin d'en être à la [318] fois aimé et craint. Il faut corriger les sages du siècle de telle sorte qu'ils apprennent à ignorer ce qu'ils savent; les autres, de manière à leur apprendre ce qu'ils ignorent. Il faut corriger les arrogants avec force, les timides avec le plus de bonté possible.

            Pour la manière. Nathan amollit le bras, le lie, en détourne les regards du malade et alors ouvre l'abcès. Tel le médecin dont parle Sénèque au liv. III de la Colère, lequel traitant la fille d'un roi, cacha son scalpel dans une éponge dont il feignit de frictionner le mal, et lui ouvrit ainsi l'abcès qu'elle portait au sein. (Monseigneur de Belley dit qu'il s'agit ici de la fille d'Auguste.)... La femme de Técua en fit de même. Le bienheureux Frère Gilles et l'autre prédicateur. La pourriture sera ta couche et les vers seront ta couverture. Industrie admirable de la charité! Elle est douce, elle est patiente. Archélaiis ou Agésilas répondant à son coiffeur qui jasait trop et lui demandait: «Comment vous raserai-je» ou vous tondrai-je? «Eu te taisant,» dit-il. Excellent et facile moyen de corriger. Saint François prêchait en gardant le silence, etc. Citer saint Siméon Stylite dont les images seules semblaient corriger ceux qui les voyaient. [319]

 

CXXXVI. Plan d'un sermon pour le mercredi après le troisième Dimanche de Carême

 

1er mars 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA QUARTA POST DOMINICAM TERTIAM

 

Quare discipuli tui transgrediuntur traditiones seniorum?

MATH. 15. v. 2.

 

            Dominus arguit hic istos hipocritas quod traditiones quasdam urgerent superstitiose, et quasdam etiam dedissent contrarias Verbo Dei. Bonas ergo esse traditiones, a contrario sensu, quæ non repugnant, imo conformes sunt Verbo Dei, indicat. Qua occasione brevem vobis tractatum de Traditionibus faciam.

 

            Tota doctrina Christiana primo et per se Traditio est. Nam Christianæ doctrinæ Christus Dominus author fuit: at [1.] ipse nihil omnino scripsit, nisi pauca quædam cum [320] mulierem adulteram absolveret; quæ quidem nos nescire voluit, et ideo scripsit in terra (Jo. 8). 2. Sed neque prsecepit quicquam scribi, nisi quae volebat scire Episcopos Asiæ (Apoc. 1). 3. Unde doctrinam suam non Eugraphium sed Evangelium nominavit, et prædicatione potissimum tradi mandavit; non enim unquam dixit: Scribite Evangelium omni creaturæ, sed: Prædicate.

            4. Hinc fidem non ex lectione sed ex auditu generari ait, tum ipse, dicens: Qui vos audit, me audit, Luc. 10, et en cent lieux (Qui habet aures audiendi audiat. Hinc Pater: Ipsum audite), tum Apostolus, Rom. 10: Fides ex auditu, auditus autem per Mot Dei; In omnem terram exivit sonus eorum. 5. Sic etiam Paulus, 2. Thess. 2: Tenete Traditiones quas didicistis, sive per sermonem sive per Epistolam nostram. 1. ad Tim. ult.: O Thimothee, depositum custodi, devitans prophanas vocum novitates et oppositiones falsi nominis scientiæ. Hæretici depositum gratiam Dei interpretantur, quam Timoteus accepit ut recte officium suum exequeretur; at quam insipienter et male, verba sequentia indicant. Opponit enim depositum prophanis vocum novitatibus et oppositionibus falsi [321] nominis scientiæ. Audiendi Patres, inter quos belle Vincentius Lirinensis. Judas in Epistola: Charissimi, omnem sollicitudinem faciens scribendi vobis de communi vestra salute, necesse habui scribere vobis, deprecans supercertari semel traditæ sanctis fidei; subintroierunt enim quidam homines. Omnia verba emphasim habent: supercertari, esvertuer, non solum certari, sed graviter et vaillamment, plus quam certari; semel, non bis; eidem omnino semper, traditæ, traditæ.

            Jam vero, tota doctrina in duas partes dividitur, secundum verba Pauli: Sive per sermonem sive per Epistolam. Nam pars revera optima et maxime necessaria doctrinæ pars scripta tandem esse, nemini dubium; pars autem non scripta, sed tantum per manus tradita est. Et nunc mihi occurrit historia 3. Reg. 3: mulier cujus est infans, id est, doctrina Christiana, non vult dividi. Totum vult Mot Dei Ecclesia Catholica: et Scripturas et Traditiones. At sectæ semper volunt dividi: ut nostro tempore Gaspar Svenfeldius et Libertini nolebant Scripturas; Calvinistæ nolunt Traditiones. Hæc nota propemodum in omnibus; partem volunt et [322] partem abjiciunt: figuram, signum, non rem ; imputationem, non gratiam; fidem, non opera; remissionem, non absolutionem; administrationem, non episcopatum; orationem immediatam, non mediatam.

            Sed aiunt: Nonne sufficiunt Scripturæ? nonne sunt satis superque? Sane nollem, cum illustrissimis et doctissimis quibusdam viris, dicere non sufficere. Sufficiunt ipsse, sed nos non sumus sufficientes doctrinam Catholicam ex solis Scripturis, per se sumptis, haurire. Nam, nonne omnes hæretici habuerunt Scripturas, imo et Hebrei et alii? et tamen non crediderunt, imo erraverunt. Ergo Traditiones necessariæ sunt; nam velle jam Spiritu dictante haurire doctrinam, omnino insanum est et «tot sensus quot capita» haberemus. Ergo depositum videndum, semel tradita sanctis fides sequenda, Ecclesia quæ est depositaria audienda. Ipsa vero non inventione, sed fideli conservatione doctrinae utitur. Sufficit Ecclesia quia Scripturas dat; sufficit Traditio quia [323] Scripturas commendat; sufficiunt Scripturæ quia Ecclesiam et Traditionem commendant. Ecclesia est veluti columba, habens duas alas: Scripturam et Traditionem.

            Traditione autem indiget Ecclesia: 1°. ut Scripturas aliquas esse doceret; nam, unde constat nisi Ecclesiæ testimonio, quæ hanc traditionem accepit? Aut ergo Scriptura non facit fidem, aut Traditio facit fidem.

            2°. Ut numerum Librorum canonicorum sciamus. Nam, verbi gratia, Apostolus scripsit Epistolam ad Laodicenses (Coloss. ult.), et circumfertur; aiunt autem et eum scripsisse ad Senecam. Deinde, in Epistola Judas fit mentio prophetiæ Enoch, ubi Gebennenses notant: «Cette prophetie d'Henoc n'est point en la Bible, ains a este baillee de main a main par les peres aux enfans, comme plusieurs autres choses.»

            Et sic Apostolus, Hebr. 5: De quo grandis nobis est sermo, ininterprætabilis ad dicendum, quia imbecilles facti estis ad audiendum. Hermetis sive Pastoris; Nazareorum; Thomæ.

            3°. Ad sensum Scripturæ eliciendum; nam hæretici fiunt «dum Scripturæ bonæ intelliguntur non bene.» [324]

 

 

 

MERCREDI APRÈS LE TROISIÈME DIMANCHE

 

            Pourquoi vos disciples transgressent-ils les traditions des anciens?

 

            Dans ce passage, le Seigneur reproche à ces hypocrites d'exagérer superstitieusement certaines traditions et d'en avoir établi d'autres qui étaient contraires à la Parole de Dieu. Il montre donc par là qu'il est des traditions qui sont bonnes et ne sont nullement contraires à la Parole de Dieu. A cette occasion, je vous ferai brièvement un discours sur les Traditions.

            D'abord et en elle-même toute la doctrine chrétienne est Tradition. C'est, en effet, le Christ Notre-Seigneur qui est l'auteur de la doctrine chrétienne: or, [1.] lui-même n'a rien écrit, si ce n'est quelques caractères lorsqu'il absolvait [320] la femme adultère; caractères qu'il n'a pas même voulu que nous connussions, et que, pour ce motif, il traça sur la terre. 2. Bien plus, il n'a pas ordonné d'écrire, si ce n'est ce qu'il voulait apprendre aux Evèques d'Asie. 3. C'est pour cela qu'il a appelé sa doctrine non Eugraphie mais Evangile, et qu'il a commandé de la transmettre surtout par la prédication; car il n'a jamais dit; Ecrivez l'Evangile à toute créature, mais il a dit: Prêchez.

            4. Par conséquent la foi provient non de la lecture, mais de l'audition. Jésus-Christ nous l'enseigne lorsqu'il dit: Qui vous écoute m'écoute, et en cent lieux (Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. De là cet ordre du Père: Ecoutez-le); et aussi son Apôtre: La foi vient par l'ouïe, et l'ouïe par la parole de Dieu. Leur bruit s'est répandu dans toute la terre. 5. Ainsi encore saint Paul: Gardez les Traditions que vous avez apprises soit par nos discours, soit par notre Epître. O Timothee, garde le dépôt, évitant les profanes nouveautés de paroles et les contradictions de la fausse science. Si l'on en croyait les hérétiques, ce dépôt serait la grâce de Dieu que Timothée reçut pour bien remplir ses fonctions; mais les mots suivants montrent toute la sottise, toute la fausseté de cette interprétation. Saint Paul en effet oppose ce dépôt aux profanes nouveautés de paroles et aux contradictions de la fausse science. Ecouter les [321] Pères, et entre tous Vincent de Lérins qui traite si bien ce point. Saint Jude dit dans son Epître: Mes bien-aimés, me sentant pressé de vous écrire touchant votre salut commun, j'ai dû vous écrire afin de vous supplier de combattre vigoureusement pour la foi qui a été une fois transmise aux saints; car quelques hommes impies se sont introduits parmi vous. Tous les mots sont énergiques: combattre vigoureusement, s'évertuer, non seulement combattre, mais combattre avec vigueur et vaillamment, faire plus que combattre; [transmise] une fois, pas deux; pour la foi toujours absolument la même, transmise par la Tradition, par la Tradition.

            Ainsi donc, d'après les paroles de saint Paul, toute la doctrine se divise en deux parties: Soit par nos discours, soit par notre Epître; car la partie de la doctrine la meilleure et la plus nécessaire, est après tout la partie écrite, personne n'en doute. Néanmoins [nous devons ajouter foi] à l'autre partie, qui n'est pas écrite, mais qui seulement a été transmise comme de main en main. L'histoire racontée au IIIe Livre des Rois, chap. III, me vient présentement en mémoire: la femme à qui appartient l'enfant, c'est-à-dire la doctrine chrétienne, ne veut pas de partage. L'Eglise Catholique veut toute la Parole de Dieu, Ecritures et Traditions. Les sectes, au contraire, veulent toujours diviser; il en est ainsi de notre temps: Gaspard Swenfeld et les Libertins ne voulaient pas des Ecritures; les Calvinistes ne veulent pas de la Tradition. Et ce caractère [322] se retrouve, pour ainsi dire, en tout; les hérétiques admettent certains points et en rejettent d'autres: ils voudraient la figure, le signe, et non la réalité; l'attribution, non la grâce; la foi, mais non les œuvres; la rémission, et non l'absolution des péchés; l'administration, mais non l'épiscopat; la prière adressée directement à Dieu, mais non la médiation des Saint6.

            Mais, disent-ils, les Ecritures ne suffisent-elles pas? ne sont-elles pas suffisantes et surabondantes? Assurément, je ne voudrais pas dire avec de très illustres et très doctes personnages qu'elles ne suffisent pas, Oui, elles suffisent; c'est nous qui ne suffisons pas à puiser la doctrine catholique dans les seules Ecritures, prises isolément. Voyez tous les hérétiques, les Hébreux eux-mêmes et d'autres, n'ont-ils pas eu l'Ecriture? Et pourtant, ils n'ont pas cru; bien plus, ils sont tombés dans l'erreur. La Tradition est donc nécessaire; et l'idée de vouloir puiser la doctrine au souffle de l'Esprit-Saint est tout-à-fait insensée; on attribuerait [aux Ecritures] «autant de significations qu'il y a de têtes.» Il faut donc étudier ce dépôt, suivre les enseignements de la foi transmise une fois pour toutes aux saints, écouter l'Eglise qui en est la dépositaire. Elle n'invente pas la doctrine, elle la conserve fidèlement. L'Eglise suffit, parce qu'elle nous donne l'Ecriture; la Tradition suffit, parce qu'elle [323] recommande l'Ecriture; l'Ecriture suffit, parce qu'elle recommande et l'Eglise et la Tradition. L'Eglise est comme la colombe: elle a deux ailes, l'Ecriture et la Tradition.

            Mais l'Eglise a besoin de la Tradition: 1. pour savoir qu'il existe des Ecritures; car, comment le saurions-nous sans le témoignage de l'Eglise qui a reçu cette tradition? Ainsi donc, ou l'Ecriture ne fait pas foi, ou la Tradition fait foi.

            2. Pour nous apprendre le nombre des Livres canoniques. Ainsi, par exemple, l'Apôtre a écrit une Epître aux Laodicéens (il le dit aux Colossiens), et on la fait circuler. On prétend aussi qu'il a écrit à Sénèque. De plus, l'Epître de saint Jude mentionne la prophétie d'Hénoch. A ce sujet les pasteurs de Genève donnent la note suivante: [Reprendre au texte, lig. 13.]

            Voir en outre ce passage de l'Apôtre aux Hébreux, [touchant Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles a expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre. Que penser du livre d'Hermès ou du Pasteur, de l'Evangile des Nazaréens, de celui de saint Thomas?

            3. Pour expliquer le sens des Ecritures; car ce qui fait les hérétiques c'est «la mauvaise interprétation des bonnes Ecritures.» [324]

 

CXXXVII. Plan d'un sermon pour le jeudi après le troisième Dimanche de Carême

 

3 mars 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA QUINTA POST DOMINICAM TERTIAM

 

Surgens Jesus de sinagoga, intravit in domum Simonis: socrus autem Simonis tenebatur magnis febribus.

[Lucæ, IV, 38.]

 

            Heri relicta de Traditionibus nunc breviter tradenda sunt; neque extra propositum erunt, nam inter Traditiones Ecclesiasticas illustrissima est illa de cælibatu sacerdotum, de qua omnino in introitu Evangelii tractandum etiam fuerat. Sed Deum præcemur.

 

            Notastis, opinor, me non extendisse sermonem ad traditiones quibus omnino innixa fuit religio usque ad [325] Moysen, qui primus scriptorum fuit, neque ad traditiones quæ erant inter Hebræos, nam id nimis longum fuisset. Restrinxi itaque sermonem ad doctrinam Christianam, quam initio dixi non scriptam sed traditam; et quamvis postea scripta fuerit, non tamen tota scripta fuit. Id enim fateri cogit [1°.] quod Scripturas habeamus; nam nos habere non nisi per Traditionem scimus.

            2°. Quod tali numero habeamus; nam quomodo scimus Epistolam ad Laodicenses et Epistolas ad Senecam non esse veras Pauli Epistolas, nisi Traditione? Deinde, Apostolus ipse, Heb. 5: De quo grandis nobis est sermo, ininterprætabilis ad dicendum. Qu'est devenue cette grande parole, ce propos si long? Nos Catholici satis scimus; nimirum de figura Christi in Sacramento altaris, de qua figura tota pene antiquitas loquitur.

            3o. Ad sensus Scripturæ eruendos. Nam nunquam. pertinaciam hæreticorum convincere possemus, nisi per Traditionem; unde et ipsi oderunt Traditiones. Sane Arriani mille annis in suo illo consensu perstitissent nisi accessisset authoritas Patrum et Apostolorum per Traditionem. Sane pauca sunt admodum quæ non ex Scripturis eruantur supposita Traditione; non supposita, nihil [326] propemodum erui potest certo. Vide doctrinam Epiphanii, supra, fol. 157.

            4o. Ad Sacramentorum formam, numerum, matenam, ritus. Nam Apostolus ait, I. Cor. 11: Cætera cum venero disponam; ubi tamen multa disposuerat scriptis.

            5° Leges.Verbi gratia, de Sabatho in diem Dominicum transferendo, de die Paschatis, de Quadragesima, de sanguine et suffocato post aliquot (sic) tempus manducando, Act. 15. Gebennenses: Quant a l'estouffe et au sang ce n'estoit chose illicite d'elle mesme, et pourtant ç'a este un commandement temporel.

            At viguit etiam tempore Tertulliani, ut videre est apud eum in Apologetico (ubi pulcra observatio de infanticidio). De cælibatu sacerdotum antiquissimo, propter mille causas.

            6°. Differentia Ecclesiasticarum Traditionum. Et quidem omnes eo honore habendæ sunt quo docet Ecclesia.

            7o. Notandum nullas unquam esse contrarias Scripturis, nam ab eodem Deo proficiscuntur; imo conformes. [327] Unde et de Traditionibus dici potest: Scrutamini Scripturas; illai testimonium perhibent de Traditionibus et de Ecclesiæ infallibili authoritate. Hinc nihil addunt, sed explicant; et ut de mirra et balsamo extrahunt liquorem non cultro ferreo, sed vitro, lapide, osse, ebore, alio ligno. Ut apes e floribus extrahunt mel; at hæretici extrahunt fel et venenum, ut araneæ. Non quod ibi sit venenum, sed quod ipsæ (sic) sensum in venenum convertant. Habent Moysem et Prophetas, ipsos audiant: audire est quidem obedire, sed obedire loquenti; audire Moysen est audire doctores Moysis Libros interpretantes.

 

            Ergo cum Christo maneamus in domo Simonis et Andreæ; ibi Christus curat febricitantes. Est calor extraneus et contra naturam. O quot febricitantes video ostendere mihi pulsum, oculos, linguam!

            Traditiones et Scripturæ se habent ut excedentia et excessa. Nam Scripturæ superant in eo quod omnia in eis sint canonica, etiam puncta; ut constat ex eo quod Arriani transponere volebant punctum: In principio erat Mot, et Mot erat apud Deum, et Deus [328] erat. Mot hoc, etc. Super hoc puncto moriendum. Sic de fide est canem Tobiæ habuisse caudam. At Traditiones dum sensus et conclusio sint idem, nihil refert de verbis. Traditiones autem superant in eo quod ab hæreticis non possint falsificari. [329]

 

 

 

JEUDI APRÈS LE TROISIÈME DIMANCHE

 

            Jésus étant sorti de la synagogue, entra dans la maison de Simon, dont ta belle-mère avait une grosse fièvre.

 

            Nous traiterons brièvement aujourd'hui les points que nous avons omis hier concernant la Tradition, et nous ne sortirons pas de notre plan, car le célibat des prêtres est l'une des plus importantes Traditions de l'Eglise, et il nous fallait nécessairement en parler au début de notre Evangile. Mais prions Dieu.

            Vous aurez remarqué, je pense, que je ne suis pas remonté jusqu'aux traditions qui nécessairement étayaient la religion jusqu'à Moïse, le premier [325] écrivain sacré, ni aux traditions qui régnaient parmi les Hébreux, c'eût été trop long. J'ai limité mon sujet à la doctrine chrétienne et j'ai montré qu'au début elle avait été transmise par la Tradition, non par l'Ecriture; et bien que dans la suite elle ait été écrite, elle ne l'a pas été en entier. Nous sommes contraints à faire cet aveu par le fait même, [1.] que nous possédons les Ecritures; car sans la Tradition, nous ne saurions pas que nous avons les Ecritures.

            2. Que nous en avons tel nombre; car comment savons-nous que l'Epître aux Laodicéens et les Epîtres à Sénèque ne sont pas de vraies Epîtres de saint Paul, sinon par la Tradition? Et puis, ces mots de l'Apôtre lui-même [au sujet de Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles à expliquer. Qu'est devenue cette grande parole, ce propos si long? Nous Catholiques, en sommes suffisamment instruits: Melchisédech était la figure du Christ instituant le Sacrement de l'autel, figure dont parle toute l'antiquité.

            3. [La Tradition est encore nécessaire] pour éclaircir le sens des Ecritures. Sans la Tradition, nous ne pourrions jamais confondre l'opiniâtreté des hérétiques; aussi haïssent-ils la Tradition. Si, par la Tradition, on n'eût allégué l'autorité des Pères et des Apôtres, sans doute les Ariens fussent restés mille ans dans leur erreur obstinée. Evidemment, si l'on admet la Tradition, il y a très peu de vérités que l'on ne puisse tirer de l'Ecriture; mais sans la [326] Tradition, on n'en peut presque rien tirer de certain. Voir plus haut, folio 157, l'enseignement de saint Epiphane.

            4. Pour la forme, le nombre, la matière, le rite des Sacrements. L'Apôtre ne dit-il pas, en effet: Quant aux autres choses, lorsque je serai venu je les réglerai? Il avait pourtant réglé bien des choses par écrit.

            5. Pour les lois. Par exemple, la translation du Sabbat au Dimanche, le jour de la Pâque, le Carême, la permission après un certain temps, d'user du sang des animaux et des chairs de l'animal étouffé. Les pasteurs de Genève disent dans leur bible: [Reprendre au texte, lig. 9.]

            La prohibition de ces aliments était encore en vigueur au temps de Tertullien, comme on peut le voir dans son Apologétique (où l'on trouve le beau passage sur l'infanticide). La loi très ancienne sur le célibat des prêtres motivée par mille causes.

            6. Pour établir la différence entre les diverses traditions ecclésiastiques que nous devons néanmoins toutes respecter, mais dans la mesure indiquée par l'Eglise.

            7. Nous devons remarquer que nulle tradition ne contredit à l'Ecriture (car l'une et l'autre viennent du même Dieu); toutes les traditions au contraire sont [327] conformes à l'Ecriture. Aussi peut-on appliquer à la Tradition ce texte: Scrutez les Ecritures; ce sont elles qui rendent témoignage à la Tradition et à l'autorité infaillible de l'Eglise. La Tradition n'ajoute donc rien, elle procède à la manière de ceux qui extraient la liqueur de la myrrhe et du baume, non pas avec un couteau de fer, mais avec du verre, de la pierre, de l'os, de l'ivoire, ou un autre bois; de même que les abeilles tirent le miel de la fleur; mais les hérétiques, semblables à des araignées, tirent de l'Ecriture fiel et poison, non pas que l'Ecriture contienne du poison, mais parce qu'ils en convertissent le sens en poison. Ils ont Moïse et les Prophètes, qu'ils les écoutent: écouter, c'est en réalité obéir, mais obéir à une personne qui parle; écouter Moïse, c'est écouter les docteurs qui interprètent les Livres de Moïse.

            Demeurons donc avec le Christ dans la maison de Simon et d'André; là, le Christ guérit ceux qui ont la fièvre. Il existe une chaleur étrangère et contre nature. Combien je vois de fébricitants qui me présentent le pouls, les yeux, la langue!

            La Tradition et l'Ecriture ont, sous certains rapports, avantage et désavantage l'une à l'égard de l'autre. L'Ecriture l'emporte en ce que tout en elle est canonique, même la ponctuation. L'erreur des Ariens en est la preuve; ils voulaient changer de place le point en ce texte: Au commencement était le [328] Verbe, et le Verbe était en Dieu, et Dieu était. Ce Verbe, etc. Nous devons être prêts à mourir pour maintenir ce point là où il doit être. Ainsi, c'est de foi que le chien de Tobie avait une queue. Quant à la Tradition, pourvu que le sens et la conclusion soient les mêmes, peu importent les mots. La Tradition l'emporte [sur l'Ecriture] en ce qu'elle ne peut être falsifiée par les hérétiques. [329]

 

CXXXVIII. Plan d'un sermon pour le lundi après le quatrième Dimanche de Carême

 

6 mars 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA SECUNDA POST DOMINICAM QUARTAM

 

Auferte ista hinc, et nolite facere domum Patris mei domum negociationis.

[JOAN., II, 16.]

 

            Num. 15. v. [32-]35; colligens ligna in die Sabathi jubente Domino lapidibus obruitur. Et quidem, Ex. 31. v. 14, præcipiebatur ut deleretur de populo qui Sabathum violaret, tamen Moyses et Aaron nesciebant quid facere [330] de hoc colligente ligna; sive quia parva videbatur transgressio, sive quia nesciebant quo genere mortis puniri deberet. Dominus autem lapidandum jussit. Terribilis sententia! 2. Reg. 6, terribilius factum videmus. Arca Dei e Gabaa transfertur; boves calcitrabant et la faysoyent pancher (et declinaverunt eam). Et percussit illico Dominus Ozam super temeritate, et mortuus est ibi juxta Arcam. Terribilior adhuc, 4. Reg. 2, cum iret Helizeus ex Hiericho in Bethel; de 42 pueris devoratis ab ursis quia calvum per injuriam appellaverant Prophetam. Terribilissimum autem, Act. 5, quod contigit Ananiæ et Saphiræ. Sed nimirum peccata sunt in religionem, quæ est regina omnium virtutum [331] moralium; et est constans et perpetua voluntas Deo honorem debitum, quoad fieri potest, reddendi.

            Miratur Sanctus Hieronymus Dominum bis e Templo ejicientem et percutientem vendentes et ementes. Nunquam Dominus percussit quemquam, imo cum caperetur neminem percuti voluit, et Petrum percutientem repressit; at nunc, magno zelo, etc.

            Heu, sed nunc non venduntur in templis oves, boves, etc., sed ipsa templa venduntur: on en traitte; confidentiæ. Un tel porte le benefice, et l'autre l'emporte; l'un est caresme, et l'autre prenant. O abominatio desolationis! Manum suam misit hostis ad omnia desiderabilia ejus, quia vidit gentes ingressas sanctuarium suum, de quibus præceperat ne intrarent in sanctuarium Dei. Boves arabant, et asinæ pascebantur juxta illos.

            Heu, quam irreverenter, nos ipsi ecclesiastici, in ecclesia! Hieronimus de Nepotiano ad Heliodorum. Vestitus noster; mores prophani; officia male persoluta. Similes muribus et hirundinibus, nunquam cicurari possumus cum domino domus in qua vivimus. Similes Nabalo et Absalon, qui tantum gaudemus tonsura ovium. [332] 2. Cor. 12: Non quaerimus vestra, sed vos. O quam vellem videre Ambrosios Theodosiis imperantes, Chrisostomos Eudoxias reprimentes, Hilarios Constantios corrigentes!

            Hinc: Quomodo obscuratum est aurum, mutatus est color ejus optimus, dispersi sunt lapides sanctuarii in capite omnium platearum? Filii Syon incliti, amicti auro primo, quomodo reputati sunt inter vasa testea, opus manuum figuli? Heu, quam irreverenter et vos in templis affertis boves, et oves, et columbas: cogitationes immundissimas, terrestres, ut boves et oves; et volages, ut columbas.

            Zelus domus Domini ubi est? Moritur nunc fame, quia comederunt Jacob, et locum ejus desolaverunt. [333]

 

 

 

LUNDI APRÈS LE QUATRIÈME DIMANCHE

 

            Emportez cela d'ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.

 

            Il est raconté dans le Livre des Nombres qu'un homme ramassait du bois le jour du Sabbat; sur l'ordre du Seigneur, il fut lapidé. En effet, il était déjà ordonné dans l'Exode de retrancher du peuple tout violateur du Sabbat; Moïse et Aaron ne savaient toutefois quelle peine infliger à cet homme qui [330] ramassait du bois, soit que cette violation de la Loi leur parût légère, soit qu'ils ne sussent de quel genre de mort la punir. Mais le Seigneur ordonne de lapider cet homme. Terrible sentence! Dans le IIe Livre des Rois, nous voyons un fait bien plus terrible. On transportait de Gabaa l'Arche de Dieu; les bœufs regimbaient et la faisaient pencher. A l'instant, le Seigneur frappa Oza à cause de sa témérité, et il mourut là auprès de l'Arche. Plus terrible encore est le châtiment relaté au chap. n° du IVe Livre des Rois: Elisée se rendait de Jéricho à Béthel; quarante-deux enfants furent dévorés par les ours, en punition de ce qu'ils s'étaient moqués du Prophète en l'appelant chauve. Le plus terrible de tout est ce qui arriva à Ananie et à Saphire. Mais il faut se rappeler que tous ces péchés étaient opposés à la vertu de religion, cette [331] reine de toutes les vertus morales, qui consiste dans la constante et perpétuelle volonté de rendre à Dieu, autant qu'il se peut, l'honneur qui lui est dû.

            Saint Jérôme s'étonne de voir le Seigneur frapper et chasser deux fois du Temple les vendeurs et les acheteurs. Jamais le Seigneur n'avait frappé qui que ce fût, et même lorsqu'on s'empara de lui, il ne voulut pas qu'on frappât personne, et reprit Pierre lorsqu'il frappait; mais ici, enflammé de zèle, etc.

            Hélas! aujourd'hui on ne vend plus dans les temples les brebis, les bœufs, etc., mais ces temples mêmes sont vendus: on en traite; ecclésiastiques confidentiaires. [Reprendre au texte, lig. 10.]

            O abomination de la désolation! l'ennemi a porté la main sur tout ce qu'elle avait de plus désirable, car elle a vu les nations entrer dans son sanctuaire, nations au sujet desquelles il était ordonné qu'elles n'entreraient point dans le sanctuaire de Dieu. Les bœufs labouraient et les ânesses paissaient auprès d'eux.

            Hélas! que nous sommes peu révérencieux dans l'église, nous-mêmes ecclésiastiques! Voir l'épître de saint Jérôme à Héliodore au sujet de Népotien. Notre habit; mœurs profanes; devoirs ecclésiastiques mal remplis. Semblables aux rats et aux hirondelles, nous ne pouvons jamais nous apprivoiser avec le maître de la maison où nous vivons. Nous ressemblons à Nabal et à Absalon, qui ne se réjouissaient qu'à la tonte des brebis. Nous ne cherchons [332] point ce qui est à vous, mais vous-mêmes. Oh! que je voudrais voir des Ambroise commandant aux Théodose, des Chrysostôme réprimandant des Eudoxie, des Hilaire corrigeant des Constance!

             [On ne s'étonne plus des plaintes de Jérémie:] Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie? comment les pierres du sanctuaire ont-elles été dispersées aux coins de toutes les places? Comment les fils de Sion, qui étaient si illustres et revêtus de l'or le plus pur, ont-ils été traités comme des vases d'argile, ouvrage des mains du potier? Hélas! avec quelle irrévérence vous-mêmes apportez dans les temples des bœufs, des brebis, des colombes: des pensées immondes, terrestres, comme les bœufs et les brebis; et volages, comme les colombes.

            Où est le zèle pour la maison du Seigneur? Voici qu'il meurt de faim, parce qu'ils ont dévoré Jacob et désolé sa demeure. [333]

 

CXXXIX. Plan d'un sermon pour le mercredi après le quatrième Dimanche de Carême

 

8 mars 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA QUARTA POST DOMINICAM QUARTAM DE COECO NATO

 

            Accipienda prima pars sermonis qui habetur fol. 4. Tum addendum de quæstione discipulorum; merito a Chrisostomo vocari (sic) rudem et curiosam. Plures enim causæ tribulationum sunt.

            Ob peccata nostra propria: Peccatum peccavit [334] Hierusalem, propterea instabilis facta est. Sic David in numeratione populi. Ecce jam sanus factus es, jam noli amplius peccare; Jo. 5.

            Aliquando pro peccato futuro vitando; 2. Cor. 12: Ne magnitudo revelationum extollat me.

            Item, ad probationem et virtutis exercitium, ut Job et Tobias; vide Tob. 2. Grandine margaritarum interdum percutit segetes nostras. Ut enim Plinius ait de rustico Siracusano omnes lapides e campo auferente, coactum fuisse ut referret, alioquin sterilis erat, sic et interdum tribulationes immittet Deus ut fertiles faciat animas.

            Item, ut puniat peccata patrum in filios; visitans iniquitatem patrum in filios, usque ad tertiam et quartam generationem. Item filiorum in patres, ut Heli.

            Et tandem, ut manifestentur opera Dei. O suavissima Dei providentia!

            Cum percutimur, tunc facere debemus quod fecerunt nautæ, Jona3, 1: Venite, mittamus sortes, et sciamus quare hoc malum sit nobis. Tunc ergo pœnitentia agenda; postea faciendum quod David, [Psalm.] 38, [335] v. 10, [11]: Obmutui, et non aperui os meum, quoniam tu fecisti; amove a me plagas tuas. Job, 17: Non peccavi, et in amaritudinibus moratur oculus meus.

            Sed cum alii percutiuntur non judicandum est id ob peccatum evenire; ut amici Job, et uxor Tobiæ, et barbari, Act. 28. Servus Æthiops ferens rem velo reconditam, interrogatus quid ferret: «Non velarem si te scire vellem.» Euclydes interrogatus qualis esset Deus quaque re delectaretur: «Cætera nescio, at odisse curiosos non ignoro.»

 

            Tantisper de cæremoniis Baptismi. Deinde, de obedientia coeci et coeca, nam Christianorum obedientia debet esse coeca, quia fides non videt sed credit, et quo res est obscurior eo illis (sic) gratior, difficilibus delectatur. Naaman: Nunquid non sunt meliores Pharphar et Abana, fluvii Damasci? 4. Reg. 5. Gen. XXVII: In me sit maledictio ista, fili mi, tantum audi vocem meam et affer quæ dixi. Obediendum Ecclesiæ clausis oculis. Iste omnia fecit ad recuperandam facultatem visivam, coecus et modo coeco. Imo Christus, si non [336] fuisset cœcus, eum suis remediis ad tempus coecum fecisset; car la salive est mordicante et la boiie aussi, et mettes un brin de boüe dans un ceil sain, on ne le peut souffrir.

            Christus obduxit oculos luto. Consideremus istum coecum ambulantem per vias publicas, oculis luto conspersis; nonne aliquis dixisset: Quo vadis, miser? nonne vides istum medicum tibi illudere velle? Ambulabat tamen, et ibat, et lavit et vidit. Obediendum simpliciter Christo, dicenti: Confitearis peccata tua.

            Notavi obiter illum paraliticum qui ad probaticam sanatus est, propter peccata contraxisse infirmitatem suam; unde Christus eum sanavit eo modo quo sanantur peccatores, petens scilicet ejus consensum: Vis sanus fieri? At huic minime ita loquitur, quia non ob peccata infirmus erat.

            Notavi item Christum hunc progressum fecisse: scilicet vidisse, ut sol videt terram, operando; lutum obduxisse, id est, cognitionem suæ miseriæ ingessisse; Vade ad natatoriam Siloë, id est, ad natatoriam missionis. Quæ autem natatoria missionis, nisi Sacramentum Poenitentiæ? de quo cum institueretur dixit Christus: Sicut misit me Pater, et ego mitto vos; quorum remiseritis peccata, etc. [337]

            Mendicum autem istum ideo sanatum a medico, quia mendicos medicus diligit; nos, quia non sumus mendici, quamvis coeci, non curamur a Medico cælesti, qui esurientes replet bonis et divites dimisit inanes. Dixi coecum istum fuisse ad portam comme un tableau d'attente; ut Appelles fecit lineam in tabula Protogenis, etc. [338]

 

 

 

MERCREDI APRÈS LE QUATRIÈME DIMANCHE

SUR L'AVEUGLE-NÉ

 

            Prendre la première partie du sermon qui se trouve folio 40. Parler ensuite de la question posée par les disciples et que saint Chrysostôme appelle avec raison, grossière et indiscrète. Nombreuses sont les causes de tribulation.

            Nos propres péchés en sont une: Jérusalem a excessivement péché, c'est [334] pourquoi elle a perdu sa stabilité. Il en a été de même de David en punition du recensement de son peuple. Te voilà guéri, mais ne pèche plus désormais.

            Quelquefois les afflictions sont envoyées pour prémunir contre le péché: De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât.

            D'autres fois, pour l'épreuve et l'exercice de la vertu, comme il est arrivé à Job et à Tobie; voir Tobie, II. Dieu frappe parfois nos moissons d'une grêle de perles. Pline raconte qu'un paysan de Syracuse, après avoir enlevé toutes les pierres de son champ, fut obligé de les y reporter, sans quoi il devenait stérile. Ainsi Dieu envoie parfois les tribulations pour fertiliser les âmes.

            Il les envoie aussi pour punir dans les enfants les péchés de leurs pères, visitant l'iniquité des pères dans les enfants, jusqu'à la troisième et a la quatrième génération. Ou encore afin de venger sur les pères les péchés des enfants, comme il arriva pour Héli.

            Et enfin, pour manifester les œuvres de Dieu. O toute suave providence de Dieu!

            Lorsque nous sommes frappés, nous devons faire ce que firent les matelots dont il est parlé au Livre de Jonas: Venez, dirent-ils, jetons le sort, pour savoir d'où ce malheur a pu nous venir. Il faut donc alors faire pénitence; [335] ensuite imiter David: Je me suis tu et n'ai pas ouvert la bouche, parce que c'est vous qui l'avez fait; détournez de moi vos coups. Je n'ai point péché, et cependant mon œil ne voit que des sujets d'amertume.

            Mais quand les autres sont frappés, il ne faut pas juger qu'ils le sont pour leurs péchés, comme le faisaient les amis de Job, la femme de Tobie et les barbares [dont il est question] dans les Actes, chap. XXVIII. Un esclave éthiopien portait un objet recouvert d'un voile; interrogé sur ce qu'il portait: «Je ne l'aurais pas voilé,» dit-il, «si j'avais voulu vous le faire connaître.» Euclide, questionné sur la nature de Dieu et sur ce qui lui est le plus agréable, répondit: «J'ignore le reste, mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'il hait les curieux.»

            Dire quelques mots des cérémonies du Baptême. Parler ensuite de l'obéissance de l'aveugle et de l'aveugle obéissance. L'obéissance des Chrétiens doit être aveugle parce que la foi ne voit pas, mais elle croit, et plus son objet est obscur, plus elle s'y complaît; elle se délecte dans les vérités difficiles à comprendre. Naaman: Abana et Pharphar, fleuves de Damas, ne sont-ils pas meilleurs?... Que cette malédiction tombe sur moi, mon fils, écoute seulement ma voix et apporte ce que j'ai dit. Il faut obéir à l'Eglise les yeux fermés. Cet aveugle employa tous les moyens pour recouvrer la vue; aveugle, [336] il agit en aveugle. Bien plus, n'eût-il pas été aveugle, que le Christ, par ses remèdes, l'eût rendu aveugle pour le moment. [Reprendre au texte, lig. 2.]

            Le Christ couvrit ses yeux de boue. Regardons cet aveugle circulant sur les chemins publics, les yeux souillés de boue; ne lui dirait-on pas: Où vas-tu, malheureux? ne vois-tu pas que ce médecin veut se jouer de toi? Il poursuivit quand même sa route, il alla, il se lava, il vit. Nous devons obéir simplement au Christ lorsqu'il nous dit: Accuse tes péchés.

            J'ai noté en passant, que le paralytique guéri à la piscine probatique avait contracté son infirmité en punition de ses péchés; aussi le Christ le guérit-il comme il guérit les pécheurs, c'est-à-dire en lui demandant son consentement: Veux-tu être guéri? Mais il ne parle pas de la même manière à celui-ci, parce que son infirmité n'était pas la suite de ses péchés.

            J'ai noté de plus la gradation suivie par le Christ: il vit d'abord l'aveugle, comme le soleil voit la terre en agissant sur elle; lui couvrit les yeux de boue, c'est-à-dire, lui fit connaître sa misère; [puis lui adressa ces paroles :] Va à la piscine de Siloé, nom qui signifie mission. Or, quelle est la piscine de la mission sinon le Sacrement de Pénitence? En l'instituant, le Christ ne dit-il pas: Comme mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie; ceux à qui vous remettrez les péchés, etc. [337]

            Ce mendiant est guéri par le médecin, parce que le médecin aime les mendiants; pour nous, bien que nous soyons aveugles, comme nous ne mendions pas, nous ne sommes pas guéris par le Médecin céleste qui comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides. J'ai dit que cet aveugle se tenait à la porte comme un tableau d'attente; ainsi Apelles traça une ligne sur le tableau de Protogène, etc. [338]

 

CXL. Plan d'un sermon pour le jeudi après le quatrième Dimanche de Carême

 

9 mars 1617

 

(INÉDIT)

 

FERIA QUINTA POST DOMINICAM QUARTAM DE FILIO VIDUÆ NAIM

 

Mulier, noli flere. Adolescens, tibi dico, surge.

[LUCÆ, VII, 13, 14.]

 

            Naim civitas ad radices montis Hermon, duabus leucis a Nazareth distans, et plus una a monte Thabor, ex Borchardo. Naim autem, lingua Hebrea, idem est ac pulcra.

            Audistis heri discipulos quærentes: Rabbi, quis peccavit, hic, aut parentes ejus? Rustica sane, et insipiens quæstio; nam quomodo infans antequam [339] nascatur potest peccare, ut coecus nascatur? At de hoc puero poterat moveri quæstio: Quis peccavit, hic, an mater ejus, ut tam cito moreretur? Et hæc est communis opinio liominum: ut mulieris Tobiæ, et Job, qui tamen dixit: Non peccavi; et Marthæ: Domine, si fuisses hic. Cum tamen interdum etiam ex benignitate Deus auferat homines, Sap. 4. v. [10,] 11: Placens Deo factus est dilectus, et vivens inter peccatores translatus est. Raptus est ne malitia mutaret intellectum ejus, aut ne fictio deciperet animam illius. Au contraire, Rom. 2: An nescis quia benignitas Dei ad poenitentiam te expectat? Verum tres regulas dabo secundum quas debemus procedere in hoc negocio.

            1°. In istis operibus Dei debemus abstinere a curiositate; et hic afferenda quae versa pagina habentur de servo Æthiope, de Euclyde. 2°. Cum percutitur proximus, si sit vir fidelis et timens Deum, nunquam dicere debemus id evenire ob peccata. Si alius, nisi charitas ipsa id pronunciet, nunquam id dicere debemus. De Aman qui suspendere volebat Mardocheum, etc. Ratio est, quia plerumque fallimur; ut barbari, Act. 28. 3°. Cum [340] percutimur, facere debemus quod fecerunt nautæ; Jonæ, I.

            Hanc viduam non peccasse. Etsi plerique dicunt (ex communiter accidentibus quod soleant matres unigenitos perdere), tamen minime credibile. Nam non est temere in malam partem judicandum: Charitas non cogitat malum. Et lachrimæ ejus gratæ fuerunt Christo; nec fuisset misericordia motus super eam, imo potius gaudio, si filium malum et idolum suum perdidisset. Sed

«Mors æquo pulsat [pede] pauperum tabernas,»

bonos malosque; ut falx bonas malasque herbas: justa est.

            Atque ex hac occasione, memoriæ vestræ commendo memoriam mortis vobis esse valde necessariam.

«Lupi Mœrin videre priores;»

antiquum proverbium. Sordes ejus in pedibus ejus, nec est recordata finis sui. Ideo dæmon semper ait: Nequaquam moriemini; non absolute, quis enim credat? sed de die in diem. Ut litigantes, ut qui [341] inebriantur, ut qui fabulantur in itinere et progrediuntur; ut ludentes, quibus si dicas: Perdes hanc summam, non luderent, sed ubi perdiderunt primum nummum facile perdunt et secundum. Ducunt in bonis dies suos, [etc.] Ut venatores palumbarum silvestrium, [etc.,] Isaiæ, 28. Audite Mot Domini, viri illusores; dixistis: Percussimus foedus nostrum cum morte et cum inferno fecimus pactum, etc.; [Ibid.,] v. [14.] 15 et 18. [342]

 

 

 

 

JEUDI APRÈS LE QUATRIÈME DIMANCHE SUR LE FILS DE LA VEUVE DE NAIM

 

            Femme, ne pleure pas. Jeune homme, je te le dis, lève-toi.

 

            Naïm est une ville sise, d'après Borchard, au pied de l'Hermon, à deux lieues de Nazareth et à plus d'une lieue du mont Thabor. Or Naïm, en hébreu, signifie belle.

            Vous avez entendu hier les disciples demander: Maître, qui a péché, celui-ci ou ses parents? Question qui est évidemment grossière et impertinente, car comment un enfant aurait-il pu, avant de naître, commettre un [340] péché en punition duquel il naîtrait aveugle? Mais au sujet du jeune homme de Naïm, on pouvait soulever la question: Qui a péché, celui-ci ou sa mère, pour qu'il soit mort si prématurément? C'est une opinion commune parmi les hommes [que la mort prématurée est une punition du péché]: ainsi le croyaient, par exemple, la femme de Tobie; Job, qui dit pourtant: Je n'ai point péché; Marthe: Seigneur, si vous eussiez été ici, [etc.] Néanmoins, c'est quelquefois même par bonté que Dieu retire les hommes de ce monde: Ayant plu à Dieu, il est devenu son bien-aimé, et Dieu l'a transféré d'entre les pécheurs parmi lesquels il vivait. Il a été enlevé, de peur que son esprit ne fût corrompu par la malice, ou que l'illusion ne déçût son âme. Au contraire: Ne sais-tu pas que la bénignité de Dieu t'attend à pénitence! Mais je donnerai trois règles d'après lesquelles nous devons procéder dans ces conjonctures.

            1. Sur cette conduite de Dieu, nous devons nous abstenir de toute recherche curieuse. Rapporter ici ce qu'à la page précédente nous avons dit de l'esclave éthiopien, d'Euclide. 2. Quand notre prochain est frappé, s'il s'agit d'un homme fidèle et craignant Dieu, nous ne devons jamais dire qu'il est puni pour ses péchés. Même silence s'il s'agit d'un autre homme, à moins que la charité ne nous oblige à parler. Rappeler l'histoire d'Aman, qui voulait faire pendre Mardochée, etc. Ce qui nous oblige à cette réserve c'est que très souvent nous nous trompons; il en fut ainsi des barbares, Actes, XXVIII. [340] 3. Quand nous sommes frappés, nous devons agir comme les matelots dont il est parlé dans le Livre de Jonas, I.

            Cette veuve n'avait pas péché. Et bien que plusieurs prétendent qu'elle était coupable, néanmoins cela est peu croyable; car il arrive assez souvent que les mères perdent leur fils unique. Or il ne faut pas juger en mauvaise part sans raison: La charité ne pense pas le mal. D'ailleurs, les larmes de cette mère furent agréables au Christ; et il n'aurait pas été touché de compassion pour elle, il se serait plutôt réjoui de la mort de cet enfant, si celui-ci eût été méchant et l'idole de sa mère. Mais

«Sans distinction la mort va frapper chez le pauvre,»

chez les bons et chez les méchants, comme la faulx tranche les bonnes et les mauvaises herbes: la mort est impartiale.

            A cette occasion, je vous rappelle que le souvenir de la mort vous est tout-à-fait nécessaire. [Il ne faut pas être comme]

«Mœris, vu du loup avant de le voir,»

ainsi que dit le vieux proverbe. Ses souillures ont paru sur ses pieds, et elle ne s'est pas souvenue de sa fin. C'est pourquoi le démon répète toujours: Vous ne mourrez point. Il ne l'affirme pas d'une manière absolue; par qui serait-il [341] cru? mais il assure que ce ne sera pas d'un jour à l'autre. On ressemble à ceux qui plaident, à ceux qui s'enivrent, à ceux qui marchent tout en parlant, à ceux qui jouent. Si vous disiez à ces derniers: Vous perdrez telle somme, ils ne joueraient pas; mais s'ils perdent un écu, ils en perdront facilement un second. Ils passent leurs jours dans la jouissance, etc. Comme les chasseurs qui poursuivent les ramiers des bois, [les maltraitent après les avoir saisis, ainsi, etc.] Ecoutez la parole du Seigneur, hommes railleurs; vous avez dit: Nous avons contracté une alliance avec la mort et nous avons fait un pacte avec l'enfer, etc. [342]

 

CXLI. Sermon pour le jeudi après le premier Dimanche de Carême

 

8 mars 1618

 

(INÉDIT)

 

SERMO SECUNDUS DE VIA ET PROGRESSU IN PECCATUM BEATI PETRI

 

            Grave sane fuit hoc peccatum, ex multis circumstantiis. I. Repetitio ejusdem peccati; 2. ipso die Communionis et mundationis absolutæ per pedum lotionem: Vos mundi estis, sed non omnes (vide Jo. 13. ad illa [343] verba); 3. in nocte abolitionis peccati; 4. in ipsa domo in qua Christus; 5. ob levissimam causam; 6. aggravatio per juramenta; 7. ab eo qui omnium minime: ob innumera beneficia accepta quæ ingratitudinem pejorem faciunt, et qui spoponderat nominatim se constanter facturum. Dicerem libenter Petro quod Isaias, 14, ad litteram regi Tiri, et mistice Lucifero, improperat: Universi respondebunt, et dicent tibi. Quid dicent? Quomodo cecidisti, Lucifer, qui mane oriebaris? cui dictum erat: In cælum Ecclesiæ ascendes, super astra Dei exaltabo solium tuum, sedebis in monte testamenti, ascendes super altitudinem nubium, similis eris Altissimo, id est, ejus vicarius. Quomodo obscuratum est aurum, mutatus est color ejus optimus?

 

            Sane, Fratres, hoc mirabile est; sed ut rem sciatis, [344] notate dupliciter homines in peccata labi, ut et in segritudines. Nam sunt quædam ægritudines quæ ex tempore corripiunt, ut epilepsia, apoplexia, sincope, vermes circa cor; aliæ sunt quæ pedetentim, et hæ sunt ordinariæ. Ita in peccata labuntur homines diversimode. Repentino casu: ut ira correpti, ut videtur accidisse Mosi cum interfecit Ægiptium (si tamen peccavit). Dicenda historia, Ex. 2. v. 12, et locupletanda ex iis quæ ait Liranus, Act. 7. v. 24. Item repentina concupiscentia, ut accidit Judæ, Gen. 38. v. 15, erga Thamar; Divus enim Augustinus, 1. 22. contra Faustum, c. 64, existimat peccasse Judam et Thamar, et, c. 70, peccasse Moysen. Sic plerumque repentina commotione passionum fit peccatum; id autem peccatum vix durat, sanabilius est.

            Fere quidem accidit ut pedetentim peccent. Sic enim [filius] Syrac, [Eccli.,] c. 27. v. 12: Homo sanctus in sapientia manet sicut sol; nam et stultus ut luna mutatur; quod dupliciter intelligi potest. Stultus inconstans est: Arundinem vento agitatam; unde in Hebraica, pro stultus, inconstans est (vide Pined., 1. 7, [345] c. I. Salomonis Prævii); modo vult modo non vult: Vult et non vult piger. Vel, stultus mutatur pedetentim ut luna; per gradus descendit, non uno lapsu; ut sanitas interdum, dum spernuntur minora pericula.

            Videamus aliquot exempla. Quod ad primum angelum, uno ictu cecidit; nam non potuit peccare venialiter (ut in minori causa de Adamo in Paradiso existente dicunt D. Thomas, D. Bonaventura et Alensis), nam nulla surreptio, nullus inordinatus motus.

            Adami et Evæ peccati scalam alibi descripsi, sermone in Purificatione.

            Caim pedetentim in teterrimum peccatum lapsus est. 1. Male divisit, offerens Deo pejora; 2. invidit; 3. iratus est vehementer et contabuit vultu, unde: Quare concidit vultus tuus? 4. occidit.

            David. 1. Otium: Factum est, vertente anno, eo tempore quo solent reges ad bella procedere (Chrisost., in Psal. II); 2. accidit ut surgeret David de strato suo post meridiem, de cubili ubi otiose dormierat; 3. vidit mulierem se lavantem, et diutius vidit ita ut pulcritudinem ejus notare posset, alioquin si [346] obiter vidisset non notasset (nec tunc dixit: Averte oculos meos ne videant vanitatem); 4. misit: qualis esset ista? curiositas periculosa, nam si nescisset non petivisset; 5. ubi scivit, habuit; 6. ebrium facere studuit Uriam; 7. occidit; 8. per annum in peccato permansit.

            Salomon. 1. Sibi complacuit in magnificis suis operibus, Ecclci. 2. v. 4: Magnificavi opera mea, ædificavi mihi domos, etc. Omnia quæ desideraverunt oculi mei non negavi eis, nec prohibui cor meum quin omni voluptate frueretur. Clem. Alex., 1. 3. Pedagogiæ, exemplum insigne affert de Ægyptiorum templis extrinsecus ornatissimis, sed in adytis, summam felem crocodylumve habentibus. 2. Divinorum oblivio, 3. Reg. II: Iratus est Dominus Salomoni, quod aversa esset mens ejus a Domino Deo Israel. 3. Abusus spiritalium deliciarum. En fin, il fit tant par ses journees, quil se perclit, si Dieu n'eut pitie de luy; dequoy on est incertain.

            Sunt ergo «gradus ad impietatem.» Peccata venialia disponunt ad mortale, en affoiblissant et ostant l'ayde et secours special.

 

            Petrus autem quomodo ceciderit? Primo, nimia sui [347] fiducia. [1.] Dixerat Dominus: Quo ego vado, vos non potestis venire. Dicit Petrus: Quare non possumus te sequi modo? animam meam pro te ponam. Respondit Dominus: Animam tuam pro me pones? Simon, Simon, expetivit Satanas, etc. Omnes vos scandalum patiemini in me hac nocte.

             [2.] Respondit Petrus: Etsi omnes scandalizati; paratus sum in carcerem et in mortem et crucem tecum ire; nimia securitas. Beatus vir qui timet Dominum. Et misericordia ejus a progenie timentibus eum. Heu, nos nimium de nobis existimamus; non sufficit agnoscere se a Deo habere, opportet non existimare se multa habere. Qui confidunt in Domino sicut mons Syon.

            3. Timor est custos gratiæ. Vir justus et timoratus. Beatus vir qui semper est pavidus. Filii Ephrem intendentes et mittentes arcum, conversi sunt in die belli; [Ps.] 77. Psal. 29: Ego dixi in abundantia mea: Non movebor in æternum. Domine, in virtute tua præstitisti decori meo virtutem; avertisti faciem tuam a me, et factus sum conturbatus (vide Bellarminum). Videatur similis historia de præsumente [348] monacho in Vita Pachomii, pag. 170. Proverb. 18. Bern., ser. 54 in Cant.: «Beatus homo qui semper est pavidus. Time cum arriserit gratia, time cum abierit, time cum revertetur; cum adest, time ne non digne opereris ex ea, ne in vacuum,» etc. Noli altum sapere, sed time.

            Secundus gradus est negligentia orandi. Orate ne intretis in tentationem. Perseverantia non est unius diei. Antiqui monachi, apud Cassianum, semper orabant: Deus in adjutorium meum intende. Sine me nihil potestis facere. At ipsi dormiebant: Symon, dormis? sic non potuisti una hora vigilare mecum? Sponsa innixa super Dilectum suum. Sine me nihil potestis facere.

            Tertius est vana strenuitas, quæ consistit in commotione iræ. Crocodylus fugientes persequitur. Petierant Discipuli: Domine, si percutimus in gladio? non expectata responsione, percutit indiscrete.

            Quartus. Ingreditur domum et stat cum servis confabulans, etc. Hoc ordine: Cum sederet in atrio deorsum, accessit ad eum una ancilla ostiaria summi Pontificis; et cum vidisset Petrum calefacientem se et [349] sedentem ad lumen, et eum fuisset intuita, dixit ad circumstantes: Et hic cum illo erat. Tum Petro ipsi: Nunquid et tu ex discipulis es hominis istius? Et tu cum Jesu Nazareno eras. At ille negavit coram omnibus, dicens: Non sum; mulier, non novi illum, neque scio neque novi quid dicas. Et exiit et gallus cantavit. Exeunte autem illo, alia ancilla dixit circumstantibus quia hit erat cum Jesu Nazareno.

            Et reversus Petrus, cum aliis ad calefaciendum [se], alius videns eum dixit ad Petrum: Et tu de illis es. Dixerunt ergo reliqui: Nunquid et tu ex discipulis ejus es? Jurat: Non novi hominem; o homo, non sum. Post horam alius affirmabat: Vere et hic cum illo erat, nam et Galilaeus est; et accesserunt qui astabant et dixerunt Petro: Vere et tu ex illis es, nam et Galilaeus es; nam loquela tua manifestum te facit. Tum cognatus ejus cujus abscidit [auriculam]: Nonne ego te vidi in horto cum illo? Iterum negavit: O homo, nescio quid dicis; coepit detestari et jurare quia nescio hominem istum quem dicitis.

            Notate, popule meus, una ancilla incipit dubitando: [350] Et hic cum illo erat; nam non audet Petro asseveranter dicere, sed: Sed et tu ex discipulis es? Mox affirmat. O lingua procax, dicis quæ nescis, et dicendo incipis credere, et credendo asseverare, viresque acquirit eundo. Exemplum Basilii de cane oblatrante cui omnes respondent. [351]

 

 

 

DEUXIEME SERMON

COMMENT SAINT PIERRE S'ENGAGEA ET S'ENFONÇA DANS LA VOIE DU PÉCHÉ

 

            Certes, ce péché fut grave à raison de diverses circonstances, I. Répétition de la même faute; 2. le jour même de la Communion et de la complète purification par le lavement des pieds: Vous êtes purs, mais non pas tous [343] (voir saint Jean, XIII, à ces paroles); 3. la nuit où le péché allait être détruit; 4. dans la maison même où se trouvait Jésus; 5. pour la cause la plus futile; 6. aggravation par serments; 7. commis par celui qui devait le moins le commettre: qui avait reçu d'innombrables bienfaits (sujet d'une plus noire ingratitude), et qui avait promis nominativement de demeurer constamment fidèle. J'appliquerais volontiers à saint Pierre ce reproche qu'Isaïe adresse directement au roi de Tyr et, au sens mystique, à Lucifer: Tous te répondront et te diront. Que diront-ils? Comment es-tu tombé, Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Celui auquel il avait été dit: Tu monteras au ciel de l'Église, j'élèverai ton trône sur les astres de Dieu, tu t'assiéras sur la montagne du testament, tu monteras sur la hauteur des nues, tu seras semblable au Très-Haut, c'est-à-dire tu seras son vicaire. Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie?

            Assurément, mes Frères, ce fait étonne; mais pour le comprendre, remarquez [344] que les hommes tombent dans le péché, comme dans la maladie, de deux manières. Certaines maladies atteignent spontanément, comme l'épilepsie, l'apoplexie, la syncope, les vers dans la région du cœur; d'autres viennent pas à pas, ce sont les maladies ordinaires. De même, les hommes tombent de diverses manières dans le péché. Par une chute subite: sous le coup de la colère, par exemple, comme il est arrivé peut-être à Moïse lorsqu'il tua l'Egyptien (si toutefois il a péché). Raconter l'histoire et l'enrichir des explications de Lyranus. Ou bien par un mouvement soudain de concupiscence; c'est le cas de Judas à l'égard de Thamar, car saint Augustin, liv. XXII contre Fauste, chap. LXIV, croit que Judas et Thamar ont péché, aussi bien que Moïse (voir chap. LXX). C'est ainsi que, en bien des circonstances, le péché provient du choc subit des passions; mais ce péché dure peu et se guérit plus facilement.

            Pour l'ordinaire, l'homme descend par degrés dans le péché. C'est ce que dit [le fils de] Sirach: L'homme saint demeure dans la sagesse, comme le soleil; mais l'insensé est changeant comme la lune; ce qui peut s'expliquer de deux manières. L'insensé est inconstant: Un roseau agité par le vent; aussi dans l'hébreu, au lieu d'insensé on trouve inconstant (voir Pinéda, liv.VII, chap. I des [345] Préliminaires de l'Histoire de Salomon); tantôt il veut, tantôt il ne veut pas: Le paresseux veut et ne veut pas. Ou bien, l'insensé change peu à peu comme la lune; il descend graduellement, et non par une chute soudaine; il en est ainsi souvent de la santé lorsqu'on méprise les moindres périls.

            Voyons quelques exemples. Le premier ange tomba d'un seul coup; car il ne pouvait pécher véniellement, étant incapable d'être surpris ou d'avoir un mouvement indépendant de sa volonté. Il en fut de même, dans une cause moindre, d'Adam au Paradis: c'est l'opinion de saint Thomas, de saint Bonaventure et d'Alexandre de Halès.

            J'ai décrit ailleurs (sermon pour la Purification) la marche du péché dans Adam et Eve.

            Caïn tomba peu à peu dans le plus noir péché, 1. Il partagea mal, offrant à Dieu ce qu'il avait de moins bon; 2. il fut envieux; 3. il fut violemment irrité et son visage fut abattu, de là vient la question que Dieu lui adressa: Pourquoi ton visage est-il abattu? 4. il tua.

            David. 1. Oisiveté: Il arriva qu'au retour de l'année, au temps où les rois ont coutume d'aller à la guerre (voir saint Chrysostôme, sur le Psaume XI); 2. il advint que David se leva de son lit après midi, de son lit où il dormait par paresse; 3. il vit une femme qui se baignait, et il arrêta sur elle un regard assez prolongé pour remarquer sa beauté; s'il ne l'eût vue qu'en passant, il [346] ne l'aurait pas remarquée (et il ne dit pas alors: Détournez mes yeux afin qu'ils ne voient pas la vanité); 4. il envoya demander quelle était cette femme? curiosité dangereuse: s'il n'avait pas su qui elle était, il ne l'aurait pas mandée; 5. dès qu'il l'eut su, il la prit; 6. il fit enivrer Urie; 7. il le fit tuer; 8. il demeura un an dans son péché.

            Salomon. 1. Il se complut dans ses oeuvres magnifiques: J'ai fait des choses magnifiques, je me suis bâti des maisons, etc. Tout ce qu'ont désiré mes yeux, je ne le leur ai pas refusé, et je n'ai pas défendu à mon cœur de goûter toutes sortes de voluptés. Clément d'Alexandrie, liv. III de la Pédagogie, tire un remarquable exemple des temples d'Egypte. A l'extérieur, ils sont très ornés, mais dans leur sanctuaire, c'est un chat ou un crocodile qui est proposé à l'adoration. 2. Oubli des choses célestes: Le Seigneur s'irrita contre Salomon parce que son âme s'était détournée du Seigneur Dieu d'Israël. 3. Abus des consolations spirituelles. [Reprendre au texte, lig. 16.]

            Il y a donc «des degrés dans l'impiété.» Les péchés véniels disposent au péché mortel, en affaiblissant et ôtant l'aide et secours spécial.

            Or, comment tomba Pierre? Premièrement, par une trop grande confiance [347] en lui-même, [1.] Le Seigneur avait dit: Où je vais, vous ne pouvez venir. Pierre dit: Pourquoi ne pouvons-nous pas vous suivre à présent? je donnerai ma vie pour vous. Le Seigneur répondit: Tu donneras ta vie pour moi? Simon, Simon, Satan a demandé, etc. Vous serez tous scandalisés a mon sujet cette nuit.

             [2.] Pierre répondit: Quand même tous seraient scandalisés, [etc.]; je suis prêt à aller avec vous en prison et à la mort et à la croix; trop grande sécurité. Bienheureux lhomme qui craint le Seigneur. Et sa miséricorde s'étend sur la génération de ceux qui le craignent. Hélas! nous présumons trop de nous-mêmes; il ne suffit pas de reconnaître que nous tenons tout de Dieu, il faut encore ne pas croire que nous ayons beaucoup. Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion.

            3. La crainte est la gardienne de la grâce. L'homme juste et craignant Dieu. Bienheureux l'homme qui est toujours craintif. Les fils d'Ephrem, habiles a tendre l'arc et à en tirer, ont tourné le dos au jour du combat. J'ai dit dans mon abondance: Je ne serai jamais ébranlé. Seigneur, par votre puissance vous avez affermi mon état florissant. Vous avez détourné votre face de moi, et j'ai été troublé (voir Bellarmin). Citer aussi l'histoire du moine présomptueux [348] racontée dans la Vie de Saint Pacôme, page 170. Saint Bernard, sermon LIV sur le Cantique: «Bienheureux l'homme qui est toujours craintif. Crains lorsque la grâce te sourit, crains lorsqu'elle s'éloigne, crains lorsqu'elle revient; lorsqu'elle est présente, crains de ne pas l'employer dignement et de la recevoir en vainNe cherche pas a t'élever, mais crains.

            Le deuxième degré c'est de négliger la prière. Priez afin que vous n'entriez point en tentation. La persévérance n'est pas l'affaire d'un seul jour. Les anciens moines, d'après Cassien, priaient constamment: O Dieu, venez à mon aide. Sans moi vous ne pouvez rien faire. Mais les Apôtres dormaient: Simon, tu dors? ainsi tu n'as pu veiller une heure avec moi? L'Epouse appuyée sur son Bien-Aimé. Sans moi vous ne pouvez rien faire.

            Le troisième degré c'est une bravoure factice, produite par un mouvement de colère. Le crocodile poursuit ceux qui le fuient. Les Disciples avaient demandé: Seigneur, si nous frappions du glaive? Sans attendre la réponse, Pierre frappe indiscrètement.

            Quatrième degré. Il entre dans la maison et s'arrête à parler avec les serviteurs, etc. Voici comment les choses se passèrent: Pendant qu'il était assis dehors dans la cour, une servante, la portière du grand Pontife, s'approcha de lui; et lorsqu'elle eut aperçu Pierre qui se chauffait assis devant le feu, [349] l'ayant regardé, elle dit a eeux qui étaient présents: Celui-ci aussi était avec cet homme. Alors ils dirent à Pierre: Et toi, n'es-tu pas aussi des disciples de cet homme? Tu étais aussi avec Jésus le Nazaréen. Mais il le nia devant tous, disant: Je ne le suis pas; femme, je ne le connais pas, je ne sais ni ne connais ce que tu veux dire. Et il sortit, et le coq chanta. Or comme il sortait, une autre servante dit a ceux qui étaient présents: Celui-ci était avec Jésus le Nazaréen.

            Et Pierre revenant avec quelques-uns afin de se chauffer, un autre le voyant lui dit: Toi aussi tu es de ces gens-là. Les autres dirent donc: N'es-tu pas aussi de ses disciples? Il jure: Je ne connais point cet homme; o homme, je ne suis pas [de ses disciples]. Une heure après, un autre affirmait: Vraiment, celui-ci aussi était avec lui, car il est également Galiléen; et ceux qui se trouvaient là s'approchèrent et dirent à Pierre: Certainement, tu es aussi de ces gens, car ta es Galiléen et ton langage te fait assez connaître. Enfin un parent de celui à qui il avait coupé l'oreille [lui dit]: Ne t'ai-je pas vu dans le jardin avec lui? Il le nia de nouveau: O homme, je ne sais ce que tu dis; il commença a faire des imprécations et a jurer: Je ne connais point cet homme dont vous parler.

            Remarquez, mon peuple: une servante commence d'une manière dubitative: Celui-ci aussi était avec cet homme; car elle n'ose pas l'affirmer en [350] parlant à Pierre, mais: Et toi, dit-elle, n'es-tu pas aussi de ses disciples? Bientôt elle affirme. O langue impudente, tu dis ce que tu ne sais pas, et en le disant, tu commences à le croire, et en le croyant, tu l'affirmes, et en l'affirmant, ta conviction s'affermit. Comparaison donnée par saint Basile, du chien qui aboie et auquel tous les autres répondent. [351]

 

CXLII. Sermon pour le vendredi après le premier Dimanche de Carême

 

9 mars 1618

 

(INÉDIT)

 

SERMO TERTIUS

IN PRIMA PARTE PROSEQUIMUR GRADUS AD LAPSUM; IN SECUNDA DICIMUS CAUSAS OB QUAS CHRISTUS PERMISIT HUJUSMODI LAPSUM.

 

            Passiones, etiam contrariæ, sese mutuo alliciunt. Fuit extrema audacia Petri percutientis auriculam; ab ista tam ingenti audacia facile lapsus est in contrariam passionem timiditatis: ut unda quæ orientem versus elevatur facillime in occidentem relabitur; ut noctes Romæ, tempore sestivo frigidissimæ sunt.

            Dicamne unum aut alterum exemplum? Amnon et Thamar, 2. Reg. 13: Et exosam habuit odio magno [352] nimis, etc. Saul dilexit summopere David initio, I. Reg. 18, sed dilectio in iram et invidiam summam versa est ex cantu puellarum Solimitarum. Elephas mitissimum animal, et item crudelissimum. En ergo Petrus, omnium ut existimabat strenuissimus, statim, unico ancillæ verbo perculsus, abnegat et timet. Miraremur elephantum rinoceroti resistentem, mox murem timentem; ut crococlylum, icneumonem. Filii Ephrem, etc.; ut supra, concio 2, num. 3. Dispersit superbos mente cordis sui. Reprehensibilis fuit Apostolorum et Petri audacia; nam vel existimarunt Christum facturum miracula, et tunc vanitas fuit dicere: Si percutimus in gladio? vel non existimarunt, et tunc inopportuna temeritas. Dicendum de iis qui passionibus perturbantur, ut de navigantibus ait Psal. 106. v. 23 et seq.; et historia Barach et Sisaræ, nam Sysara a magno timore in maximam securitatem obdormivit; Jud. 5.

            Ergo temere ingressus est armis destitutus atrium et curiam, nam loca hujusmodi periculosa sunt et pestifera. O curia, quot Petros occidis! Omnes in curia conspirant contra Petros. Qui equus vestigia luporum terit, vix incedere potest. [353]

            Deinde cæpit timere, nam timore perculsus negavit. Timiditas ergo successit audaciæ. Nolite timere eos; Mat. 10. Timor Pilati, omnium malorum. Trepidaverunt timore ubi non erat timor. Turbati sunt et moti sunt sicut ebrius. Hinc hebetantur oculi. Pastor Getulianus, immisso pallio, cepit leonem. Sic apes nunquam tempore nubile, at araneæ semper tempore nubilo telas suas conficiunt.

            Implicatus: Funes peccatorum circumplexi sunt me. Mira humani ingenii ubi turbatus est ignavia. Vide exemplum Loth, Gen. 19. v. 14: generi Loth audientes, visus est eis quasi ludens loqui. Mane facto cogebant: Surge, etc. Dissimulante illo, etc.; nisi apprehendas manu nihil facies.

            Mirum tanto timore adactum ut bis terve negaverit cum juramento et anathemate: hoc facit appetitus et passio depravata. Vide historiam Naboth, 3. Reg. 21; nam ibi videbis immane facinus, ex parva sed immoderata quamvis non injusta passione habendi vineam ortum. Vide Glossam ordinariam et Lyranum. Cur dixerit Naboth: Propitius sit mihi Deus? Quia scilicet non licebat Judæis sua vendere, nisi usque ad jubilaeum. [354] Videte Achab ægrotantem et similem Alexandro flenti, Aman unico Mardocheo non flectenti genua infenso; Esther, 5. v. 11. 12. 13.

            Talis ergo progressus peccatorum est.

 

            Sed cur Christus permisit Petrum cadere? 1°. Relictis causis generalibus propter quas Deus permittit peccata, [Bellarm.,] lib. 3. c. 2 De Amiss. gratiæ et statu peccati, dico ut Apathistas refelleret: Euthimium, Palladium, Evagrium Ponticum, asserentes Sanctos et justos expertes omnis perturbationis. Vide Ros., 1. 2. c. 27. Refellit Hieronymus, epistola ad Ctesiphontem, et Augustinus, 1. 14 de Civit., c. 9, exemplo Christi, qui videtur habuisse passiones. Verum non passiones habuit, sed propassiones; ergo convenientius refelluntur ex viris sanctissimis, maxime ex Petro, qui justus, post Eucharistiam, lotionem pedum, etc., tamen perturbatur timore. Ergo non in carentia passionum, sed in iis regendis consistit perfectio; nam passiones sunt in corde ut chordae in cythara, quæ ad concentum reducuntur ut possimus dicere: Confitebor tibi in cytara.

            2°. Ut refelleret dicentes fideles non posse peccare et [355] esse securos de sua salute; nam quis magis stabat quam Petrus, Eucharistia fulcitus et tot Christi monitis? et tamen cecidit. Qui stat, videat ne cadat. Angelo Philadelphiæ: Tene quod habes, ne alius accipiat coronam tuam. Gregorius ad Gregoriam cubiculariam Augustæ: «Rem inutilem pariter et difficilem postulasti.» Historia recitanda 40 Martirum, in quorum vigilia incidit hæc concio. Cum timore et tremore. Vigilandum, orandum.

            3°. Quia gloria Dei magis elucet ex peccatoribus poenitentibus: Majus est gaudium; atqui, non gaudent Sancti nisi de majori gloria Dei. Praevidens ergo Christus poenitentiam, facillime permisit peccatum. Historia de Beato Thoma et Augustino. Peccata lutum et fimus sunt, sed in poenitentia et confessione convertuntur in rosas et lilia.

            4°. Apud Sanctum Chrisostomum, in Catena, ad verba illa, c. 22 Lucæ: Petrus vero sequebatur. Erat Petrus paulo durior et severior; ut igitur disceret ex [356] iis quæ passus erat obedientiam et dulcedinem erga peccatores. Pastor circumdatum se debet existimare infirmitate; et qui poenitentia eguit, poenitentiam aliis facilius impertit. Terror vester ac tremor sit super cuncta animantia terræ, Gen. 9: super animantia, non super poenitentes. Ezech. 34: Quod confractum est non alligastis. Hinc Paulus humiliat se: Fidelis sermo et omni acceptione dignus; quia venit Christus peccatores salvos facere, quorum primus ego sum; 1. Thimot. 1. Ad Gal. 6: Fratres, et si præoccupatus fuerit homo in aliquo delicto, vos qui spirituales estis, hujusmodi instruite in spiritu lenitatis, considerans teipsum ne et tu tenteris. Magna virtus humilitas, quæ interdum ex peccatis nascitur. Priusquam humiliarer ego deliqui; propterea eloquium tuum custodivi. Bonus es tu, et in bonitate tua doce me justificationes tuas; [Ps.] 118: habebat cæteras virtutes, sed non humilitatem; unde deliquit. Hinc Petrus deinceps humillimus: non dominans in cleris; sustinet reprehendentem Paulum. «Ut qui primus erat dignitate, primus esset humilitate.» [357]

 

 

 

TROISIÈME SERMON

DANS LA PREMIÈRE PARTIE, NOUS CONTINUERONS A EXAMINER LES DEGRÉS DE LA CHUTE; DANS LA SECONDE, NOUS EXPOSERONS LES CAUSES POUR LESQUELLES LE CHRIST A PERMIS UNE TELLE CHUTE.

 

            Les passions, même contraires, s'excitent mutuellement. Pierre, en frappant l'oreille, montra une extrême audace; de cette audace extraordinaire, il est facile de tomber dans la passion contraire, la timidité. Ainsi le flot qui s'élève vers l'orient, retombe très facilement vers l'occident. Ainsi à Rome, les nuits d'été sont très froides.

            Citerai-je un ou deux exemples? Amnon et Thamar: Aussitôt il la prit en très grande haine, etc. Saül aima d'abord souverainement David, mais [352] cet amour se changea en colère et extrême jalousie au chant des filles de Jérusalem. L'éléphant qui est le plus doux des animaux est aussi le plus cruel. Voilà donc Pierre, s'estimant le plus intrépide de tous, immédiatement ébranlé par la seule parole d'une servante; il renie, il craint. Nous nous étonnerions de voir un éléphant qui résisterait à un rhinocéros et aussitôt après redouterait un rat; il en est de même du crocodile qui fuit l'ichneumon. Les fils d'Ephrem, etc.; voir ci-devant le sermon deuxième, n° 3. Il a dispersé ceux qui s'enorgueillissaient dans les pensées de leur cœur. L'audace des Apôtres et de Pierre fut répréhensible; car, ou ils pensèrent que le Christ ferait des miracles, et alors ce fut de la vanité de dire: Si nous frappions du glaive? ou ils ne le pensèrent pas, et alors leur témérité fut inopportune. On peut appliquer à ceux que troublent les passions, les paroles du Psaume CVI au sujet des navigateurs; de même l'histoire de Barach et de Sisara, car Sisara, après une grande crainte, s'endormit dans la plus profonde sécurité.

            Ce fut donc par témérité que Pierre entra sans armes dans le vestibule et dans la cour; car ces lieux sont dangereux et pestilentiels. O cour, que de Pierres tu immoles! Dans la cour, tous conspirent contre Pierre. Le cheval qui a rencontré la trace des loups s'avance avec peine. [353]

            Ensuite il se prit à craindre, car ce fut sous le coup de la crainte qu'il renia. La timidité a donc succédé à l'audace. Ne craignez pas ceux, [etc.] C'est la crainte de Pilate et celle de tous les méchants. Ils ont tremblé de frayeur où il n'y avait aucun sujet de crainte. Ils ont été troublés, ils ont chancelé comme un homme ivre. Alors les yeux sont obscurcis par la frayeur. Le pasteur de Gétulie, jetant son manteau sur le lion, s'en empara. Les abeilles ne travaillent jamais en temps nuageux, les araignées au contraire tendent toujours leurs toiles en ce temps-là.

             [Pierre est] enlacé: Les liens des pécheurs m'ont enlacé. Etrange torpeur de l'esprit humain lorsqu'il se trouble. Voir l'exemple de Loth: ses gendres l'entendant parler, crurent qu'il plaisantait. Le matin venu, [les Anges] le pressaient: Lève-toi, etc. Comme il différait, etc.; si vous ne prenez les gens par la main, vous ne ferez rien.

            Ce qui étonne c'est que la crainte ait été assez forte pour pousser Pierre à un double ou à un triple reniement avec serment et anathème: c'est l'effet de la convoitise et du dérèglement des passions. Lisez l'histoire de Naboth: vous y verrez un grand crime résultant du léger désir de posséder une vigne, désir qui, sans être injuste, était pourtant immodéré. Voir la Glose ordinaire et Lyranus. Pourquoi Naboth dit-il: Que Dieu me soit propice? C'est parce qu'il n'était permis aux Juifs de vendre leurs biens que jusqu'au temps du [354] jubilé. Voyez Achab malade, ressemblant à Alexandre en pleurs et à Aman, irrité de ce que le seul Mardochée ne fléchissait pas les genoux.

            Tel est donc le progrès du péché.

            Mais pourquoi le Christ a-t-il permis la chute de Pierre? 1. Je laisse de côté les causes générales pour lesquelles Dieu permet le péché (voir [Bellarmin], liv. III, chap. II De la perte de la grâce et de l'état du péché), et je dis que le Christ voulait réfuter d'avance les Apathistes: Euthimius, Palladius, Evagrius de Pont, qui affirmaient que les Saints et les justes étaient exempts de toute perturbation. Voir Rossignoli, liv. II, chap. XXVII. Saint Jérôme, dans son épître à Ctésiphon, et saint Augustin (liv. XIV de la Cité [de Dieu], chap. IX) les réfutent par l'exemple du Christ qui semble avoir eu des passions. Néanmoins il n'a pas eu des passions, mais seulement des propassions; il est donc plus convenable de les réfuter par l'exemple des hommes les plus saints, de Pierre surtout qui était juste, et qui cependant, après la Communion, le lavement des pieds, etc., est troublé par la crainte. Ce n'est donc pas dans l'absence mais dans le règlement des passions que consiste la perfection; les passions sont au cœur ce que les cordes sont à une harpe: il faut qu elles soient ajustées afin que nous puissions dire: Je vous louerai sur la harpe.

            2. Il voulait confondre ceux qui disent que les fidèles ne peuvent pécher et [355] sont sûrs de leur salut. Qui, en effet, était plus affermi que Pierre, soutenu par l'Eucharistie et par tant d'avertissements du Christ? Néanmoins il tomba. Que celui qui est debout prenne garde de tomber. A l'Ange de Philadelphie: Garde ce que tu as, de peur qu'un autre ne reçoive ta couronne. Saint Grégoire à Grégoria, camériste de l'Impératrice: «Tu as demandé une chose aussi inutile que difficile.» Rappeler l'histoire des quarante Martyrs, à la vigile desquels je prononce ce sermon. Avec crainte et tremblement. Il faut veiller et prier.

            3. Parce que la gloire de Dieu éclate davantage par le repentir des pécheurs: Plus grande est la joie, etc.; or, les Saints ne se réjouissent que de la plus grande gloire de Dieu. Le Christ donc, prévoyant la pénitence, permit très facilement le péché. Histoire des saints Thomas et Augustin. Les péchés sont boue et fumier, mais par le repentir et la confession ils se transforment en roses et en lis.

            4. Voir saint Chrysostôme, dans la Chaîne [des Pères], sur ces paroles: Or, Pierre suivait. Pierre, dit-il, était un peu dur et sévère; le Christ a donc permis sa faute afin qu'il apprît l'obéissance par ce qu'il souffrirait et pour [356] qu'il devint indulgent envers les pécheurs. Le pasteur doit se considérer comme entouré d'infirmités; et celui qui a eu besoin de pénitence accorde plus facilement aux autres le pardon. Soyez la terreur et l'épouvante de tous les animaux de la terre: des animaux, mais non des pénitents. Vous n'avez pas bandé ce qui a été brisé. Saint Paul aussi s'humilie: C'est une vérité certaine et digne d'être entièrement reçue, que le Christ est venu pour sauver les pécheurs, entre lesquels je suis le premier. Mes frères, si un homme est tombé par surprise dans quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté. Grande est la vertu d'humilité qui naît parfois du souvenir de nos péchés. Avant d'être humilié j'ai péché; c'est pour cela que j'ai gardé votre parole. Vous êtes bon, et dans votre bonté enseignez-moi vos justifications: David avait les autres vertus, mais non pas l'humilité, c'est pourquoi il pèche. Ainsi Pierre est désormais le plus humble: ne dominant point sur le clergé; il supporte les répréhensions de saint Paul. «Afin que celui qui était le premier en dignité, fût le premier en humilité.» [357]

 

CXLIII. Sommaire d'un sermon pour le deuxième Dimanche de Carême

 

11 mars 1618

 

(INÉDIT)

 

SERMO 4

DE GRATIA EXCITANTE PETRUM

 

            Ad illa verba: Et statim adhuc illo loquente gallus cantavit iterum, et conversus Dominus respexit Petrum; et recordatus est Petrus verbi Domini Jesu quod dixerat.

 

            Nota 1. Ivit Petrus in peccatum per se. Vidit Deus cuncta quæ fecerat, et erant valde bona. Ezech. 18: Nunquid voluntatis meæ est mors impii? dicit Dominus. 2. Petri, 3: Deus neminem vult perire. Jac. 1: Nemo cum tentatur, dicat, etc. Oseæ, 13: Perditio tua ex te, Israel, tantummodo in me bonum [358] tuum. Hinc: Adam, ubi es? Et Caim irato: Nonne si bene feceris, etc. Baruch, 3: Quid est, Israel, quod in terra alienorum es? Inveterasti in terra aliena, coinquinatus es cum mortuis, deputatus es cum descendentibus in infernum; dereliquisti fontem sapientiæ. Hinc: Duo mala fecit populus meus: dereliquerunt me, etc.

            2. Perditio tua, Israel, tantummodo in me auxilium tuum. Jo. 6: Nemo potest venire ad me nisi Pater meus traxerit eum. Trahe me, post te curremus. Similes apodibus, et avi paradisi. Coinquinatus cum mortuis. Ut homo passus deliquium. Hinc miseria peccatorum et justa condemnatio. Hæc gratia præveniens: non amatur nisi amet. Videte Davidem, videte Paulum, videte Petrum. Ezech. 33: Vivo ego. Vide in lib. Divini Amoris.

            3. Dieu envoye sa grace suffisante: Ne dicas, per Deum abest. 1 Timot. 2. 2 Pet. 3.

            4. Cette grace est prævenante, [elle] est de trois especes: la grace prævenante pour la conversion, prævenante a l'action et prævenante au genre de vie. [359]

 

 

 

QUATRIÈME SERMON

DE LA GRACE QUI PREVINT SAINT PIERRE

 

            A ces paroles: Et aussitôt, comme il parlait encore, le coq chanta de nouveau; et le Seigneur se retournant regarda Pierre, et Pierre se ressouvint de la parole que le Seigneur Jésus lui avait dite.

            Remarquer 1. Saint Pierre tomba de lui-même dans le péché. Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient très bonnes... Est-ce que je veux la mort de l'impie? dit le Seigneur... Dieu ne veut pas que personne périsse... Que nul lorsqu'il est tenté, ne dise, etc. Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton bien. De là ces paroles: Adam, où [358] es-tu? Et à Caïn irrité: Si tu fais bien, ne [recevras-tu pas la récompense] D’où vient, Israël, que tu habites la terre des étrangers? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu f es souillé avec les morts, tu es devenu semblable à ceux qui descendent en enfer; tu as abandonné la source de la sagesse. De là: Mon peuple a fait deux maux: ils m'ont abandonné, etc.

            2. Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton secours... Nul ne peut venir à moi si mon Père ne l'attire... Tirez-moi, nous courrons après vous. Nous ressemblons aux apodes, et à l'oiseau de paradis. Tu t'es souillé avec les morts. Comme un homme qui est tombé en défaillance. C'est la cause de la misère des pécheurs et de leur juste condamnation. Voilà la grâce prévenante: Dieu n'est aimé que s'il aime [le premier]. Voyez David, voyez saint Paul, voyez saint Pierre. Je vis. Voir dans le livre de l'Amour de Dieu.

            3. Dieu envoie sa grâce suffisante: Ne dis pas: Dieu est cause que [la grâce] est loin de moi.

             [Reprendre au texte, lig. 19.] [359]

CXLIV. Plan d'un sermon pour le lundi après le deuxième Dimanche de Carême

 

12 mars 1618

 

(INÉDIT )

 

SERMO 5

DE GRATIA ADJUVANTE

 

            5. Hæc gratia præveniens innumeris nominibus in Scripturis designatur. Nam vocatur tractus: Trahe me post te; vocatio: Multi vocati; vox: Vox Dilecti mei; præventio: Misericordia ejus præveniet me; illuminatio: Exurge, qui dormis, et illuminabit te Christus. Et sic mille modis. Pulsatio: Ego sto ad ostium et pulso.

            Sed tribus maxime quæ ad rem faciunt. 1°. Vocatur sagitta, Psalm. 44: Specie tua et pulchritudine; propter veritatem et mansuetudinem, etc.; sagittæ [360] tuae acutae, etc. Is. 49: Dominus ab utero vocavit me, de ventre matris meæ recordatus est nominis mei. Adamus de Christo ad Mot explicat, qui: Et posuit os meum quasi gladium acutum, et posuit me quasi sagittam electam; in pharetra sua abscondit me. Diu abscondit Christum; sed qualis pharetra? Pectus Patris, sinus Patris. Qualis sagitta? Christus ipse, dum ingreditur cor per amorem.

            1. Quare sagitta gratia præveniens? quia non cogitantes percellit. Ut faciunt e contrario mali: In Domino confido, quoniam ecce peccatores intenderunt arcum, paraverunt sagittas suas in pharetra ut sagittent in obscuro rectos corde. 2. A longe, quia peccatores elongaverunt se. Rara similitudo de percutiente amore, ut de eo qui capreas Candiæ. Vide ad primum sermonem Quadragesimæ.

            2°. Vocatur inspiratio: Inspiravit in faciem ejus spiraculum vitæ; nam peccator mortuus est, vivit autem gratia illum præveniente.

            3°. Vocatur invitatio, semonce, ut libertas arbitrii videatur. Jam mirum est quam multis modis et viis [361] vulneret et sagittet corda. Maria Ægiptiaca vidit imaginem Virginis, et ista imago, ut concio muta, eam vulneravit. Gregorius Nazianzenus: quamdam impudicam mulierem ad flagitium evocatam, visa imagine Polemonis, viri continentissimi, poenituisse et abiisse. Sic Gregorius Nissenus visa historia Abrahami; Beatus Pachomius viso exemplo charitatis; Augustinus lecto loco illo: Non in cubilibus Pelagia, quæ margarita, audito Nonno. Quidam ex verbis illis: Subter sternetur tinea et operimentum tuum erunt vermes. Alius cum audiret: Vidit cælos apertos. Hinc inspirationes dicuntur sagittæ, quia infligunt passiones. Franciscus Borgia videns mortuam Imperatricem, etc. Sed modus communis est Mot Dei.

            Hac gratia præveniente igitur fimus volentes: Dabit velle et perficere; operatur in nobis velle. Jam ergo egemus gratia cooperante, subsequente et adjuvante. Nam, velle converti in genere satis magnum est; velle converti cito, majus; velle converti nunc, maximum. At pleraque arrident in confuso, quæ cum particulariter sunt facienda displicent. Videte, Tobiæ, c. 8. 9. et 10, quomodo Raguel cunctatur remittere Tobiam; et Annam. [362] Sic etiam Bathuel et Laban, Rebeccam. En conversionis difficultas: Egressus flevit. Quitter tout. Ejice puerum et matrem ejus. Lazarus egreditur, ligatus manus et pedes institis. En Helias tribus vicibus expansus est super puerum; 3. Reg. 17. 4. Reg. 4; Oscitavit puer septies. Sic Paulus, Act. 9.

            1. Egredi ad meditandum, ad excitandum contritioem; 2. flere, contritionem; 3. confiteri: nam Petrus non est confessus, quia vidente Summo Sacerdote. [363]

 

 

 

 

 

CINQUIEME SERMON DE LA GRACE CONCOMITANTE

 

            5. Cette grâce prévenante est désignée par d'innombrables noms dans les Ecritures. Elle est appelée attraction: Tirez-moi après vous; vocation: Beaucoup sont appelés; voix: La voix de mon Bien-Aimé; prévenance: Sa miséricorde me préviendra; illumination: Lève-toi, toi qui dors, et le Christ t'illuminera. Et ainsi en mille manières diverses. C'est un coup: Je me tiens à la porte et je frappe.

            Trois dénominations cependant se rapportent surtout à notre sujet. 1. La grâce est appelée flèche: Dans votre dignité et votre beauté; pour la vérité et la mansuétude, etc., vos flèches sont acérées, etc. Le Seigneur m'a appelé dès le sein [360] de ma mère, et dès les entrailles maternelles, il s'est souvenu de mon nom. Adamus place ces paroles sur les lèvres du Christ: Et il a rendu ma bouche semblable a un glaive perçant, et il m'a mis en réserve comme une flèche choisie; il m'a caché dans son carquois. Longtemps il cacha le Christ; mais quel est le carquois? La poitrine du Père, le sein du Père. Quelle est la flèche ? Le Christ lui-même, lorsqu'il entre dans le cœur par l'amour.

            1. Pourquoi appeler flèche la grâce prévenante? Parce qu'elle atteint ceux qui n'y pensent pas. C'est ainsi que, dans un but opposé, agissent les méchants: Je me confie au Seigneur, car voici que les pécheurs ont tendu l’arc, ils ont disposé leurs flèches dans le carquois, pour frapper dans l'obscurité ceux qui ont le cœur droit. 2. [Elle part] de loin, parce que les pécheurs se sont éloignés. Belle comparaison entre l'amour qui frappe, et les chasseurs qui poursuivent les chèvres de Candie. Voir le premier sermon de Carême.

            2. Elle est appelée inspiration: Il inspira sur son visage un souffle de vie; car le pécheur est mort, mais il revit par la grâce qui le prévient.

            3. Elle est appelée invitation, semonce, pour montrer la liberté laissée au franc-arbitre. Il est admirable de voir combien sont multipliés les moyens par lesquels [Dieu] blesse les cœurs, combien sont nombreux les sentiers dans lesquels il décoche ses flèches! Marie Egyptienne vit l'image de la Vierge, et [361] cette image la frappa comme une prédication muette. Saint Grégoire de Nazianze raconte qu'une femme impudique sollicitée au crime, se repentit à la vue du portrait de Polémon, homme très chaste, et prit la fuite. De même saint Grégoire de Nysse fut touché voyant une peinture qui représentait le sacrifice d'Abraham; le bienheureux Pacôme, voyant un exemple de charité; Augustin, à la lecture de ce passage: Non dans les dissolutions; Pélagie, dont le nom signifie perle, à la parole de Nonnus. Un certain personnage fut converti par ces paroles: La pourriture sera ta couche et les vers seront ta couverture. Un autre, par ces mots: Il vit les cieux ouverts. Ainsi les inspirations sont appelées flèches parce qu'elles causent des souffrances. François de Borgia, voyant l'Impératrice défunte, etc. Toutefois, le moyen ordinaire est la parole de Dieu.

            Par cette grâce prévenante, la volonté est donc mise en action: Il donnera le vouloir et le faire; il opère en nous le vouloir. Nous avons donc besoin de la grâce qui coopère avec nous, de celle qui suit notre acte et de celle qui nous aide. Vouloir en général se convertir est une bien grande chose, vouloir se convertir au plus tôt est plus grand encore, mais le vouloir à l'heure même est ce qu'il y a de plus grand. Le plus souvent, hélas! ce qui sourit vu de loin, déplaît lorsqu'il faut en venir à l'exécution. Voyez comme Raguel tarde à renvoyer Tobie; voyez la conduite d'Anne. De même, Bathuel et Laban [362] retiennent Rébecca. Voilà la difficulté de la conversion: Etant sorti, il pleura. Quitter tout. Chasse l'enfant et sa mère. Lazare sort [du tombeau], les mains et les pieds liés de bandelettes. Voilà Elie qui s'étend par trois fois sur l'enfant. L'enfant bâilla sept fois. Ainsi saint Paul, Actes, IX, 9.

            1. Il faut sortir pour méditer, pour s'exciter à la contrition; 2. il faut pleurer par la contrition; 3. il faut se confesser: quant à Pierre, il ne se confessa pas parce qu'il était en présence du souverain Prêtre. [363]

 

CXLV. Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste

 

13 mars 1618

 

(INÉDIT)

 

SERMO 6

DE GRATIA PERFICIENTE

 

            B. Bern., Ser. Parvi, 39: «Triplex nobis necessaria est benedictio: preveniens, adjuvans, consummans. Prima misericordiæ, 2. gratiæ, 3. gloriæ.» Ego paulisper immuto divisionem, nam consummantem in perficientem rejicio.

 

             [1°.] Præveniens misericordia operatur in nobis velle converti; at hoc satis non est, quoties enim dicimus: Volo converti, et tamen non convertimur! Sic enim increpat Idumæos Isaias, c. 21: Onus Duma, id est, [364] regionis Idumeorum, quae vergit ad austrum; clamat ad me ex Seir. Seir regio est Idumææ; ab Esau, qui et Edom, rufus, et Seir, id est, hispidus. Populus ergo Seir clamat: Custos, quid de nocte? quota est hora noctis? Dixit custos: Venit mane; ecce aurora est, et nox tamen sequitur. Est similitudo peccatorum, hispidorum, brutalium hominum ut Nabuchodonozor. Quid de nocte? Cupio converti ad diem. Ecce gratia præveniens illuxit, et nox recidit, ut pigri qui aperiunt oculos (Usquequo, piger, dormies et dormitabis?) deinde claudunt, et in medio die faciunt sibi noctem. Quare dies et nox? (Si quæritis, quærite.) Quia non serio quæritis; vultis et non vultis. Convertimini in toto corde; aliqui sunt qui quidem convertunt aliquatenus oculos, sed non corpus erga postclamantes. Vide supra: Tobiam, Bathuelem; Lazarum egredientem ligatis manibus et pedibus.

            2°. Ergo, ad salutem peccatoris requiritur gratia adjuvans, de qua ultimo loco diximus; quæ in eo consistit ut ex animo quæramus omnia media ad veram poenitentiam. Pulchra allata Gen. 24. Nihil cogitante Rebecca, ecce Eliezer ad fontem, petit ab ea, etc. Ecce prima [365] introductio, audit nuntium, audit Mot; deinde dat inaures aureas, dat suavitatem et dulcedinem audiendi, et armillas (brasseletz), facultatem aggrediendi, et invite la grace a demeurer, ce bon mouvement; nam est opus gratiæ prevenientis, ita mulcere auditum, id est, intellectum, et voluntatem movens (sic), ut velint gratiam hanc manere et istam delectationem. Deinde ingressa gratia, petit consensum; quo habito dat vasa argentea, id est, timorem, et aurea, id est, amorem ; mox vestit firmissimo proposito, id est, ab amore inchoato perducit ad amorem fortem, qui proponit etiam usque ad mortem perseverare. Filius prodigus in se reversus per gratiam excitantem: Quanti mercenarii in domo patris mei abundant panibus; ego! Surgam. Mox vadit. Sic Lazarus solvitur. O faelix poenitentia in Magdalena! Ut cognovit quod. Jesus accubuit, etc.: ecce gratia præveniens; mox attulit, etc.: ecce gratia cooperans.

            Gratia autem hæc cooperans, in tribus consistit, quæ Raphael prestitit Tobiæ: in directione vel mediata vel immediata, interiori et exteriori (et nota, si negligas exteriorem, id est, hominem dirigentem, vix habebis [366] interiorem; audi gallum et respiciet te Dominus); in protectione et defensione adversus mala, contra piscem; et in juvamine, ut Raphael qui etiam victum præstitit. Sic Eliezer narrat se missum ut deducat uxorem domino suo, ecce directionem; deinde ut protegat, ecce dat vestes quæ protegunt ab aeris intemperie; tertio, ut adjuvet, attulit camelos. Sic Paulo: Vade ad Ananiam, ecce directionem, qui dedit spiritum dirigentem et squamas dejicientem; deinde, expulit peccatum Baptismo; tertio, comedit.

            3°. Ergo necessaria est ad salutem peccatorum perseverantia: Qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit. Origenes, Tertullianus, Hosius, Salomon, Judas non perseverarunt. Voluntas hominis ambulatoria usque ad mortem. Bene currebatis, quis vos impedivit? Concilium Tridentinum: Altissimum et profundum absconditum perseverantiæ donum. Qui stat videat ne cadat. Omnes quidem currunt, sed unus accipit bravium. Duplex perseverantia: una propria, alia æquivalens. Qui convertuntur in morte ut latro, et paucissimi alii, habent sequivalentem perseverantiam; nam proprie non perseverant, sed eorum conversio æquivalet [367] perseverantiæ, et nihil est aliud quam conversio. Alia propria, per quam diu perseveramus; et tunc donum perseverantiæ nihil aliud est quam series quædam gratiarum dirigentium, protegentium et adjuvantium.

 

            Verum duplex occurrit scrupulus circa prædicta. Primus est: Si ex nobis nihil possumus, qui damnatur damnatur quia Deus illum non adjuvit; en siti morior. Verum hoc argumentum adeo est futile ut nihil supra. Nam, quamvis gratia Dei sit nobis necessaria, tamen non deest; Job, 24: Ipsi rebelles fuerunt lumini. Non magis tibi deest gratia quam natura. Exemplum de claudente oculos, in lib. Divini Amoris. Exemplum de Israelitis, in deserto: non defuit manna, sed ipsi mannæ defuerunt, fuit illis columna nubis per diem, et ignis per noctem. Exemplum arcæ Noe: tam facile intrare potuerunt quam extra manere, at illi noluerunt.

            Secundus scrupulus. Utrum actus poenitentiæ sint sensibiles? Dupliciter potest excitari sensus: ab intrinseco et parte rationali, vel a parte inferiori. Filiæ Hierusalem flebant a parte inferiori, unde Dominus: Nolite flere super me, a parte inferiori; et hinc bonus fletus, [368] est enim effectus contritionis; verum quia sensus non obedit rationi semper, non est opus fletu exteriori, sed interiori tantum.

            Jam vero, quæ quantitas fuit poenitentiæ Petri? Fuit 1°. extensa per totum hominem; nam iste fletus processit ab intellectu ad cor et a corde ad oculos, ut et Magdalenæ; hic explica secundum scrupulum. 2°. Extensa per omnes animæ passiones sive affectiones; unde, 1. Reg. X: Insiliet in te Spiritus Domini, et mutaberis in virum alterum. 3°. Extensa ad omnem vitam, quam finivit ob conversionem duarum fæminarum, ut duæ feminæ illum abjurare fecerant. Vide historiam. [369]

 

 

 

SERMON SIXIÈME

DE LA GRACE QUI ACHÈVE LE SALUT

 

            Saint Bernard, dit dans le XXXIXe de ses Petits Sermons: «Une triple bénédiction nous est nécessaire: celle qui prévient l'acte, celle qui y coopère, celle qui le couronne. La première est celle de la miséricorde, la seconde celle de la grâce, la troisième celle de la gloire.» Je modifierai quelque peu cette division, car je comprends la grâce qui couronne dans celle qui perfectionne.

             [1.] Pour la conversion, la miséricorde prévenante opère en nous le vouloir; mais cela ne suffit pas. Que de fois, en effet, nous disons: Je veux me convertir, et cependant nous ne nous convertissons pas! C'est le reproche qu'adresse Isaïe aux Iduméens: Malheur accablant de Duma, c'est-à-dire, de [364] la partie de l'Idumée qui est située au sud; il me crie de Séir. Séir est une région de l'Idumée; ce nom vient d'Esaü, appelé aussi Edom, rouge, et Séir, c'est-à-dire velu. Le peuple de Séir crie donc: Sentinelle, qu'annonces-tu de la nuit? quelle heure est-il de la nuit? La sentinelle dit: Le matin est venu, voici l'aurore, et cependant la nuit succède. C'est une figure du pécheur, tout velu, homme animal comme Nabuchodonosor. Qu'annonces-tu de la nuit? Je désire me retourner vers la lumière. C'est la grâce prévenante qui a brillé, mais la nuit retombe; il est semblable aux paresseux qui ouvrent les yeux (Jusqu'à quand, paresseux, dormiras-tu et sommeilleras-tu?) puis les referment, et au milieu du jour se font une nuit. Pourquoi ce mélange de jour et de nuit? (Si vous cherchez, cherchez bien.) Parce que vous ne cherchez pas sérieusement; vous voulez et vous ne voulez pas. Convertissez-vous de tout cœur; il y en a qui, à la vérité, tournent bien les yeux, mais non pas leur corps vers ceux qui crient derrière eux. Voir plus haut: Tobie, Bathuel; Lazare sortant du tombeau mains et pieds liés.

            2. Donc, pour le salut du pécheur, cette grâce qui aide et dont nous avons parlé précédemment est nécessaire. C'est cette grâce qui nous fait rechercher de tout cœur tous les moyens d'une vraie pénitence. Beaux exemples cités dans la Genèse, chap. XXIV. Rébecca ne soupçonnait rien, et voici qu'Eliézer, auprès [365] de la fontaine, lui demande, etc. C'est la première ouverture, elle entend le messager, écoute sa proposition; Eliézer lui donne ensuite des pendants d'oreilles en or, qui signifient la suavité et la douceur à l'audition de ses paroles, et des bracelets, c'est-à-dire le moyen de les mettre en exécution. [L'âme] invite la grâce, ce bon mouvement, à demeurer; car c'est le rôle de la grâce prévenante de charmer l'oreille, c'est-à-dire l'esprit et la volonté de celui qu'elle touche, de telle sorte qu'il veuille conserver la jouissance de cette grâce. Une fois entrée, la grâce appelle le consentement, et dès qu'il s'est présenté, elle offre à son hôte des vases d'argent, c'est-à-dire la crainte, et d'or, c'est-à-dire l'amour; bientôt elle le revêt d'un très ferme propos, c'est-à-dire que, de l'amour ébauché, elle le conduit à cet amour puissant qui se propose de persévérer même jusqu'à la mort. L'enfant prodigue, rentrant en lui-même par la grâce excitante, se dit: Combien de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du fain en abondance, et moi! [etc.] Je me lèverai. Il part immédiatement. Ainsi Lazare est délié. Oh! quelle heureuse pénitence en Madeleine! Ayant su que Jésus était à table, etc.: voilà la grâce prévenante; elle apporta aussitôt, etc.: voilà la grâce coopérante.

            Cette grâce coopérante comprend les trois services rendus à Tobie par Raphaël: elle dirige directement ou indirectement, au dedans et au dehors (et remarquez, si vous négligez la direction extérieure, c'est-à-dire celle qui provient de l'homme, vous obtiendrez difficilement l'intérieure; écoutez le [366] coq et le Seigneur vous regardera); elle protège et défend contre le mal, contre le poisson; elle soutient, comme Raphaël qui fournit encore des aliments. Ainsi Eliézer raconte qu'il est envoyé pour ramener une épouse à son maître, c'est la direction; ensuite, pour la protéger, il lui donne des vêtements qui la défendent contre l'intempérie de l'air; troisièmement, pour la soutenir, il lui amène des chameaux. De même pour saint Paul: Va trouver Ananie, c'est la direction; celui-ci lui donne l'esprit qui le dirige et fait tomber les écailles de ses yeux; ensuite, il chasse le péché par le Baptême; troisièmement, Paul mange.

            3. La persévérance est donc nécessaire au salut des pécheurs: Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. Origène, Tertullien, Hosius, Salomon, Judas ne persévérèrent pas. La volonté de l'homme doit être toujours en marche jusqu'à la mort. Vous couriez si bien; qui vous a arrêtés? Le Concile de Trente dit: Le don mystérieux de la persévérance est très haut et très profond. Que celui qui est debout prenne garde de tomber. Tous, à la vérité, courent, mais un seul remporte le prix. Il y a deux sortes de persévérance: l'une proprement dite, l'autre équivalente. Ceux qui se convertissent à la mort, comme le larron et d'autres fort peu nombreux, ont eu la persévérance équivalente; car, à parler exactement, ils ne persévèrent [367] pas, mais leur conversion équivaut à la persévérance qui n'est rien autre que la conversion. La persévérance proprement dite est celle par laquelle nous persévérons longtemps, et dans ce cas, le don de la persévérance n'est autre chose qu'une série de grâces qui dirigent, protègent et portent secours.

            Mais deux objections se présentent contre ce qui vient d'être avancé. Voici la première: Si par nous-mêmes nous ne pouvons rien, celui qui est condamné l'est parce que Dieu ne l'a pas aidé? Voici que je meurs de soif. Rien n'est plus futile que ce raisonnement. Il est vrai que la grâce de Dieu nous est nécessaire, mais aussi jamais elle ne nous manque: Ils ont été rebelles à la lumière. La grâce ne te fait pas plus défaut que la nature. Voir dans le livre de l'Amour de Dieu l'exemple de celui qui ferme les yeux. Exemple des Israélites dans le désert: la manne ne manqua pas, mais ils manquèrent à la manne; ils eurent la colonne de nuée le jour, et de feu la nuit. Exemple de l'arche de Noé: il était aussi facile d'y entrer que de rester dehors, mais ils ne voulurent pas entrer.

            Seconde objection. Les actes de repentir sont-ils sensibles? Une double cause peut exciter le sentiment intérieur: l'une provenant de la raison, l'autre de la partie inférieure de l'âme. C'est la partie inférieure de l'âme qui faisait pleurer les filles de Jérusalem, aussi le Seigneur leur dit-il: Ne pleurez pas sur moi, par la partie inférieure. Les larmes sont donc bonnes, car elles sont [368] un effet de la contrition; mais parce que ce sentiment n'obéit pas toujours à la raison, la tristesse extérieure n'est pas nécessaire, l'intérieure suffit.

            Et maintenant, jusqu'où alla le repentir de Pierre? 1. Il s'étendit à tout l'homme, car sa tristesse passa de l'intelligence au cœur et du cœur aux yeux, comme chez Madeleine; développer ici la seconde objection. 2. Il s'étendit à toutes les passions ou affections de son âme; c'est ainsi qu'il est dit: L'Esprit du Seigneur s'emparera de toi, et tu seras changé en un autre homme. 3. Il s'étendit à toute sa vie, qu'il sacrifia pour la conversion de deux femmes, comme deux femmes avaient été l'occasion de son parjure. Voir l'histoire. [369]

 

CXLVI. Sermon pour la Nativité de saint Jean-Baptiste

 

24 juin 1618

 

(INÉDIT)

 

AD FESTUM SANCTISSIMI PRÆCURSORIS, 1618

CUM CIVITAS VEROELLENSIS, DECIMO ANTE DIE, SERENISSIMO DUOI ESSET AB HISPANIS RESTITUTA AC PROINDE PACIS SANCITA EXECUTIONI MANDATA, ET PAX STABILITA

DE JOANNE SANCTISSIMO ET PACE PACISQUE BONO CONSERVANDO

 

Thema: Et tu, puer, Propheta Altissimi vocaberis, etc.

[LUCÆ, I, 76.]

 

            Ultimo meo sermone, hic habito, feria secunda Pentecostes, dicebam tempus mihi loquendi esse, quia linguæ igneæ nobis Apostolorum successoribus datæ erant; sed et nunc quoque tempus clamandi, nam tunc [370] festum linguarum, at nunc tempus vocis est, eum enim celebramus qui vox est clamantis. Vocalem ergo esse opportet hodie, cum Zacharias, vocis paralisi mutus, loquitur, ad laudandum vocem quæ Domini voce laudata est; sed vereor ne quemadmodum Alexander non alio penicillo pingi volebat quam Apellis, ita et Joannes alia se voce laudari nolit quam Christi. At vero inter laudes ipsius, illa una fuit quod non vento superbise moveatur: Arundinem vento agitatam. Ergo, hac mea debili voce vocem istam laudabo, et vocem quæ data est ad dirigendos pedes nostros in viam pacis.

            Et jam videtis, charissimi mei, de gaudio pacis nostræ etiamnum velle verba miscere; quomodo enim tacerem in tanta gaudii causa? Et sane opportune; ecce enim jam anniversarium diem ago primæ mese ad vos concionis, nec pauciores sunt 25 annis expletis; et quidem mihi ipsi gratulor qui semper exinde vos expertus sum benevolos auditores, qui nimirum ut multos [prædicatores] peritiores at nunquam habituri estis amantiores. [371] Et quia Evangelium pacis semper vobis nunciavi, nunc, recurrente anniversario die, a pace etiam 26æ prædicationis meæ annum incipio. O faxit Deus, ut vobis proficientibus! etc.

 

            Joanne nato, omnes mirabantur ob miraculum nativitatis ejus, ob matris sterilitatem et ætatem effcetam, ob patris interclusam vocem et iterum restitutam, dicentes invicem: Quis putas puer iste erit? At Zacharias prophetans: Et tu, inquit, Propheta Altissimi vocaberis, etc.; præibis enim, id est, Propheta, Præcursor. Quasi diceret: Cum Christus sol oriens ex alto, vel solis ortus ex alto visitare nos ex alto, tu aurora et hesper gratissimus, et tanquam pronubus et heraut, parare vias ejus.

            Sed quomodo paravit? Ad dandam scientiam salutis plebi ejus, in remissionem peccatorum eorum. Hic est Propheta, et plus quam Propheta. Vox Dilecti mei; ecce ipse venit saliens in montibus, transiliens colles. Dormiebat ecclesia Mosaica, et ecce vox Dilecti. Alii Prophetæ dicebant: Ecce veniet, veniens veniet et non tardabit; at iste: Ecce iste venit, [372] saliens in montibus, transiliens colles. Vide Catenam trium Patrum Græcorum, apud Gisler, [Comm. in Cant.,] c. 2. v. 8. et 9, in appendice.

            Sed quomodo præparavit? Ad dandam scientiam salutis plebi ejus. Sed quae est ista scientia salutis? Fides et poenitentia. Ecce Agnus Dei, et Poenitentiam agite. Hanc autem scientiam docuit, 1°. verbo: Poenitentiam agite, appropinquavit enim Regnum cælorum; et 2°. factis: De pilis camelorum, contritio præteritorum; zona pellicea, propositum futurorum. Cingit poenitentia propositum cavendi a futuro. Vinum et siceram non bibit; ecce vitat omnia periculosa. Mel sylvestre, oratio; locustæ, spem et metum. Vide pag. 176. Hinc remissio peccatorum: Per viscera misericordiæ Dei nostri, in quibus visitavit oriens ex alto. Visitavit oriens; illuminare, id est, ut illuminaret, ad illuminandum, his, etc., ad dirigendos pedes nostros in viam pacis.

            Quo loco scientia salutis omnis ordinatur in viam [373] pacis, id est, in viam et vitam Christianam cujus pax est proprietas, quadruplici modo. Ita Angeli compendio totum librum Redemptionis inscribunt: Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis. Et Christus Evangelium illaturis: In quamcumque domum intraveritis, etc., dicite: Pax huic domui; id est, pax Evangelii, Evangelium pacificum. 2. Cor. 13: De caetero., pacem habete, et Deus pacis et dilectionis erit vobiscum. Ephes. 2: Et veniens evangelizavit vobis pacem; ipse enim est pax nostra. Hinc Templum Salomonis; Salomon pacificus, Sullamitis pacifica. [Psalm.] 71: Orietur in diebus ejus justitia et abundantia pacis. Ses victoires paysibles et amoureuses; [Psalm.] 44: Accingere gladio tuo super femur tuum, potentissime. Princeps pacis; Isaiae, 9.

 

            Et quamvis haec pax praecipue spiritalis, tamen etiam temporalis; nam ex vi legis Evangelicae nullum bellum: Convertent gladios suos in vomeres et lanceas suas in falces. Regnum Augusti. Hinc Christianos oves ut plurimum appellat. Bellum tamen etiam licitum, ob malitiam hominum; vim vi repellere. Hinc noster [374] Joannes, [etc.]; et centurio et tot reges sancti. Bellum opus justitiæ Dei.

            Sed ecce, o felices nos, quibus pax advenit præter spem omnium, cum tanto honore Principis, qui a mesure son espee avec celle du plus puissant Roy. Sed utinam duret! Et hoc opto, et ita fiet, si: 1°. gratias debitas agamus; ut fontes exsiccantur nisi visitentur. Dixit Angelus, Jud. 6, Gedeoni: Pax tibi, non morieris; ædificavit altare Domino, vocavitque illud: Domini pax.

            2°. Plinius, [Histor. natur.,] 1. 15. c. 3: «Oleam ne stringito neve verberato.» Pax multa diligentibus legem tuam, et non est illis scandalum. Habenti dabitur, et non habenti auferetur ab eo. Non ociosa pax, sed tranquilla.

            3°. Ne sint lites et contentiones. Qui habet duas tunicas, det non habenti. Omnes quaerunt quae sua sunt, non quae Jesu Christi.

            4°. et 5°. Ex Beato Amedeo. Facite judicium et justitiam (Justitia et pax osculatae sunt), et diligite pauperes: Qui habet duas tunicas, det non habenti. [375]

 

 

 

POUR LA FÊTE DU TRÈS SAINT PRÉCURSEUR, 1618

DIX JOURS APRÈS LA RESTITUTION DE LA VILLE DE VERCEIL AU SÉRÉNISSIME DUC DE SAVOIE PAR LES ESPAGNOLS

ET LA RATIFICATION DU TRAITÉ DE PAIX, AINSI AFFERMI PAR L'EXÉCUTION DES ARTICLES

 

SUR LE GRAND SAINT JEAN ET LA NECESSITE DE CONSERVER LA PAIX ET SES AVANTAGES

 

            Texte: Et toi, enfant, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut, etc.

 

            Dans mon dernier sermon que je fis ici le lundi de la Pentecôte, c'était pour moi, disais-je, le temps de parler, parce que des langues de feu nous avaient été données, à nous, successeurs des Apôtres; mais c'est [370] aujourd'hui le temps de parler bien plus haut, car si c'était alors la fête des langues, c'est maintenant le temps de la voix, parce que nous célébrons le Saint qui est la voix de Celui qui crie. Il faut donc parler aujourd'hui, puisque, tout muet qu'il est, Zacharie parle, de sa langue paralysée, pour louer cette voix que la voix du Seigneur a louée. Mais de même qu'Alexandre ne voulait être peint que par le pinceau d'Apelles, je crains bien que Jean ne veuille être loùé que par la voix du Christ. Cependant, entre tous ses mérites, celui-ci est principalement remarquable: jamais il ne fut agité par le vent de l'orgueil. Un roseau agité par le vent. Eh bien! de ma faible voix, je louerai cétte voix, et encore la voix de Celui qui doit diriger nos pas dans la voie de la paix.

            Vous voyez déjà, mes très chers Frères, que je veux mêler à mes paroles quelque chose de la joie de notre paix. Comment me tairais-je en présence d'une si grande cause de joie? La circonstance d'ailleurs est opportune, car c'est l'anniversaire du premier sermon que je vous adressai, il y a vingt-cinq ans complets. Et je m'en félicite, car vous avez toujours été pour moi un auditoire bienveillant; si, à la vérité, vous avez eu bon nombre d'orateurs plus habiles, vous n'en avez pas eu de plus affectionné. Et puisque je vous ai toujours [371] annoncé l'Evangile de paix, maintenant, au retour de cet anniversaire, je commencerai encore en parlant de paix la vingt-sixième année de ma prédication. Oh! plaise à Dieu que ce soit à votre avantage! etc.

            Jean étant né, tous s'émerveillaient de cette miraculeuse naissance: la mère était stérile et n'était plus en âge d'avoir des enfants, le père avait perdu la voix et l'avait recouvrée, et tous se disaient les uns aux autres: Que pensez-vous que sera cet enfant? Et Zacharie prophétisant: Et toi, dit-il, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut, etc., car tu précéderas, c'est-à-dire, tu seras le Prophète, le Précurseur. Comme s'il disait: Le Christ est le soleil qui paraît d'en haut à l'orient, le soleil qui se lève dans les hauteurs d'où il est venu nous visiter; quant à toi, tu es l'aurore, l'agréable étoile, tu es le paranymphe et le héraut qui prépare ses voies.

            Mais comment les prépara-t-il? Afin de donner la science du salut à son peuple, pour la rémission de leurs péchés. Celui-ci est Prophète, et plus que Prophète. J'entends la voix de mon Bien-Aimé; le voici lui-même qui vient sautant sur les montagnes, franchissant les collines. L'église Mosaïque dormait, et voici la voix du Bien-Aimé. Les autres Prophètes disaient: Voilà qu'il viendra, il viendra et il ne tardera pas; mais celui-ci dit: Le voici qui vient, sautant sur les montagnes, franchissant les collines. Voir la Chaîne [372] des trois Pères grecs, citée par Ghisler, [Commentaire sur le Cantique,] chap. II, appendice au commentaire sur les versets 8, 9.

            Mais encore une fois, comment prépara-t-il ses voies? Afin de donner la science du salut à son peuple. Et quelle est cette science du salut? La foi et la pénitence. Voici l'Agneau de Dieu, et Faites pénitence. Or, il enseigna cette science, premièrement, par la parole: Faites pénitence, car le Royaume des cieux approche; secondement, par les œuvres: [Vêtement] de poils de chameau, contrition du passé; ceinture de cuir, bon propos pour l'avenir. La pénitence comprend la résolution de fuir le péché futur. Il ne boit ni vin ni cervoise; voilà comment il évite tout ce qui est dangereux. Miel sauvage, oraison; sauterelles, espérance et crainte. Voir page 176. L'objet de la mission de saint Jean est donc la rémission des péchés: Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles le soleil levant nous a visités d'en haut. Le soleil levant nous a visités; illuminare, éclairer, c'est-à-dire, afin d'éclairer, pour éclairer, ceux, etc., pour diriger nos pas dans la voie de la paix.

            On voit que d'après ce passage toute la science du salut tend à la voie de la [373] paix, c'est-à-dire à la voie et à la vie chrétienne dont la paix est le caractère, en quatre manières. Ainsi les Anges résument de cette sorte tout le livre de la Rédemption: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Et le Christ [donna cet ordre] à ceux qui devaient prêcher l'Evangile: En quelque maison que vous entriez, etc., dites: Paix à cette maison; c'est-à-dire, la paix de l'Evangile, l'Evangile de paix. Du reste, ayez la paix, et le Dieu de paix et de dilection sera avec vous. [Le Christ] en venant vous a annoncé la paix; car il est notre paix. C'est pourquoi le Temple [de Jérusalem] fut bâti par Salomon; Salomon et Sulamite signifient pacifique. La justice paraîtra de son temps avec une abondance de paix. Ses victoires paisibles et amoureuses: Ceignez votre glaive sur votre cuisse, [roi] très puissant. Prince de la paix.

            Bien que cette paix soit surtout spirituelle, cependant elle est aussi temporelle; car la loi évangélique exclut toute guerre: Ils transformeront leurs glaives en socs et leurs lances en faulx. Règne d'Auguste. Le Christ appelle souvent les Chrétiens, brebis. Toutefois, la guerre est permise à cause de la malice des hommes: on peut repousser la force par la force. Et c'est [374] pourquoi notre Jean [reçoit les soldats]; le centurion et tant de rois sont saints. La guerre est un effet de la justice divine.

            Mais combien nous sommes heureux! Voici que la paix nous arrive contre toute attente, et pour la plus grande gloire de notre Prince qui a mesuré son épée avec celle du plus puissant Roi. Puisse-t-elle durer! C'est mon désir, il se réalisera, 1. si nous rendons à Dieu les actions de grâce qui lui sont dues; les sources se dessèchent si personne n'y puise. L'Ange adressa ces paroles à Gédéon: Que la paix soit avec toi, tu ne mourras pas; il bâtit un autel au Seigneur et il l'appela: Paix du Seigneur.

            2. Pline dit: «Ne comprimez ni ne gaulez l'olivier.» Ceux qui aiment votre loi jouissent d'une grande paix, et il n'y a pas pour eux de scandale. On donnera à celui qui a, et on ôtera à celui qui n'a pas. La paix ne doit pas être oisive, mais tranquille.

            3. Qu'il n'y ait pas de querelles ni de contestations. Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a point. Tous cherchent leurs intérêts et non les intérêts de Jésus-Christ.

            4. et 5. Leçons à tirer de l'exemple du bienheureux Amédée. Rendez le jugement et la justice (La justice et la paix se sont embrassées), et aimez les pauvres: Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a point. [375]

 

CXLVII. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge

 

15 août 1618

 

(INÉDIT)

 

ANNO 1618. ANNESSII

 

Quae est ista quae progreditur quasi aurora consurgens, pulchra ut luna, electa ut sol, terribilis ut castrorum acies ordinata?

[Cant., VI, 9.]

 

            Zeuxis imaginem pinxit mirabilem, quam dixit «potius admiratam iri quam imitatam.» Et ecce Ecclesia vobis ob oculos ponit Assumptionem, quam et vos admirari vult et imitari.

            Sanctus Bernardus, serm. 2 in Vigilia Nativitatis Domini: «Proficere est quoddam proficisci.» Psal. 83: Beatus vir cujus est auxilium abs te; ascensiones in corde suo disposuit, in valle lacrymarum, [376] in loco quem posuit. Etenim benedictionem dabit legislator, ibunt de virtute, etc. Bernardus ad Garinum: «Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum, propter retributionem.» Ouam mire Sanctus Bernardus exagitat eos qui proficere nolunt, epistola 341: «Qui se dicit in Christo manere, debet sicut et ille ambulavit et ipse ambulare; Jesus autem crescebat et proficiebat, sapientia et aetate et gratia

            Ergo Beata Domina crevit, ut aurora, a conceptione ad maternitatem; unde Angelus gratia plenam invenit, et Spiritus Sanctus qui venerat, supervenit. Invenisti gratiam. Noë, Abraham, Joseph. Vide pag. 135. [377]

 

 

 

ANNÉE 1618. ANNECY

 

            Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, éclatante comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille?

 

            Zeuxis peignit une image admirable, de laquelle il déclara qu'elle serait «plutôt admirée qu'imitée.» Et voici que l'Eglise vous met sous les yeux l'Assomption [de la Sainte Vierge], voulant que vous l'admiriez et l'imitiez.

            Saint Bernard, dans son sermon n° pour la veille de la Nativité du Seigneur, dit que «l'avancement dans la vie spirituelle est semblable à un voyage.» Bienheureux l'homme dont le secours vient de vous; il a disposé des ascensions [376] dans son cœur, dans la vallée de larmes, dans le lieu qu'il a fixé. Car le législateur donnera sa bénédiction, ils iront de vertu, etc. Saint Bernard à Guérin: «J'ai incliné mon cœur à accomplir éternellement vos justifications en vue de la récompense.» Combien admirablement saint Bernard, dans son épître CCCXLIe, presse-t-il ceux qui ne veulent pas avancer: «Celui qui dit demeurer dans le Christ, doit marcher lui-même comme il a marché; or Jésus croissait et avançait en sagesse, en âge et en grâce

            Donc notre bienheureuse Souveraine grandit comme l'aurore depuis sa conception jusqu'à sa maternité; c'est pourquoi l'Ange la trouva pleine de grâce, et l'Esprit-Saint qui était déjà venu, vint en elle avec plénitude. Tu as trouvé grâce. Noé, Abraham, Joseph. Voir page 135. [377]

 

CXLVIII. Recueil de notes pour l'Avent

 

Decembre 1618

 

            Job, 15. v. 35: Hypocrita concepit dolorem et peperit iniquitatem, et uterus ejus praeparat dolos. Job, 4. v. 2: Si caeperimus loqui, forsitan moleste accipies; sed conceptum sermonem quis tenere poterit? Parole sunt Eliphaz Themanites.

            Proverb. 8: Nondum erant abissi, et ego jam concepta eram; ante omnes colles ego parturiebar. Is. 26. 17, [18]: Sicut quae concipit, cum appropinquaverit ad partum, dolens clamat in doloribus suis, sic facti sumus a facie tua, Domine. Concepimus, et quasi parturivimus, et peperimus spiritum; salutes non fecimus in terra, ideo non ceciderunt habitatores terræ. Salutes non fecimus, id est, spem [378] salutis nostrae non posuimus, in terra; quasi parturivimus, quia peccator dolet et de dolore gaudet. Pacifica est ista amaritudo.

            Is. 33. v. 11: Concipietis ardorem, parietis stipulam; spiritus vester ut ignis vorabit vos.

            Is. 59. v. 4: Non est qui invocet justitiam neque est qui judicet vere, sed confidunt in nihilo et loquuntur vanitates; conceperunt dolorem et pepererunt iniquitatem. Vide locum egregium, v. 13: Concepimus, et locuti sumus de corde verba mendacii. Jac. 1: Concupiscentia cum conceperit, parit peccatum. Psal. 7: Ecce parturiit injustitiam, concepit dolorem et peperit iniquitatem; lacum aperuit et effodit eum, incidit in foveam quam fecit.

            Ro. 8. v. 28: Scimus autem quoniam, etc. Nam quos prescivit, et praedestinavit conformes fieri imaginis Filii sui, ut sit ipse primogenitus in multis fratribus. Stigmata; ad Gal. 6. O insensati Galatae, quis vos fascinavit non obedire veritati, ante quorum oculos Christus praescriptus est in vobis crucifixus? Gal. 3.

            Is. 37: Venerunt filii usque ad partum, et virtus non erat pariendi. Is. 66: Antequam parturiret [379] peperit, antequam veniret partus ejus peperit masculum; quis audivit unquam tale, aut quis videbit huic simile? Damasc., 1. 4 de Fide orth., c. 15, de Virgine interpretatur.

            Filioli, quos iterum parturio, donec formetur in vobis Christus; Gal. 4. v. 19. Job, 39, v. 1. et 3: Nunquid parturientes cervas observasti? Incurvantur ad foetum et pariunt, et rugitum emittunt. Greg., [1.] 30. Moral., c. 11, id ad Paulum accommodat, parturientem iterum Galatas.

            Galat., supra: Vellem autem esse apud vos modo, et mutare vocem meam; variis nimirum inflexionibus, nunc blandiens, nunc irascens, nunc plangens. Bernardus ait nos matres esse debere.

            Ephes. 4. v. 23. [24]: Renovamini spiritu mentis vestrce, et induite novum hominem qui secundum Deum creatus in justitia et sanctitate veritatis. Jo. c. 16. v. 21: Mulier cum parit, etc. Parvulum Christum esse est Ruperti sententia, et plerique Graeci; vide Maldonatum. Ro. 13: Induimini Dominum nostrum Jesum Christum, dupliciter: pro merito, pro expressione habituum. [380]             Luc. 8: Mater mea et fratres mei hi sunt qui audiunt Mot Dei; audiunt et faciunt. Mat. 12: Qui fecerit voluntatem Patris mei, ille meus frater, et soror, et mater est: frater, quia ego facio; et soror similiter, ut includat utrumque sexum; et mater, quia me in corde suo concepit et deinde parit. Augustinus, 1. De Sancta Virginitate, c. 5, consolatur virgines quia matres Christi esse possunt.

            Psal. 21: Quoniam tu es qui extraxisti me de ventre. Augs, epistola 81, ad Siricium. Job eductus est de vulva ut caeteri; at Christus de ventre.

            Gal. 2: Christo confixus sum cruci; vivo ego, jam non, [etc.] [381]

 

 

 

            L'hypocrite a conçu la douleur et il a enfanté l'iniquité, et son cœur prépare des fourberies. Si nous commençons à parler, peut-être le supporteras-tu avec peine; mais qui pourrait retenir le discours qu'il a conçu? Ce sont les paroles d'Eliphaz le Thémanite.

            Les abîmes n'étaient pas encore, et moi j'étais déjà conçue; avant toutes les collines j'étais enfantée... Comme celle qui a conçu, lorsqu'elle approche de l'enfantement, souffre et crie dans ses douleurs, ainsi sommes-nous devenus devant votre face, Seigneur. Nous avons conçu, nous avons été comme en travail, et nous avons enfanté l'esprit; nous n'avons pas mis notre salut dans la terre, c'est pour cela que les habitants de la terre ne sont pas tombés. Nous n'avons pas mis notre salut, c'est-à-dire, nous n'avons pas mis l'espérance [378] de notre salut dans la terre; nous avons été comme en travail, parce que le péchèur s'attriste et se réjouit de sa douleur. Cette amertume est paisible.

            Vous concevrez de la flamme et vous enfanterez de la paille; votre esprit vous devorera comme le feu.

            Il n'est personne qui invoque la justice ni qui juge dans la vérité, mais ils se confient dans le néant et parlent de vanités; ils ont conçu la douleur et ils ont enfanté l'iniquité. Voir le remarquable passage: Nous avons conçu et proféré de notre cœur des paroles de mensonge... Lorsque la concupiscence a conçu, elle enfante le péché... Voila qu'il a enfanté l'injustice, il a conçu la douleur et mis au monde l'iniquité; il a ouvert un abîme et il Va creusé, il est tombé dans la fosse qu'il avait faite.

            Or nous savons que, etc. Car ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés pour être conformes a l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de frères. Les stigmates. O Galates insensés, qui vous a fascinés pour ne pas obéir a la vérité, vous aux yeux de qui a été dépeint Jésus-Christ crucifié au milieu de vous?

            Les enfants ont été prêts a sortir du sein de leur mère, et elle n'a pas eu la force de les enfanter... Avant qu'elle fût en travail elle a enfanté, avant que [379] vînt le temps de son enfantement elle a mis au monde un enfant mâle; qui a jamais ouï une telle chose, et qui a vu rien de semblable? Saint Jean Damascène, De la Foi orthodoxe, liv. IV, chap. XV, interprète ce passage de la Sainte Vierge.

            Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous... As-tu observé les biches lorsqu'elles enfantent? Elles se courbent pour produire leur fruit et elles le mettent au jour, et elles poussent des rugissements. Saint Grégoire, dans ses Morales, liv. XXX, chap. XI, applique ce texte à saint Paul, enfantant de nouveau les Galates.

            Mais je voudrais être maintenant près de vous, et changer mon langage; c'est-à-dire, varier les inflexions de ma voix, tantôt caressant, tantôt me courrouçant, tantôt pleurant. Saint Bernard dit que nous devons être des mères.

            Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité... La femme lorsqu'elle enfante, etc. D'après Rupert et plusieurs Grecs, l'enfant doit être le Christ; voir Maldonat. Revêtez-vous de notre Seigneur Jésus-Christ, d'une double façon: pour participer à ses mérites, pour reproduire ses vertus. [380]

            Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, qui l'écoutent et qui l'accomplissent. Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère: mon frère, parce que moi-même je le rends tel; et également ma sœur, pour comprendre les deux sexes; et ma mère, parce qu'il m'a conçu dans son cœur et ensuite il m'enfante. Saint Augustin, livre De la sainte Virginité, chap. V, console les vierges, puisqu'elles peuvent être mères de Jésus-Christ.

            Parce que c'est vous qui m'avez tiré du sein de ma mère...

            Je suis cloué à la croix avec le Christ; je vis, non plus, [etc.] [381]

 

CXLIX. Sommaire d'un sermon pour le troisième Dimanche de l'Avent

 

15 décembre 1618

 

(INÉDIT)

 

            1. Suppono salutem Christum aeternam attulisse, ideo non nisi ab inimicis salutis liberasse; 2. tres inimicos; 3. arma esse luctationes eorum.

            Eph. 6: De caetero, fratres, confortamini in Domino et in potentia virtutis ejus; induite vos armaturam Dei, ut possitis stare adversus insidias diaboli; non enim est, [etc.,] sed adversus principes et potestates, adversus mundi rectores tenebrarum harum, contra spiritualia nequitiae in celestibus. Diabolus caput inimicorum, utitur enim caeteris; unde: angelus Satanae, carnis stimulus; hæc omnia tibi dabo. Utuntur malitiis, ut oyseau de proye; Cassianus. [382]

            Exemplum illustre Joannes. Parhelion in die Nativitatis [Christi], ex Eusebio, refert Bonaventura. Plinius se plures vidisse, semper a latere solis.

            Magna tentatio angelica, quae habet in intimo spiritu factionem, amorem proprium; unde angelus, sine externa tentatione, etc. Major tentatione primorum parentum. Donner la carte blanche. O si nobis daretur, quid faceremus? Credituri erant quicquid diceret.

            Tu quis es? scilicet: Esne Christus? Confessus est et non negavit. Descendunt: Helias es tu? Non sum. Propheta es tu? Non. Quid ergo? quid dicis de teipso, ut responsum, [etc.] Ego vox clamantis in deserto, etc. Videte descensum: Non sum dignus solvere corrigiam, etc.

            Sed redeamus. Confessus est et non negavit. (Nos saepe confitemur et negamus, etiam in confessione.) Nam in ea: Tu quis es? confitentur et negant. Non. De tentationibus refellendis.

            In fine, de Christiano Eusebii. Deinde: Christus es tu? [383]

 

 

 

            1. Je présuppose que le Christ nous a apporté le salut éternel, et, partant, ne nous a délivrés que des ennemis du salut; 2. qu'il y a trois ennemis; 3. qu'ils nous livrent bataille.

            Du reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa vertu; revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable; car ce n'est pas, etc., mais c'est contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air. Le diable est le chef des ennemis, car il met en action tous les autres; de là ces expressions: ange de Satan, aiguillon de la chair; je vous donnerai toutes ces choses. Ils se servent de ruses, comme l'oiseau de proie; Cassien. [382]

            Jean est un exemple célèbre [de la résistance aux tentations]. Il était une sorte de parhélie. Saint Bonaventure, d'après Eusèbe, rapporte qu'il en parut un le jour de la Nativité [du Christ], Pline dit en avoir vu bon nombre, toujours à côté du soleil.

            Grande tentation [de Jean]; comme celle de l'ange, elle éveille une correspondance dans l'intime de l'amour-propre; c'est pourquoi l'ange, sans être attaqué extérieurement par la tentation, etc. Celle qu'il soutient est plus forte que la tentation de nos premiers parents... Oh! si elle nous était offerte, que ferions-nous? [Les envoyés de la Synagogue] étaient pjêts à croire tout ce qu'il dirait.

            Qui es-tu? c'est-à-dire: Es-tu le Christ? Il confessa et il ne le nia point. Ils descendent: Es-tu Elie? Je ne le suis pas. Es-tu le Prophète? Non. Quoi donc ? que dis-tu de toi-même, afin que [nous donnions] une réponse, [etc.] Je suis la voix de Celui qui crie dans le désert, etc. Voyez l'abaissement: Je ne suis pas digne de délier la courroie, etc.

            Mais revenons. Il confessa et il ne le nia point. (Nous, souvent nous confessons et nous nions, même dans la confession.) En faisant cette question: Qui es-tu? ils confessent et ils nient. Non. De la manière de repousser les tentations.

            Pour la fin [du sermon], le Chrétien d'Eusèbe. Ensuite: Es-tu le Christ? [383]

 

CL. Plan d'un panégyrique de sainte Geneviève

 

3 janvier 1619

 

PRO DIE 3. ANNI 1619, IN FESTO SANCTAE GENOVEFAE

APUD SANCTUM SULPITIUM

 

            1°. «Ille tenet et quod latet et quod patet in Divinis Sermonibus qui charitatem tenet in moribus;» August., serm. de Laudibus Charitatis. «De Caelo in coenum;» Tertull., lib. De Spectaculis, c. 25.

«Qui Curios simulant et bacchanalia vivunt.»

De cursu suo ludere ut proteus et chamaeleon, qui ad placitum colores omnes in cursu suo exprimunt, praeter rubrum et album. I Cor. 9: Sic curro, non quasi in [384] incertum; sic pugno, non quasi aerem verberans. Gladiatores antequam ad manus veniant, quoddam praelii specimen exerunt. Tertul., lib. De Pudicitia, c. 10: «Funambule pudicitiae!» Vocat funambulum pudicitiae qui perdendae pudicitiae magno se periculo committit temere. Leones in pace, cervi in praelio.

            2°. Exod., c. 38: Fecit et labrum ceneum cum basi sua de speculis mulierum quce excubabant in ostio tabernaculi. (Hebraei: Il fit le cuveau d'airain et son sousbassement d'airain, auquel la remembrance de l'assemblee qui commençoit a la porte du tabernacle de convenance, apparoissoit.

            Sed ipsi fatentur Hebraice legi secundum versionem nostram, et Hebraeos dicere de speculis et mulieribus quod minime decuit, nimirum mulieres devotas specula sua quae de more serea erant ex placito contulisse, quia abjecta vanitate Deo et Templo vacabant.) Ut si les dames darent hujusmodi specula sua aurea et ornata, quibus se tam inaniter aspiciunt ad cerusam et alia unguenta vultibus suis imponenda!

            Quae excubabant in ostio tabernaculi. Septuaginta, [385] jejunabant; Chald., orabant; Cajetanus, exercitantes; Hebr., militabant, vel excubabant. Et erant Deo devotae, quas filii Heli polluebant cum eis coeuntes, I Reg., 2. Et filiae quae reclusae erant, 2 Mach., 3. In hac militia, ait Chrysost., homil. 8 in Matth., «saepe fortius viris foeminae decertarunt.» Ambrosius, lib. 1 De Virginibus, eas appellat indefessas, infatigabiles milites castitatis.

            Or, certum est Beatam Genovefam (multasque Sanctas) hujusmodi specula non dedisse, quae nunquam habuit, sed dedit mysticum speculum: exemplum mirabile quod nobis dedit qui lavari ac mundari volumus; nostros repraesentat vultus conservandos. Nam habuit nihil ipsa, pastoribus nata, et pastor ut Rachel, Rebecca et aliae antiquae virgines; deinde non vanitati unquam inservivit.

            3°. Documenta. 1. Gratia Christi eminet in sexu [debili] et infirmo, ut gratia Dei sit gratia. I Cor. 1: Non me misit Deus baptizare, sed evangelizare; non in sapientia verbi, ut non evacuetur crux Christi. Mot enim crucis pereuntibus quidem stultitia est, iis autem qui salvi fiunt, id est, nobis, virtus Dei est. Scriptum est enim: Perdam sapientiam sapientium, et prudentium prudentiam reprobabo. [386] Ubi sapiens? ubi scriba? ubi conquisitor hujus saeculi? Nonne stultam fecit Dominus sapientiam hujus mundi? Quod stultum est Dei sapientius est hominibus, et quod infirmum est Dei fortius est hominibus. Quae stulta sunt mundi elegit Deus ut confundat sapientes, et infirma mundi elegit Deus ut confundat fortia, et ignobilia mundi ac contemptibilia elegit Deus, et ea quae non sunt ut ea quae sunt destrueret, ut non glorietur omnis caro in conspectu ejus. 2 Cor. 12: Ne magnitudo revelationum extollat me, datus est mihi stimulus, etc. Et dixit mihi: Sufficit tibi gratia mea. De Angelis: Ut non glorietur omnis caro in conspectu ejus. Diffidentia, humilitas: se gubernandam dedit, obedivit Episcopis.

            2. Omnes qui volunt, etc., ut funambuli timere debent, se segregare, jejunare, orationibus insistere, nam incauti pereunt. Tota caelestis, ut intuitur Caelum lacrymatur. Defecerunt oculi mei in eloquium tuum, dicentes: Quando consolaberis me?

            3. Confidentia in Deum et pietas. [387]

POUR LE 3E JOUR DE L'ANNÉE 1619, EN LA FÊTE DE SAINTE GENEVIEVE A SAINT-SULPICE

 

            1. «Celui qui dans sa conduite garde la charité, observe tout ce qui est insinué ou explicitement ordonné dans la Sainte Ecriture;» saint Augustin, sermon sur les Louanges de la Charité. «Du Ciel dans la boue;» Tertullien, livre Des spectacles, chap. XXV.

«Ceux qui simulent les Curions et vivent dans l'orgie.»

Pendant le cours de sa vie, jouer le rôle d'un protée et d'un caméléon, qui, dans leur course, reflètent à plaisir toutes les couleurs, sauf le rouge et le blanc. Pour moi, je cours, mais non au hasard; je combats et je ne donne pas [384] des coups en l'air. Avant d'en venir sérieusement aux mains, les gladiateurs engageaient un essai de combat. Tertullien, livre De la Pudicité, chap. X: «O funambule de la chasteté!» Il appelle funambule de la chasteté celui qui s'expose témérairement à un grand péril de perdre cette vertu. Lions dans la paix, cerfs à la guerre.

            2. Il fit encore un bassin d'airain avec sa base, des miroirs des femmes qui veillaient à la porte du tabernacle. D'après les Juifs: [Reprendre au texte, lig. g.]

            Cependant les Juifs eux-mêmes avouent que notre version représente le texte original, mais qu'il ne faut pas en conclure que les femmes pieuses offraient leurs miroirs, ordinairement d'airain, parce que déjà elles avaient rejeté la vanité pour vaquer au service de Dieu et du Temple). Oh! [qu'il serait à souhaiter] que les dames offrissent semblablement les miroirs dorés et ornés dans lesquels elles se regardent si sottement pour appliquer sur leur visage la céruse et autres fards!

            Celles qui veillaient à la porte du tabernacle. La version des Septante porte, [385] celles qui jeûnaient; la Chaldaïque, celles qui priaient; Cajetan, celles qui s'exerçaient, et l'hébreu, celles qui militaient ou veillaient... Et les vierges qui étaient retirées. Dans cette milice, dit saint Chrysostôme dans sa VIIIe homélie sur saint Matthieu, «les femmes ont souvent combattu plus vaillamment que les hommes.» Saint Ambroise, livre I Des Vierges, les appelle invincibles et infatigables soldats de la chasteté.

            Or, il est certain que la bienheureuse Geneviève, ainsi que beaucoup d'autres Saintes, n'a pas donné de ces miroirs, puisqu'elle n'en avait pas; mais elle a donné un miroir mystique dans l'admirable exemple qu'elle nous a laissé, à nous qui voulons nous laver et nous purifier; miroir dans lequel nous voyons notre visage intérieur dont nous devons prendre soin. Sainte Geneviève ne possédait rien: fille de bergers, elle était bergère elle-même, comme Rachel, Rébecca, et les autres vierges antiques; de plus, elle ne fut jamais asservie à la vanité.

            3. Conséquences morales. 1. La grâce du Christ éclate dans le sexe [faible] et infirme, afin que la grâce divine soit réellement grâce. Dieu ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour prêcher l'Evangile; non point toutefois selon la sagesse de la parole, afin de ne pas anéantir la croix du Christ. Car la parole de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, c'est-à-dire pour nous, elle est vertu de Dieu. C'est pourquoi il est [386] écrit: Je détruirai la sagesse des sages et je réprouverai la prudence des prudents. Où est le sage? où est le scribe? où est l'investigateur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde? Ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes. Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages; Dieu a choisi ce qui est infirme selon le monde pour confondre ce qui est fort; Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas pour détruire celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence... De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât, il m'a été donné un aiguillon, etc. Et il m'a dit: Ma grâce te suffit. [Faire allusion à la chute] des Anges: Afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence. Défiance, humilité: elle se livra à la direction d'autrui, elle obéit aux Evêques.

            2. Tous ceux qui veulent [conserver la chasteté] doivent craindre comme des funambules, vivre dans la retraite, jeûner, prier avec insistance, car les imprudents périssent. Geneviève devenue toute céleste, répand des larmes chaque fois qu'elle regarde le Ciel. Mes yeux ont défailli dans l'attente de votre parole, disant: Quand me consolerez-vous?

            3. Confiance en Dieu et piété. [387]

CLI. Notes d'un sermon pour la fête du Saint Sauveur

 

4 février 1619

 

(INÉDITES)

 

AD FESTUM DOMINI NOSTRI SALVATORIS

IN ORATORIO, 4. FEBRUARII

 

Sublevatis Jesus oculis in caelum dixit: Pater, venit hora; clarifica Filium tuum, ut Filius tuus clarificet te.

Jo. 17. v. 1.

 

            I. Cor. 3: Omnia vestra sunt, vos autem Christi, Christus autem Dei, v. 22. Omnia nostra sunt: ad usum nostrum et propter nos; vos Christo, ut domini et [388] capitis emptitii servi et membra. Omnia creavit propter electos, electos autem propter Christum, Christus autem propter Deum est. Ad Rom. I: Qui praedestinatus est Filius Dei, v. 4. Heb. I: Tanto melior Angelis effectus, quanto differentius proe illis nomen haereditavit; cui enim dixit aliquando Angelorum? [etc.] Heb. 1. v. 2: Quem constituit haeredem universorum, per quem fecit et secula. Ut patres omnia faciunt in gratiam filiorum, thesaurisant enim filiis, ut ait Paulus, sic Deus Pater omnia fecit propter Filium; nam, ut notat Cornelius, Filius Dei ut Deus haeres est naturalis; at ut homo constitutus est haeres.

            In capite libri scriptum est de me (libri praedestinationis, ut aliqui aiunt apud Cornelium); Heb. 10, Psal. 39. Jesus Christus heri, et hodie, ipse et in secula; Heb. 13. v. 8.

            Heb. 5. v. 7: Qui in diebus carnis suae, praeces supplicationesque ad eum qui possit illum salvum facere a morte, cum clamore valido et lachrymis offerens, exauditus est pro sua reverentia. Active et passive; Greci et Anselmus. Favet pro reverentia passiva quod sequitur: Et quidem cum esset Filius Dei, didicit ex iis quae passus est obedientiam. [389]

            Ad Eph. I: Et ipsum dedit caput supra omnem Ecclesiam. Apoc. 3. v. 14: Principium creaturae Dei. In Christo majestas et amor.

            Prosper, sententia 30: Quid futurus est homo, propter quem Deus factus est homo! [390]

 

 

 

POUR LA FÊTE DU SAUVEUR NOTRE SEIGNEUR A L'ORATOIRE, 4 FÉVRIER

 

            Jésus levant les yeux au ciel dit: Mon Père, l'heure est venue; glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie.

 

            Tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est a Dieu. Tout est à nous: à notre usage et pour nous; vous êtes au Christ, comme les esclaves sont au maître qui les a achetés, et les membres, au chef. Il a tout [388] créé pour les élus; or les élus ont été créés pour le Christ et le Christ, pour Dieu. Qui a été prédestiné Fils de Dieu. Ayant été fait d'autant supérieur aux Anges, que le nom qu'il a repu en partage est bien différent du leur; car auquel des Anges a-t-il jamais dit? [etc.] Qu'il a constitué héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles. Comme les pères font tout en vue de leurs enfants, car ils thésaurisent pour eux, ainsi que dit saint Paul, de même Dieu le Père a tout fait pour son Fils, parce que, selon la remarque de Corneille, le Fils de Dieu, en tant que Dieu, est héritier naturel, et en tant qu'homme il a été constitué héritier.

            Il est écrit de moi en tête du livre (du livre de la prédestination, comme disent quelques-uns, d'après Corneille). Jésus-Christ était hier, il est aujourd'hui, et il sera dans tous les siècles.

            Qui, durant les jours de sa chair, ayant offert avec un grand cri et avec des larmes ses prières et ses supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort, a été exaucé à cause de sa révérence. On peut l'entendre d'une révérence active ou d'une révérence passive; voir les Grecs et Anselme. La suite prouve en faveur de la révérence passive: Et même, quoiqu'il fût le Fils de Dieu, il a appris l'obéissance par ce qu'il a souffert. [389]

            Et il l'a établi chef sur toute l'Eglise. Le principe des créatures de Dieu. Dans le Christ, la majesté et l'amour.

            Prosper, sentence 30: A quelle élévation doit arriver l'homme, pour lequel un Dieu s'est fait homme! [390]

 

CLII. Sommaire d'un sermon pour le Dimanche de la Septuagésime

 

16 février 1620

 

(INÉDIT)

 

DOMINICA SEPTUAGESIMAE, APUD S. JACOBUM

 

Conventione autem facta, [etc.] Ite et vos in vineam meam, et quod justum fuerit dabo vobis.

[MATT., XX, 2, 4.]

 

            Illustrissima ac fertilissima parabola, sed quae maximum dicendi segetem offert, quam si colligere vellemus tota dies non sufficeret. Vindemiam multam haec nobis vinea suppeditat, sed scriptum, Deuteron. XXIII: Ingressus vineam proximi tui, comede uvas quantum tibi placuerit, foras autem ne efferas tecum. Ergo quantum unica hora, id enim placet comedere, [391] poterimus, comedemus, dicemusque: 1°. Deum nobis laborem quemdam indixisse; 2°. huic labori mercedem parasse; 3°. pro ratione laboris mercedem accepturos esse.

 

            Job, 5. v. 7: Homo nascitur ad laborem (Cal., ad laborandum in Lege), et avis ad volatum. Ps. 127: Labores manuum tuarum quia manducabis. I. Cor. 3. v. 8: Unusquisque autem propriam mercedem accipiet secundum suum laborem. 2. ad Thess. 3. 10: Hoc denunciamus vobis, quoniam si quis non vult operari nec manducet. Gen. 3: In sudore vultus tui vesceris pane tuo. Ad Gal. 6: Bonum autem facientes non deficiamus, tempore enim suo metemus. «Antoni, quaeris Deo placere? ora et labora.» Gen. 2. v. 15: Tulit ergo Dominus Deus hominem et posuit eum in paradisum, ut operaretur et custodiret illum; Augustinus: «illum hominem.» Inertia omnium peccatorum origo. Mulier fortis, Prov. 31, operata est consilio manuum suarum. Unde lex Domini jugum est, aratrum; Ecclesia, vinea.

 

            Omnibus omnia factus ut omnes facerem salvos. [392] Omnia autem facio propter Evangelium, ut particeps ejus efficiar. Nescitis quod ii qui in stadio currunt? etc.; sic currite ut comprehendatis. Bernard., ad Garinum: «Exultavit ut gigas ad currendam viam; currentem non apprehendit qui et ipse pariter non currit.» Bonum certamen certavi, cursum consummavi, fidem servavi; in reliquo reposita est mihi corona justitiae.

            Adrianus audiens Martires, etc.; Cornelius [Comment. in] I. Cor. 2. v. 9. Simphorianus, Nicolaus Tolentinas.

 

            2. ad Cor. c. 4: Id enim quod momentaneum est et leve tribulationis nostrae, supra modum in sublimitate aeternum gloriae pondus operatur in nobis; non contemplantibus nobis quae videntur, sed quae non videntur. Sine fide, Heb. XI. v. 6, impossibile est placere Deo; credere enim opportet accedentem ad Deum quia est, et quia inquirentibus se remunerator sit. Ibid. v. 24: Fide Moyses grandis factus negavit se esse filium filiae Pharaonis, magis eligens affligi cum populo Dei, quam temporalis peccati habere jucunditatem, majores divitias aestimans thesauro AEgiptiorum improperium Christi, aspiciebat enim in retributionem. (Filia Pharaonis Termut.) [393]

            Non sunt condignæ. Sanctus Franciscus Fratri: «Et a cause des biens que j'attens,» etc. Bernardus, De Convers., ad Cler.: «Non sunt condignæ ad culpam praeteritam quae remittitur, ad consolationem quae immittitur, ad gloriam quae promittitur.» Redemptori, Creatori, Glorificatori.

            Augs., in Psal. 93: «Venale habeo. Quid, Domine? Regnum caelorum. Quo emitur?» [etc.] Paupertate regnum, dolore gaudium, labore requies, vilitate gloria, morte vita, momento aeternitas.

            Denarium promittit, ait Irenaeus, apud Maldonatum, quia Regis imaginem habet. [394]

 

 

 

DIMANCHE DE LA SEPTUAGÉSIME, A SAINT-JACQUES

 

            Or, convention faite, [etc.] Allez vous aussi à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste.

 

            Parabole très célèbre et très féconde, mais qui offre une si grande moisson de considérations pieuses, que si nous voulions toutes les recueillir, la journée n'y suffirait pas. Cette vigne est chargée d'une copieuse vendange, toutefois il est écrit: Etant entré dans la vigne de ton prochain, mange des raisins autant qu'il te plaira, mais n'en emporte point avec toi. Donc, pendant une heure, puisque c'est l'espace de temps destiné à cette manducation spirituelle, nous [391] mangerons autant que nous pourrons, et nous dirons: premièrement, que Dieu nous a destiné un certain travail à accomplir; secondement, qu'à ce travail il a préparé une récompense; et en troisième lieu, que la récompense sera proportionnée au travail accompli.

            L'homme naît pour le travail (d'après Cal., pour travailler dans la Loi), et l'oiseau pour voler... Parce que tu mangeras le fruit du travail de tes mains... Mais chacun recevra son propre salaire selon son travail... Nous vous déclarons ceci: si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange point... Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front... Or, faisant le lien, ne nous lassons point, car nous moissonnerons en son temps. «Antoine, cherches-tu à plaire à Dieu? prie et travaille.» Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le plaça dans le paradis pour le cultiver et le garder; d'après [une des interprétations proposées par] saint Augustin, c'était pour «garder l'homme.» La paresse est la source de tous les péchés. La femme forte a travaillé par le conseil de ses mains. C'est pourquoi la loi du Seigneur est un joug, une charrue; l'Eglise, une vigne.

            Je me suis fait tout à tous pour les sauver tous. Je fais toutes choses pour l'Evangile afin d'en être participant. Ne savez-vous pas que ceux qui courent [392] dans la lice? etc.; courez de telle sorte que vous remportiez le prix. Saint Bernard à Guérin: «Il a exulté comme un géant pour parcourir sa carrière; on ne saisit pas celui qui court si l'on ne court aussi vite que lui.» J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi; reste [à recevoir] la couronne de justice qui m'est réservée.

            Saint Adrien entendant les histoires des Martyrs, etc.; voir Corneille, [dans son Commentaire sur la] Ire Epître aux Corinthiens, chap. II, v. 9. Saint Symphorien, saint Nicolas de Tolentin.

            Car ce qu'il y a de momentané et léger dans notre tribulation opère en nous sans mesure dans la sublimité un poids éternel de gloire; nous ne contemplons point les choses qui se voient, mais celles qui ne se voient pas. Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu, car il faut que celui qui s'approche de Dieu croie qu'il est, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. C'est par la foi que Moïse devenu grand, nia d'être fils de la fille de Pharaon, préférant être affligé avec le peuple de Dieu plutôt que de goûter pour un temps le plaisir du péché, estimant l'opprobre du Christ une richesse plus grande que le trésor des Egyptiens, parce qu'il envisageait la récompense. (La fille de Pharaon se nommait Termut.) [393]

             [Les souffrances] ne sont pas dignes d'être comparées. Saint François au Frère: «Et à cause des biens que j'attends,» etc. Saint Bernard, Aux Ecclésiastiques, sur la Conversion: «Elles ne sont pas dignes d'être comparées à la faute passée qui est remise, à la consolation qui est communiquée, à la gloire qui est promise.» [Nous souffrons pour notre] Rédempteur, pour notre Créateur, pour notre Glorifîcateur.

            Saint Augustin, sur le Psaume XCIII, [suppose ce dialogue entre Dieu et l'homme]: «J'ai quelque chose à vendre. Quoi, Seigneur? Le Royaume des cieux. A quel prix?» [etc.] Pour la pauvreté, un royaume; pour la douleur, la joie; pour le travail, le repos; pour l'humiliation, la gloire; pour la mort, la vie; pour un moment, l'éternité.

            Il promet un denier, dit saint Irénée, d'après Maldonat, parce qu'il porte l'image du Roi. [394]

 

CLIII. Notes d'un sermon pour le jeudi après le deuxième Dimanche de Carême

 

11 mars 1621

 

(INÉDITES)

 

            Chrisost., super Mat.: Tortuosi cameli, Gentium animae; acus, Filius Dei, cujus pars subtilis Divinitas, grossior humanitas; per cujus vulnus Passionis ingredimur. Gentes irrationales, cameli, deposito onere idololatriae, ingrediuntur facilius quam Judaei, divites cognitione misteriorum, depositis divitiis. Haec acus tunicam immortalitatis consuit: spiritui carnem, Judaeos Gentibus, Angelos hominibus, Caelum terrae.

            Aug., apud Jansen., et D. Greg., apud Thom.: Acus pungens Passio; camelus intrans Christus, onustus peccatis nostris; facilius camelus ingreditur, quia [395] nisi ingressus esset, nequaquam dives ingrederetur aut elatus. Glossa quaedam de porta Hierusalem, fabulosa.

            Utrumque impossibile; sed facilius prius Deo, quia nullam affert repugnantiam Deo; secundum difficilius, quia suo libero arbitrio homo repugnat. D. Aug., super illud: Majora horum faciet.

            Hieron. et Chrisost.: [impossibile,] id est, valde difficile, per hiperbolem: Si potest AEthiops mutare pellem suam, etc.; Hierem. 13.

            Hieron. (Is. 60): Inundatio camelorum operiet, dromedarii Madiam et Epha. Theophilactus dupliciter: in sensu diviso (Pelagiani, apud Aug., ep. 89), et de divite et habente divitias.

            Euthimius. Beatus dives qui inventus est sine macula.

            Capreae.

            Triplex paupertas: professionis, usus et affectionis. [396]

 

 

 

            Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu: Les chameaux difformes figurent les âmes des Gentils; le Fils de Dieu est l'aiguille dont la pointe est la Divinité, la partie plus épaisse, l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa Passion que nous entrons. Les Gentils, qui ne vivent pas selon la raison, semblables aux chameaux, après avoir déposé le joug de l'idolâtrie, entrent plus facilement que les Juifs. Ceux-ci, se flattant d'être riches de la connaissance des mystères de Dieu, sont tardifs à abandonner leurs richesses. Cette aiguille a cousu la tunique d'immortalité; la chair à l'esprit, le Juif au Gentil, l'Ange à l'homme, le Ciel à la terre.

            Saint Augustin, d'après Jansénius [de Gand], et saint Grégoire, d'après saint Thomas: L'aiguille perçante est la Passion; le chameau qui entre, le Christ, chargé de nos péchés; le chameau entre plus facilement, car, s'il n'était entré, [395] jamais riche ou orgueilleux ne serait entré. Certaine explication au sujet d'une porte de Jérusalem est fabuleuse.

            Les deux hypothèses sont impossibles; mais la première serait plus facilement réalisée par Dieu à qui les créatures irraisonnables ne font nulle résistance; la seconde plus difficilement, car, par son libre arbitre, l'homme lui résiste. Saint Augustin, sur ce texte: Il en fera de plus grandes encore.

            Saint Jérôme et saint Chrysostôme pensent que le mot impossible est employé hyperboliquement et signifie seulement très difficile: Si l’Ethiopien peut changer de peau, etc.

            Saint Jérôme, sur Isaïe, LX: Tu seras inondé par une multitude de chameaux et par les dromadaires de Madian et d'Epha. Théophylacte explique la difficulté de deux manières: il distingue entre celui qui a été riche et celui qui l'est encore (ainsi saint Augustin contre les Pélagiens, épître LXXXIXe), entre celui qui est riche de fait et celui qui l'est d'affection.

            Euthymius. Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache.

            Les chèvres.

            Triple pauvreté: par profession, par pratique, par affection. [396]

 

CLIV. Sermon pour la fête de saint Joseph

 

19 mars 1621

 

(INÉDIT)

 

LUGDUNI, AD FESTUM SANCTI JOSEPHI

IN TEMPLO PATRUM SOCIETATIS JESU NOVITIATUS, CUM PRIMUM PATRONI FESTUM IN TEMPLO RECENTER AEDIFICATO AGERETUR

1621

 

Justus ut palma florebit.

Psal. 91. v. 13.

 

            Sancta et amabilis solemnitas, auditores, sancta et venerabilis ecclesia (templum), sancto et amabili Patriarchae dedicata. O Sancte Joseph, «quibus te laudibus efferam nescio, quia quem caeli capere non poterant» tuis brachiis conclusisti! Et ecce primum elogium quod hodierna die profert et cantat Ecclesia in officio Missae: Justus ut palma florebit. Quod ideo elegi tractandum [397] quia primum est, quia ab avo Sancti Joseph est, sed maxime quia uberem mihi profert materiam loquendi de sacratissimo matrimonio Josephi et Beatae Virginis, et de sacratissima humilitate qua excellentissima sua privilegia et virtutes celavit. Quae erunt duo puncta hujus sermonis, quae concludam petitione aquae quam Samaritana petiit, ut etiam aliquid de Evangelio Feriae dicam. Sed ut utiliter loquar de tuo hoc Patre, verto me ad tuam pietatem: «Sanctissimae Genitricis tuae Sponsi, quaesumus, Domine, meritis adjuvemur, ut quod possibilitas nostra non obtinet, ejus nobis intercessione donetur;» et tibi, o Virgo, dico Ave Maria, etc.

 

 

 

A LYON, POUR LA FÊTE DE SAINT JOSEPH

DANS L'ÉGLISE DU NOVICIAT DES PÈRES DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS, LE JOUR OU SE CÉLÉBRA POUR LA PREMIÈRE FOIS LA FÊTE PATRONALE DE CETTE ÉGLISE RÉCEMMENT CONSTRUITE

1621

 

            Le juste fleurira comme le palmier.

 

            Quelle sainte et aimable solennité, mes auditeurs! Quelle église (temple) sainte et digne de vénération, dédiée à un saint et aimable Patriarche! O saint Joseph, «je ne sais de quelles louanges vous honorer, parce que vous avez» pressé dans vos bras «Celui que les cieux ne peuvent contenir.» Et voici le premier éloge que ce jour met en lumière et que chante l'Eglise dans l'office de la Messe: Le juste fleurira comme le palmier. Je le choisis pour mon sujet [397] parce qu'il est le premier, parce qu'il a été prononcé par l'aïeul de saint Joseph, mais surtout parce qu'il fournit matière abondante pour un discours sur le mariage très sacré de Joseph avec la Bienheureuse Vierge et la très sainte humilité sous laquelle il a caché ses vertus et ses magnifiques privilèges : tels seront les deux points de ce sermon. Je le conclurai en demandant l'eau que demandait la Samaritaine, ce qui me permettra de dire un mot de l'Evangile de la férié. Mais pour que je parle avec profit de votre Père, je m'adresse, Seigneur, à votre piété filiale: «Nous vous en supplions, Seigneur, que les mérites de l'Epoux de votre sainte Mère nous soient en aide, et que les grâces que nous ne pouvons obtenir par nous-mêmes nous soient accordées par son intercession;» et à vous, ô Vierge, je dis, Ave Maria, etc.

            [Reprendre au texte, lig. 13.] [398]

 

            En l'Arabie que, pour la benigne influence du ciel qui la rend fertile en toutes sortes d'arbres aromatiques, on appelle Heureuse, il y a, ce disoyent les Anciens, cet oyseau tout a fait admirable, et si rare quil est unique, qu'on appelle phoenix. Or, on dit, apres la revolution de plusieurs siecles il devient si charge des infirmites de sa viellesse en sorte qu'a peine peut il voler, et sa vie alhors luy semble tellement mortelle qu'il ne peut pas mesme esperer de vivre que par la mort; de sorte quil assemble et, etc., et se fait un bucher, etc. Or, apres il vole, il vit gay et joyeux, et avec une jeunesse toute vitale il passe un'autre nouvelle suite de siecles, etc. Telle est la narration des Anciens, non seulement prophanes mais aussi chrestiens; de saint Basile, saint Ambroyse et cent autres. [398]

            Certes, il est vray, mes treschers auditeurs, que le pecheur envielli en son iniquite, etc., il se doit faire un bucher, et exciter un feu qui le reduise en cendre et le face devenir vermisseau de poenitence; puis de cet estat la il passe a la justice, et comme un autre phoenix il vole, il est gay, et se peut dire quil sacrifie le sacrifice de justice: Sacrificabo sacrificium justitiae; Introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam.

            Mays pourquoy vous dis-je ceci? Parce, mes treschers auditeurs, que Tertullien, 1. de Resur. carnis, a ainsy entendu nostre verset et la comparayson qui y est: Justus ut palma fiorebit; car ayant treuve le mot de phoenix en la version des 72: Justus ut phoenix florebit, il y a dit que le poenitent parvenu a la parfaite resipiscence et poenitence, il se treuve tout rajeuni et comme resuscite a la grace.

            Mais, bien que 1'authorite de ce grand personnage merite beaucoup d'honneur en ce quil a dit de bon sens, si est ce neanmoins quil nous faut attacher a la version ordinaire canonizee par la sainte Eglise, laquelle est justificata in semetipsa. Et de fait, bien que phoenix en grec signifie ce rare et admirable oyseau duquel nous avons parle, si est ce quil signifie aussi la palme: la palme estant le phoenix des arbres comme le phoenix est la palme des oyseaux, avec beaucoup de similitude de l'un a l'autre, hormis que la palme n'est pas si rare que le phcenix, ni le phoenix si fertile que la palme.

            Disons donques que David a dit: Justus ut palma florebit, parlant de la vraye palme; car qui ne void que sa comparayson est des arbres de la palme et du cedre? Sicut cedrus; et puis, florebit, et plantatus, etc. [399]

            Or, il y a mille et mille parangons de la palme au juste. La palme est le prince des arbres, lejuste, des hommes. Ell'est tous-jours verdoyante, elle prend ses accroissemens en haut, demeurant petite et mince du coste de la terre, ell'est toute armee, elle resiste au poids, elle porte des fruitz si excellens. Mays il me semble que tout cela est commun a tous les justes, bien qu'il appartient tres particulierement et avantageusement au glorieux saint Joseph. C'est pourquoy j'ay jette les yeux sur des merveilleuses et rares conditions de cet arbre, qui conviennent, par rapport et similitude, tres singulierement a saint Joseph.

            La premiere, que les palmes sont de deux sortes: les unes sont males, que nous pourrons appeller palmiers, et les autres femelles, qui retiennent le nom de palme. Et voyci la merveille. On marie les palmes pour les rendre fertiles, et leur mariage est tout virginal, pur, saint et incontamine. Explica historiam quam poteris graphice. O Dieu! vous voyes des-ja la plus part ce que je veux dire, mays il est expedient que je l'explique pour les simples. Cum esset desponsata Mater Jesu Maria Joseph, antequam convenirent, etc. Non, le palmier ne faeconde pas la palme, c'est le soleil qui la faeconde; mais la nature a volu observer cette ceremonie, peut estre seulement pour nous acheminer par cette similitude a ce que nous disons maintenant. C'est le Saint Esprit qui feconde la tressainte Vierge: Spiritus Sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi, etc.; Quod in ea natum est, de Spiritu Sancto est. [400] Mays le Saint Esprit a voulu observer cette ceremonie, que la tressainte Vierge ne conceut pas qu'a l'aspect et a l'ombre du sacre mariage, mariage totalement virginal et qui «virginitatem Matris non minuit sed sacravit;» et c'est ce qui exalte merveilleusement saint Joseph, destre le vray mari d'une si sainte Espouse. Soror nostra parva est, et ubera non habet: quid faciemus sorori nostrae in die quando alloquenda est? (Cant. 8, circa finem.) Si murus est, aedificemus super eum propugnacula argentea; si ostium est, compingamus illud tabulis cedrinis. Custos nimirum sacrae virginitatis. Venter tuus sicut acervus tritici, vallatus liliis. «AEdituum Spiritus Sancti» appellat Tertullianus pudicitiam. Ex hoc autem matrimonio consurgit aliud privilegium Sancti Joseph, quia etsi pater naturalis Christi Domini non sit, est tamen plus quam pater putativus, plus quam socer, et Christus licet non sit filius Joseph est tamen filius suus; il n'est pas son filz, mais un filz sien. Ut columba ferens dactilum et relinquens eum in horto, palma quae oriretur est possessoris horti. Ergo, ut palma florebit: floret palmier in palma, id est, fructificat.

            2°. Comae ejus sicut elatae palmarum, nigrae quasi corvus. Elatae nigrae continent flores albos. Dic [401] historiam. Justus ut palma florebit. Omnes quidem, sed maxime Sanctus Joseph, qui humilitate celavit omnes virtutes quae eum justum faciebant. Homo tunc temporis incognitus: Mortui estis, et vita vestra abscondita est cum Christo in Deo. O quanta humilitas in Evangelio nostro! [402]

 

CLV. Sommaire d'un sermon pour la fête de l'Assomption de la Sainte Vierge

 

15 août 1621

 

(INÉDIT)

 

ANNESSII. AD FESTUM ASSUMPTIONIS BEATAE VIRGINIS, 1621

IN EJUS ÆDE

 

Maria optimam partem elegit.

Luc. 10. v. ult.

 

            Non soleo nisi ex sensu litterali sermones meos contexere; verum hic Ecclesiae authoritas suadet aliter facere. lntravit Jesus in quoddam castellum, etc. Dic Evangelium, deinde addes: hac comparatione Ecclesia utitur; domus haec in qua Christus venit, etc., Maria est Mater. AEdificavit costam quam tulerat in mulierem; Gen. 2. v. 22, etc. In Maria, domo Christi, duae sorores: homo exterior, homo interior; homo vetus, homo novus. Mea anima portio superior, inferior: Sentio [403] aliam legem; condelector Dei legi, secundum interiorem hominem; Ro. 7. 2. Cor. 4. v. 16: Sed licet qui foris est noster homo corrumpatur, tamen is qui intus est renovatur de die in diem.

            Venit Christus in ventrem, venit in mentem. In ventrem: Beatus venter qui te portavit, et ubera quae suxisti; in mentem: Quinimo, beati qui audiunt Mot Dei et custodiunt illud. Nulla mulier tam attenta contemplationi, nulla tam operosa in actione, in nutriendo Christo. Et Maria relinquit Martam ministrare perfecta abdicatione rerum temporalium et prudentiae carnalis; nam tota intenta contemplationi et confidentiae in Deum. [404]

 

 

 

ANNECY. FÊTE DE L'ASSOMPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE, 1621

DANS SON EGLISE

 

            Marie a choisi la meilleure part.

 

            J'ai la coutume de suivre dans mes sermons le sens littéral; mais ici l'autorité de l'Eglise me persuade d'en agir autrement. Jésus entra dans un village, etc. Raconter l'Evangile et ajouter ensuite: l'Eglise emploie cette comparaison; la maison dans laquelle vient le Christ, c'est Marie sa Mère. Il forma la femme de la côte qu'il avait tirée [d'Adam,] 'etc. En Marie, maison du Christ, se trouvent deux sœurs: l'homme extérieur, l'homme intérieur; le vieil homme, l'homme nouveau. Il y a dans mon âme la partie supérieure et [403] la partie inférieure: Je sens une autre loi; je me complais clans la loi de Dieu selon l'homme intérieur. Mais, bien que notre homme extérieur se détruise, cependant l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour.

            Le Christ vint dans le sein de Marie, il vint dans son esprit. Dans son sein: Heureuses les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles que vous avez sucées; dans son esprit: Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent. Aucune femme ne fut aussi appliquée à la contemplation, aucune ne fut aussi laborieuse dans l'action, aussi dévouée au soin du Christ. Marie, par un parfait renoncement aux choses temporelles et à la prudence de la chair, laisse Marthe servir; car elle est tout absorbée par la contemplation et la confiance en Dieu. [404]

 

CLVI. Sermon pour la fête de saint Philippe et de saint Jacques, et pour le cinquième Dimanche après Pâques

 

1er mai 1622

 

(INÉDIT)

 

ANNO VERO 1622, DIE PRIMA MAII QUAE ERAT FESTUM SANCTORUM PHILIPPI ET JACOBI ET DOMINICA ROQATIONUM, ITA SERMONEM SCRIPSI

 

            Amen, amen, dico vobis; si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis, Jo. 16; et Jo. 14: Si quid petieritis me in nomine meo, hoc faciam. Postquam Christus, c. 13 Joan., lavit pedes Discipulorum ac praedixit proditionem Judae et Petri negationem, sequentibus capitibus, XIII. XV. XVI, dixit verba consolatoria ad Discipulos, plena mysterii. Inter alia vero eos [405] consolatur ex eo quod quamvis eos relicturus erat quoad prsesentiam temporalem, tamen eos semper sua protectione erat defensurus et exauditurus. Id autem dupliciter exprimit: ut in initio Evangelii Dominicalis: Amen, amen, dico vobis; si quid petieritis Patrem in nomine meo, etc.; et ut in fine Evangelii Festi: Si quid petieritis me in nomihe meo, hoc faciam. Et tam in uno verbo quam in alio vim petitionis et orationis exprimit. Itaque omnino de oratione habendus est sermo, et ita tempus Rogationum expetit. Verum de oratione dicere non possumus nisi Deus docuerit, et cum Apostolis dicendum est: Domine, doce nos orare; Luc. XI, v. 1.

 

            En verité, en verité, je vous dis, que si vous demandes quelque chose au Pere en mon nom, il vous le donnera.

            1°. Vitandi errores Messalianorum sive Euchitarum qui nimium, Pelagianorum et Wiclefitarum; supra. Vide Bellarminum, 3 tom. [Controv.,] De bonis Operibus.

            2°. Male utitur Wiclef distinctione antiquorum theologorum ac Sanctorum (triplex oratio: vocalis, mentalis, vitalis sive operum); at nos recte uti debemus. [406]

             [Vocalis.] Voce mea ad Dominum clamavi, voce mea ad Dominum deprecatus sum; Ps. 141. Augustinus et Ecclesiae consuetudo: Domine, labia mea aperies, et os meum annunciabit laudem tuam; «Praeceptis salutaribus moniti, et divina institutione formati.»

            Mentalis. Sicut pullus hirundinis sic clamabo, meditabor ut columba; Isa. 38. Quomodo dilexi legem tuam, Domine! tota die meditatio mea est; [Ps.] 118. Pulcher locus, Ex. 14. v. 15: Quid clamas ad me? Bernardus, sermo 16 in Psal. 90: «Clamor in Dei auribus est vehemens desiderium.» Apud Deum, non tam valet clamor quam amor. Cassiodor., in Psal. 16: «Oratio est perfecta cujus et causa clamat et lingua, et vita et cogitatio.»

            Vitalis. Absconde (Ecclesi. 29), conclude eleemosynam in sinu, in corde pauperis, et ipsa orabit pro te ad Dominum. Abbas Lucius in Vitis Patrum, apud Cornel., in Com. Epistolae [1] ad Thessalonicenses, fol. 697. Sic antiqui principes monasteria faciebant et pii viri monasteria faciunt, in quibus semper oratur et semper ipsi cum orantibus orant, ut Saulus erat in manibus lapidantium, etc. [407]

            3°. In omnibus orationibus semper petitur a Deo; ipsi servimus, non nobis ipsis inutiles sed Deo: Inclinavi cor meum ad faciendas, etc. Tria vero notantur.

            Si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis. Porro duo verba principalia expendo. Patrem: Levavi oculos meos in montes; omnis oratio terminatur ad Deum: Ad te levavi oculos meos, qui habitas in caelis. Et cum dicimus Patrem, loquimur de tota Sancta Trinitate; sic enim, c. 14: Si quid petieritis me in nomine meo hoc faciam. Ego et Pater unum sumus. Philippe, qui videt me, videt et Patrem meum. Nescitis quia ego in Patre et Pater in me est? Petimus quidem a Sanctis, sed non absolute, sed petimus praeces nostras eorum praecibus adjuvari. Itaque: «Sursum corda. Habemus ad Dominum.»

            In nomine meo, tanquam Mediatoris (antiqui jam ita orabant, sed non explicite; nunc explicatius, nunc intentius, ut explicatius creditur); alioquin non sumus digni aspici. Propter David servum tuum non avertas faciem Christi tui. Omnipotens oratio, nam «vere dignum et justum est» exaudiri Filium a Patre. Non [408] accepistis spiritum servitutis iterum in timore, sed accepistis spiritum filiorum, in quo clamamus: Abba, Pater. Respice in faciem Christi tui. Joannis abbatis oratio. [Cornelius,] fol. 565. [Comm.] in Pentath., Jacob in imo scalae. Ita Ecclesiae omnes praeces, ab initio, incipit a Cruce, desinit in Crucem. [409]

 

 

 

MAIS EN 1622, LE 1ER MAI, FETE DES SAINTS PHILIPPE ET JACQUES ET DIMANCHE DES ROGATIONS, J'AI ECRIT LE SERMON AINSI

 

            En vérité, en vérité, je vous le dis; si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. Après avoir lavé les pieds de ses Disciples et prédit la trahison de Judas et le reniement de Pierre (Jean, chap. XIII), Jésus, dans les chapitres suivants, adressa à ses Disciples des paroles consolatrices, pleines [405] de mystère. Or, entre autres, il leur donne cette consolation, que, s'il les quitte quant à sa présence temporelle, néanmoins, les couvrant toujours de sa protection, il les défendra et les exaucera. Et il exprime sa promesse de deux manières, comme au commencement de l'Evangile du Dimanche: En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose a mon Père en mon nom, etc.; et comme à la fin de l'Evangile de la fête: Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. Et dans l'une et l'autre proposition, il exprime la puissance de la demande et de la prière. Voilà pourquoi nous devons absolument parler de la prière; le temps des Rogations du reste l'exige. Mais nous ne pouvons parler de la prière que si Dieu nous instruit; disons donc avec les Apôtres: Seigneur, enseignez-nous à prier.

             [Reprendre au texte, lig. 13.]

            1. Il faut éviter les erreurs des Messaliens ou des Euchites qui exagéraient, et celles des Pélagiens et des Wiclefistes; voir plus haut. Voir encore Bellarmin, tome III [de ses Controverses, Traité] sur les bonnes Œuvres.

            2. Wiclef use mal de la distinction des anciens théologiens et des Saints qui comptaient trois sortes de prières: la vocale, la mentale et la vitale ou la prière des œuvres; quant à nous, nous en devons bien user. [406]

             [Vocale.] J'ai élevé ma voix pour crier vers le Seigneur; j'ai élevé ma voix pour supplier le Seigneur. Saint Augustin et la coutume de l'Eglise: Seigneur, ouvrez mes lèvres, et ma bouche annoncera votre louange. «Instruits par vos préceptes salutaires, et formés à votre école divine.»

            Mentale. Je crierai comme le petit de l'hirondelle, je méditerai comtne la colombe. Combien ai-je aimé votre loi, Seigneur! Elle est tout le jour le sujet de ma méditation. Beau passage, dans l'Exode: Pourquoi cries-tu vers moi? Saint Bernard, sermon XVIe sur le Psaume XC, dit: «C'est une clameur aux oreilles de Dieu, qu'un ardent désir.» Auprès de Dieu le cri ne vaut pas autant que l'amour. Cassiodore, sur le Psaume XVI, déclare que «la prière est parfaite quand l'objet de cette prière, la langue, la vie, la pensée crient à la fois.»

            Vitale. Cache, renferme l'aumône dans le sein, dans le cœur du pauvre, et elle priera pour toi le Seigneur. L'abbé Lucius, dans les Vies des Pères, cité par Corneille, dans son Commentaire sur la [Ire] Epître aux Thessaloniciens, folio 697. C'est ainsi que les anciens princes fondaient, que les hommes pieux fondent encore des monastères où toujours on prie, et où, avec ceux qui prient, eux-mêmes prient toujours; de même Saul agissait par les mains de ceux qui lapidaient, etc. [407]

            3. Toute prière renferme toujours une demande à Dieu; nous sommes serviteurs inutiles, non relativement à nous-mêmes, mais relativement à Dieu. J'ai porté mon cœur à accomplir, etc. Mais il faut faire trois remarques.

            Si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera. Or je vais développer les deux mots les plus importants. Père: J'ai levé mes yeux vers les montagnes; toute prière aboutit à Dieu: J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux. Et quand nous disons Père, nous comprenons toute la sainte Trinité; c'est ce qui explique le chapitre XIV: Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. Mon Père et moi sommes un. Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père. Ne savez-vous pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Nous demandons bien aux Saints, mais non d'une manière absolue, nous demandons qu'ils appuient nos prières par les leurs. Aussi disons-nous: «En haut les cœurs! Nous les tenons élevés vers le Seigneur.»

            En mon nom, comme Médiateur (déjà les anciens priaient de la sorte, mais implicitement; nous, nous prions ainsi plus explicitement, plus formellement, comme notre foi aussi est plus explicite); sans cela nous ne serions pas dignes d'être regardés. A cause de David votre serviteur, ne détournez pas la face de votre Christ. La prière est toute-puissante, car «il est vraiment digne et juste» que le Fils soit exaucé du Père. Vous n'avez pas reçu l'esprit [408] de servitude qui vous retienne encore dans la crainte; mais vous avez reçu l'esprit des enfants, par lequel nous crions: Aida, Père. Regardez en la face de votre Christ. Prière de l'abbé Jean. [Corneille,] folio 565 [de son Commentaire] sur le Pentateuque, Jacob au bas de l'échelle. Aussi dès l'origine, l'Eglise commence et finit-elle toutes ses prières par le signe de la Croix. [409]

 

CLVII. Recueil de notes sur divers sujets

 

            Vide in Actis Apostolorum Beatum Paulum dici vas electionis, non quia praedestinavit ad gloriam more reliquorum salvandorum, sed quia destinavit ad excellentem gratiam, tum gratum facientem, tum ad peculiarem gratiam gratis datam, et insigne officium. Quomodo intelligi etiam debet id quod de vasis dixit idem Sanctus Paulus, ad Rom. c. 9, et de Jacob et Esau, etc.; nam unus locus alteri lucet ad interpretationem forsan. [Gen.,] 25. v. 23.

 

            Psal. 70. Vide apud Genebrardum quomodo, quando nescimus misteria, recurrendum sit ad potentiam Domini. [410]

            Cum exarserit in brevi ira ejus, etc., intellige de ira quae in Verbo abbreviato super terram exarsit in die Passionis forsan. Vel brevi, id est, statim; est enim phrasis antiquae Scripturase ut dicat Incarnationem statim futuram, et non tardabit etc. Quod ideo dicitur quia breve est spatium, non absolute quidem, sed habito respectu ad id quod merebamur, cum enim meremur ut nunquam veniret qui mittendus erat. Et si tertia getate venerit, cito ac statim dicitur venisse, comparatione nimirum aeternitatis qua potuisset tardare forsan.

 

            Haeresis ut cancer serpit, velociter currit sermo ejus. Serpit haeresis, quia tota terrae humanoque intelligendi modo innititur, et ventri innititur et gulae et libertati carnali; at sermo Domini currit, scilicet quia pedibus leviter terram tangit, quod faciunt velociter currentes. Accommodat enim se per similitudines et parabolas nobis, at quod reliquum est in sublimia et ardua misteria fertur. Id forsan.

 

            Qui capite gerit titulum De Praesumptionibus, meretur ut illi proferatur capitulum: Afferte mihi gladium. Forsan. [411]

            Apostoli dum perseverarent cum Maria acceperunt Spiritum Sanctum. Quod nota, tum ut scias cum Maria multum esse lucri, tum praeferri Mariam omnibus honore tanquam omnium dignissimam; non enim diceremus principem ire vel esse cum assecla, sed asseclam cum principe. Forsan.

            Prima verba quae dicta sunt in deformatione generis humani dicta sunt ad mulierem; prima quae dicta sunt in reformatione dicta sunt ad Mariam, quod ad ea attinet quae relata sunt ab Evangelistis; quoad alia vero idem dicendum est, cum credendum sit experimentaliter vel exercitative ab ipsa Matre didicisse. Forsan.

 

            Sacerdos concionabundus, ut se non verba mundana habiturum sed ccelestia et Christi crucifixi, initio pingit Crucem, quae principium est et pars concionis. Ave Maria autem est invocatio separata. Forsan.

            Sermo Christi est ut rosarium: folia, spem virescentem; spinae, fidem repugnantem sensui et mundo; rosae, charitatem. Vel, folia gratiam, rosae praemia, spinae paenas. Ex hoc rosario qui sine lumine temere rosas, id est, sensus, vult capere, saepe pungitur. Forsan. [412]

            Esau fuisse damnatum quod ad personam attinet, non video quomodo constet. Vix enim quicquam mali de eo referunt Scripturae; in Genesi mortem autem ejus non scribunt, quia persequuntur tantum quae ad populum electum spectabant. Quae vero dicuntur in Osaea, in Genesi, ad Ro. et alibi, constat apertissime, si omnia inter se conferantur ut par est, intelligi de populis Israeliticis et Idumaeis, non de personis. Illud enim: Major serviet minori, observatur recte ab Augustino non posse applicari personis nisi moraliter, ut Esau serviverit persequendo. Forsan. [413]

 

 

 

            Voir dans les Actes des Apôtres, saint Paul appelé vase d'élection, non seulement parce que Dieu le prédestinait à la gloire, comme il y prédestine les autres élus, mais parce qu'il le destinait soit à une éminente grâce de celles qui sont appelées gratum faciens, soit à une grâce spéciale gratis data, et qu'il l'appelait à une mission extraordinaire. Il faut entendre dans ce sens ce que le même saint Paul dit des vases, et de Jacob et d'Esau; car un passage donne peut-être lumière pour l'interprétation de l'autre.

            Voir dans Génébrard comment il faut recourir à la puissance du Seigneur quand nous ne comprenons pas un mystère. [410]

            Lorsque sa colère s'enflammera in brevi. L'entendre peut-être du courroux qui a sévi au jour de la Passion, contre le Verbe presque anéanti (abbreviato) sur la terre; ou encore, bientôt, en peu de temps, c'est-à-dire, aussitôt. C'est le style de l'Ancien Testament d'annoncer que l'Incarnation aura lieu aussitôt, et qu'elle ne tardera pas. Ces expressions indiquent une durée courte non pas en soi, mais relativement à nos mérites, car nous méritions que le Messie ne vînt jamais. Ht, bien qu'il soit venu dans le troisième âge, on dit qu'il est venu promptement et aussitôt, peut-être par comparaison avec la durée de l'éternité, pendant laquelle aurait pu se prolonger notre attente.

            L'hérésie rampe comme la gangrène, la divine parole court avec vitesse. L’hérésie rampe parce qu'elle s'appuie tout entière sur la terre et sur la raison humaine, et qu'elle favorise l'avidité des sens et la liberté de la chair; mais la parole du Seigneur court toujours, parce qu'elle touche la terre du bout des pieds, comme font ceux qui courent avec célérité. Effectivement, tout en se mettant à notre portée par des similitudes et des paraboles, elle s'éleve, du reste, à de sublimes et difficiles mystères.

            Celui qui se fonde sur le titre Des présomptions, mérite qu'on lui applique le chapitre: Apportez-moi un glaive. [411]

            C'est lorsque les Apôtres persévéraient avec Marie qu'ils reçurent l'Esprit-Saint. Noter cela pour comprendre soit le grand avantage qu'il y a d'être avec Marie, soit la préséance d'honneur qui place Marie au-dessus de tous, comme étant la plus digne; car nous ne disons pas que le prince voyage ou est avec son courtisan, nous disons que celui-ci est avec son prince.

            Les premières paroles concernant la chute du genre humain ont été dites à la femme; les premières concernant la réparation furent dites à Marie, celles du moins que rapportent les Evangélistes; mais il faut en croire autant de celles prononcées par Jésus-Christ, puisque sa Mère a contribué à lui faire acquérir la science expérimentale ou exercitative.

            Le prêtre commence la prédication en traçant le signe de la Croix, pour montrer que ses paroles seront non pas mondaines mais célestes. Ce signe est le début et fait partie du discours. Quant à l'Ave Maria, il forme une invocation distincte.

            La parole du Christ est comme un jardin planté de rosiers: les feuilles sont la verdeur de l'espérance; les épines, la lutte de la foi contre les sens et le monde; les roses, la charité. Ou bien les feuilles sont la grâce; les roses, la récompense; les épines, le châtiment. L'imprudent qui, sans discernement, veut y cueillir des roses, c'est-à-dire des interprétations arbitraires, se pique souvent. [412]

            Je ne vois pas la preuve de la damnation personnelle d'Esaü. L'Ecriture ne dit presque pas de mal de lui. La Genèse ne raconte pas sa mort parce que les Saintes Ecritures s'attachent seulement à ce qui concerne le peuple choisi. Les paroles qu'on lit dans Osée, la Genèse, l'Epître aux Romains et ailleurs prouvent très clairement, si, comme on le doit, on les compare toutes entre elles, qu'il s'agit non des personnes, mais des peuples d'Israël et de l'Idumée. Ces mots: L'aîné servira le plus jeune, comme l'observe avec raison saint Augustin, ne peuvent s'appliquer aux personnes que moralement, comme par exemple lorsque Esaii a servi Jacob en le persécutant. [413]

 

CLVIII. Sermon pour la fête de l'Exaltation de la sainte Croix

 

            Dieu m'a donné un extraordinaire desir de planter en tous les cœurs des enfans de la sainte Eglise la reverence et l'amour de la sainte Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ. J'ay plusieurs fois consideré qu'apres que le grand Judas Machabee eut reedifié le Temple de l'ancienne Sinagogue, la nation hebraïque sentit tant de consolation, que tous les peuples tombans en face louerent et benirent Dieu qui les avoit ainsy prosperé. Dans ceste pensee je dis: O mon Dieu, quelle [414] consolation et jubilation de cœur doivent avoir les Chrestiens, considerant l'exaltation de la sainte Croix, laquelle ayant esté terrassee et abbatue par les infidelles, fut relevee et redressee par ce genereux cappitaine Heradius! Certes, nostre joye doit estre d'autant plus grande, qu'en cest ancien Temple il n'y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des aigneaux, etc.; mays sur la Croix et en la Croix, le Filz eternel de Dieu s'est offert et immolé.

            L'ancien Temple ne fut jamais teint d'autre sang que des bestes, mais ceste sainte Croix a esté teinte du sang de l'Autheur et consommateur de tous les sacrifices. Ceste Croix devance d'une grande traitte la magnificence de l'ancien Temple, de tout autant que le sacrifice de la sainte Croix surpasse tous les autres; et il n'y a point de bons Chrestiens qui ne doivent aymer plus tendrement la pauvreté, l'abjection et les douleurs de la Croix de Jesus Christ que les anciens Juifz n'aymoyent les richesses, la magnificence et les delices de leur Temple.

            Cest ancien Temple fut edifié troys fois: la premiere sous Salomon, la seconde sous Darius, et la troysiesme sous Machabee. Et ainsy la tressainte Croix a esté exaltee troys fois: la premiere sous Nostre Seigneur Jesus Christ, la seconde sous Constantin par la devote sainte Heleine, et la troysiesme sous Heraclius. Les bons Juifz ont tousjours essayé de rebastir leur Temple quand les ennemis l'ont abbatu ou qu'ilz y ont fait des bresches; de mesme les bons Chrestiens doivent tousjours travailler a exalter la sainte Croix, quand plus les ennemis s'efforçent d'en abbattre l'honneur et la devotion.

            Saint Paul, cest incomparable maistre et docteur de l'Eglise naissante, avoit pris Jesus Christ en la croix pour les delices de ses amours, pour le theme de ses sermons, pour le but de toutes ses gloires, pour le terme de toutes ses pretentions en ce monde et pour l'appuy de toutes ses esperances en l'eternité. J'ay estimé, dit il, ne rien sçavoir que mon Jesus crucifié. Ja n'advienne que je me glorifie en quelque autre chose qu'en la croix de mon Jesus: et ne croyes pas, mes chers Galates, que j'aye d'autre vie que celle de la croix; [415] car je vous asseure que je voy et sens tellement par tout la croix de mon Sauveur, que par sa grace je suis du tout crucifié au monde, et le monde m'est crucifié. Bienheureuse est l'ame qui void ainsy par tout Jesus Christ crucifié.

 

            Je conseille volontier a mes devotz et devotes, pour se rafraischir plus souvent la memoire de la tressainte Croix, qu'ilz en portent tousjours une ou a leur col ou a leurs chapeletz, et qu'ilz ne soyent jamais sans avoir une croix sur eux pour la voir et bayser souvent, car le bayser est un signe d'amitié: et c'est pourquoy Jesus Christ, le parfait Amant de nos ames, baysoit ses Apostres quand ilz revenoyent a luy; et saint Paul enseignoit a ses disciples: Salues vous l'un l'autre de ma part, en vous donnant le saint bayser.

            Quicomque bayse sans feinte et sans hypocrisie, mais avec une vertueuse intention, son frere chrestien, tesmoigne en verité qu'il l'ayme. Or, pour la preuve de nostre foy, il ne se faut pas contenter de bayser la Croix, mais il faut aymer la Croix; car la bayser sans l'aymer, c'est augmenter le crime de nostre infidelité, et attirer sur nous les punitions de ce peuple duquel Jesus Christ disoit: Ces gens icy m'honnorent des levres, ilz me donnent des baysers hypocritiques et des feintes louanges; mais leur cœur est fort esloignè de moy, et par consequent leurs œuvres sont fort esloignees de mes intentions. D'où le Chrestien doit inferer que ce n'est pas asses d'honnorer la Croix, s'il ne l'ayme; de la bayser, s'il ne l'embrasse par une cordiale et ferme resolution, non seulement d'aymer le Crucifix, mais encores la crucifixion de cœur.

            Quelques contemplatifz ont medité que Jesus Christ, dans la boutique de saint Joseph et en ses trente ans de son adorable vie cachee, s'occupoit quelquefois a faire des croix pour toutes sortes de personnes; et j'ose de sa part en presenter a tous. A Messeigneurs les Prelatz, je presente la croix de la sollicitude et des travaux qu'il faut qu'un bon pasteur souffre pour garder, [416] augmenter, nourrir, perfectionner et corriger ses brebis. Ceste croix de pasteur est la premiere que Jesus a portee; je le prouverais facilement par sa creche, par ses courses, par ses lassitudes et sueurs proche du puitz de la Samaritaine, et par son charitable soin pour ceux mesme qui le tourmentoyent.

            Aux Religieuses et autres gens d'Eglise, je presente la croix de la solitude, du celibat et de l'abnegation du monde; croix sainte, qui a vrayement touché celle de Nostre Seigneur; croix pretieuse portee par la Vierge des vierges, Nostre Dame, qui apres son adorable Filz a esté la plus sainte, la plus innocente et la plus entierement crucifiee de toutes les ames amantes de la tres sainte Croix.

            A Messieurs de la noblesse, je donne la croix de la modestie, le bon usage du tems par des occupations d'esprit bonnes et saintes, autant relevees par dessus les œuvres manuelles des roturiers, que leur condition leur donne de preeminence, et leur naissance d'advantage sur les autres. Et pour troysiesme branche de ceste croix, qu'ilz ayent l'amour du vray honneur, qui est la seule vertu de pieté et crainte de Dieu, et la fuite de ce fantosme d'honneur imaginaire qui les poursuit, et qui s'estant emparé d'eux les jette dans la vanité, dans l'estime de soy mesme, et de la, dans les duelz, et des duelz dans la damnation eternelle.

            A Messieurs de la justice, je presente la croix de la doctrine, de l'equité et de la sincere verité; croix vrayement digne des ministres et officiers du Dieu juste et vivant, qui fait marcher la justice et le jugement devant sa face, et juge toute la terre en equité et verité, comme parle David; croix desirable qui crucifie les respectz humains, la crainte des hommes et l'amour du propre interest, fait fleurir dans une province la paix et le repos des familles.

            A ceux du tiers estat, j'offre la croix de l'humilité, du travail et labeur de leurs mains, croix que Dieu a attachee a leur naissance, mais sanctifiee par l'usage que Jesus Christ a fait du mestier de charpenterie; et il fait [417] dire de soy mesme par son Prophete: Je suis dans le labeur et dans le travail des ma jeunesse. Ceste croix du travail est tres salutaire pour ayder les hommes au salut eternel, parce que l'oysiveté estant la mere des vices, une necessaire et bonne occupation delivré l'ame de mille fantasies qui sont la source des pechés, et la tient dans une aymable innocence et bonne foy.

            Aux jeunes gens, je destine la croix de l'obeissance, de la chasteté et de la retenue en leurs deportemens; croix salutaire qui crucifie les fougues d'un jeune sang qui commence a bouillir et d'un courage qui n'a pas encores la prudence pour guide, qui rendra en fin nos jeunes gens capables de porter le tres suave joug de Nostre Seigneur, en quelque condition que son inspiration les appelle.

            Aux viellars, je presente la croix de la patience, de la douceur et du sage conseil, croix qui requiert un cœur armé de courage, car ilz ne trouveront dans cest aage avancé et refroidy que labeur et douleur sur la terre: c'est le dire de David.

            Il y a si grand nombre de croix pour les personnes mariees et chargées de famille qu'il n'est pas besoin de leur en destiner de particulieres; neanmoins, celle que je leur presente plus volontier c'est le support mutuel, l'amitié fidelle et non interrompue par des amours estrangers, et le soin de l'eslevation des enfans; en donnant bon exemple a toute la famille, ne se pas rendre criminel des crimes d'autruy.

            Les vefves ne manquent non plus de croix. Si elles sont vrayes vefves leur cœur, leur amour et leur playsir doivent estre attachés a la Croix de Jesus Christ, par l'abnegation des passetems du monde et par la meditation de la mort, puisque leur chere moitié est des-ja pourrissante au tombeau.

            Le glorieux saint Anthoine vid un jour toute la terre couverte de pieges et de filetz; et il me semble, que de mes yeux interieurs, je la vois toute parsemee de croix. Heureux ceux qui ne fuyent point la croix! Judas, ce perfide disciple, mena son infernale troupe pour prendre [418] Jesus et le faire clouer a la croix; mais quant a luy, le malheureux, il refusa entierement la croix, ne voulant pas seulement celle de la sainte contrition et penitence que Jesus Christ luy offrait. Ceux qui refusent de prendre humblement et porter vertueusement les croix que Dieu leur presente en ceste vie auront en l'autre le partage de Judas.

            Le grand roy Salomon dit, que tout ce qui se passe sous le soleil est vanité et affliction d'esprit; cela presupposé, il n'y a point d'homme sous le soleil qui puisse eviter la croix et la souffrance. Mais les impies, les ames mal faites sont, contre leur gré, et en despit qu'elles en ayent, attachées a la croix et aux tribulations, et par leur impatience elles se rendent leurs croix fatales; elles ont des sentimens d'estime d'elles mesmes, approchant ceux du mauvais larron; elles unissent par ce moyen leur croix a celle de ce meschant, et aussi infalliblement leurs salaires seront esgaux. Helas! le bon larron fit d'une mauvaise croix, une croix de Jesus Christ. Certes, les travaux, les injures, les tribulations que nous recevons sont des croix de vray larron, et nous les avons bien meritees, et nous devons humblement dire comme ce bienheureux larron: Nous recevons dans nos souffrances ce que nous avons merité par nos offences. Et par ceste humilité, nous rendrons nostre croix de larron, une croix de vray Chrestien. Unissons donq, comme le bon larron, nostre croix de pecheur a la Croix de Celuy qui nous a sauvé par sa Croix; et par ceste amoureuse et devote union de nos souffrances aux souffrances et Croix de Jesus Christ, nous entrerons, comme des bons larrons, dans son amitié, et a sa suite, dans son Paradis.

 

            Regardant donq la sainte Croix de Jesus avec un cœur plein d'amour et de reverence, je feray ces eternelles et inviolables resolutions: O mon Jesus, Bien Aymé de mon ame, permettes-moy que, comme un bouquet de myrrhe, je vous serre sur mon sein, et que je bayse le pied de ceste sainte Croix, teinte de vostre pretieux sang, et que je vous dise que ma bouche, qui est si [419] heureuse que de bayser vostre sainte Croix, s'abstiendra desormais de mesdisance, de murmure et de lasciveté. Mes yeux qui voyent, o Jesus, vos larmes couler pour mes pechés sur la Croix, ne regarderont jamais chose qui vous soit contraire; ces deux luminaires de mon cors defailliront a force de regarder en haut mon Sauveur eslevé sur la Croix; je les destourneray affin qu'ilz ne voyent la vanité du monde, mais qu'ilz avisent tousjours la verité de vostre sainte dilection. Mes oreilles, qui entendent avec tant de consolation les sept paroles prononcees sur la Croix, ne prendront plus de playsir aux vaines loüanges, aux faux rapportz, aux discours abaissant mon prochain, aux vains propos, aux devis inutiles.

            Mon entendement, qui considerera avec goust les adorables mysteres de la tressainte Croix, ne se rebellera jamais en malicieuse et mauvaise imagination. Ma volonté, qui s'est sousmise aux loix de la sainte Croix et a l'amour de Jesus Christ crucifié, ne haïra jamais personne, parce que Jesus son Bien Aymé est mort d'amour pour tous.

            En fin, mon zele sera de planter la Croix en mon cœur, en mon entendement, en mes yeux, en mes oreilles, en ma bouche, en tous mes sens interieurs et exterieurs, affin que rien n'y entre ni en sorte qui ne soit contraint de demander congé a la sainte Croix. Je formeray ce sacré signe avec reverence, j'en marqueray mon cœur en mon resveil et avant mon dormir. Et cherchant en la sainte Croix mon support parmi les angoisses de ceste vie, j'espere d'y trouver ma joye eternelle; car ayant aymé Jesus Christ crucifié en ce monde, je jouiray en l'autre de Jesus glorifié, auquel soit honneur et gloire aux siecles des siecles. Ainsy soit il. [420]

 

CLIX. Fragment d'un sermon pour la fête de l'Ascension

 

Exprobravit incredulitatem eorum et

duritiam cordis.

Jésus reprocha aux Apôtres leur incrédulité

et la dureté de leur cœur.

MARC., XVI, 14.

 

            Les laboureurs ne sèment les champs qu'après qu'ils les ont défrichés et qu'ils en ont ôté les épines; les maçons n'emploient les pierres qu'après les avoir taillées; les serruriers ne font usage du fer qu'après qu'ils l'ont battu; les orfèvres ne se servent de l'or qu'après l'avoir purifié dans le creuset. C'est ainsi que Jésus-Christ voulant employer les Apôtres comme une terre où le grain de l'Evangile porterait du fruit au centuple, comme des pierres qui serviraient de fondement à l'édifice de [421] son Eglise, comme des clefs qui ouvriraient le Royaume des cieux, comme des coupes bien ciselées dans lesquelles le vin de la divine parole devait être bu, commença par leur reprocher leur incrédulité.

            Il leur avait dit: Si peccaverit in te frater tuus, vade et corripe eum; Si votre frère pèche contre vous, reprenez-le. Il pratique cette ordonnance par le reproche qu'il leur fait. Déjà il avait dit aux deux disciples qui allaient à Emmaüs: O stulti et tardi corde ad credendum; O hommes sans intelligence et d'un cœur tardif à croire! A son exemple, saint Paul disait aux Galates: O insensati Galatœ, quis vos fascinavit non obedire veritati? O hommes dépourvus de sens, qui vous a fasciné l'esprit pour vous empêcher d'obéir à la vérité?

            Mais qu'est-ce que Jésus-Christ reproche à ses Apôtres? C'est leur incrédulité. Ce vice déplaît souverainement à la suprême Vérité. Qu'est-ce que l'homme, pour qu'il entreprenne de mesurer sur sa faible intelligence le pouvoir et les mystères de Dieu? Aussi, voyez comment le Seigneur punit ce péché. Zacharie doute, et l'Ange lui dit: Ecce eris tacens, et non poteris loqui usque in diem quo hœc fiant, pro eo quod non credidisti verbis meis; Parce que vous n'avez pas cru, vous perdrez l'usage de la parole jusqu'à la naissance de votre fils. Les enfants d'Israël murmurent dans le désert parce qu'ils manquaient de pain; ils doutent que Dieu puisse leur préparer une table dans le désert; et le Seigneur s'irrite de leur défiance, le courroux du ciel s'allume contre eux: Male locuti sunt de Deo, dixerunt: Nunquid poterit Deus parare mensam in deserto? Ignis accensus est in Jacob, et ira ascendit in Israel. Moïse et Aaron, dans une autre circonstance, recourent à Dieu pour avoir de l'eau. Moïse frappe deux fois le rocher, l'eau coule avec abondance; mais parce que son frère et lui avaient eu quelque doute, Dieu leur déclare qu'ils n'entreront point dans la terre promise: Quia non credidistis mihi, non introducetis hospopulos in terram quam dabo eis. [422]

            De quoi Jésus reprend-il ses Apôtres? C'est de n'avoir pas cru au témoignage des personnes qui avaient vu qu'il était ressuscité: Quia iis qui viderant eum resurrexisse, non crediderunt. C'est ainsi que dans une autre occasion il reprit saint Thomas de n'avoir pas cru au témoignage des autres Apôtres: Noli esse incredulus; Ne soyez pas incrédule, lui dit-il. Il ne suffit pas de croire à l'Ecriture, il faut croire au témoignage de l'Eglise. Les ministres protestants veulent bien que les simples se fient à leur parole, quoiqu'ils reconnaissent pouvoir se tromper sur le sens de la Sainte Ecriture.

            Après que Notre-Seigneur eut fait ce reproche à ses Apôtres, il leur commanda de prêcher l'Evangile: Prædicate Evangelium omni creaturæ; il ne leur ordonna pas de l'écrire, mais de le prêcher. Avant de monter au Ciel, il établit dans son Eglise non des écrivains, mais des pasteurs et des docteurs: Ascendens in altum, ipse dedit... alios autem pastores et doctores. C'est en entendant la prédication que la foi s'est établie dans le monde: Quis credidit auditui nostro? Fides ex auditu. [423]

 

CLX. Sermon pour le Dimanche de Quasimodo, sur les cinq Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ

 

            L'Eglise ne cesse de faire retentir, dans ces jours d'allégresse, le cantique nouveau, le saint Alléluia. Tous ses Offices, toutes ses prières sont entremêlées de ce cri de joie qui souvent répété fait une impression toujours nouvelle sur un cœur vraiment chrétien.

            D'où vient-il cet admirable cantique? Ah! c'est le Ciel qui l'a enseigné à la terre. C'est le cantique des Bienheureux, ainsi que nous l'apprenons de saint Jean. Ce Disciple bien-aimé, cet aigle du Nouveau Testament, dans son extase mystérieuse, a connu les merveilles de la Jérusalem céleste; il a vu le trône de Dieu resplendissant de gloire, et l'Agneau debout comme immolé; il a entendu les Anges et les Saints faire retentir, autour du trône et en présence de l'Agneau, les divers concerts qui commencent et finissent par le sublime transport de l'Alléluia. [424]

            Alleluia! oh! que cette courte prière est excellente! qu'elle est énergique! Car elle ne signifie pas simplement: Louez Dieu, mais elle exprime les louanges divines d'une manière ineffable, avec l'accent de l'amour, avec l'enthousiasme du cœur; c'est un langage céleste qu'on ne peut traduire en aucune langue; c'est un cri d'allégresse, un ravissement d'admiration, l'élan de la plus vive reconnaissance.

            Mais pourquoi l'Eglise nous fait-elle, dès maintenant, entonner les célestes concerts de la vie bienheureuse? Quoi! l'hymne de la fortunée patrie peut-il être sur les lèvres des tristes exilés qui gémissent dans la vallée de larmes! Assis sur les bords des fleuves de Babylone, pouvons-nous chanter le cantique du Seigneur dans une terre étrangère? Oui, sans doute, puisque par la foi nous habitons déjà les Cieux: Conversatio nostra in Cœlis est. Il y a l'amour qui jouit, c'est celui des Bienheureux; et il y a aussi l'amour qui désire, c'est notre partage; et l'un et l'autre chantent Alleluia, parce que l'un et l'autre ne peuvent retenir les transports de leur joie à la vue de l'Agneau debout devant le trône comme immolé: Vidi Agnum stantem tanquam occisum.

            Qu'est-ce à dire, l'Agneau debout comme immolé? Vous le savez, Messieurs, c'est Jésus-Christ qui dans le Ciel conserve ses plaies, marques touchantes de son immolation. A cette vue, tous les Bienheureux célèbrent, dans l'ivresse de leur joie, l'Agneau qui les a rachetés par son sang précieux: Occisus es, et redemisti nos Deo in sanguine tuo.

            Et nous, habitants de la terre, nous sommes appelés à partager ces divins transports; c'est aussi à nous de considérer, avec les yeux du cœur, les plaies adorables de notre bon Maître. Voyez comme, dans l'Evangile de ce jour, il invite saint Thomas à porter les mains dans ses divines plaies pour y puiser les lumières de la foi et les feux de l'amour: Infer digitum tuum hue et vide manus meas, et affer manum tuam et mitte in latus meum; et noli esse incredulus, sed fidelis. [425]

            Ces plaies sont les sources d'eau vive que l'amour du Sauveur nous a creusées clans son propre corps, et dont il a été écrit par Isaïe que nous y puiserons avec joie les grâces les plus abondantes: Haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris. Je m'arrête à ces paroles du Prophète, et je veux considérer aujourd'hui, 1. en quoi consiste la joie avec laquelle nous devons puiser dans les fontaines du Sauveur; 2. combien sont abondantes les grâces qu'il a renfermées pour nous dans ces sources fécondes et miséricordieuses. Haurietis, etc. Tel sera le sujet de notre oraison.

 

 

Premier point

 

            Pourquoi le Prophète nous invite-t-il à la joie en nous rappelant le souvenir des plaies sanglantes de notre Sauveur? Comment chanter l'Alleluia à la vue des tristes marques de sa douloureuse Passion? Haurietis aquas in gaudio. Ah! Messieurs, la joie sainte du temps pascal n'exclut point une douleur chrétienne. Quand l'Eglise nous fait chanter des cantiques d'allégresse en l'honneur de Jésus ressuscité, ce n'est pas pour que nous bannissions de notre esprit l'attendrissant souvenir de ses tourments et de ses supplices, ni pour que nous cessions de verser des larmes sur ses cruelles souffrances. Et si elle célèbre maintenant l'auguste sacrifice de la Messe au milieu d'un concert harmonieux d'Alleluia, ce n'est pas pour que ses enfants oublient que l'oblation de la céleste Victime est la plus vive représentation du sacrifice de la Croix. Non, cette tendre Epouse, fille du Calvaire, née du sang de Jésus, présente toujours à nos yeux les plaies de son divin Epoux pour exciter nos cœurs aux sentiments de la plus tendre compassion. Toujours elle veut que la Croix soit le grand objet de nos adorations et de nos hommages.

            Ce serait donc s'écarter de son esprit que de penser, qu'en ce temps d'une sainte joie, il faut s'abstenir de [426] prêter l'oreille avec une vive émotion aux coups redoublés des bourreaux qui percent les pieds et les mains de Jésus, qui déchirent sa chair adorable, qui ouvrent ses veines, qui meurtrissent cruellement ses nerfs. L'Eglise nous invite toujours à fixer nos yeux sur le Crucifix qui nous représente Jésus élevé en croix; tout le poids de son corps qui ne porte que sur ses plaies, sa chair et ses veines qui se déchirent de plus en plus, ses nerfs qui se brisent, et ses os qui se disloquent les uns après les autres en sorte qu'on peut les compter, comme l'avait prédit le Prophète: Dinumeraverunt omnia ossa mea.

            Ah! s'écrie saint Bonaventure, si une épine seulement nous blesse le pied, nous jetons des cris de douleur; et comment donc serions-nous insensibles aux maux extrêmes qu'a soufferts notre Chef et notre Seigneur! «Quare magis compateris parvae puncturae pedis tui, quam gravissimae morti Domini tui!» Quoi! dit encore le même Saint, nous ne pourrions soutenir la vue d'un tourment affreux exercé, je ne dis pas sur un parent ou sur un ami, je ne dis pas sur un homme inconnu, mais sur un vil animal; et nous verrions sans douleur l'excès des maux que souffre notre Dieu! «Si videres animal brutum ita affligi, humano affectu compatereris, quanto magis Domino Deo!»

            Que sera-ce donc, ajoute le saint Docteur, si nous réfléchissons que nos péchés sont les bourreaux de Jésus-Christ, que c'est pour nos crimes qu'il a été cloué à la croix, que ce sont nos iniquités qui lui ont fait ces plaies si humiliantes et si douloureuses! Quelle profonde tristesse, quelle vive componction, quelle contrition amère ne doit pas s'emparer de notre cœur! «In dolore enim Domini nostri Jesu Christi, debemus intime sibi condolere et compati. Debemus etiam ei condolere et multum dolere quod peccata nostra fuerunt sibi occasio tantae abjectionis et tam immensse afflictionis.»

            Mais en même temps, dit toujours saint Bonaventure, «la bienheureuse Passion de notre Sauveur doit exciter dans un cœur chrétien la plus sainte allégresse et le [427] ravissement de la joie la plus vive: In hac beatissima Passione datur nobilissimi gaudii materia et vehemens exsultatio.» «Eh! qui pourrait ne pas être transporté de joie en se voyant, par l'heureux effet des plaies de Jésus, arraché à la damnation éternelle, à l'esclavage du péché, à la tyrannie du démon! Quis non exsultet et gaudeat, cum cernit seipsum per hanc beatissimam Passionem liberatum a damnatione aeterna, a culpae ignominia, a potestate diabolica!» «Quelles bornes pourrions-nous donner aux transports de notre allégresse, quand nous considérons qu'un Dieu nous a aimés jusqu'à se réduire pour nous à tant d'humiliations et de souffrances! Sed quis non exsultet in immensum, cum cernit Deum ipsum in tantum diligere ut tantae vilitati et pœnalitati subjecerit semetipsum pro eo!»

             «Ce n'est pas que nous nous réjouissions de ses ignominies et de ses douleurs;» non, non, elles feront toujours la matière de nos gémissements et de nos larmes, mais nous sommes saisis de joie à la vue des admirables effets qu'a produits le sang précieux qui coule de ses plaies; nous bénissons mille et mille fois la tendre affection, l'amour ardent qu'il nous a témoigné en mourant sur la croix pour notre salut: «Non quod gaudeat de ejus vilitate et Passione, sed de ejus effectu affectuque, et amoris manifestatione.»

             «Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables, devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et [428] Dominum dominantium et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!»

            Ah! nous pouvons bien assurer qu'il nous aime infiniment plus que nous ne nous aimons nous-mêmes. Chantons donc l'Alleluia de la reconnaissance dans les transports ineffables d'une allégresse sans mesure. «Debemus etiam superextolli immensa exsultatione. Plus enim sine comparatione me diligit, quam ego meipsum.» Ses plaies sont un monument éternel de sa charité, mais de la charité la plus tendre et la plus généreuse. O aimables blessures de mon Sauveur! ô plaies qui ne respirez qu'amour! «O amantissima vulnera Domini nostri Jesu Christi!»

«Ah! Seigneur Jésus, je vous en conjure, percez mon cœur de vos divines blessures, enivrez-moi de votre sang, afin que dans cette ivresse surnaturelle, de quelque côté que je me tourne, je vous voie toujours crucifié; qu'à mes yeux tout paraisse rougi de votre sang, en sorte que, uniquement occupé de vous, je ne puisse rien trouver que vous, je ne puisse rien considérer que vos plaies sacrées: Domine Jesu Christe, cor meum tuis vulneribus saucia, et tuo sanguine inebria mentem meam, ut quocumque me vertam, semper te videam crucifixum, et quidquid aspexero, in sanguine tuo mihi appareat rubricatum, ut sic in te totus tendens, nihil praeter te valeam invenire, nihil nisi tua vulnera valeam intueri.»

 

            Qu'elle est donc grande, Messieurs, la joie dont un cœur chrétien est pénétré en puisant aux sources du Sauveur! Qui pourrait encore exprimer l'abondance des grâces qui sont renfermées pour nous dans ces fontaines de salut et de miséricorde! Faisons-en le sujet de notre méditation dans le second point. [429]

 

 

Second point

 

            Nous apprenons de l'Apôtre saint Paul que Jésus-Christ était figuré par la pierre salutaire, le rocher mystérieux d'où Moïse fit couler des eaux abondantes pour désaltérer le peuple d'Israël: Bibebant autem de spiritali consequente eos petra; petra autem erat Christus. Ces eaux sont les grâces que Jésus-Christ nous a méritées par son sang précieux. «Les trous de la pierre» par lesquels coulent ces eaux divines sont, dit saint Bernard, «les plaies sacrées du Sauveur: Foramina petrae, vulnera Christi.» Allons puiser avec confiance dans ces sources de bénédiction; nous y trouverons une eau vive que Jésus nous a préparée pour nous fortifier contre tous les dangers, et pour former au dedans de nous une fontaine dont l'eau rejaillisse jusqu'à la vie éternelle: Aqua quam ego dabo ei, fiet in eo fons aquae salientis in vitam aeternam.

            Mais pour puiser continuellement et avec facilité cette eau salutaire, il faut entrer jusque dans les trous de la pierre d'où elle découle, il faut établir notre demeure clans les plaies de Jésus-Christ. Ce divin Epoux de nos âmes ne cesse d'inviter sa colombe, sa bien-aimée, à se retirer dans cette sainte habitation: Columba mea in foraminibus petrae. Or, qu'est-ce qu'habiter dans les plaies de Jésus? C'est, dit saint Bernard, avoir une dévotion tendre pour les plaies sacrées du Sauveur, s'élancer vers elles par les affections d'un cœur brûlant d'amour, y tenir l'âme comme collée par une méditation continuelle: «Columba mea in foraminibus petrœ, quod in Christi vulneribus tota devotione versetur, et jugi meditatione demoretur in illis.»

            Ecoutez avec quelle sensibilité touchante continue à s'exprimer sur cet objet le pieux, le tendre, l'affectueux saint Bernard. «Quelle abondance de douceur, quelle plénitude de grâces, quelle perfection de vertus, la colombe ne trouvet-elle pas dans les trous de la [430] pierre! Quanta in foraminibus petrœ multitudo dulcedinis, plenitudo gratiae, perfectio virtutum!» «Elle y habite en sûreté, et elle y considère sans effroi l'épervier qui vole autour du lieu de sa retraite: Bona foramina: in his se columba tutatur, et circumvolitantem intrepida intuetur accipitrem.»

            Quel admirable spectacle! Dès que la colombe a établi son nid dans les trous de la pierre, elle y puise une force et un courage invincible. Ce n'est plus une créature faible et timide que le moindre péril épouvante; c'est un héros intrépide qui ne respire que le bonheur de souffrir et de mourir pour Jésus. «Voyez un martyr toujours inébranlable demeurer ferme quand on lui déchire tout le corps, quand on promène le fer dans ses entrailles. Avec quelle allégresse il contemple son sang qui coule à gros bouillons! Il triomphe, il ne peut contenir les transports de sa joie: Stat martyr tripudians et triumphans, toto licet lacero corpore et rimante latera ferro; non modo fortiter, secl et alacriter sacrum e carne sua circumspicit ebullire cruorem.» «Est-ce donc qu'il ne sent pas la douleur? il la sent, et vivement; mais il la surmonte, mais il la méprise: Nec deest dolor, secl superatur, sed contemnitur.» «Où est donc alors son âme? Ah! elle est dans le lieu sûr, elle est dans la pierre, elle est dans les entrailles de Jésus, elle habite dans ses plaies sacrées: Ubi ergo tune anima martyris? nempe in tuto, nempe in petra, nempe in visceribus Jesu, vulneribus nimirum patentibus ad introeundum.» Là elle s'anime par l'exemple de son Bien-Aimé; là elle renouvelle continuellement sa vigueur; là elle puise la force de boire le calice du Seigneur; là elle s'enivre des délices qui sont cachées dans les souffrances: «Ergo ex petra martyris fortitudo, inde plane potens ad bibendum calicem Domini; et calix hic inebrians quam prœclarus est

            Mais la pierre n'est-elle à servir d'habitation qu'à ces âmes généreuses? Ah! l'Esprit-Saint m'apprend encore que les hérissons, c'est-à-dire les âmes infirmes, y trouvent un refuge et un asile: «Petra refugium [431] herinaciis. Et où, dans ma faiblesse, puis-je,» dit toujours saint Bernard, «trouver la sûreté et le repos, si ce n'est dans les plaies de mon Sauveur? J'y habite avec une sécurité proportionnée à sa puissance.» Je ne puis rien de moi-même, mais je puis tout dans Celui qui me fortifie. «Et revera ubi tuta firmaque infirmis securitas et requies, nisi in vulneribus Salvatoris? Tanto illic securior habito, quanto ille potentior est ad salvandum.» En vain le monde frémissant de rage m'attaque avec fureur; en vain la chair rebelle me livre de violents assauts; en vain le démon artificieux me dresse des embûches perfides, je ne tomberai jamais, pourvu que, caché dans les plaies de Jésus, je m'appuie sur cette pierre ferme. Là j'entonnerai le cantique du salut: Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés: Exsurgat Deus et dissipentur inimici ejus. Je m'armerai de la Croix, je mettrai en fuite tous mes adversaires, et triomphant de leurs vains efforts, je bénirai sans cesse mon Sauveur par l'Alleluia de la victoire. «Fremit mundus, premit corpus, diabolus insidiatur, non cado; fundatus enim sum supra firmam petram

            Quelquefois la pensée des jugements de Dieu jette l'alarme dans ma conscience; je me sens effrayé par la multitude et l'énormité de tant de péchés que j'ai autrefois commis; mais aussitôt, pour me rassurer, je me jette dans les blessures du Seigneur, car je sais qu'il a été blessé pour nos iniquités: «Peccavi peccatum grande, turbatur conscientia, sed non perturbabitur, quoniam vulnerum Domini recordabor; nempe vulneratus est propter iniquitates nostras.» Là je lis écrit de son sang le mystère de son amour, j'adore le témoignage précieux de son immense miséricorde. Quelle plus grande miséricorde en effet que de donner sa vie pour d'infâmes criminels condamnés au supplice! «In quo enim clarius quam in vulneribus tuis eluxisset, quod tu, Domine, suavis et mitis, et multœ misericordiœ? Majorem enim miserationem nemo habet quam ut animam suam ponat quis pro addictis morti et damnationi.» Par la large ouverture que la lance fit au côté de mon bon Maître, [432] je pénètre jusqu'à son cœur; là je me repose dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, et j'y prends abondamment tout ce qui me manque pour payer ce que je dois à sa justice: «Ego fidenter quod ex me mihi deest, usurpo mihi ex visceribus Domini, quoniam misericordiae affluunt.»

 

            Ah! puisque je trouve tant de biens dans les plaies de mon Jésus, je veux suivre le conseil de saint Bonaventure, et je prends pour résolution d'établir trois tentes, non sur le Thabor, car Pierre ne savait ce qu'il disait lorsqu'il faisait cette proposition à Jésus, mais sur le Calvaire où le Sauveur lui-même nous a préparé ces trois demeures dans ses divines plaies: «Bonum est cum Christo esse; et in ipso volo tria tabernacula facere, unum in manibus, unum in pedibus, sed aliud continuum in latere ubi volo quiescere.»

            La première sera dans les plaies faites aux pieds de mon Sauveur. Là j'embrasserai avec une vive reconnaissance ces pieds percés pour mon amour; là j'apprendrai à détourner mes pieds de toutes les routes qui conduisent aux folles joies du monde; là je comprendrai le bonheur de marcher au Calvaire sur la trace sanglante des pas de Jésus: Deus omnia subjecit sub pedibus ejus.

            La seconde sera dans les plaies de ses mains. J'y considérerai ces mains ouvertes pour me recevoir, ces bras étendus pour me soutenir, ce sang qui coule en abondance pour me sanctifier; j'y puiserai la force et la puissance qui réside dans ces mains adorables: In manibus ejus, ibi abscondita est fortitudo ejus.

            La troisième, la plus spacieuse et la plus chère à mon cœur, sera dans la plaie que la lance fit à son côté. J'établirai ma demeure dans la fournaise d'amour, dans le divin cœur transpercé pour moi. Auprès de ce foyer brûlant, je sentirai ranimer au milieu de mes entrailles la flamme d'amour jusqu'ici si languissante. Ah! Seigneur, votre cœur est la véritable Jérusalem; permettez-moi de le choisir à jamais pour le lieu de mon repos: [433] Haec requies mea in saeculum saeculi, hic habitabo quoniam elegi eam.

            Habitant de cette cité divine, je boirai à longs traits dans les fontaines de mon Sauveur, je collerai mes lèvres sur le sang qui en découle, je m'enivrerai de cette liqueur précieuse, et dans ma sainte ivresse j'irai chantant par les rues de Jérusalem l'Alleluia de l'amour: Et per vicos ejus Alleluia cantabitur.

            Nous prendrons pour bouquet spirituel les paroles de saint Pierre; Bonum est nos hic esse, faciamus tria tabernacula. [434]




Copyright © 2014 Salésiens de Don Bosco - INE